Le Christ de la foi

                              ou

   le Jésus historique

      Jean 20 : 30-31 

         Jean 21 : 25

 

Introduction :

 

En lisant attentivement le texte de l’évangile de l’apôtre Jean, on s’aperçoit qu’il présente la singularité d’une double conclusion. Ayant pour habitude d’adopter une approche synchronique (1) des textes du Nouveau Testament, je veux essayer de comprendre pourquoi l’apôtre a écrit de la sorte. Mais avant rappelons que Jean, après la mort du tyran Trajan (cf. empereur romain de 98-117 ap. J.-C.) est revenu de l’ile de Patmos pour séjourner à Ephèse. Nombreux Pères de l’Eglise attestent que c’est dans les contrées voisines de cette ville qu’il établit des évêques. C’est donc à l’âge d’environ cent ans que Jean écrivit son évangile tout en ayant eu connaissance des trois autres (cf. Marc, Luc, Matthieu). Ces derniers circulaient déjà dans les églises. Les témoignages de l’antiquité chrétienne s’accordent aussi sur ce point. Ainsi, l’apôtre a voulu éviter les répétitions des autres écrits et a souligné ce qui lui paraissait le plus important à retenir et à vivre. Ce n’est pas simplement de sa propre initiative que Jean a entrepris de laisser ce testament à toutes les communautés naissantes ! Comme le rappellera l’apôtre Pierre :

« ce n'est pas d'une volonté humaine qu'est jamais venue une prophétie, c'est poussés par l'Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu » 2 Pierre 1 : 21, version FBJ.

N’oublions jamais que le Saint-Esprit est toujours resté le maître d’œuvre de toutes les actions d’évangélisation. L’apôtre, qui fut l’un des premiers à croire à la résurrection du Christ (cf. Jean 20 : 8), fut aussi celui qui rapporta les paroles du Seigneur lui annonçant un long avenir dans l’église (cf. Jean 21 : 22). Arrivons maintenant à l’analyse de la singularité de la double conclusion de son évangile.

 

Développement :

 

« Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » Jean. 20 : 30-31, version LSG.

 Et :

« Jésus a fait encore beaucoup d'autres choses ; si on les écrivait en détail, je ne pense pas que le monde même pût contenir les livres qu'on écrirait » Jean 21 : 25, version LSG.

Apparemment, on pourrait penser qu’il n’y a qu’une conclusion, l’une étant le prolongement de l’autre. Cependant des différences nous invitent à la réflexion.

 

La conclusion du chapitre 20 nous parle de ce que Jésus a fait en présence de ses disciples. Autrement dit, on fait référence à l’intimité d’un vécu. Dans ce contexte, il est impossible de nous transmettre la réalité de l’ensemble de ce contexte, tellement à l’évidence il a été dense, riche et varié.

Le texte mentionne = Πολλὰ μὲν οὖν καὶ ἄλλα σημεῖα ἐποίησεν = (Jésus) a encore (ou aussi) fait, (devant ses disciples) beaucoup d’autres signes. (Rappelons que le mot σημεῖον = semeion = traduit le plus souvent par le mot miracle se définit aussi comme : 1) un signe, une marque, un témoignage 1a) ce par quoi une personne ou une chose se distingue des autres et qu'elle est connue 1b) un signe, un prodige, un présage, c.à.d. une chose non usuelle modifiant le cours habituel de la nature 1b1) de signes présageant d'événements remarquables qui doivent bientôt arriver 1b2) de miracles et merveilles par lesquels Dieu authentifie les hommes qu'il envoie, ou par lesquels les hommes prouvent que la cause qu'ils plaident est celle de Dieu).

 

La conclusion du chapitre 21, par contre, s’ouvre à tous les lecteurs potentiels (citoyens du monde). Là, on décline une réalité qui dépasse l’entendement humain. Là encore, cela laisse entendre que la vie de Jésus fut d’une telle intensité qu’il est impossible d’inventorier tous ses faits et gestes. Mais, c’est surtout une façon d’ouvrir le testament de Jean au monde entier. Pour cela, Jean utilise une formule vague : καὶ ἄλλα πολλὰ ἃ ἐποίησεν ὁ Ἰησου = Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses.

πολλὰ de πολύς = adjectif neutre pluriel = nombreux, plusieurs, beaucoup.

 

Là, il n’est plus question de signes, donc rien de particulier. On se contente d’une généralité qui ouvre tous les possibles. Pour bien marquer la différence, l’apôtre s’investit dans cette analyse. Il donne son opinion. Il rend en fait son témoignage : La formule : je ne pense pas = je pense que les nombreuses choses faites par Jésus si elles étaient écrites, une par une, le monde (κόσμος = le cosmos) ne pourrait contenir les livres qu’on écrirait.

 

Mais me dire-vous, pourquoi s’attarder à pointer ces quelques subtiles différences ?

 

Tout simplement parce que Jean vise deux types de futurs lecteurs de son évangile : ses disciples et les autres lecteurs.

De plus, le contexte nous amène à penser que l’on peut y voir deux aspects de la vie de Jésus.  1) Un Jésus intime et 2) un Jésus historique.

 

Qu’est-ce qui nous permet de comprendre cette double conclusion ?

 

Précisément le contexte. La présentation d’un Jésus proche s’enchâsse dans la monture de la foi. Jésus vient de répondre à Thomas par ces mots :

« Parce que tu m 'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru ! » Jean 20 : 29, version LSG.

Puis, l’apôtre développe en gardant en point de mire la foi.

 

« Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu 'en croyant vous ayez la vie en son nom » Jean 20 :30-31, version LSG.

Les miracles que le Seigneur a faits ont eu pour objectif principal de faire naître la foi parmi les siens. Et pas n’importe quelle foi !  Accepter dans son cœur que le Jésus-Sauveur est bien le Christ-Oint par Dieu lui-même.

En fait, la première conclusion de l’évangile de Jean nous invite à rencontrer l’envoyé de Dieu, car c’est par Lui que nous pouvons hériter la vie en son nom. Fabuleuse révélation qui bouleverse tous les raisonnements humains !

Le contexte de la dernière conclusion est fort différent. Il nous présente une interrogation de l’apôtre Pierre sur l’avenir de son jeune ami Jean. La réponse de Jésus est volontairement vague :

« Si je désire qu’il vive jusqu’à ce que je revienne, que t’importe ? Toi suis-moi » Jean 21 : 22, version TOB.

Ceux qui ont entendu ces paroles ont pensé que Jean ne mourrait pas, or le Christ n’avait pas parlé ainsi, et il le précisera en suivant. Puis l’apôtre Jean insiste sur le fait que c’est son témoignage (cela est dit à deux reprises dans le verset 24). Il est clair que c’est moins à l’adresse des disciples qu’il le dit. C’est plutôt à tous ceux et celles qui liront son témoignage (dans le monde) qu’il conclut son testament. Quand on pense qu’il s’agit du dernier écrit très certainement du Nouveau Testament, on mesure toute sa force et sa profondeur.

 

En quoi la singularité de cette double conclusion nous intéresse ?

 

Elle établit, par déduction, un contraste entre le Christ de la foi et le Jésus de l’histoire. Pour nous, aujourd’hui, il nous importe moins d’admettre l’existence de Jésus, que d’avoir foi en toutes ses promesses qui alimentent notre foi.

Croire au Jésus historique n’est plus contesté, mais avoir la foi en un Christ mort et ressuscité, c’est entrer dans une intimité spirituelle comparable à celle qu’ont connue les apôtres.

Si la conclusion ultime ne parle plus de signes ou de miracles, mais seulement « d’autres nombreuses choses », c’est peut-être pour nous inviter à une démarche spirituelle plus personnelle et plus intime. Même si la quête d’un Jésus historique a beaucoup évolué depuis ses origines, reconnaissons que spirituellement nous sommes loin de connaître la profondeur de sa personnalité.

Cette dernière conclusion signe l’ouverture spirituelle au monde. Elle suggère de prendre en considération que le Seigneur veut être présent dans nos vies. Il est l’« Emmanuel ».  

 

L’apôtre Jacques écrira à ce sujet :

 

« Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien, les démons le croient aussi, et ils tremblent » Jacques 2 : 19, version LSG. Tout au plus peut-on dire dans nos sociétés contemporaines, que dorénavant, il y a un avant et un après la venue de Jésus.

 

« Jésus a fait encore beaucoup d'autres choses ; si on les écrivait en détail, je ne pense pas que le monde même pût contenir les livres qu'on écrirait » Jean 21 : 25, version LSG.

Si Jean prend soin de nous dire que tout n’a pas été écrit, c’est peut-être parce que cela n’aurait pas changé le regard de ceux et celles qui s’arrêtent à la vision d’un Jésus purement historique. Sous l’action du Saint-Esprit Jean veut nous faire comprendre qu’un hypothétique rapport de tous les faits et gestes du Christ n’aurait rien changé quant à la liberté de choix de chacun. A contrario, il déclare que ce qui est écrit est suffisant pour faire naître la foi.

Ainsi, l’apôtre bien-aimé veut nous sensibiliser au fait que son évangile peut avoir deux types de destinataires. Il y a ceux qui vivent dans ce monde d’une façon ordinaire et il y a les intimes du Christ. Ceux qui ont placé en Lui leur foi.

 

Est-ce donc si important d’avoir foi en Christ, l’oint du Père ?

 

La foi, au cœur de laquelle la confiance a un rôle prépondérant, est essentielle dans la relation à Christ. Nous ne parlons pas du verbe croire qui interpelle l’intelligence, mais bien de la foi qui désire une adhésion au projet de l’être aimé. Sans la foi, la lettre est morte. Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu (cf. Hébreux 11 : 6). La foi a ce bonheur de créer une intimité, c’est-à-dire une relation qui engage l’être dans son entier. La foi révèle qui fut Jésus de Nazareth.

 

C’est la raison pour laquelle l’apôtre Paul écrira aux Corinthiens :

« Faites vous-mêmes votre propre critique, voyez si vous êtes dans la foi, éprouvez-vous ; ou bien ne reconnaissez-vous pas que Jésus Christ est en vous ?  2 Corinthiens 13 : 5, version TOB.

 

La foi accueille l’envoyé de Dieu, Jésus, celui qu’il a oint : Christ.

L’apôtre Paula analyse la provenance de cette foi. Il répond à la question d’où vient-elle ? : « La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ » Romains 10 : 17, version LSG.

Ce n’est pas une parole ordinaire, elle est d’inspiration divine :

« Voici pourquoi, de notre côté, nous rendons sans cesse grâce à Dieu : quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l'avez accueillie, non comme une parole d'homme, mais comme ce qu'elle est réellement, la parole de Dieu, qui est aussi à l'œuvre en vous, les croyants » 1Thessaloniciens 2 : 13, version TOB. C’est la raison pour laquelle les écrivains du Livre inviteront les chrétiens à s’attacher au message qu’ils avaient reçu de Jésus lui-même (cf. Hébreux 2 : 1).

 

La foi étant indispensable à toute vraie relation à Christ, dès la naissance des premières communautés chrétiennes, Paul et Barnabas (pour ne citer qu’eux) exhortèrent les chrétiens de Derbe à persévérer dans la foi, quelles que soient leurs difficultés (cf. Actes 14 : 22). C’est ainsi que les premières églises prospérèrent (cf. Actes 16 : 5). Il n’était pas question d’adhérer à un simple discours de campagne…L’enjeu était plus prégnant : il s’agissait d’accueillir dans son cœur les paroles de vie de Jésus et d’adhérer avec joie à la force de ses promesses. Rester ferme dans cette foi, tel était le mot d’ordre (cf. 1 Corinthiens 16 : 13 ; 15 : 58 ; 2 Corinthiens 1 : 24 ; philippiens 1 : 25 ; Colossiens 1 : 23;  2 : 5, 7 ; 1 Timothée 1 : 19 ; 2 Timothée 2 : 21 ; 3 : 14).

L’apôtre Paul, lui-même, rendra à la fin de sa vie ce témoignage éloquent : « J'ai combattu le beau combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi » 2 Tim. 4 : 7, version TOB.

 

Essayons maintenant de comprendre pourquoi, l’apôtre Jean a donné la priorité (dans sa première conclusion) à la relation intime, telle que le Maître l’a vécue avec ses disciples.

 

Jean a compris dès ses premières rencontres avec le Christ que le plus important dans la vie était la relation qui nous lie à Dieu et à notre prochain. Dans le domaine de la foi, Jean a été celui qui a le plus souligné la nécessité d’être unis les uns aux autres, comme Jésus l’a été avec son Père (cf. Jean 10 : 30 ; 14 : 8 -11).

Il rapportera ces mots prodigieux :

« Encore un peu, et le monde ne me verra plus ; vous, vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi. En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous » Jean 14 :19-20, version TOB.

Il est le seul à avoir approfondi si intensément le sujet de notre relation au Père. Il n’a pas oublié les paroles du Seigneur s’adressant aux belliqueux et contestataires de son message :

« Si Dieu était votre père, vous m'auriez aimé, car c'est de Dieu que je suis sorti et que je viens ; je ne suis pas venu de mon propre chef, c'est Lui qui m'a envoyé » Jean 8 : 42, version TOB.

Si c’est Matthieu qui a rapporté le modèle de prière initié par le Seigneur (cf. Matthieu 6 : 9-13), c’est bien celui qui a eu l’humilité de s’appeler « celui que Jésus aimait » (cf. Jean 13 : 23) qui a développé avec le plus d’amplitude et de profondeur la relation que tout être vivant devrait avoir avec Dieu-le Père.

 

Jean a été cohérent dans son message jusqu’au soir de sa vie. Il a eu le désir de nous transmettre une Parole qui nous repositionne sur l’essentiel de notre existence.

Jean restera celui qui aura donné la meilleure explication du sacrifice du Christ :

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » Jean 3 : 16, version TOB.

En soulignant en caractères gras la nécessité d’entretenir une relation personnelle avec le Père et le Fils, l’apôtre Jean a donné une perspective à une vie présente. C’est par l’expérience de ce vécu que nous donnons du sens à la question de la vie, a fortiori de notre vie.

 

Conclusion :

 

La conclusion de l’évangile de Jean nous interpelle quant à nos choix de vie. Nous pouvons, comme le commun des mortels, croire que le personnage de Jésus de Nazareth est un sage qui a marqué l’histoire de son temps. Ou alors, nous pouvons avoir foi en Christ, l’envoyé du Père, qui a donné sa vie pour que la nôtre trouve sa voie vers l’éternité.

Le premier chemin conduit à la connaissance d’une référence historique. C’est le Jésus de

l’histoire. Mais ce personnage reste distant de ce que je suis et désire devenir.

L’autre chemin nous éveille à la joie d’entretenir une relation personnelle avec Lui en nous appuyant sur ses promesses (entre autres : « Je suis avec vous, tous les jours jusqu’à la fin du monde » (cf. Matthieu 28 : 20). C’est vers le Christ de la foi, manifestation inexplicable de la grâce divine, émanation d’un amour transcendant inaccessible, mais dont on peut mesurer les bienfaits dans nos quotidiens, qu’il nous faut cheminer.

La conclusion du testament de Jean nous renvoie à une responsabilité individuelle. Désormais nous pouvons soit être acteur d’un message de salut au monde (qui  pour autant s’en va à sa perte),  soit se laisser vivre dans un monde qui est sur le point de faire naufrage (cf. L’expérience de Paul dans son voyage à Rome en est l’illustration ; cf. Actes 27).

 

« Que la paix et l’amour avec la foi soient donnés aux frères de la part de Dieu le Père et du Seigneur Jésus-Christ ! Que la grâce soit avec tous ceux qui aiment notre Seigneur Jésus-Christ d’un amour inaltérable » Ephésiens 6 23-24, version LSG.

 

                                         Jacques Eychenne

                                                                         

 

PS : LSG, version Louis Segond 1982 ; FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem ; TOB, version de la traduction Œcuménique de la Bible.

 

  1. En théologie, il y a, en gros, deux types d’approches du texte grec du Nouveau Testament :

Il y a celle que l’on appelle : diachronique : elle perçoit le texte dans un processus en devenir, compte tenu du fait qu’elle prend en compte la question des sources, des recherches textuelles, archéologiques ou autres. On fait l’inventaire des divers auteurs potentiels et des rajouts postérieurs au texte lui-même…

Et il y a l’approche synchronique. Elle prend le texte tel qu’il est, et tel qu’il nous est parvenu, sans se poser toutes les questions d’authenticité, de sources, de rajouts, de différence entre ce qui est inspiré de ce qui ne l’est pas.

Pour ma part c’est cette dernière approche qui est mienne.Je pars du principe que si Dieu a inspiré des écrivains, il s’est aussi porté garant de la transmission de leur message. C’est devant cette Parole écrite que je me positionne.

 

 

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