Marie a choisi la meilleure part

 

 

 

 

                Choisir

la meilleure part

  Luc 10 : 38-42

Introduction :

Introduction:

 

Si nous partons du fait que la Bible a été inspirée par Dieu, alors il devient évident que tout ce qui a été écrit a une intention précise. Ainsi, Luc le médecin bien-aimé, a rédigé son évangile en faisant une enquête approfondie sur les faits et gestes du Christ et des apôtres (cf. Luc 1 : 1-3). Mais, il nous a exposé les évènements dans un certain ordre. Il les a décrits sous l’inspiration divine. De ce fait, quand on étudie un texte, il importe de comprendre dans quel cadre historique il a été rapporté.

Ainsi, nous connaissons tous l’histoire de la visite de Jésus chez Marthe et Marie.  Toutefois, il importe de savoir pourquoi ce récit apparaît là, entre le récit de la parabole du bon samaritain et l’instruction sur la prière.

« Comme ils (les disciples et Jésus) faisaient route, il (Jésus) entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Celle-ci avait une sœur appelée Marie, qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, elle, était absorbée par les multiples soins du service. Intervenant, elle dit : " Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse servir toute seule ? Dis-lui donc de m'aider. " Mais le Seigneur lui répondit : " Marthe, Marthe, tu te soucies et t'agites pour beaucoup de choses ; pourtant il en faut peu, une seule même. C'est Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée » Luc 10 : 38-42, version FBJ.

Réitérons notre question : pourquoi ce récit surgit-il là dans l’évangile ?

 

Développement :

 

A bien observer le texte, on s’aperçoit qu’il contient un sujet principal. Il est centré sur la notion de service assorti d’une demande expresse de Marthe, la sœur de Marie. Or, précisément la notion de service est développée juste avant notre récit avec la parabole du bon samaritain et la vraie demande, la bonne prière, est traitée juste après. Il faut donc voir ce récit comme un trait d’union utilisé par Jésus dans un but didactique. Cela est d’autant plus vrai, que ses disciples viennent d’expérimenter la puissance de son évangile (cf. Luc 10 : 1-7 ; 21-24) et le texte laisse supposer qu’ils sont avec lui quand il entre dans le village de Béthanie.

Le Seigneur a certainement saisi cette occasion afin d’illustrer son propos. Il accepte une invitation. Une femme du nom de Marthe l’accueille dans sa maison. C’est elle la maîtresse des lieux. Elle partage ce toit avec sa sœur Marie. On apprendra plus tard que toutes deux ont un frère du nom de Lazare (cf. Luc 16 : 23-27). Certainement, que ce n’était pas la première fois que Jésus passait par le village de Béthanie. Probablement, les disciples sont restés dans le village pendant l’entretien de Jésus avec Marthe.

Jésus entre et très vite une situation conflictuelle se présente. Apparemment, c’est une histoire de femmes. Marthe se plaint du peu de soutien de sa sœur dans l’exercice des tâches domestiques. Par sa seule présence dans ce conflit entre les deux sœurs, Jésus met à mal le préjugé de l’époque : la femme s’active, le mari palabre (dans la culture sémitique, il appartient aux hommes de disserter sur les problèmes essentiels et aux femmes de prendre soin des tâches domestiques. N’est-ce pas les douze disciples qui se sont formés à l’écoute des paroles du Maître !). Dans notre récit rien de cela… Les deux femmes sont accueillies de la même façon. Sur un plan spirituel, elles ont un même statut.  C'est pourquoi, le Seigneur ne trouve pas inconvenant d’être seul avec elles, comme il l'a été (en tête à tête) avec la Samaritaine (cf. Jean 4).

Cela dit, le texte souligne une opposition dans l’attitude des deux sœurs. Marthe est dans le service, tandis que Marie est dans l’écoute des paroles du Christ.

Marthe est cohérente avec elle-même, puisque c’est elle qui reçoit le Maître (ὑποδέχομαι = recevoir comme invité). Le texte aurait pu dire que c’était les deux sœurs qui recevaient le Seigneur ! Est-ce que Marthe était l’aînée ? Au demeurant, Marie n'a pas autorité sur la décision prise par sa sœur. Elle semble s’être volontairement marginalisée. Pourquoi ?

 

Nonobstant, c’est bien Marthe qui fait le travail et elle se plaint que sa sœur soit assise aux pieds du Christ. Pour Marthe, la position de Marie est inappropriée. Un sentiment d’injustice l’habite. Ce dernier doit être renforcé par la fatigue. Le texte grec parle (au passif) d’une tension dans ses multiples activités. Pourtant, Marthe ne fait pas n’importe quoi… (Le verbe grec utilisé est significatif : διακονέω= diakonéo= servir comme diacre). L’apôtre Paul utilisera ce dernier pour parler de ceux qui exercent le diaconat. cf. Timothée 3 : 10. Ce verbe nous renvoie expressément à la notion du ministère de service (cf. Actes 1 : 17 ; 6 : 1 ; Romains 11 : 13 ; 2 Corinthiens 3 : 8…). La langue française a utilisé ce verbe, et son substantif, pour parler du diaconat. Reprécisons bien : Marthe n'agit pas selon sa fantaisie du moment, elle se met au service de son invité !

Avant d’aller plus loin dans l’analyse, observons que le silence du Seigneur, dans un premier temps, remet en question la pratique sociale et religieuse du moment. On pensait que les hommes avaient un besoin autre que celui des femmes. Celui des femmes était de s'occuper des tâches domestiques, tandis que celui des messieurs était de réfléchir aux choses importantes (rappelons qu'aucune femme n'était membre du Sanhédrin, la plus haute institution religieuse de l'époque). Or, c’est une femme, c’est Marie qui choisit la bonne part en se mettant à l’écoute du Seigneur. Sur ce point, elle devient le symbole des croyants ; symbole fort de tous ceux et celles qui se mettent en situation de disponibilité par rapport au Seigneur Jésus.

Mais revenons au récit… Très certainement lassée de voir Marie se prélasser devant le Christ, Marthe arrête son service et vient interpeler le Maître :

« Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse servir toute seule ? Dis-lui donc de m'aider » Luc 10 : 40. Jésus, certainement comme ami et confident, est pris à partie pour trancher le différend entre les deux sœurs. Que va-t-il faire ?

 

Il va adopter la position d’un médiateur. Rôle que le Seigneur va occuper après son ascension. Rappelons à ce sujet que le Nouveau Testament enseigne clairement que seul le Christ, vainqueur du mal sur la croix, peut revendiquer ce titre. Faut-il insister pour dire qu'il est unique ! L’apôtre Paul écrira à Timothée : « Dieu est un, et le médiateur entre Dieu et les hommes est un, l’homme Christ Jésus » 1 Timothée 2 : 5 (cf. encore Hébreux 8 : 6 ; 9 : 15 ; 12 ; 24).

Cependant, le Christ refuse de donner suite à la demande de Marthe. IL n’entre pas dans un jeu d’opposition. IL ne désire pas être arbitre d’une situation qui appartient à ceux qui la vivent. Nous dirions aujourd’hui qu’il ne veut pas être récupéré dans cette affaire familiale. Peut-il juger le service de Marthe, alors même qu’il s’est toujours présenté comme le Serviteur ! L’attitude du Christ est en pleine cohérence avec son enseignement. N’avait-il pas déjà dit : « vous m'appelez Maitre et Seigneur ; et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres » Jean 13 : 13-14. Ailleurs, Jésus s'est présenté comme celui qui sert (cf. διακονων = diakonone= le servant ou celui qui sert).

 

Le comportement du Christ, dans ce contexte, devrait nous servir de référence. Dans bon nombre de problèmes interpersonnels, il est sage de ne pas prendre parti. Nous éviterons le piège d'être récupéré par l'un ou l'autre des opposants. De plus, il faut refuser le statut de médiateur, quand une des parties veut se dégager de sa responsabilité.  Notons que Marthe ne se plaint pas auprès de sa sœur, mais surtout auprès du Seigneur. L'injustice supposée qu’elle ressent alimente sa plainte (cf. Marie lui laisse faire tout le travail). On peut percevoir son service comme fastidieux dans la circonstance (handicapant dans la relation à Christ). De surcroit, ce qui semble l'agacer, c'est l'attitude du Christ : il laisse faire sa sœur. Il ne lui fait aucun reproche. Il semble même insensible à sa difficulté présente. Du coup, elle l'interpelle sérieusement. Parlant de Marie, elle dit à Jésus : « Dis-lui donc de m'aider » Luc 10 : 40 (cf. συναντιλαμβάνομαι = sunantilambanomai = venir en aide à quelqu'un. Idem dans Romains 8 : 26).

 

A l'arrière-plan de cette demande se profile le problème de Marthe. En soulignant qu'elle est seule à servir, ne peut-on pas penser qu'elle est tout simplement incomprise ? Si elle a le sentiment de vivre une injustice, n'est-ce pas parce qu'elle ne se sent pas reconnue dans ce qu’elle fait ? Pourtant, c'est bien elle qui a pris l'initiative de l'accueil du Maître ?  Le fait étant acté, n'aurait-elle pas dû se réjouir de son service auprès de son invité ? N’aurait-elle pas dû être contente que sa sœur s’occupe de son invité ?

 

Combien de fois ressemblons-nous à Marthe ? Nous prenons des initiatives et nous sommes attristés de ne pas être reconnus dans (et pour) ce que nous faisons… Alors, par la prière, nous demandons à Dieu (par Jésus-Christ et avec l'aide du Saint-Esprit) d'intervenir, car nous ressentons au fond de nous-mêmes, sinon une injustice, du moins un manque de reconnaissance. Pourquoi donc avons-nous sans cesse besoin d'être reconnus au travers de nos actions ? Si elles sont inspirées par Dieu, n'est-ce pas à lui que revient notre gratitude ! Pourquoi ce décalage dans nos aspirations à servir ? Ainsi, ce récit nous dit qu’au lieu d'insister sur notre besoin d'être reconnu, il nous reconnaître celui qui nous a tout donnés.

C'est sûrement cette expérience qui a conduit Jésus à développer la notion de serviteur. Ce n'est pas innocent si Luc, après avoir été le seul à nous faire revivre l'entretien de Jésus avec

 

Marthe et Marie, est le seul à nous rapporter son propos sur le service chrétien : « Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire » Luc 17 : 10, version NEG.

Luc, le médecin bien-aimé, a encore été le seul à nous rapporter la phrase suivante du Seigneur. S'adressant à ses disciples, il leur dit : « Moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert » Luc 22 : 27. Si, notre Seigneur a toujours valorisé le service auprès des autres (cf. Jean 13 : 5), n'est-ce pas pour donner ses lettres de noblesse à la beauté d'un service volontaire et consacré ! C'est certainement la raison profonde qui a poussé les apôtres et disciples du Christ à se présenter comme des Serviteurs (cf. 2 Pierre 1 : 1 ; Romains 1 : 1 ; Galates 1 : 10 ; Tite 1 : 1 ; Jacques 1 : 1 ; Jude 1 : 1 ; Apocalypse 1 : 1).

Ainsi, le Christ n'a pas ignoré le service de Marthe, il l'a dépouillé des suspicions qui n'avaient pas lieu d'être.

La réponse du Christ est significative : « Marthe, Marthe, tu te soucies et t'agites pour beaucoup de choses « Luc 10 : 41, version FBJ. (Μεριμνάω = merimnao = Être inquiète, être troublée par des soucis…). Son inquiétude a provoqué dans son esprit une perturbation (le deuxième verbe est intéressant. τυρβάζω= turbazo = remuer, déranger, être troublé dans son esprit). De plus, cette agitation est qualifiée d’excessive (plus précisément πολλά = pola = beaucoup, nombreux).

 

Loin de mépriser le service de Marthe, le Seigneur recadre sa notion du service avec beaucoup d’affection. La reprise de son prénom en témoigne… Derrière le service débordant de Marthe se love ou se tapit un besoin excessif de reconnaissance. Psychologiquement, nous dirions qu’elle a comblé sa difficulté par un activisme forcené. Cela est renforcé par le contraste souligné entre beaucoup (πολλά =πολύς = beaucoup, nombreux) et un (εἷς = eis = un, un seul). Dans le texte, un seul est besoin (χρεία = chreia = nécessité, besoin, devoir).

C’est parce que son service n’est pas totalement désintéressé, que le Christ souligne qu’un seul est besoin (ou qu’une seule chose est nécessaire). Marthe doit réentendre le discours de Jésus sur le mont des béatitudes : « cherchez en premier (ou d’abord) le royaume et la justice de Dieu et toutes ces choses vous seront données par-dessus (ou tout cela sera rajouté pour vous).

Nous pouvons tous nous retrouver dans le comportement de Marthe. Il nous suffit d’être un tant soit peu honnêtes avec nous-mêmes pour reconnaître que : notre besoin de reconnaissance a toujours besoin d’être rééquilibré.

Sur ce point Marie était au clair avec elle-même. Elle savait que le Seigneur pouvait discerner dans son être profond sa vraie valeur. Elle se savait reconnue. Elle était sans crainte devant lui. Elle ne redoutait pas son regard pénétrant. Elle savait où était sa place et elle a occupé la bonne place. N’est-ce pas merveilleux ! c’est peut-être cela le bonheur !

 

Que dit le texte en conclusion : « Marie a choisi la meilleure part qui ne lui sera point enlevée » Luc 10 : 42. (ἀγαθὴν = ἀγαθός = agathos = ce qui est bon, utile, profitable, salutaire etc.).

Dans le contexte, c’est : « la meilleure part » (de nombreuses versions modernes ont préféré cette

traduction). (μερίς =meris = une part pour la distinguer de l'entier, une part attribuée, une portion, partage). Le contraste est encore plus fort dans le texte grec entre Μεριμνάω = merimnao   et μερίς = meris ; certains parlent de même sonorité de départ et même racine).

 

Marie n’a pas éprouvé le besoin d’être reconnue, elle a reconnu tout simplement en Jésus, celui qui pouvait satisfaire son désir profond. Quand nous recontextualisons ce dialogue, on est émerveillé, une fois de plus, par la démarche pédagogique du Christ. Sans brusquer, tout en douceur, les choses sont dites. Elles sont bien posées et déposées dans les cœurs. Il est bien le Maître incontesté de l’histoire humaine.

 

Conclusion :   

 

Faut-il retenir de ce récit une simple querelle familiale entre deux sœurs ? Ce serait trahir l’intention de son auteur. La question prépondérante repose sur un choix : être à la bonne place pour recevoir la meilleure part, celle que personne d’autre ne pourra nous ôter. C’est moins le choix d’un instant, d’un moment, d’un jour, qu’une bonne disposition d’esprit. Être habité par le désir prégnant de faire le bon choix pour sa vie présente et future. Choisissons la meilleure part ! Osons accomplir ce qui nous correspond, ce que nous savons faire de mieux, même avec quelques ratés dans nos positionnements. Mais soyons toujours nous-mêmes à l’écoute des paroles du Seigneur. Spirituellement, il est plus important de reconnaître sa place (comme Marie) que d’être reconnu. Les relations humaines au quotidien nous instruisent. C’est quand nous nous sentons à la bonne place dans nos activités, dans nos silences, dans nos méditations, que la relation devient paisible. En cinq phrases Jésus nous interpelle sur l’importance à découvrir où se situe notre meilleure part. C’est là que nous pourrons saisir, par la foi et par la grâce de Dieu, toutes les paroles du Seigneur. Elles sont porteuses de bonheur et d’espérance.

Mais, le Christ ne repousse pas Marthe, il ne la condamne pas non-plus, il ne l’exclut pas de son cercle d’influence, il ne la renvoie pas à ses activités domestiques, implicitement, il l’invite. Jésus semble lui dire : « arrête un moment ton travail et viens près de moi à côté de ta sœur, écoute-moi » … Plus tard, Jean nous dira : « Jésus aimait Marthe, et sa sœur, et Lazare » Jean 11 : 5 (Jésus prononce le nom de Marthe en premier ; mais, plus loin, le caractère des deux sœurs réapparaît : Marthe est active et dans le reproche, tandis que Marie est assise (cf. Jean 11 : 20). Mais c’est cette fois à Marthe que Jésus va annoncer la meilleure part, celle de la résurrection de son frère (cf. Jean 11 : 21-27). Jésus a composé avec deux personnalités différentes. C’est un encouragement pour nous…

Alors, si nous avons la conviction d’avoir choisi la meilleure part, alors réjouissons-nous !

Peu de temps avant d’être invité par Marthe à Béthanie, Jésus avait dit aux 70 disciples qu’il avait envoyés dans les villages d’alentour :

« Réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux » Luc 10 : 20, version FBJ.

 Ailleurs, « Car où est ton trésor, là sera aussi ton cœur » Matthieu 6 : 21, version FBJ.                   

 

« Que vos choix reflètent vos espoirs et non vos peurs » Nelson Mandela.

                                                                                

                                                                              Jacques Eychenne

 

PS : FBJ, version française de la Bible de Jérusalem, NEG, version Nouvelles Editions de Genève.

 

 

 

 

 

 

 

 

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