Si Dieu est Amour pourquoi le mal ?

 

 

Si Dieu

est Amour

pourquoi

le mal ?

     1ère partie

 

Introduction :


Parmi les grandes questions qui traversent tout humain, celle qui concerne l’origine du mal occupe une place de choix. Elle vient de suite après celle qui a trait à l’existence de Dieu. Si Dieu est Amour, pourquoi le mal ? (j’emprunte ce titre à l’ouvrage de nos amis Karin et Claude Boucherot, cf. Référence en fin de présentation du sujet)

Face à ce défi qui consiste à trouver des réponses satisfaisantes, trois pistes se présentent à la réflexion.


1) accepter la réalité du mal, sans chercher une explication.

2) Faire le constat de cette évidence, et chercher en soi des solutions.

3) Prendre acte de la présence du mal, et chercher des éléments de réponse en dehors de soi.

 

Pour synthétiser soit la solution est en l’homme, soit elle lui est extérieure.

 

Bien qu’il soit intéressant de faire des différences entre le mal subi et le mal commis, entre le mal d’ ordre métaphysique, physique, moral ou spirituel, nous parlerons ici du mal en général. Le mal : « ce qui est contraire au bien, à la vertu, ce qui est condamné par la morale » Le petit Larousse, grand format, 1996

La première piste n’offre guère d’intérêt dans la recherche de sens du mal. Elle correspond à une attitude de résignation et de repli sur soi. On la rencontre pourtant dans tous les milieux de notre société et dans d’autres civilisations. Faute de vouloir explorer cette piste, concentrons-nous sur les deux suivantes. Elles témoignent d’un désir de trouver une réponse, ou à défaut des éléments de réponse. Il faut dire que cette question imposante de la présence du mal est vraiment dévastatrice dans nos esprits. Le sujet étant immense, nous ne pouvons qu’esquisser quelques grands traits, afin de susciter l’envie pour chacun(e) d’aller plus loin. Espérons que ce survol nous donnera une vue plus panoramique du sujet.


Développement :


Dans notre marche en quête de sens, il est une évidence qui apparaît incontournable. Il nous faut la poser d’emblée, sinon notre essai d’analyse risque d’être faussé. Dans l’état de nos connaissances, nous ne pouvons pas, dans l’absolu, trouver une réponse totalement satisfaisante à la question du mal. Tout comme l’existence de Dieu, nous n’avons accès qu’à certains éléments de réponse. Ils sont probants pour les uns, insuffisants pour les autres. Pourquoi cette difficulté ? Parce que nous sommes tous, croyants et non-croyants, contaminés par le virus du mal, quel que soit le diagnostic de départ que l’on puisse donner. Pour les non-croyants la présence du mal fait partie de l’univers, c’est une force naturelle. Pour les croyants, c’est vers le Dieu créateur qu’il faut se tourner pour comprendre. Et là encore, c’est le parcours du combattant ! En partant du concept que Dieu est à l’origine de toute création, comment comprendre l’apparition du mal. Soit la chose lui a échappé, et il ne peut plus être Dieu, soit il est incapable de l’éradiquer, et il ne peut être amour. Soit il a voulu qu’il en soit ainsi, et cela va à contresens de nos raisonnements. Chercher l’erreur, c’est justement ce qui nous renvoie à nous positionner sur la deuxième piste mentionnée ci-dessus.

 

La recherche de solutions en l’homme et par l’homme, présente différentes pistes :

-       La position des athées

-       La position dualiste

-       La position philosophique

 

1)    La position des athées :


La question du mal est à l’origine de la naissance de ce courant ancestral. Le postulat posé est clair : Le mal existe, donc Dieu n’existe pas. En supprimant Dieu, les athées du même coup simplifient ou réduisent le champ des réponses acceptables. S’appuyant sur le fameux dilemme d’Epicure, ils se débarrassent d’un Dieu gênant. « Ou Dieu veut ôter le mal et ne le peut, ou le peut et ne le veut, ou il ne le veut ni ne le peut, ou le veut et le peut. S’il le veut et ne le peut, c’est une faiblesse qui ne convient point à Dieu. S’il le peut et ne le veut, c’est une jalousie qui ne convient pas plus à Dieu que la faiblesse. S’il ne le veut et ne le peut, c’est faiblesse et jalousie tout ensemble. S’il le veut et le peut, pourquoi ne l’ôte-t-il pas, et d’où vient qu’il y a tant de maux dans le monde ? » (1)

La position athée est compréhensible d’un point de vue humain. Car l’existence du mal, sous ses formes les plus horribles et les plus abjectes, est intolérable. Que ce soit par des catastrophes naturelles, ou par la barbarie des hommes, la souffrance des innocents, la maltraitance des personnes âgées, les tortures, les sévices, les viols, les meurtres sauvages, tout est insupportable.

Ainsi, tout le lot de souffrances pour lequel l’individu n’y est pour rien alimente la réflexion athéiste (Surtout, entre autres, en Europe de l’Ouest, Australie, Nouvelle Zélande, Canada et dans les pays socialistes). C’est une révolte humaine bien naturelle, mais elle ne résout rien. Le constat de l’existence du mal est peut-être un bon argument pour nier l’existence de Dieu, il ne peut toutefois justifier une explication satisfaisante. Cette absence (d’explication) alimente une certaine forme de désespérance. Elle transpire dans bon nombre d’écrits de penseurs athées. Mais, si l’origine de notre planète est le résultat d’un big-bang initial, comment dès lors expliquer, que la perfection du monde cosmique ne trouve pas sa correspondance sur notre belle planète bleue ? D’où peut bien être sorti le mal ? Faire reposer toute la responsabilité sur l’homme n’est pas non plus la solution. Alors ! Est-ce que notre quête de sens peut se résumer : «  mangeons et buvons, car demain nous mourrons ! ». La pensée athée induit un comportement de jouisseur et de consommateur. Cette liberté, qui ouvre un horizon de permissivités, ne tire-t-elle pas notre humanité vers sa perte ?


2) La position dualiste :


Le postulat de départ consiste à affirmer la réalité de deux forces antagonistes : celle du bien et celle du mal. La coexistence de ces deux principes éternels est fondamentale. Zoroastre (Zoroastre, aussi appelé Zarathoustra, était un ancien prophète persan. Il a fondé la première religion du monde - le zoroastrisme 7ès.av.J.C. Zoroastre a commencé à prêcher son message de conflit cosmique entre Ahura Mazda, le dieu de la lumière, et Ahriman, le principe du mal. Selon le prophète, l'homme a reçu le pouvoir de choisir entre le bien et le mal.) énonce une formule simple. Pour lui ces deux principes jumeaux ont été conçus naturellement dans la pensée humaine. Dès sa naissance, le bien et le mal sont semés dans son esprit. Ils créent la vie et la non-vie. Entre ces deux, le sage choisit le bien, et l’ignorant le mal. Cette approche dualiste a été reprise avec beaucoup de variantes par les religions et les philosophes. Notons quelques courants de pensée importants :

Le gnosticisme :

Son principe de base est la gnose (Gr.gnôsis, connaissance). « La gnose est un système de pensée philosophico-religieuse, qui se fonde non sur une science acquise, mais sur une révélation intérieure, permettant d’accéder à une connaissance des choses divines, réservée aux seuls initiés et permettant d’en saisir les mystères amenant au salut. La pensée gnostique se retrouve dans la philosophie hellénistique (hermétisme), le judaïsme (Philon d’Alexandrie, Kabbale), l’islam (ismaélisme) » Nouveau dictionnaire biblique, 5è édition, 2007, éditions emmaüs, p. 522.


Le manichéisme :


Son principe directeur est issu d’une ancienne doctrine persane (la Mythologie de l’Avesta). Elle présente une dualité au travers de deux puissances adverses. Deux dieux synthétisent cette coexistence éternelle antagoniste. L’un des dieux est la source et l’essence même du bien, l’autre est l’auteur et la cause  du mal. Ce courant de pensée, inassimilable à toute autre, a traversé les siècles. Son fondateur Mani ou Manès a structuré son organisation. Aussi curieux que cela puisse paraître, bien avant l’ère chrétienne, le manichéisme se présentait ainsi :

«  A sa tête se trouvait douze apôtres ou maîtres, puis soixante-douze disciples ou évêques, des prêtres, des diacres, des moines ou élus, enfin les simples fidèles appelés auditeurs. Ceux-ci se réunissaient tous les dimanches pour réciter des prières, chanter des hymnes et entendre la lecture des textes sacrés. » (http://www.cliolamuse.com/spip.php?article470)

Cette doctrine a été combattue en particulier par Saint-Augustin. Il avait un temps épousé cet enseignement, avant de se convertir au christianisme. Son témoignage est intéressant, car il démontre que la conception de deux entités éternelles antagonistes n’offre, en fait, pas d’issue. Le combat se perd dans l’infini.

 

3) La position des philosophes :


Avant de parler de la philosophie occidentale, parlons de la philosophie chinoise. Son enseignement tend à concilier les oppositions. Le Yin et le Yang n’ont pas de rapport direct avec la morale. Dans cette conception, tout est question d’équilibre et d’harmonie. Si l’on devait faire une comparaison avec les notions de bien et de mal, disons que le bien serait l’harmonie dans les oppositions et le mal une éventualité. En disant que le mal peut être une possibilité, cette philosophie contourne l’obstacle de la réalité du mal.Quant aubouddhisme, il ne se réfère pas à une doctrine unique. Toutefois, un enseignement commun existe : le " Dharma". Il est présenté dès la première prédication de Bouddha. (Siddhârta Gautama, né en 566 avant Jésus Christ). Il est séparé en plusieurs écoles, les "Sangha». De profondes différences se côtoient.

La prédication référente de Bouddha s’appelle le sermon de Bénarès. Au cours de ce sermon, l’Eveillé, celui qui a atteint l'Eveil, (le Satori en Japonais), résume la réalité de la condition humaine, et indique la voie à suivre pour vivre correctement, c'est-à-dire pour échapper à l'illusion de ce monde, ainsi qu’à la réalité du mal et de la souffrance.


Quatre voies sont proposées. C’est le chemin des 4 nobles vérités :


- La première Vérité affirme que toute la vie n'est que douleurs : la naissance comme la mort, l'union comme la séparation, la vieillesse, la maladie et les frustrations.

- La deuxième Vérité indique l'origine de la douleur : le pouvoir du désir, toujours présent. Il conduit à la nécessité de "re-naissances", mais empêche d'accéder à l'Illumination. 

- La troisième Vérité enseigne le remède à la douleur : l'extinction du désir, la suppression des passions et des attachements, même à soi-même.

- La quatrième Vérité montre enfin la voie de la cessation de la douleur, il s'agit de " l'Octuple Sentier". En s'engageant sur ce sentier, on s’engage à mener une vie pure et correcte. Pour atteindre cet objectif, le désir doit être éradiqué.

Le sentier est constitué par la sagesse (compréhension et volonté justes), par la réalisation d'actions morales (paroles, activités et moyens d'existence dans la pureté), et par la discipline mentale, méditation, attention juste, qui permet d'accéder à l'Eveil (Accès à la connaissance suprême de la nature ultime des choses).

 

Tout passe par le samsara ou cycles des existences.


(C’est la croyance que tous les êtres vivants sont inscrits dans un cycle infini d'existences. Ce samsara est lié à la notion de karma, enchaînement des effets des actions de chaque être, déterminant ses re-naissances.

Un karma négatif (//actions mauvaises dans la vie) aura pour effet une re-naissance inférieure. Dans le bouddhisme tibétain, l'être humain ayant commis de viles actions de son vivant peut renaître en animal.

A l’inverse, un karma positif détermine une renaissance supérieure (par exemple dans le corps d'un dieu).

Le karma est donc un principe agissant qui détermine les réincarnations d'une existence au gré de ses actes.

L'homme est donc prisonnier d'une suite interminable d'existences, dans lesquelles il est condamné à souffrir. La délivrance des renaissances est l'idéal recherché par le bouddhisme. Ce nirvana est presque inatteignable. Extrêmement rare, il est accessible au seul bouddha ou à tout être qui atteint l'Eveil.)

 

Même si cette position offre des principes de vie positifs, l’ensemble présente une conception pessimiste de la vie humaine. En effet, pour séduisantes qu’elles soient, les philosophies chinoises et tibétaines n’apportent pas une véritable réponse au problème du mal. Elles permettent simplement d’en réduire concrètement les effets désastreux par des techniques de concentration mentale. En somme, par les réincarnations successives, le cycle de la souffrance se poursuit à l’infini. Le gros écueil de cette philosophie est d’être centré sur l’humain. La solution est arbitrairement affirmée être en lui.


En occident, parmi la pléiade de nos philosophes, attardons-nous un instant sur Spinoza (1632-1677, philosophe hollandais. A exercé une influence considérable sur ses contemporains et penseurs des siècles à venir).Il fait souvent figure de sage. Sorte de Bouddha européen, il a su concevoir une philosophie pratique. Elle porte le penseur à vivre une vie puissante sans culpabilité ni haine.Dieu, chez Spinoza, EST la nature. C’est-à-dire, qu’il n’est autre que le monde même. Le mal n’existe pas, car il n’y a pas de Bien et de Mal, mais plutôt du bon et du mauvais. Spinoza a donc quitté le terrain théologique et se débarrasse ainsi d’un vocabulaire culpabilisateur, tel qu’il l’a perçu dans les religions. Si sous cet aspect sa réflexion est intéressante, Spinoza ne fait (lui aussi) que contourner l’obstacle de l’explication du mal. La définition par le bon et le mauvais ne fait que déplacer le problème. Son approche novatrice d’une définition de l’unité de l’être, corps-esprit, donne à la conscience un rôle clé. Malheureusement la conscience, n’étant pas un guide sûr, se fabrique des illusions toutes humaines. Croire que le bien et le mal n’ont en soi pas de sens, croire qu’ils ne sont que le produit de l’imagination et des préjugés des croyances, croire qu’ils ne font qu’alimenter des systèmes répressifs, (même si c’ est juste en partie) est très réducteur. Là encore, nous n’avons pas une réponse satisfaisante à la question incontournable du mal.


Cependant, tous les essais des philosophes ne sont pas à mettre sur le même plan. Beaucoup ont cherché à comprendre comment concilier la redoutable présence du mal avec la notion d’un Dieu d’amour. Malgré l’aspect tout à fait louable de leur propos (Nous le traiterons dans une deuxième partie prochainement), l’écueil récurrent consiste à croire que l’humain trouve en lui-même les réponses à ce défi.

 

Conclusion :


Il est bien convenu que ce survol a pour objet une sensibilisation à la question : Si Dieu est Amour, pourquoi le mal ? La diversité des approches est telle que plusieurs ouvrages n’auraient pas suffi à épuiser le sujet. Cette première partie nous permet de constater que les essais humains pour comprendre, et résoudre, la redoutable question du mal demeurent approximatifs. Nous approfondirons la prochaine fois les tentatives de la philosophie occidentale. A défaut d’avoir une réponse pleinement satisfaisante à notre question de départ, est-ce que le constat de la présence du mal, et des terribles souffrances qui en découlent, peut nous aider à découvrir un sens jusque-là ignoré ? Aurait-on de bonnes raisons de justifier cette réalité rebutante ? La présence du mal serait-elle, en définitive, utile à la vie ?

                                                                                     Jacques Eychenne

 


PS : nous recommandons l’ouvrage de Karin et Claude Boucherot : « Si Dieu est amour, pourquoi le mal ? » Éditions Bod, Paris, 2011.

(1) Epicure, cité par Lactance, « De la colère de Dieu », choix de monuments primitifs de l’Eglise chrétienne, Paris : A.Desrez, 1837, p.716-717, cité par Karin et Claude Boucherot dans « Si Dieu est amour, pourquoi le mal ? »Op.cit. p.23-24

 

 

 

 

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