A propos de l'oecuménisme

 

 

  

          A propos de        l’œcuménisme

                                 ou

       questionnement sur ses objectifs

 Jean 17 : 20-23

 Matthieu 24 : 14

 

Introduction :

 

Lors de son entretien avec ses disciples au mont des Oliviers (cf. Matthieu 24 : 3), Jésus prophétisa les évènements qui précèderont son retour en gloire. Ces prophéties ont été assorties de mise en garde pour échapper aux séductions dont ce retour sera l’objet (cf. Matthieu 24 : 4). Parmi toutes ses recommandations, il en est une qui nous interpelle plus précisément. Jésus déclare : « Et, parce que l'iniquité se sera accrue, l'amour du plus grand nombre se refroidira. Mais celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations (dans l’original : τῇ οἰκουμένη = terre habitée ; mot qui est à l’origine du mot œcuménisme, ici traduit par monde entier). Alors viendra la fin. »  Matthieu 24 : 12-14, version de Genève.  

Ce refroidissement de la foi, prophétiquement annoncé, est un point inquiétant. Il a été très préoccupant dans la pensée du Christ, au point qu’il posa un jour cette question : « Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?  » Luc 18 : 8.

 

Comment comprendre le décalage dans ces deux textes, entre une prédication mondiale, donc universelle, et une diminution drastique des réponses positives à ce que nous appelons la bonne nouvelle (cf. τὸ εὐαγγέλιον). Comment concilier cet aspect prophétique avec la réalité d’un désir d’union des croyants ? (cf. τῇ οἰκουμένη = terre habitée ; mot qui est à l’origine du mot œcuménisme ; contraction de  2 mots : οἶκός = maison et μένω = demeurer, exister ; sens stricto sensu : maison où l’on demeure). Face aux multiples délitements de la foi, certains prônent le rassemblement œcuménique des Eglises pour faire face à ce danger. Se rassembler pour mieux conjurer le péril ? Que faut-il en penser ?

 

Développement :

 

Précisons  que le mot œcuménisme désigne aujourd’hui dans la pensée populaire les tentatives de rapprochement des communautés chrétiennes afin de parvenir à une unité  entre les différentes Eglises. Le mot grec, utilisé qu’à trois reprises dans le Nouveau Testament (cf. Mattieu 24 : 14 ; Luc 21 : 26 ; Actes 19 : 27), a connu au cours de l’histoire des définitions différentes. Partant d’un concept large de tout ce qui appartenait au monde habité, on lui a d’ abord donné un sens ecclésial universel. Puis, le mot a défini la tâche missionnaire du monde, pour ensuite s’attacher aux relations entre Eglises de différentes confessions.  Enfin, ces dernières années, on a surtout accentué la nécessité de s’engager en vue de l’unité de L’Eglise chrétienne, tout en engageant un dialogue avec les membres des autres communautés juives, musulmanes, hindouistes, bouddhistes etc.

En soi, la démarche paraît sympathique, d’autant que les grandes institutions religieuses voient leurs effectifs vieillir et s’effriter. D’un autre côté, on peut aussi comprendre le désarroi  des communautés chrétiennes face au défi grandissant d’un athéisme militant, d’une sécularisation plus ou moins sectaire, d’un matérialisme effréné, soucieux principalement d’une productivité de tous les biens de consommation, d’une séparation exponentielle entre riches et pauvres, d’un rétrécissement des libertés individuelles etc… Et l’on peut sincèrement reconnaître que cette envie d’unité soit louable. Seulement ne convient-il pas de s’entendre déjà sur les mots. N’est-ce pas significatif que l’usage du mot « οἰκουμένη » (qui est à l’origine du mot œcuménisme) s’inscrive chez Matthieu dans un contexte de prédication de la bonne nouvelle, et chez Luc par une question ayant trait à l’abandon de la foi ? Si donc nous devons parler d’un œcuménisme biblique, situons-le dans le respect des textes qui parlent donc essentiellement d’évangélisation et de foi. Ainsi précisé, l’œcuménisme des premières communautés chrétiennes décrivait le rassemblement de tous ceux et celles qui adhéraient à cette Bonne Nouvelle et qui avait foi au Seigneur Jésus.

Il me semble qu’il faut différencier le côté sympa et chaleureux d’un désir de rassemblement vers l’unité et la fidélité à un message et à la personne de Jésus-Christ. Le témoignage de Paul est éloquent : « car j'ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. » 1 Corinthiens  2 : 2, version TOB.

 

Le Christ a été très clair concernant la mission qu’il a confiée aux apôtres : « allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que JE vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde. Matthieu 28 : 19-20, version de Genève (c’est moi qui souligne).

 

Le véritable œcuménisme se définit comme la foi, dans l’adhésion à une parole porteuse d’espérance, centrée principalement sur la personne du Christ. Le Christ lui-même, tout au long de son ministère, n’a pas cherché à unir les différents courants de pensée de son temps, il a prôné une unité uniquement sur sa personne : « Vous sondez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent témoignage de moi. Et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie ! »  Jean 5 : 39-40  Version de Genève.  

 

« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. » Jean5 : 24, version de Genève. 

 

L’unité à laquelle nous sommes tous appelés a été exprimée par le Sauveur. N’a-t-il pas dit :

« Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux, et toi en moi, afin qu’ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » Jean 17 : 20-23, version de Genève.

 

Devant un œcuménisme au contenu si clair, essayons de comprendre pourquoi les humains l’ont transformé en recherche d’unité entre différentes confessions religieuses.

 

Quels sont donc les arguments de ceux qui militent pour un œcuménisme moderne ? Ses partisans (1) mettent en avant trois aspects qu’ils considèrent comme secondaires :

 

- L’esthétisme, car l’unité est toujours préférable à la division.

- L’évangélisation, car les divisions sont un contre-témoignage.

- Le souci pastoral, car les couples interconfessionnels sont de plus en plus nombreux dans les diverses communautés.

Et un point capital :

- l’œcuménisme est une exigence spirituelle, elle-même assortie de deux précautions : se garder de l’uniformité et de l’indifférence. On fait aussi référence à un œcuménisme théologique que l’on met en lien avec un œcuménisme d’hospitalité.

Essayons de répondre d’abord à l’essentiel. Est-ce que l’œcuménisme est une exigence spirituelle ? Si cette dernière fait référence à l’énoncé du commandement nouveau :

« Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres. » Jean 13 : 34-35, version de  Genève, la réponse s’impose positivement. Encore faut-il nous aimer comme le Seigneur nous a aimés. Le contenu de cet amour part d’abord d’une relation à Christ : « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans son amour. » Jean 15 : 10, version de Genève. Déjà sur ce point fondamental, nous sommes tous des « nains » qui marchent vers le royaume des cieux. Il convient donc de rester modeste dans notre quête d’unité…

L’œcuménisme est bien, certes, une exigence spirituelle, mais elle ne relève pas uniquement d’une volonté humaine, bien au contraire. Cette unité est l’œuvre de l’esprit de Dieu (cf. Luc 12 : 12 ; Jean 4 : 23 ; 6 : 63 ; Romains 8 : 9,13 ; 2 Corinthiens 3 : 17,18 ; etc.). Toutes les actions des premières communautés, relatées dans le livre des Actes des apôtres, ont été accomplies sous la direction du Saint-Esprit. La façon la plus sûre de se garder des deux écueils de l’uniformité et de l’indifférence est d’avoir recours à la direction divine. Cela requiert, non un besoin prégnant d’unité, mais une expérience relationnelle personnelle et profonde avec son Dieu et son Sauveur. C’est à partir de cette réalité que le lien avec d’autres chrétiens peut être une force.

Les apôtres n’ont pas succombé à un besoin d’esthétisme. Ils avaient une parole de vérité qui avait la franchise de dénoncer ce qui n’était pas conforme à l’enseignement du Christ. L’apôtre Paul, pourtant partisan persévérant d’une unité entre juifs et chrétiens aura cette phrase audacieuse :

« Nous l'avons dit précédemment, et je le répète à cette heure: si quelqu'un vous annonce un évangile s'écartant de celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème ! » Galates 1 : 9, version de Genève.

 

Nous avons vu en introduction que l’évangélisation était liée à l’œcuménisme. Son objectif était aux antipodes de vouloir tenter de combler les divisions chrétiennes. Les apôtres ont eu pour principal souci d’unir autour de la Parole de Christ. Tout ce qui était déviance, donc perçu comme une hérésie, était condamné. Observons que le Christ a révolutionné la spiritualité en s’opposant à l’appareil institutionnel établi par les Pharisiens et les Sadducéens et en mettant en exergue son message. Bien sûr, les divisions ont été un contre-témoignage dans l’histoire. C’est le comportement de l’Eglise chrétienne en Occident qui a fait lever l’athéisme ! Quant au problème pastoral avec les couples de confessions différentes, l’œcuménisme moderne est certainement une ouverture… Il faut simplement admettre que ce problème est à relier avec les positions hermétiques des différentes religions sur les couples. L’apôtre Paul, confronté à ce problème, avait déjà suggéré une solution (cf. 1 Corinthiens 7 : 14).

 

A l’arrière-plan de la question sur l’œcuménisme, nous trouvons le rapport à la Parole divine transcrite par les apôtres. Comme au temps de Jésus, beaucoup ont pris leurs distances avec la Parole révélée. L’humain de tout temps s’est toujours senti porter à interpréter cette Parole divine révélée, en définissant   comment il fallait la comprendre. Jésus a été confronté à cette réalité. Prenons le cas du sabbat, jour de repos dans le quatrième commandement. Au lieu d’en faire un jour de joie, un jour anniversaire mémorial de la création, les autorités juives en ont fait un jour pesant assorti de 39 interdictions de travaux primaires, eux-mêmes étant démultipliés à l’envi suivant l’appréciation des rabbins (cf. Matthieu 12 : 12). La réaction du Seigneur est caractéristique. Il a dépoussiéré cette compréhension en lui redonnant sa vraie signification (cf.  Marc 2 : 20).  A travers toutes les époques, les humains se sont crus suffisamment intelligents pour définir ce qui était à suivre… Pour certains, la Bible n’est qu’un conte de fées, pour d’autres une source d’inspiration qui doit être soumise aux filtres de la tradition chrétienne, etc… La Parole de Dieu contenue dans la Bible fait de moins en moins autorité dans la vie des croyants. L’abandon de la foi, prophétisé par notre Seigneur, est en lien avec cette perception de sa Révélation. Quand le chrétien est enraciné en Christ, il est sur le bon terrain.

« Le Christ tel que vous l'avez reçu, Jésus le Seigneur, c'est en lui qu'il vous faut marcher, enracinés et édifiés en lui, appuyés sur la foi telle qu'on vous l'a enseignée, et débordant d'actions de grâce. » Colossiens 2 : 6-7, version de Jérusalem. Qui a l’audace, la prétention ou l’orgueil de dire qu’il détient la vérité (c’est moi qui souligne). Qu’il y ait des différences entre nous, quoi de plus naturel ! Le Seigneur reconnaîtra les siens …

 

Deux éléments essentiels nourrissent la foi : le rapport aux Saintes Ecritures, lues et entendues, et l’expérience personnelle dans notre relation à Dieu et à son envoyé Jésus-Christ « la foi vient de la prédication et la prédication, c'est l'annonce de la parole du Christ. »  Romains 10 : 17, version TOB.  « Chacun de nous rendra compte à Dieu pour soi-même. »  Romains 14 : 12, version TOB. Ces deux piliers de la foi sont appelés à traverser le temps, les épreuves et les divisions.

Le désir d’unité peut être qualifié de louable, encore faut-il s’interroger sur les motivations qui l’animent. Est-ce qu’elles relèvent d’une volonté humaine ou d’une directive divine ? Si l’on veut suivre le concept d’unité dans le Nouveau Testament, il faut se recentrer sur la personne du Christ et lui seul. Je crois à un œcuménisme dirigé par l’Esprit Saint qui nous fait tous converger vers celui qui est venu solutionner nos problèmes en mourant à notre place. Cet état d’esprit définira un autre œcuménisme dont le témoignage peut être retentissant.

 

Caractéristiques d’un œcuménisme qui s’appuierait sur l’expérience des apôtres :

 

Pratiquer l’amour, comme le Christ nous l’a montré (cf. 1 Pierre 2 : 21) en acceptant nos différences. Il n’y a qu’un seul chemin, certes (cf. Jean 14 : 6), mais une variété infinie de marcheurs. Chacun essaie d’avancer à son rythme, en faisant de son mieux en lien avec ce qu’il a compris. Nous devons souscrire à l’énoncé d’un évangile sans frontières. L’amour implique le respect de la différence ; sinon c’est du totalitarisme plus ou moins déguisé. Il s’insinue plus facilement dans les appareils institutionnels. Jésus en a fait la démonstration (cf. Matthieu 23 : 13-36). La meilleure façon d’aimer est de respecter nos différences. Vouloir les effacer relève de l’utopie. Cet œcuménisme biblique développe le sacro-saint concept de fraternité.  Nous avons tous été créés par Dieu, nous sommes tous frères d’humanité, sans distinction de race, de couleur, de religion ou pas de religion. Nous avons tous un même Père. Nous avons tous la même conscience et la même fin (cf. 1 Corinthiens 15 : 21,22). Cette vérité induit, ou devrait induire, plus de solidarité (cf. le spectre de l’action est vaste. Il part de l’accueil à la protection du prochain, il fait appel à  l’assistance sous toutes ses formes).

Cet œcuménisme donne envie, à chaque fois que l’occasion se présente, de nous associer à d’autres pour promouvoir des actions qui vont dans le sens du bien et de la générosité. S’unir pour œuvrer ensemble, pour soutenir l’humain en difficulté, fait partie de l’évangile. Une union doctrinale n’est pas nécessaire pour vivre une vraie fraternité. Cet œcuménisme n’enferme personne dans ses choix religieux, mais ouvre des portes pour gérer intelligemment tout ce qui est relatif aux biens des personnes et des ressources de notre planète. 

 

Conclusion :

 

L’œcuménisme est une exigence spirituelle, quand il nous fait converger vers celui qui en est à l’origine. Cela induit le respect de la révélation spirituelle, telle que le Seigneur Jésus-Christ l’a vécue. Nous ne pouvons donner que ce que nous avons reçu. Partant de cette constatation, avançons l’observation suite : Il n’y a pas de véritable œcuménisme sans une expérience personnelle avec Dieu. Elle conduit à beaucoup d’humilité dans l’action ; Le Christ ne s’est-il pas  fait serviteur ? (cf. Jean 13 : 1-17). Notre action doit s’inscrire dans ce cadre naturel, loin de toute notion de mérite (cf. 2 Corinthiens 6 : 4-10 ; galates 5 : 13 ; Ephésiens 6 : 6-7). Soyons fans de cet œcuménisme qui témoigne des effets de la bonne nouvelle en nous et qui fortifie notre foi.

                                                                                    Jacques Eychenne

 

(1) Regards protestants, vidéo sur l’œcuménisme, proposé par campus protestant avec la participation de Gérard Rouzier.

 

 

 

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