Le refus de la violence

             

  

 

   Le refus de la                violence

                   ou

  Un défi au quotidien

Matthieu 5 : 38-42

 

Introduction :

 

La violence, celle qui née le plus souvent d’un sentiment d’injustice, remonte à l’origine des relations humaines. Caïn se jeta sur son frère et lui ôta la vie (cf. Genèse 4 : 8). Ce problème perdure et s’aggrave. Les tensions s’intensifient. Elles sont nourries par une pléiade de facteurs. Aucune violence ne paraît gratuite, toutes semblent se justifier. De ce fait, dans toutes les parties de notre planète, nous assistons à la banalisation de ce phénomène qui révèle l’impuissance de ceux qui veulent l’endiguer.

Dans ce contexte, le chrétien ne peut que subir cette déferlante. Comment faut-il s’en prémunir ? Jadis, Yahvé Adonaï avait dit à Caïn, peu avant son passage à l’acte meurtrier : « le péché se couche à la porte, et ses désirs se portent vers toi : mais toi, domine sur lui » Genèse 4 : 7, version NEG. Comment dominer cette violence qui s’ourdit dans nos cœurs ? comment apaiser ce qui ne demande qu’à exploser ?

 

 Développement : 

 

Dans son sermon sur la montagne, tout au début de son ministère, le Seigneur a abordé cette épineuse question de la violence. Il a déclaré : « Vous avez entendu qu'il a été dit : œil pour œil et dent pour dent. Eh bien ! moi je vous dis de ne pas tenir tête au méchant : au contraire, quelqu'un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui encore l'autre » Matthieu 5 : 38-39, version FBJ.

 

S’agit-il d’une provocation de la part du Christ, ou préconise-t-il une vraie solution ?

La loi du talion est présentée à plusieurs reprises dans le Pentateuque (cf. Exode 21 : 23-25 ; Lévitique 24 : 19-20 ; Deutéronome 19 : 21). Il faut bien reconnaître que dans les sociétés qui régissaient la vie sociale des humains, cette loi était un progrès social. Son utilité était évidente. Elle se présentait sous la forme d’une régulation de tous les passages à l’acte, de nature violente. Elle avait pour objectif de circonscrire la violence en évitant de tomber dans la spirale de la vengeance. Cette surenchère portée à son paroxysme risquait d’anéantir des peuples entiers. En proposant la limite d’un acte équivalant à l’agression perçue, cette disposition limitait la violence sans pour autant l’éradiquer. C’est la raison pour laquelle le Seigneur est venu préconiser une autre voie : L’amour qui engendre la non-violence. Cette voie excellente prend en considération la justice humaine, mais elle la repositionne à sa vraie place. La priorité revient à la justice divine. Partant de cette observation, vouloir tenir tête au méchant est peine perdue. Vouloir parlementer avec l’irrationnel l’est tout autant.

 

Dans l’Antiquité, c’est le code d’honneur qui alimentait la réponse violente. Dans la bouche du Christ, c’est un autre code d’honneur qui est activé. La modification de ce code

d’honneur, tel un virus affaibli, utilisé comme vaccin, consiste à utiliser une violence d’une autre nature, une autre violence tout aussi puissante et déstabilisatrice : la non-violence mue par amour. Cette force de renoncement, à fort pouvoir cicatrisant, ne peut qu’être alimentée par l’esprit de Dieu. Toute tentative purement humaine est vouée à l’échec.  

En conséquence, la loi du talion est invalidée. Cette rupture avec cette pratique ancestrale ouvre une ère nouvelle. Présenter sa joue droite, quand la gauche a été frappée, c’est renvoyer à l’autre la responsabilité de son agression. C’est aussi lui dire notre refus de nous placer sur son terrain. La force n’est pas là où on la croit ! Avoir cette sainte maîtrise nous situe dans la trajectoire de l’amour du Christ. La force de l’amour du Christ a été de priver d’oxygène ce feu du mal qui ne cessait de nous consumer. Le Seigneur adresse à tous les humains une relecture de la Torah. L’amour pour autrui supprime ce que la loi du talion permettait. En dénonçant la violence qui va jusqu’à la mort, Jésus de Nazareth a positivement prodigué des gestes d’amour.

Soyons clairs ! En préconisant cette voie, le Seigneur a été conscient qu’il déclenchait une véritable déflagration aux multiples conséquences. L’une d’entre elles nous laisse entendre que nous entrons en combat, non contre quelqu’un, mais contre nous-mêmes.

 

Matthieu 10 : 34-39      Comment comprendre ce texte ?

 

L’épée fait référence tout de suite à la guerre, surtout quand elle est opposée dans ce texte à la paix. Le mot grec μαχαιρα = machaira = épée ou glaive (a d’ailleurs la même racine que le mot μαχη= maché= traduit par bataille ou combat). Que faut-il donc en conclure ?

 

1) notre vie s’apparente à un vrai combat.

Le Larousse définit le combat par ces mots : « lutte armée ou non… Fig. affrontement d’éléments hostiles, de difficultés. La vie est un combat = opposition. Combat du bien et du mal. »

Le Seigneur veut nous indiquer que, comme lui, nous sommes appelés à la réalité quotidienne d’un affrontement entre le bien et le mal. Notre positionnement dans ce défi peut perturber toutes nos relations. Le texte de Matthieu est explicite : division entre père et fils, mère et fille, belle-mère et belle-fille, pour ne parler que de nos proches…

Notons à ce propos, que la psychanalyse moderne, vient surenchérir sur le sujet, en précisant que cette opposition est souvent nécessaire à la construction d’une personnalité autonome. Elle l’est, pour se définir comme personne indépendante. Les Psychiatres précisent même que l’absence de cette confrontation peut engendrer des dommages psychologiques, invalidants pour l’avenir. Plus simplement, nous devons comprendre que notre engagement spirituel ne peut rester neutre dans toutes nos relations, y compris avec notre propre famille. Le Christ veut nous faire saisir de près, que le suivre, c’est renoncer à avoir des gestes de violence envers autrui, a fortiori, à porter atteinte à son intégrité physique. Cette exigence nous dérange pour le moins, car elle bouscule nos réactions naturelles. Qui accepte de se laisser rouer de coups en disant : amen ! Qui peut se réjouir d’être profondément humilié ? Et que faire devant l’agression gratuite ou fanatique ? La législation humaine ne prévoit-elle pas la légitime défense ? Le problème est moins simple qu’il n’y paraît !

Assurément, un repositionnement devient nécessaire, parce que nous avons été déformés par le mal et que nous ne savons plus aimer. L’exigence décrite par le Seigneur est pour notre bien. Elle est plus pour nous, que pour Dieu. En la vivant profondément, on réapprend à aimer et les premiers bénéficiaires sont nos proches.  

 

 

Voyons maintenant un autre aspect du refus de violence : Peut-on rester neutre en toutes circonstances ?

 

Notre engagement peut avoir pour conséquence un affrontement, (au sens étymologique d’aborder de front, de faire face) et cela peut dégénérer en conflit violent. Faut-il se taire ? Ne pas se faire respecter ? (Chacun veut avoir le dernier mot !). La sagesse biblique nous enjoint de fuir les débats stériles et les luttes intestines. L’apôtre dira : « Repousse les discussions folles et inutiles, sachant qu'elles font naître des querelles » 2 Timothée 2 : 23, version NEG. « Les serviteurs du Seigneur ne doivent pas se battre ou combattre, mais qu’ils soient affables envers tous, aptes à enseigner et supportant la méchanceté (Traduction littérale de 2 Timothée 2 : 24).

L’apôtre Pierre de son côté nous invite à : « ... sanctifier dans vos cœurs Christ le Seigneur, étant toujours prêts à vous défendre avec douceur et respect, devant quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » et il conclut sa démonstration par ces mots : « Il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal. »  1 Pierre 3 : 15,17.

En résumé sur ce point, on peut très bien assumer de front une difficulté relationnelle, sans pour autant s’engager dans une violence destructrice. Les actes de violence favorisent la surenchère. L’issue ne peut être que dommageable pour tous.

 

2) Un deuxième niveau de lecture du texte de Matthieu nous conduit dans la symbolique de l’épée : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée ».

 

Tout en restant dans la réalité d’un vrai combat, l’apôtre Paul le recadre et apporte des précisions. Lire Ephésiens 6 : 11-17.  Il ne faut pas se tromper de combat ! Notre priorité dans ce combat n’est pas l’autre, appelé mon frère ou ma sœur, mais plutôt toute domination venant de l’adversaire de Dieu. Le Christ ne s’est pas trompé de combat, quand il inaugura son ministère, après son baptême, en affrontant le malin. Il contesta son autorité en utilisant une parole, celle transmise par son Père aux prophètes. Cette parole puissante qui vient de Dieu est symbolisée par l’épée. Elle nous rappelle que le combat auquel nous sommes appelés est avant tout spirituel.

 

Si nous n’avons pas à combattre physiquement l’humain, nous avons la responsabilité d’assumer nos choix, en approuvant ou désapprouvant. Savoir dire non fermement, est une marque de responsabilité. C’est le signe du respect de soi, et de son prochain. Nous devons, en toutes circonstances, rester compagnons de route les uns des autres, autant que cela dépende de nous (Rappelons que personne ne détient la vérité sur tout).

 

L’épée dans ce combat est bien celle de l’Esprit qui est la parole de Dieu. C’est vers ce sens symbolique, que les textes bibliques orientent notre compréhension.

C’est bien cette arme que le Seigneur veut que nous utilisions suivant son exemple. Il est à noter que face à la réalité du combat contre le mal, le Christ n’a pas fait appel à sa toute-puissance. Il a utilisé l’épée comme seule arme offensive. Or, l’apôtre Paul a développé le sujet de la symbolique de l’épée : « Prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu » Ephésiens 6 : 17.  Cette Parole, telle une épée à deux tranchants, a pour objectif de couper, de séparer, de mettre en pièces. Le texte biblique suivant est très explicite à cet endroit : « La parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante qu’une épée quelconque à deux tranchants, pénétrante jusqu’à partager âme et esprit, jointures et moelles ; elle juge les sentiments et les pensées du cœur » Hébreux 4 : 12.

 

Notre sauvegarde est donc de suivre l’exemple de notre Seigneur en toutes circonstances. Nous sommes donc appelés à gérer nos émotions et nos pulsions négatives (souvent agressives d’ailleurs) en utilisant l’épée des Saintes Ecritures : la Parole de Dieu.

 

3) Un troisième niveau de lecture peut compléter l’analyse de ces textes.

 

Luc 22 : 35-38 // Matthieu 26 : 51, 52, 53 // Jean 18 :10-11.

Comment comprendre que le Seigneur demande que l’on achète une épée, et approuve le fait que les apôtres en acquièrent deux, pour ensuite reprocher à Pierre d’avoir utilisé la sienne pour le défendre ? Quel enseignement fallait-il saisir ?

Principalement une chose essentielle : Le combat est avant tout d’ordre spirituel.

 

Ce qui soutient cette démonstration sont les versets 53 et 54 de Matthieu 26.

« Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges ? Comment donc s’accompliraient les Ecritures, d’après lesquelles il doit en être ainsi ? » (Voire aussi Jean 18 :33-38).

Le combat ne se justifie qu’en regard d’un enjeu éminemment spirituel.

D’ailleurs, Jésus fait remarquer à Pierre qu’en utilisant son épée, il contrarie le plan de Dieu. Il agit en sens contraire… Jésus dit à Pierre : « Remets ton épée dans le fourreau. Ne boirai-je pas la coupe que le Père m’a donnée à boire ? »  Jean 18 :11. Il fallait donc que Pierre porte l’arme défensive commune à l’époque, pour bien montrer que cette attitude était du registre de l’humain, afin de lui donner une autre signification plus importante.

Désormais, cette parole fera partie intégrante de la prédication des apôtres…

 

Au point où nous sommes parvenus, abordons maintenant à un autre passage qui mérite réflexion : Matthieu 11 : 11,12. Que dit le texte ? « Le royaume des cieux est l’objet de violence et ce sont ceux qui usent de violence qui l’enlèvent de force ou le ravissent ou s’en emparent » (traduction libre). N’y a t il pas là une contradiction avec tout ce que nous venons de dire ?

Le texte parle bien de violence. Dès lors, comment la comprendre ? Sans éluder la question, disons d’abord que le verbe est rare dans le Nouveau Testament. (Nous n’avons que deux seules occurrences dans le Nouveau Testament, et toujours à la même forme grammaticale grecque, c'est-à-dire : le moyen passif. Le plus souvent le moyen s’emploie quand le sujet exécute l’action pour lui-même ou la fait faire pour lui. En français, ce serait la forme réfléchie qui serait la plus proche. On se fait violence ! Sur ce détail grammatical, le texte de Luc 16 :16,17 est éclairant).

 

Il s’agirait de se faire violence pour entrer dans le royaume des cieux.

 

Cela revient à dire qu’il faut rassembler toutes ses forces pour accéder à ce royaume afin d’être dans la prolongation de la vie (en grec, βια= bia= est la violence, βιοσ= bios = est la vie. Le lien qui unit ces deux notions est étroit. La racine est la même). Dans ce sens l’accouchement d’un enfant est un fabuleux acte de violence qui donne vie.

Il y aurait donc une violence positive nécessaire à notre propre développement.

Si la vie est un combat, il faut assurément de la force pour faire les bons choix. En langage plus moderne, nous dirions qu’il faut de la détermination, de la volonté et de la persévérance pour réussir sa vie. Mais cela ne suffit pas. Sans l’aide divine, notre réussite n’est que passagère, éphémère, appelée à disparaître (cf. Jacques 4 : 14).  

C’est pourquoi, le royaume de Dieu est pour ceux et celles, qui de toutes leurs forces désirent y participer. Grâce à Jésus-Christ, la foi rend possible cette merveilleuse aventure.

L’apôtre Paul témoigne : « C'est le but de mon labeur, du combat mené avec sa force (celle du Christ) qui agit puissamment en moi » Colossiens 1 : 29, version TOB.

 

 

A Timothée, son petit protégé, il dira avec conviction : « Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle… » 1 Timothée 6 : 12. Ailleurs, il lui dira : « Ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de

sagesse » 2 Timothée 1 : 7

 

Le Seigneur veut nous communiquer cette force, qui alliée à l’amour et à la sagesse, nous permet de ne pas avoir honte du témoignage à rendre à Jésus-Christ.

L’apôtre Paul conseille à son disciple Timothée de renflammer, de ranimer ou d’attiser le don de Dieu qui est en lui (Idem. V. 6).  

 

La violence positive, qui est force communiquée par Dieu, n’est jamais tournée vers autrui.

Elle donne du sens à notre engagement d’amour pour Dieu. Elle alimente une modération, un bon sens, dans nos actes sous le regard de Dieu. Concrètement, elle renvoie à ce que l’on nomme, la maîtrise de soi.

Dès lors, si on me frappe sur la joue droite, tendre la gauche (cf. Matthieu 5 :39), n’est plus un acte de faiblesse, mais de force. Celle qui renvoie à l’agresseur sa propre faiblesse, infirme qu’il est dans sa capacité de dialogue. Il n’a d’autre recours que l’agression. Ce faisant, il démontre que le plus faible des deux n’est pas celui que l’on pense ! C’est pourquoi Jésus a dit au garde qui l’avait giflé en présence du souverain sacrificateur, lors de son procès : « Si j’ai mal parlé, explique-moi ce que j’ai dit de mal ; et si j’ai bien parlé pourquoi me frappes-tu ? ». Quelle force, quelle violence positive, quelle maîtrise de soi ! Le Christ a tout simplement renvoyé cet huissier de service, à sa propre violence.

 

Conclusion :

 

Chaque humain doit se positionner devant deux types de violences : une violence positive et une négative. L’une est don de Dieu. Elle fait jaillir, comme avec la Samaritaine, la source d’eau vive de notre cœur (cf. Jean 4 : 4-29). Cette violence respectueuse participe au bonheur.

L’autre dirigée contre notre prochain est destructrice. Il y a une violence pour la vie et une autre contre la vie.

Il y a une violence légitime, celle que l’on s’impose et une violence illégitime. Elle consiste à se faire entendre par la force. Elle traduit des gestes d’impuissance, accompagnés d’une illusion de domination et de pouvoir. Elle révèle un gros handicap au dialogue et à la recherche d’une solution pacifique. Dans notre relation au prochain, le vrai dialogue permet à chacun de trouver un motif de satisfaction. Cela exclut le fanatisme sous toutes ses formes.

La violence que l’on s’impose se doit d’être éclairée par Dieu. Celle qui relève uniquement de l’humain conduit à une impasse.  

Vouloir changer la société ne sert pas à grand-chose, quand le cœur n’est pas concerné par ce changement. La véritable révolution est celle que le Christ a initiée : c’est la révolution du cœur. Elle place Dieu au centre de nos actions. C’est ce combat-là qu’il nous faut mener !

 

Gandhi a écrit dans un extrait de lettre à l’Ashram : « La non-violence ne consiste pas à renoncer à toute lutte réelle contre le mal. C’est au contraire contre le mal, une lutte plus active et plus réelle que la loi du talion ».                

                                                                                                   

                                                                                       Jacques Eychenne

 

PS : FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem ; TOB, version Traduction Œcuménique de la Bible.

                                                                              

 

 

     

 

                                                                                                                                             

 

 

 

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