Barnabas

 

 

 

           Barnabas

           ou

l’homme du réconfort

 

Introduction :

 

Le premier discours de l’apôtre Pierre à la Pentecôte (cf. Actes 2 : 14-36) attestait avec force la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Après  l’avoir entendu, les habitants de Jérusalem ont été ébranlés dans leur conscience. Beaucoup ont alors posé aux apôtres, rassemblés autour de Pierre, cette question : « Hommes frères, que ferons-nous ? » Actes 2 : 37. L’apôtre Pierre préconisa un examen de conscience menant à la repentance, suivi d’un engagement par le baptême au nom du Christ. (cf. Actes 2 : 38). Cela donna naissance à la première communauté chrétienne de Jérusalem, puisqu’environ trois mille personnes vinrent grossir les rangs du noyau primitif des 120 disciples.

 

Les apôtres enseignaient avec conviction. Ils vivaient une communion fraternelle, pratiquaient la fraction du pain et se consacraient chaque jour à la prière. Des prodiges et des miracles accompagnaient leur enseignement (cf. Actes 2 : 41-43).  Fort de cette assurance, et porté par le Saint- Esprit, Pierre, dans un deuxième discours, s’adressa au peuple de Jérusalem (cf. Actes 3 : 12-26). Mais c’en était trop pour les autorités sadducéennes. Elles arrêtèrent les apôtres et les mirent en prison. Le lendemain en comparution directe devant le sanhédrin, ces autorités religieuses sommèrent Pierre et Jean de s’expliquer. Finalement, ne trouvant aucune charge probante et ne pouvant nier les miracles accomplis parmi les habitants de Jérusalem, ils les menacèrent et les invitèrent à se taire. C’est à cette occasion que Pierre prononça la formule devenue célèbre : « Jugez s’il est juste devant Dieu, de vous obéir plutôt qu’à Dieu » actes 4 : 19. Puis, ils les relâchèrent. De retour parmi les fidèles, les apôtres continuèrent à faire des prodiges et des miracles et dans un certain lieu (non mentionné), ils vécurent une sorte de deuxième Pentecôte (cf. Actes 4 : 30-31). C’est à partir de là que la communauté chrétienne s’organisa. Le communisme primitif venait de naître. « Nul parmi eux n'était indigent : en effet, ceux qui se trouvaient possesseurs de terrains ou de maisons les vendaient, apportaient le prix des biens qu'ils avaient cédés et le déposaient aux pieds des apôtres. Chacun en recevait une part selon ses besoins. »   Actes 4 : 34-35, version TOB.

 

C’est dans ce contexte qu’apparaît un homme appelé Joseph, surnommé Barnabé ou Barnabas. « Ainsi Joseph, surnommé Barnabas par les apôtres  - ce qui signifie l'homme du réconfort - possédait un champ. C'était un lévite, originaire de Chypre. Il vendit son champ, en apporta le montant et le déposa aux pieds des apôtres. »  Actes 4 : 36-37, version TOB. Si Barnabas est cité parmi d’autres anonymes, c’est tout simplement parce qu’il va avoir désormais une mission particulière au sein du collège apostolique. Son parcours édifiant va maintenant retenir toute notre attention.

 

Développement :

 

Qui est vraiment Barnabas ?

 

On sait que c’est un personnage important, car il est cité plus d’une trentaine de fois dans le Nouveau Testament, principalement dans le livre des Actes des apôtres. Le texte cité (ci-dessus) nous apprend qu’il était originaire de Chypre. Il faisait partie de la classe sacerdotale des lévites.  S’était-il établi à Jérusalem ? Avait-il une fonction au temple ? Avait-il suivi le Christ pendant son ministère ? La Bible ne nous fournit pas d’indication. Des sources extrabibliques, en particulier l’évangile de Barnabé, disent qu’il serait né à Salamine, à Chypre, vers -3 av. J-C et qu’il serait décédé vers 61 à Chypre (il existe un monastère Saint Barnabé à Famagouste à Chypre. Il est vénéré par les principales Eglises orthodoxes, anglicanes, catholiques romaines, luthériennes…).

Mais si les apôtres ont pris soin de surnommer Joseph : Barnabas, c’est qu’à l’évidence il le connaissait bien (même si le changement de nom est courant dans la Bible). Venant des apôtres, le fait ne peut pas être neutre. Il signale pour le moins que Barnabas les fréquentait depuis un certain temps. La démarche venant du collège des apôtres a valeur  de reconnaissance, voire de consécration.  Il n’est donc pas utopique de penser qu’il faisait partie des 120 disciples réunis à Jérusalem. Peut-être même, était-il du nombre de ceux qui avaient accompagné les apôtres et suivaient Jésus depuis le baptême de Jean (cf. Actes 1 : 21-23). Toutefois, les évangiles restent muets sur ce point. Par contre, le surnom donné par les apôtres à Joseph confirme la bonne connaissance qu’ils avaient de lui. Ainsi, ils l’appelèrent Barnabas (en Hébreu, Bar nabas, fils de la prophétie. Le mot prophète : Nabi vient de Naba. L’exhortation constituait la part la plus importante de ce ministère. Cela explique que Luc traduit en grec : fils d’exhortation ou de consolation). Par la suite, Luc attestera que Barnabas était bien reconnu comme prophète par la jeune communauté chrétienne d’Antioche (cf. Actes 13 : 1).

 

La signification donnée par Luc de ce  surnom est « υἱός » fils de … «  παρακλήσεως » de  « παρακλήσίς » est un mot très riche en Grec. Il nous fournit des renseignements précieux sur la personnalité de Barnabas. Il peut signifier suivant le contexte un avertissement (d’où le côté prophétique), l’exhortation, l’encouragement, la consolation, le réconfort. Les diverses traductions en donnent un exemple : « l’homme du réconfort » version TOB ; « fils d’exhortation », version Nouvelles éditions de Genève ; « l’homme qui encourage » Bible en français courant ;  « fils de la consolation », version Darby. Cela augurait tout naturellement un ministère exceptionnellement riche. Quelles étaient les qualités de ce serviteur de Dieu ? Essayons de les repérer dans les faits :

 

- Comme nous l’avons mentionné plus avant, Barnabas est un homme soucieux des autres. Il n’hésite pas à vendre sa propriété pour aider ceux et celles qui sont dans le besoin (cf. Actes 4 : 37). Il est Lévite. Sa généalogie est dans la lignée de celle de Lévi au temps de Moïse (Le Lévite était attaché au service du temple. Il pouvait être choriste, musicien, gardien, juge, artisan. Il était employé aux tâches subalternes du temple. Il était chargé de garder les portes du temple, jour et nuit, suivant son tour de garde. Il prenait soin des ustensiles du temple, des voiles et des cordages. Il était sous la responsabilité d’un descendant direct d’Aaron.).

Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant d’acter sa disposition de partage. Il a été  éduqué dans le cadre des services religieux au temple pour le bien du peuple. Ce qui invite à penser que sa présence à Jérusalem est relativement ancienne (certains commentaires vont jusqu’à dire qu’il a suivi le Christ dès le début de son ministère. Cette supposition est difficilement confirmable). Ce qui est clair par contre c’est que sa disposition d’esprit de service va perdurer dans son ministère.

 

- c’est aussi un homme courageux. Alors que Saul de Tarse est poursuivi par les Juifs qui veulent le mettre à mort, Barnabas brave le danger, puis la suspicion de ses propres frères dans la foi, pour le protéger et le prendre avec lui. C’est lui qui le présente aux apôtres et raconte sa conversion sur le chemin de Damas. Il atteste sans détour que Saul a bien prêché franchement au nom de Jésus. Rappelons ici que beaucoup doutaient de la conversion rapide de ce persécuteur acharné des témoins du Christ (cf. Actes 9 : 23-29).

 

- c’est encore un homme disponible et volontaire. Quant à la suite de la persécution survenue à propos du diacre Etienne à Jérusalem (sous la supervision de Saul de Tarse), les fidèles se dispersèrent, un bon nombre se retrouvèrent dans la ville romaine, (la plus importante de la région) d’Antioche, capitale de la Syrie. Et qui l’Eglise de Jérusalem envoya-t-elle pour galvaniser la foi des fidèles ? Barnabas ! Dès son arrivée il exhorta la petite communauté naissante à ne pas faiblir dans l’adversité, (c’est là d’ailleurs, que pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens cf. Actes 11 : 19-26). Parlant de son attitude Luc écrit : «  lorsqu'il fut arrivé, et qu'il eut vu la grâce de Dieu, il s'en réjouit, et il les exhorta tous à rester d'un cœur ferme attachés au Seigneur. Car c'était un homme de bien, plein d'Esprit-Saint et de foi. Et une foule assez nombreuse se joignit au Seigneur. »  Actes 11 : 23-24. Suivant ce passage Barnabas était habité par une bonté naturelle. Les évènements révèleront que c’était un sage dans toute la force de sa maturité d’homme spirituel.

 

- Barnabas est aussi un homme de confiance. C’est lui qui va chercher Saul à Tarse pour l’associer à son œuvre missionnaire (cf. Actes 11 : 25). C’est lui (associé à Saul) qui lors la famine en Judée, sous le règne de l’empereur romain Claude, organise les secours à apporter aux anciens de Jérusalem et certainement à la région. (cf. Actes 11 : 29-30). 

- Barnabas devint alors un évangéliste infatigable. Il fut consacré avec Saul de Tarse par le Saint-Esprit pour accomplir l’œuvre de Dieu. Le premier tandem missionnaire venait de voir le jour. Ils embarquèrent à Séleucie, en Syrie, pour Chypre, d’où Barnabas était originaire. Jean appelé aussi Marc (cf. Actes  15 : 37), cousin de Barnabas, était aussi du voyage (cf. Actes 13 : 2-5 ; Colossiens 4 : 10).

 

- Barnabas est un leader débonnaire. Il a l’aptitude du travail en équipe. Animé par l’Esprit-Saint, il forme avec Saul de Tarse (désormais appelé Paul), une équipe performante. A Icône, Lystre et Derbe en Cappadoce (cf. Turquie centrale) la parole annoncée trouve un bon écho dans les cœurs, malgré des forces d’opposition. Parfois même les écueils sont surprenants. Les habitants de Lystre, voyant Barnabas et Paul  faire marcher un boiteux de naissance, les prirent pour des dieux ayant revêtu forme humaine. Spontanément, ces gens appellent Barnabas Jupiter et Paul Mercure. Cela a dû leur faire drôle !  Mais ce n’est pas tout … Leur témoignage étant à ce point impressionnant, la foule voulut leur offrir un sacrifice (cf. Actes 14 : 6-18). Diantre !!!

 

- Barnabas aime le travail en équipe, mais de plus, il a le sens de l’organisation. Avec Paul, lapidé à Lystre et laissé pour mort (il l’entoure et le récupère hors de la ville), il repart à Derbe le lendemain et crée une petite communauté. Voyant l’essor que prenait l’annonce de l’évangile, ils décident ensemble d’organiser et de structurer les communautés naissantes jusqu’à leur point de départ à Antioche.

«  Ils firent nommer des anciens dans chaque Église, et, après avoir prié et jeûné, ils les recommandèrent au Seigneur, en qui ils avaient cru. »  Actes 14 : 23 

 

- Barnabas est un homme consciencieux. Toujours en tandem avec Paul, il ne se contente pas d’agir. Ils rendent compte ensemble de leur travail aux frères d’Antioche qui les ont recommandés à la grâce de Dieu (cf. Actes 14 : 26-28). Ce rapport verbal, qu’ils déroulent comme une histoire merveilleuse, démontre le respect qu’ils avaient pour cette communauté d’Antioche.

 

- Barnabas est aussi ambassadeur avec Paul auprès de l’Eglise de Jérusalem. Là se trouvaient les apôtres et les anciens, et il fallut aborder l’épineuse question de la circoncision des païens. C’est à la suite du témoignage éloquent de Barnabas et de Paul, que Jacques convoqua le premier concile de l’Eglise chrétienne. Une décision a minima, approuvée par  le Saint-Esprit, fut prise. Paul et Barnabas allèrent porter la nouvelle à Antioche. Une lettre précisant la décision de l’Eglise de Jérusalem fut lue devant tous.   (cf. Actes 15 : 22-29).

 

- Barnabas est aussi un homme de conviction et de caractère. Il s’opposa à Paul quand celui-ci refusa d’emmener Marc avec eux, sous prétexte qu’il les avait quittés en Pamphylie. Barnabas n’est pas homme aux paroles mielleuses et à l’attitude émolliente. Le dissentiment est fort, le parler-vrai est de rigueur. Pas question de chercher des pis-aller, des demi-mesures… Alors, les deux compères de la première heure décident de se séparer. Barnabas voyagera avec Marc et Paul aura désormais pour compagnon de route Silas (cf. Actes 15 : 36-41). L’amitié fraternelle entre Paul et Barnabas ne sera pas altérée pour autant. Paul reconnaîtra plus tard, en acceptant de nouveau Marc dans son équipe, qu’il lui est « fort utile pour le service » 2 Timothée 4 : 11. De plus, Paul reconnaîtra et témoignera qu’il fut avec Barnabas, nommé responsable de l’évangélisation en terre dite païenne (cf. Galates 2 : 9).

 

- Barnabas est un homme désintéressé. (Nous en avons déjà pris conscience lors de la vente de son champ).Quand Paul voulut défendre son apostolat, il dénonça une injustice par rapport aux autres apôtres. En effet, les apôtres restés à Jérusalem jouissaient de certaines faveurs. Ils pouvaient travailler en dehors de l’évangélisation. Ils étaient aussi accompagnés le plus souvent de leur épouse. Par contre Paul et Barnabas semblent avoir été privés des mêmes droits, d’où le plaidoyer de Paul aux Corinthiens (cf. 1 Corinthiens 9 : 1-6). Mais notons que nous n’avons aucune revendication de Barnabas… Quoi qu’il en soit, cela met en évidence, l’esprit d’abnégation des deux serviteurs de Dieu.

 

L’apôtre Paul l’illustrera par ses propos : « si j'annonce l'Évangile, ce n'est pas pour moi un sujet de gloire, car la nécessité m’en est imposée, et malheur à moi si je n'annonce pas l'Évangile ! Si je le fais de bon cœur, j'en ai la récompense; mais si je le fais malgré moi, c'est une charge qui m'est confiée. Quelle est donc ma récompense ? C'est d’offrir gratuitement l'Évangile que j'annonce, sans user de mon droit de prédicateur de l'Évangile. Car, bien que je sois libre à l'égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. »  1 Corinthiens 9 : 16-19.

 

- A côté de toutes ces qualités, Barnabas n’a pas échappé à la faiblesse humaine. Lors du double jeu hypocrite joué par l’apôtre Pierre lors de sa venue à Antioche, Barnabas n’a pas eu la clairvoyance de faire le bon choix. L’incident rapporté par Paul dit ceci : « mais lorsque Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il était répréhensible. En effet, avant l'arrivée de quelques personnes envoyées par Jacques, il mangeait avec les païens ; et, quand elles furent venues, il s'esquiva et se tint à l'écart, par crainte des circoncis. Avec lui les autres Juifs usèrent aussi de dissimulation, en sorte que Barnabas même fut entraîné par leur hypocrisie. Voyant qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l'Évangile, je dis à Céphas, en présence de tous : si toi qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la manière des Juifs, pourquoi forces-tu les païens à judaïser ? » Galates 2 : 11-14.   

 

Gageons que cette expérience malheureuse de Barnabas l’a aidé, par la suite, à mieux saisir le comportement de son cousin Marc (lors de sa démission). En effet, face à l’âpreté et à la vivacité des discussions (cf. imposer la circoncision ou non aux païens), on peut comprendre que Marc, encore jeune dans la foi,  ait pu fuir le débat.

 

Conclusion :

 

Parmi les grands noms qui ont donné leur lettre de noblesse au christianisme, il ne faut pas oublier la figure de proue qu’a été Barnabas. Par ses qualités d’accueil, sa bienveillance naturelle, sa consécration à Dieu, il est un exemple pour notre génération. Travailleur responsable, ardent et fervent d’esprit et d’actions, par la parole et par le geste, il laisse une trace indélébile dans l’histoire de la naissance du christianisme. Ce feu de l’esprit qui a embrasé le Nord, puis l’Ouest de la Palestine, est parvenu jusqu’à nous grâce au service dévoué et consacré d’hommes de sa trempe. Il en a fallu du courage pour surmonter tous les périls de cette époque, par tous les chemins de l’Asie Mineure. Puisque rien n’est plus édifiant que la biographie d’hommes de Dieu, revisitons son parcours et imprégnons-nous de ce qu’il y a de meilleur dans la nature humaine quand elle se tourne résolument vers Dieu.

Barnabas restera à jamais l’exemple-type du serviteur consacré qui ne recule devant aucune difficulté. Que sa foi puisse être contagieuse pour le bien non seulement des Eglises, mais de l’humanité tout entière.         

                                                                             Jacques Eychenne

 

 

 

 

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