Job 9ème partie

 

Job

ou            

La Foi solitaire

 

Job 15-21 

(9ème partie)

 

 

 

 

Introduction :

 

Job butte toujours devant la même difficulté. Il est pour le moins perplexe devant la totale incompréhension de ses prétendus amis. La souffrance insupportable qu’il subit, le projette dans un questionnement sans concession. Il interpelle aussi Dieu vigoureusement. Il veut comprendre. Ce rapport de l’humain au divin pose le problème de l’essence de la foi. Certes, tel un aigle perçant les nuages dans la tempête, la foi de Job va atteindre la pleine lumière. Mais pour l’heure, il s’enlise dans ses questions, et ses amis ne lui sont d’aucun secours. Du coup, cette situation nous interpelle aussi. Est-ce que nos questions l’emportent sur notre foi ? Nous avons parfois du mal à voir clair en nous, alors pourquoi vouloir tout comprendre dans nos parcours de vie ? Où serait notre foi si nous y parvenions ?  

Pour revenir au livre de Job, la deuxième intervention d’Eliphaz de Théman va-t-elle éclairer son ami souffrant ? Sera-t-elle plus conciliante et empathique ?

 

Développement :

 

« Est-il digne du sage de mettre en avant des raisons futiles, de gonfler son sein de vent ? D’employer des arguments sans valeur et des paroles qui ne servent à rien ? Tu en viens à saper ta piété, à supprimer les prières du Tout-Puissant ! C’est ton iniquité qui inspire ta bouche, et ainsi tu adoptes le langage de la mauvaise foi. C’est ta bouche qui te condamne, et non moi ; tes propres lèvres témoignent contre toi. » Job 15 :1-6 (Version du Rabbinat Français)

Les premiers mots d’Eliphaz donnent le ton. Le dialogue de sourd se poursuit. Chacun est centré non sur son interlocuteur, mais sur ses propres arguments. Cela me rappelle une phrase que j’aimais souligner dans mes stages de formation animateurs ou directeurs de centre de vacances : « on peut écouter sans entendre, mais jamais s’entendre sans s’être écouté. » Prises isolément les remarques d’Eliphaz peuvent sonner justes. La sagesse est bien opposée à la raison futile. De même, parler pour rien dire ne constitue pas une argumentation. Seulement Eliphaz dépasse la mesure. Il entre dans le procès d’intention. Dire que l’iniquité est en Job, est osé. L’humain n’a jamais tous les éléments pour un vrai jugement. D’ailleurs Jésus a confirmé ce fait. Il n’est pas venu en ce monde pour le juger, mais le sauver. (Cf. Jean 3 : 17)  S’adressant aux Pharisiens Jésus déclare : « Vous jugez selon la chair ; moi, je ne juge personne. Et si je juge, mon jugement est vrai, car je ne suis pas seul ; mais le Père est avec moi. » Jean 8 : 15-16

Autrement dit ? Le Seigneur fait bien la différence entre les personnes et les situations qui appellent un jugement. Si Dieu a posé des lois, c’est pour le bien de la race humaine. Les transgresser constitue un danger pour la personne humaine. A chacun d’assumer ses responsabilités !

 

Mais, revenons à Eliphaz. Dans sa première intervention, il s’était fait porte–parole de la justice de Dieu (tout comme plus tard les Pharisiens du temps de Jésus). Mais maintenant, sans ménagement, il attaque directement Job. Ses deux autres compères vont d’ ailleurs lui emboîter le pas…

Eliphaz va tenter de démontrer à Job qu’il n’a nulle raison de se plaindre, car tout homme est coupable devant Dieu. (Mais ce qui est vrai dans la généralité ne l’est pas dans ce cas particulier) Par la suite, et en toute logique, il décrit toutes les conséquences de cette situation. En cela, Eliphaz ne s’écarte pas de la pensée populaire qui veut que le sort du coupable ne soit pas enviable. Ce qui est navrant (et c’est un euphémisme !) c’est que ce prétendu ami soit démuni de toute démarche affective pour son vis-à-vis souffrant. Aucune parole de compassion n’est exprimée, alors qu’il a devant lui, le spectacle le plus dégradant qu’on ait jamais vu.

Eliphaz analyse sévèrement la plaidoirie de Job. Il dénonce ses paroles vaines (Cf. Job 15 : 2,3). Elles sabordent sa mémorable sagesse. Il dénonce aussi ses paroles dangereuses (Elles sapent la foi, Idem, v. 4-6), ses autres paroles présomptueuses, voire hautaines (Idem, v.7-11) amères et pleines de colère (Idem, v. 12-16).

Triste bilan qui appuie sur le fait que Job est entrain de ruiner sa réputation.

 

Après ce constat sans appel, voyons quelles sont les propositions concrètes d’Eliphaz : (v.17-24) En premier, Eliphaz veut adosser ses propositions à son expérience et à celle de la tradition de ses pères. En cela, il n’introduit rien de nouveau. Il ne fait que reprendre ce qu’il avait déjà dit dans son premier discours.

Mais de suite après, il muscle son propos agressif envers Job. Il utilise le langage de la peur pour « convertir » Job. (Ce procédé va perdurer malheureusement au cours des siècles). Il parle des angoisses qui étreignent l’impie, comme si Job était dans ce cas. Eliphaz décrit l’épouvante des méchants tout au long de leur vie. Argument contestable et contesté par Job, mais aussi par David et bien d’autres. Il utilise le levier de la mauvaise conscience en laissant entendre que l’impie est atterré par des voix mystérieuses (Là encore, cette tactique continue à faire ses preuves de nos jours.)

Autrement dit, Eliphaz invoque des dangers imaginaires susceptibles d’infecter toute bonne conscience (à fortiori celle de Job). Dans d’autres civilisations, on parlerait des mauvais esprits… Il poursuit en disant à demi-mot que son combat est perdu d’avance, car peut-on résister à un roi déterminé dans le combat ?

Autrement dit, il enseigne le défaitisme (à quoi bon combattre, quand le combat est perdu d’avance !) Là encore, cette tactique de déstabilisation est de nos jours  bien présente. Comme nous le constatons la somme des arguments utilisés par Eliphaz relève plus d’une plaidoirie d’un procureur ou d’un avocat général, que d’un avocat de la défense.

Eliphaz ponctue son intervention par ses mots : « La maison de l’impie deviendra stérile, et le feu dévorera la tente de l’homme corrompu. Il conçoit le mal et il enfante le mal, il mûrit dans son sein des fruits qui le trompent. » Job 15 :34-35

 

Devant ce bombardement d’arguments injustifiés que va répondre Job ?

« Vous êtes tous de pauvres consolateurs. » Job 16 :2 (Version du Rabbinat Français)

Job s’attendait à un autre comportement de la part de ses amis. Curieusement cela va l’aider à prendre de la distance vis-à-vis d’eux, pour se rapprocher de Dieu (même s’il ne comprend pas ce qui lui arrive).

Job se sent « épuisé » v.7. Il aurait pu être amer et s’en prendre à ses amis (Cf.v.4-5) Il n’en fait rien. C’est sa relation avec Dieu qui le préoccupe. Il a le sentiment que Dieu l’a exténué, qu’il a jeté le trouble dans son cœur en le livrant à des écervelés. Les larmes sont sa consolation. Il dit « J’ai le visage tout bouffi par les pleurs »Job 16 :17 (Version R.F)  Pourtant, il a toujours la conviction d’avoir agi droitement. Sa prière a sans cesse été pure. La dernière alternative positive reste donc la mort.  « Mon souffle se perd, mes jours s’éteignent, le sépulcre m’attend. » Job 17 : 1  

On voit que Job est traversé par une grande perplexité intérieure. Sa plainte est touchante. N’est-elle pas celle de tout croyant ? « Je t’en prie, sois mon garant auprès de toi-même ; Qui d’autre prendrait des engagements pour moi ? » Job 17 : 3 Cela nous rappelle l’exclamation de Simon Pierre. (Cf. Jean 6 :68)

Le Chapitre 17 s’achève sur cette perplexité : « Où donc est mon espérance ? Mon espérance qui peut la voir ? Elle a sombré jusqu’au fond du Chéol, si toutefois le repos est assuré dans la poussière. » Job 17 :18 (Version R.F)

 

Dans le contexte de cette atmosphère pesante, Bildad reprend la parole. Sera-t-il enfin sensible à la souffrance de son ami ? Aura-t-il de la compassion pour sa grande douleur ?

Malheureusement toute sa tirade n’apporte, là encore, rien de nouveau. Elle est de la même veine que son premier discours. Il persiste à confondre Job avec ses idées préconçues. Il ne parle jamais de sa souffrance. Il semble insensible. Pour lui, Job est un pécheur endurci qui refuse tout processus de repentance. Alors, dans sa cohérence, il décrit les perspectives sinistres qui sont attribuées aux méchants. Même si sa narration est pleine de réalisme, elle n’en demeure pas moins hors sujet. Sa conclusion est symptomatique : « Oui, voilà ce qui attend les demeures du malfaiteur, la résidence de qui ne reconnait pas Dieu ! » Job 18 :21  (Version R.F) comme si Job était dans ce cas !

 

Du coup, Job réagit : « Jusqu’à quand affligerez-vous mon âme et m’écraserez-vous de discours ? Voilà dix fois que vous m’outragez ; n’avez-vous pas honte de m’étourdir ainsi ? » Job 19 :2 (Version R.F)

La dureté de ses amis va permettre à Job d’exprimer sa conviction la plus profonde. Sa foi va atteindre l’inaccessible solution qui est en Dieu.

Certes, Job va de nouveau s’indigner contre l’attitude incompréhensible de ses amis : « Pensez-vous démontrer que je suis coupable ? » v.5

Il va récapituler toutes les épreuves dont Dieu l’accable, témoigner qu’il implore toujours la justice, se plaindre qu’il est abandonné par ses proches, reconnaître que sa situation doit être un poids pour sa femme, implorer la pitié de ses amis, mais, dans un moment d’illumination de grâce, sa foi va transcender toutes considérations le reliant à la terre.

« Mais je sais que mon rédempteur est vivant et qu’il se lèvera le dernier sur la terre. » Job 19 :25

Autres versions :

« Je sais bien, moi, que mon sauveur vit, et qu’à la fin il se manifestera sur la terre. » Idem. (Version Rabbinat Français)

« Je sais bien, moi, que mon rédempteur est vivant, et qu’il se lèvera, le dernier, sur la poussière, »Idem. (Version Nouvelle Bible Segond)

« Car je le sais, mon Rédempteur est vivant, et au dernier jour je ressusciterai de la terre ; » (traduction Française de l’abbé H. Lesêtre, d’ après la Vulgate)

La version des Septante (LXX) «Je sais qu’il est éternel, celui qui vient me délivrer sur la terre » Note N.B.S, éd.2002, p. 666 

Nous avons là une des plus belles expressions de foi de l’Ancien Testament.

Au chœur de ce livre de Job, cette inscription indélébile est un faisceau de lumière dans un ciel menaçant. Le texte est concis, solennel. L’espérance se mue en certitude. Elle transcende tous les discours, tous les arguments.

 

Le mot hébreu go’el a été traduit par rédempteur. D’où vient son origine ?

« Dans L’ordre social fort primitif où vivaient les tribus errantes des pasteurs, comme parmi les Arabes qui promènent encore leurs tentes dans les déserts du Sinaï, aucune autorité sociale ne garantissait le juste châtiment des meurtres dont les membres de la tribu pouvaient être victimes. En l’absence de pouvoirs publics, c’était à la famille de se faire justice; une loi traditionnelle, dangereuse mais utile, et en tout cas ponctuellement observée, dirigeait ainsi l’ordre de ces revendications : c'était au fils de venger son père par la mort du coupable, et, à défaut du fils, ce devoir saisissait le plus proche parent. Or, dès le jour où un homme était investi de cette mission sacrée, il devenait le goel du défunt. Le pays le savait, et les traditions toujours respectées, comme l'opinion de ses concitoyens, l’encourageaient et le soutenaient dans l’exécution de sa tâche. » Citation commentaire abbé H. Lesêtre, le livre de Job, bibliothèque Saint Libère 2012, p. 127

On pourrait traduire ce mot par défenseur, avocat, garant… Pour nous chrétiens, le Christ va habiter complétement ce rôle de go’el. Il vient relever l’honneur bafoué du Père, et vaincre l’adversité, non cette fois par la violence, mais par l’ amour.

 

Job avait déjà utilisé ce terme hébreu en Job 16 :20, mais là, il explicite clairement qui il est : C’est Dieu, le Vivant Eternel. Il y a bien dans la bible des formulations analogues (ex. Cf. Deutéronome 5 :23), mais jamais elles n’atteignent un tel degré de puissance. Job est convaincu qu’il verra Dieu «  Mes yeux le verront, et non ceux d’un autre » v.27

Qu’importe dès lors que son corps soit réduit en cendres ! Rappelons que la foi est avant tout la certitude d’être connu et aimer de Dieu, avant de le connaître et de l’aimer.

Cette conviction que Dieu prendra, à un moment ou à un autre, sa défense peut être rapprochée de l’expérience des chrétiens. Par exemple quand l’apôtre Jean déclare : « Si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste » 1 Jean 1 :1

Cette merveilleuse profession de foi de Job est à mettre en contraste avec sa déchéance physique.  Cette opposition entre le désespoir en un instant critique, et sa foi allant au plus près de Dieu, est annonciatrice de la bonne nouvelle du salut gratuit en Jésus-Christ. Rien ne peut bloquer l’élan de la foi vers l’éternité bienheureuse. En cela, le parcours de Job est d’une grande richesse… La vie au-delà de la mort est le plus merveilleux postulat de la foi sereine et confiante. Job conclue en rappelant qu’il y a aura un jugement. Il attend avec impatience l’instant où toute vérité intrinsèque, à caractère incontestable, sera en pleine lumière.

 

Que va dire Tsophar face à ce témoignage éloquent de son ami Job ? Il persiste et signe son indignation, et il va décliner tous les malheurs qui percutent les impies, les méchants. Sa conception d’un Dieu de justice, il la décrit au travers d’une expression de fureur ou de colère qui poursuit l’impie. Vision archaïque des dieux antiques.

 

Job va répondre à Tsophar, mais il s’adresse aussi aux deux autres amis. Il souhaite avant tout être écouté, à défaut d’être entendu. Il montre qu’il n’ existe pas de vraie justice ici-bas. Le constat de la prospérité des méchants en est sa démonstration. (Cf. Job 21 :7-15) Il semble même que Dieu laisse faire, il est rare que les impies paient dans cette vie présente. (Cf. Job 21 :17-21) Le sort des méchants n’est parfois guère différent de celui des bons. « L’un meurt au sein du bien-être, de la paix et du bonheur, les flancs chargés de graisse et la moelle des os remplie de sève ; l’autre meurt, l’amertume dans l’âme, sans avoir joui d’aucun bien. Et tous deux se couchent dans la poussière… » Job 21 : 23-26

De même dans la mort, il n’y a pas de différence entre le bon et le méchant. (Cf. Job 21 :30-33)

Job essaie de faire comprendre à ses amis que le mot de justice a été vidé de sa substance. Tous les humains connaissent la même fin. Alors, il conclue : « Comment pouvez-vous m’offrir des consolations si futiles ! Ce qui reste de vos réponses n’est que tromperie. » Job 21 :34

 

Conclusion :

 

L’analyse rapide de ces 7 chapitres, révèle toute la tension de l’humain souffrant, dans sa recherche d’explications satisfaisantes, avec le mal. Job a besoin de comprendre, et on épouse aisément sa volonté… Mais son comportement nous éveille à la réalité d’un constat : La justice n’est pas de ce monde. Rebutante évidence qui appelle la foi ou la révolte. Job a fait le pari de la foi en la justice divine. La suite révèlera qu’il a fait le bon choix. A travers tous les siècles, ce livre a perpétué cette invitation à faire le bon choix. Il nous appartient complétement. Personne ne peut décider à notre place. Comme le rapporte Esaïe : « C’est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut, C’est dans le calme et la confiance que sera votre force » Esaïe 30 :15

Est-ce qu’Eliphaz et ses amis vont adhérer à la pensée de Job ? C’est ce que nous verrons la prochaine fois. Donc, à suivre…

 

                                                                                   Jacques Eychenne

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