La joie des vainqueurs

 

 La joie des vainqueurs

                              ou

           après la victoire

  Apocalypse 2 : 7, 11,17 ; 21 :

Introduction :

            

Nous sommes souvent surpris par le côté hermétique du symbolisme du livre de l’Apocalypse de Jean, et il nous arrive d’avoir le réflexe de passer outre toute l’imagerie de ce livre. Pourtant, l’apôtre Jean a écrit ce livre, à la fin de sa vie, avec tout l’engagement spirituel qu’on lui connaît. En regardant de plus près ce texte, on s’aperçoit qu’il s’agit bien d’une révélation. Elle émane de Jésus-Christ lui-même (cf. Apocalypse 1 : 1). Jean n’est que le passeur de l’information. Or, cette révélation de Jésus-Christ, loin d’être résumée par un ensemble de catastrophes à venir, loin d’être rébarbative, nous plonge dans un univers d’amour (cf. Apocalypse 1 : 5c). Dieu, par Jésus-Christ, dévoile son projet. Il le mènera à son terme, c’est l’assurance de la foi. L’apocalypse nous parle, avant tout, de la victoire du Seigneur Jésus sur le mal et de son retour en gloire (cf. Apocalypse 1 : 7). L’apôtre Jean est saisi par l’Esprit et il lui fut demandé d’écrire dans un livre les visions qui allaient se dérouler sous ses yeux. Elles concernent les temps à venir (cf. Apocalypse 1 : 10-11). Comme nous l’avons souvent écrit, le christianisme ne suit pas les préceptes d’un mort, mais d’un vivant. Cette caractéristique lui est unique et sans comparaison. C’est le Christ lui-même qui détient les clés de la mort et du séjour des morts (cf. Apocalypse 1 : 18). La révélation du Christ n’a pas pour objet de susciter la crainte, mais la foi dans le plan final de la tragédie humaine (cf. Apocalypse 1 : 17,19).

 

Développement :

 

Pour prendre conscience de la force de cet écrit, il importe de relever que cette révélation nous parle avant tout de victoires. Le même apôtre Jean avait déjà écrit dans une de ses lettres : « Car l'amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pénibles, parce que tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde ; et la victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi. »  1 Jean 5 : 3-4, version LSG. 

 

Que nous enseignent les promesses de victoires ?

 

  1. « Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Églises : À celui qui vaincra je donnerai à manger de l'arbre de vie, qui est dans le paradis de Dieu. » Apocalypse 2 : 7, version LSG. 

 

La glorieuse finalité de la foi est d’embrasser un avenir qui répond aux aspirations de tout être vivant : vivre éternellement. Même s’il nous est présentement impossible de réaliser la profondeur et la beauté de ce projet, il est réconfortant de penser que notre bref passage sur cette planète terre n’est pas le point final de notre histoire.

(La vie a beau paraître longue à certains, elle est en réalité éminemment courte à l’échelle du temps cosmique). Cette belle espérance, que certains qualifieront d’utopiste, correspond fondamentalement à un besoin de cohérence dans la compréhension du monde (plein de vie) qui nous entoure. Elle décrit aussi notre besoin de rencontre. Tout, dans les relations humaines et spirituelles est rencontre. Il est bon de prendre conscience que nous sommes aimés et que nous pouvons aimer. Le projet de Dieu ne pouvait qu’être en adéquation avec la force de cet amour. La promesse concerne la vie dans sa plénitude, là est toute la différence. Le larron sur la croix a reçu cette promesse dans son cœur (cf. Luc 23 : 43). L’apôtre Paul parle de cette expérience dans laquelle, lui-même, a été enlevé dans le paradis. Il entendit clairement des paroles merveilleuses et ineffables qu’il n’est pas permis à un humain d’imaginer, ni même d’exprimer (cf. 2 Corinthiens 12 : 4).

 

2) « À celui qui vaincra je donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc ; et sur ce caillou est écrit un nom nouveau, que personne ne connaît, si ce n'est celui qui le reçoit. » apocalypse 2 : 17, version LSG

 

La victoire, de celui ou celle qui place en Dieu son espérance, nous fournit des indications sur la suite de notre relation à Dieu et à Jésus-Christ. Une manne cachée est promise en premier. Si le mot manne est mentionné, n’est-ce pas pour nous éveiller à une belle réalité historique. Que nous rappelle le récit de la manne ? Il est greffé sur la délivrance de l’esclavage en Egypte. Dieu délivre son peuple, est-ce pour le voir mourir de faim dans le désert ? Ce serait absurde ! Dieu, non seulement a délivré son peuple (symbole d’une autre délivrance spirituelle à venir), mais il lui fournit les éléments de sa subsistance. Il le nourrit. Chaque jour, après que la rosée se soit dissipée, la manne recouvrait la surface du désert. Elle ressemblait à de la graine de coriandre, était blanche, et avait le goût d’un gâteau de miel (cf. Exode 16 : 14,31). On pouvait la ramasser chaque jour, sauf le jour du repos, le sabbat, mémorial de la création. Le vendredi une double portion pouvait être récoltée (cf. Exode 16 : 23-29). (Précisons en passant que l’observance du sabbat est antérieure à la promulgation solennelle des 10 commandements, ce qui, inévitablement, renvoie à une très vieille tradition orale). L’apôtre Jean dira dans son évangile, que cette manne symbolisait le Seigneur Jésus lui-même « le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde…Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi, n’aura jamais soif » Jean 6 : 33,35, version LSG. L’épître aux hébreux développe le symbolisme de ce que l’on a appelé l’ancienne alliance (cf. Hébreux 9). La manne est à mettre en correspondance avec le rendez-vous parfait et définitif de l’amour. La notion d’éternité révolutionne notre notion du temps.

 

Cette promesse au vainqueur traduit une évidence : Dieu, par Jésus-Christ, se porte garant de toutes les conditions nécessaires pour assurer une plénitude de vie.

Quant à notre besoin de rencontre, il sera immanquablement satisfait au-delà de toutes nos projections imaginaires. Cette rencontre d’amour augurera une ère nouvelle, indescriptible pour le moment (c’est bien ainsi, sinon que serait notre foi ?). Symboliquement l’élu recevra un caillou blanc et aura un nom nouveau. La pierre blanche, symbole de l’innocence sur laquelle est écrit le nom nouveau, nous rappelle les pierres précieuses du pectoral du souverain sacrificateur sur lesquelles étaient écrits les noms des douze tribus d’Israël (cf. Exode 28 : 9-21). Tout cela nous conduit à comprendre qu’une relation nouvelle indescriptible comblera le vainqueur (par la foi).

 

3) « Celui qui vaincra sera revêtu ainsi de vêtements blancs ; je n'effacerai point son nom du livre de vie, et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges. » Apocalypse 3 : 5 

 

Cette promesse est remarquable à plus d’un titre. Certains insisteront sur le fait d’être placé au bénéfice de la justice salvatrice du Christ (symbolisée par les vêtements blancs). A juste raison, c’est grâce à notre Seigneur que revient toute gloire. Mais nous pouvons aussi observer ce qui relève de l’amour de Dieu, depuis la nuit des temps. Le texte dit : « je n’effacerai point son nom du livre de vie », il n’est pas dit « j’écrirai son nom ». Cela démontre que chaque être vivant est, au départ, inscrit sur ce livre symbolique. Il est inscrit dans la pensée du Père pour l’éternité. Mais Dieu nous a rendus responsables de nos choix et chacun peut décider de l’effacement de son nom. Dieu a laissé à l’humain le pouvoir de refuser son élection. Dieu n’impose pas son désir de rencontre. Qui peut forcer quelqu’un à aimer ? Personne ! Pas même Dieu ! Moïse l’a compris ainsi. Lors de son intercession pour le peuple rebelle d’Israël, il déclare : « Pardonne maintenant leur péché ! Sinon, efface-moi de ton livre que tu as écrit. L’Eternel dit à Moïse : C’est celui qui a péché contre moi que j’effacerai de mon livre. » Exode 32 : 32-33, version LSG.

Prenant conscience de la barbarie des méchants, David dit à l’Eternel : « Qu’ils soient effacés du livre de vie, et qu’ils ne soient point inscrits avec les justes ! » Psaume 69 : 29, version LSG.

L’apôtre Paul aussi parle de ses compagnons de combat spirituel, dont dit-il « les noms sont dans le livre de vie » Philippiens 4 : 3c, version LSG.

De plus, le Christ assure, celui qui vaincra par la foi, de son intercession auprès du Père. Cette promesse nous permet de saisir que le ministère du Christ ne s’arrête pas à son ascension. Jean lui-même dans sa lettre pastorale nous rappellera que nous avons un avocat auprès du Père (cf.1 Jean 2 : 1-2). Théologiquement, nous sommes autant sauvés par la vie du Christ, par sa mort et sa résurrection, que par son intercession en notre faveur. Ce vibrant plaidoyer devant la cour céleste témoigne de l’infinie grandeur de son amour pour notre humanité. Il est le point final de sa démarche. Le Christ ne s’est-il pas défini comme l’alpha et l’oméga ? (cf. Apocalypse 1 : 8). Le Seigneur de gloire désire que nous entrions dans la plénitude de la vie (dont nous avons une très infime connaissance ici-bas). Spirituellement, cette dernière ne peut se concevoir en dehors de Dieu et du Christ. Mais, cette promesse nous renvoie aussi à notre responsabilité. Si nous voulons bénéficier de cette efficiente plaidoirie, il nous faut aussi entrer dans une réciprocité d’action.

Jésus a dit clairement : « C'est pourquoi, quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux ; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux. »  Matthieu 10 : 32-33, version LSG. 

4) « Celui qui vaincra, je ferai de lui une colonne dans le temple de mon Dieu, et il n'en sortira plus ; j'écrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d'auprès de mon Dieu, et mon nom nouveau… Celui qui vaincra, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j 'ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône » Apocalypse 3 : 12, 21, Version LSG. 

La promesse du Seigneur nous rend acteur d’une vie nouvelle. Elle fait de nous des pierres vivantes. Ce symbolisme est aussi utilisé par l’apôtre Pierre : « si vous avez goûté que le Seigneur est bon. Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu ; et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle. » 1 Pierre 2 : 3-5, version LSG. De plus, si sur cette terre nous sommes appelés à devenir des pierres vivantes, dans le nouveau registre relationnel nous serons considérés comme des colonnes. Quand on sait que Paul considère les apôtres Pierre, Jacques et Jean, comme des colonnes spirituelles, on se dit quel honneur !

Tout cela est bien sûr symbolique, mais le symbole ne supprime jamais une réalité concrète. Sur le vainqueur (dans sa foi au Christ sauveur), trois noms sont écrits, trois noms censés le combler d’une joie indicible.

a) D’abord le nom de Dieu. Nous le connaîtrons enfin, car nous savons que le tétragramme sacré, qui définit, Dieu est imprononçable en Hébreu (cf. YHWH). Recevoir son nom, c’est accepter d’être reconnu comme son enfant, c’est accepter la vraie paternité.  L’apôtre Paul atteste : « car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Et vous n'avez point reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu un Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » Rom 8 : 14-16, version LSG. 

b) Le nom de la cité de Dieu, la nouvelle Jérusalem : Non seulement nous aurons une nouvelle identité, mais aussi une nouvelle habitation. Nous serons dans la maison du Père. La cité céleste sera notre nouvel espace de vie. Le sens de la citoyenneté prendra une autre dimension. Déjà, dans les Saintes Ecritures, la ville de Jérusalem a toujours été l’objet de l’attention divine. Rappelons-nous l’émotion touchante de Jésus face à Jérusalem : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu ! »  Matthieu 23 : 37, version LSG. Faire partie des habitants de Jérusalem, c’est être dans le champ de vision de l’amour de Dieu (cf. Apocalypse 21 : 2). C’est encore nous assurer protection et bien-être dans la joie des festivités d’antan. Faire partie de cette glorieuse cité a toujours été le rêve des héros de la foi (cf. Hébreux 11 : 10,13).  

c) Le nom nouveau de Jésus-Christ : Ce nom nouveau semble s’imposer en fonction de la nouvelle situation. Jadis, dans son ministère terrestre le Seigneur a combattu le mal pour racheter le monde (cf. 1 Corinthiens 6 : 20 ; Tite 2 : 14). Venu vers nous, sous l’aspect fragile d’un petit enfant, le Christ apparaîtra de nouveau dans toute sa gloire. Sa Majesté sera proclamée (cf. Apocalypse 19 : 12-16 ; Esaïe 56 : 5).

Notons, que dans le texte que nous étudions, l’expression « mon Dieu » apparaît quatre fois. Celui qui vaincra ne fait pas référence à un Dieu lointain, un Dieu quelconque, mais à un Dieu personnel, intime. Un lien indéfectible unit l’acteur de sa foi à son créateur.

Cette nouvelle relation qui fait lien indissoluble au Père, devient le signe distinctif de ceux qui vaincront par la foi. Cette filiation à venir fait partie des plus belles promesses. Elle donne du sens à notre vie présente. Elle soutient notre marche quelles que soient les épreuves. Elle donne une perspective et ouvre tous les chemins du possible. Elle stimule notre soif d’absolu.

Enfin, le verset 21 nous associe à la victoire du Christ. Le fait d’être assis avec le Christ sur son trône symbolise le vivre ensemble. Nous serons intimement liés par des liens d’amour. Le partage de cette félicité dans la joie sera le fait de tout vainqueur. Nous rejoindrons l’unité qui anime le Père et le Fils. Pour bien comprendre le sens de cette ré-union, il faut se reporter à la prière de Jésus devant ses disciples (cf. Jean 17 ; Mattieu 19 : 28).

Conclusion :

« Celui qui vaincra héritera ces choses ; je serai son Dieu, et il sera mon fils » Apocalypse 21 : 7 

La grande victoire à laquelle nous sommes tous appelés est avant tout d’ordre spirituel. Elle enjoint d’abord une descente en soi. Puis, vient le temps où l’on se sent aimanté vers le haut (comme pour Nicodème, il nous fait renaître d’en haut cf. Jean 3 : 7). Cette victoire qui consiste selon l’apôtre Paul à surmonter le mal par le bien (cf. Romains 12 : 21) n’est pas totalement notre fait. Elle nous est communiquée par celui qui a vaincu le mal à notre place (cf. 1 Corinthiens 15 : 57 ; Romains 3 : 19-24). De même, toute la panoplie du combattant spirituel est à notre disposition et il nous est recommandé de la revêtir (cf. Ephésiens 6 : 11-17). Aussi, pour stimuler notre désir d’être persévérant dans ce combat, la promesse d’un héritage nous est faite. Elle se résume en substance dans une plénitude de vie

« Et j'entendis du trône une forte voix qui disait : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. » Jean 21 : 3-4, version LSG.

Le lien retrouvé de la grande filiation nous permettra désormais de satisfaire nos aspirations les plus nobles. Tous ces textes réconfortants nous parlent de celui qui vaincra. C’est donc bien une question très personnelle qui nous est posée, et la réponse nous appartient complètement. De même, dans une relation harmonieuse rétablie, Dieu s’engage et s’implique par un « Je ». Qu’importent dès lors les moqueries, les sous-entendus, les vexations sur notre foi ! Rêveurs, utopistes, idéalistes, nous pouvons tout entendre et tout accepter, car comme le dit l’apôtre Paul : « Nous sommes plus que vainqueurs par celui (cf. J.C) qui nous a aimés » Romains 8 : 17, version LSG.

« L’homme n’est rien en lui-même, il n’est qu’une chance infinie. Mais il est le responsable infini de cette chance. » Albert Camus

                                                                                        

                                                                           Jacques Eychenne

 

PS : LSG, version Louis Segond de 1982.

 

 

 

 

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