Jésus doux et humble de coeur

 

       Jésus est doux

    et humble de cœur

                   ou

   le fardeau léger

     Matthieu 11 : 28-30

 

Introduction :

 

 

Le Seigneur Jésus vient de donner ses directives aux disciples. Ils partiront bientôt en mission. Nous sommes toujours en Galilée. Dernièrement, le Christ a ressuscité le fils unique de la veuve de Naïn. Il a donné des instructions à la foule qui se posait des questions au sujet du ministère de Jean-Baptiste. Chemin faisant, le Seigneur a proféré des imprécations contre les villes bordant le lac de Galilée, car son message d’espoir n’avait pas été accueilli. Puis, le texte de Matthieu nous révèle des propos plus intimistes. Cela concerne la relation du Seigneur Jésus avec son Père, puis la relation du Fils avec l’humain.

Le contexte établit un contraste entre l’accueil des petits (en grec : νήπιος = nepios = un enfant, un petit enfant ; un mineur, pas en âge ; métaph. enfantin, ignorant, non habile) venant aussi du monde païen (cf. Matthieu 11 : 21) et celui des sages (σοφός = sophos =

sage ; habile dans les lettres, cultivé, instruit, des théologiens Juifs), et des intelligents (cf. Matthieu 11 : 25) ; συνετός = sunetos = intelligent, ayant de la compréhension, sage, instruit).

 

Le Seigneur saisit l’occasion de son apparent échec auprès des sages et des intelligents, pour louer son Père. Par là même, le Christ dévoile une facette de son œuvre de salut : intégrer aussi les petits, ceux qui sont méprisés des puissants. Observons que l’opposition des verbes cacher-révéler est au chœur des chapitres 11 à 13 de Matthieu.

Ce contexte nous dit que ce ne sont pas les mots émanant uniquement d’une volonté de Jésus. Pour clarifier ses propos, le Seigneur déclare solennellement : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, c'est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance. Tout m'a été remis par mon Père. Nul ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler » Matthieu 11 : 25, version TOB. 

 

Développement :

 

C’est à la suite de cette révélation merveilleuse de clarté, que se déclinent les propos qui vont retenir notre attention.

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger » Matthieu 11 : 28-30, version TOB.

 

Comment comprendre l’appel solennel du Christ ? N’est-ce pas rencontrer le Père au travers du Fils dans son humanité ?

En effet, c’est fort de la relation avec son Père que le Seigneur peut nous inviter à aller vers Lui. Il incarne parfaitement le plan divin, lui l’envoyé du Père pour nous révéler qui il est, mais aussi tout ce qu’il a prévu pour notre bien-être. Les sages et les intelligents qui symbolisaient « l’intelligentsia » rabbinique proposaient le joug de la Tora. Obéissance et discipline alimentaient un légalisme lourd à porter. Le Christ prend le contre-pied de cette pensée en proposant une relation. La seule présence de Jésus supplante tous les intermédiaires si importants dans la rhétorique juive. C’est le fardeau des « encombrants » qu’il convenait de délaisser. Or, quand dès sa prime jeunesse on a été éduqué dans une voie légaliste, la conversion semble inaccessible. Pourtant, s’en remettre personnellement à Christ est une démarche libératrice, véritable œuvre de l’Esprit divin en nous. « Venez à moi, vous tous, les fatigués, les surmenés… », version A. Chouraqui. Paroles d’une saisissante actualité ! Les deux participes suggèrent deux idées distinctes et complémentaires :

Le premier présente la difficulté du labeur quotidien associé au poids des exigences spirituelles (dans le contexte de l’époque) ; le second concerne la misère morale d’une vie sans Dieu, ou avec une conception divine mutilée. A ceux-là, le Christ donne une qualité de repos (cf. verset 28) qu’ils sont censés trouver par eux-mêmes (cf. verset 29). Autrement dit, trouver équivaut simplement à accueillir ce que le Seigneur nous offre…

 

Les fatigués sont ceux et celles qui se donnent beaucoup de peine et qui subissent des contraintes extérieures. Leur capacité de résilience fond comme neige au soleil…Les surmenés sont ceux et celles qui portent des charges physiques, morales, psychiques et spirituelles, comme des bêtes de somme (cf. Comparez avec Luc 11 : 46, même verbe grec).

Comprendre et accueillir l’appel du Christ, c’est décider de ne plus porter ce qui est trop lourd pour soi. Lui seul peut nous donner ce repos après lequel nous soupirons souvent. Cette démarche relationnelle requiert de notre part un pur acte de foi.

Dans le texte de Matthieu ce qui était lourd à porter fait référence aux réglementations légalistes des pharisiens et docteurs de la loi (cf. Luc 11 : 46). Le Christ prône une émancipation sur le sujet. Elle demeure aujourd’hui encore fort pertinente. Tout ce qui oblitère la joie du salut dans un lien personnel avec Christ est préjudiciable à une saine relation spirituelle. Si nous désirons être soulagés, il convient d’écouter le conseil de l’apôtre Pierre : « Décharger-vous sur lui de tous vos soucis, car il prend soin de vous » 1 Pierre 5 : 7, version TOB. Facile à dire me direz-vous ! c’est vrai ! mais la parole du Seigneur est toujours vérité. Elle ne demande qu’à être expérimentée !

 

Prenez sur vous mon joug :

 

L’image champêtre peut être diversement perçue. Le joug est en général une pièce de bois que l’on pose sur la tête des bœufs et avec laquelle ils sont attelés pour tirer un chariot, une charrue, des arbres… Symboliquement le mot fait référence à la servitude ou à la sujétion. Dans la littérature juive l’image est souvent utilisée pour désigner la loi (cf. commentaire de la Nouvelle Bible Segond 2002, page 1264). Jésus choisit le mot à dessein. Au lieu d’être un poids, il lui donne le sens de guide. « Si vous êtes en

difficulté, laissez-moi agir semble-t-il nous dire ! ». Loin d’être une démission de notre part, la démarche rappelle une réalité : nous ne pouvons assumer ce qui est trop lourd. Notons qu’il ne s’agit pas de n’importe quel joug ! C’est celui du Christ qui nous est proposé. Le paradoxe est que son joug est principe de liberté. Le joug du Christ a l’objectif de soulager notre marche. L’affirmation du Seigneur a son corollaire : faire croître notre foi en lui.

« Et moi je vous donnerai le repos » Matthieu 11 : 28, version TOB. L’insistance du « moi je » montre à quel point le seigneur veut s’engager dans nos vies. Sa parole étant vérité, le repos qu’il promet n’est pas eschatologique. Il s’ancre dans le présent. Il devient réalité pour tous ceux et celles qui s’attachent de cœur à Christ. Il procure la paix de l’âme en toutes circonstances (cf. l’expérience de l’apôtre Paul relatée en Philippiens 4 : 11-13).

 

« Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger » Matthieu 11 : 29-30, version LSG.

 

Prendre son joug et recevoir ses instructions vont de pair (litt. en grec : apprenez de moi). Ne nous méprenons pas sur ses instructions. Le Christ n’est pas venu nous libérer de toute obligation morale. Il a substitué son message d’amour aux exigences légales des commentaires rabbiniques sur la Tora. Et pour bien marquer sa différence, il se qualifie lui-même de « doux et humble de cœur » (πρᾶος = praos = doux, gentil, aimable, calme ; ταπεινός = tapeinos = ne s'élevant pas loin du sol ; métaph. comme une condition : humble ; qui s’humilie, qui s’abaisse ; modeste).

Pour les prétentions des instances religieuses de l’époque c’était un camouflet. L’autorité des maîtres de la synagogue ne pouvait supporter une telle comparaison. La soi-disante présentation de ce Messie devait leur être insupportable. Elle le conduira à la croix… les deux attributs qui qualifient le Christ ne sont pas ceux qui d’ordinaire correspondent à l’autorité d’un chef. Quoique !

 

La philosophe Eugénie Vegleris a récemment écrit :

« Les Grecs anciens avaient plusieurs mots pour nommer la douceur tant cette vertu leur semblait centrale. Aussi étrange que cela puisse nous paraître, la douceur était considérée comme une vertu politique, au sens large de ce terme. Si Aristote définit le vivant humain comme un animal politique, c’est en raison de sa capacité exceptionnelle de communiquer avec ses semblables par la parole et d’élaborer des règles de vie commune permettant à tous et à chacun de bien vivre. La douceur est la qualité qui, nourrissant les relations inter individuelles, fonde la solidarité du groupe, condition indispensable de sa pérennité fertile ».

Dans la consultation philosophique, Août 2023.

 

Être doux n’est pas à entendre comme un aveu de faiblesse, une sorte de sensibilité maladive ou un refus d’engager une opposition constructive. Ce que le Seigneur possédait était d’une force incroyable. Elle a désarçonné les érudits de son temps, et cela dès son jeune âge (cf. Luc 2 : 41-51).

 

Sa douceur était une Force qui n’employait pas la force. Le Christ était parfaitement conscient des difficultés humaines. Sa douceur n’induisait pas la complaisance, elle puisait son énergie dans sa relation avec son Père. Elle était animée par l’amour et se concrétisait en bienveillance pour l’humain. Elle pouvait faire face calmement à l’ordre spirituel, au correctement établi dans la société juive de son temps. Elle ne pactisait avec l’injustice. Elle prônait le respect et l’équité. Avant tout, la douceur du

Seigneur était accueil du plus indigent comme du plus riche, du plus ignorant comme du plus instruit. Sa douceur disait la vérité sans la travestir ou l’ignorer. Sa douceur était une onction dans le dialogue. A la parole brutale et méchante, voire destructive, il utilisait une fermeté pénétrante qui embaumait l’atmosphère de respect comme pour dire : « je suis votre frère ».

 

Son humilité s’harmonisait bien avec sa douceur… Elle disait qu’il s’est fait serviteur. Il est venu vers nous pour vivre une vie de service. Son plus beau titre de gloire, celui qu’il aimait porter est celui de Fils de l’homme (25 fois, au moins, utilisé dans l’évangile de Matthieu). Il possédait le trésor des humbles, accessible à tous et à tout. « C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon de beaucoup » Matthieu 20 28, version LSG. Ces paroles résument bien l’état d’esprit qui habitait le Seigneur Jésus-Christ. Cette qualité de service devait révéler le Messie : « sois transportée d’allégresse, fille de Sion ! pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi ; il est juste et victorieux, il est humble et monté sur un âne » Zacharie 9 9, version LSG. L’humilité est l’apanage des grands serviteurs. Simplicité, humilité, douceur dépeignaient le caractère du Christ.

A un moment particulier de son ministère, les disciples s'approchèrent de lui (Christ) et dirent : "qui donc est le plus grand dans le royaume de Dieu ?"

Démarche de curiosité ? Dédir d'investiguer ? Devaient-ils être rassurés ?

 

Comme réponse, Jésus choisit l'action. Il l'illustra de la façon suivante : " Jésus ayant appelé un petit enfant, le plaça au milieu d'eux et dit : "Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. C'est pourquoi, quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux" Matthieu 18 : 2-4, version LSG.

C'est parce que le Seigneur vivait ce qu'il disait qu'il pouvait parler avec autorité...

Reprenons le déroulé du développement précédent. Après avoir ainsi parlé, Jésus peut alors affirmer : « et vous trouverez le repos pour vos âmes » Matthieu 11 : 29c, version LSG. (Εὑρίσκω = heurisko= après recherche, trouver une chose ; trouver par enquête, examen, recherche, observation, par la pratique et l'expérience, euréka au parfait = le célèbre : j’ai trouvé !). Le temps du verbe grec annonce une action certaine dans le futur (cf. le grec ancien dispose d’un temps simple du futur dont la définition recouvre celle de notre futur en français). La parole du Seigneur n’induit pas une hypothèse, mais une certitude ! Elle stimule l’envie de chercher. L’expression « le repos de l’âme » n’est pas à lire à la manière moderne. La pensée sémitique indiquait qu’il ne pouvait y avoir de repos, que dans un retour à Dieu et dans l’observation de cœur à ses commandements (cf. Jérémie 6 : 16). Le Christ rend possible la conversion d’une stricte obéissance légaliste, en adhésion volontaire et joyeuse à son enseignement. A. Chouraqui a traduit : « vous trouverez le réconfort pour vos êtres ».

En cela, il est une référence pour chacun de nous. C’est la raison pour laquelle il conclut son exposé par ces mots : « Mon joug est doux, et mon fardeau léger ».

Le paradoxe de la phrase réside dans la puissance de transformation dispensée par Jésus-Christ. Il transforme l’image de la soumission et de l’obéissance légale en une libération. Il convertit ce qui était lourd à porter, en poids léger afin de rendre la marche joyeuse. Prendre son joug, c’est imiter sa vie et entrer dans l’état d’esprit du royaume de son Père. N’avait-il pas dit auparavant : « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu ; et toutes ces choses vous serons données par-dessus » Matthieu 6 : 33, version LSG.

 

Qui n’a pas de nos jours le souhait de porter un fardeau léger ? Le Christ peut répondre

à notre aspiration. Pour assumer une marche légère et heureuse, il nous enjoint d’aller vers lui pour recevoir ses instructions. La démarche est d’une simplicité enfantine. Seulement elle se heurte à toutes nos réticences d’adultes. Le Seigneur requiert notre confiance, car sans elle point de relation féconde. Ainsi naît la foi …

Dans son sermon sur le mont des béatitudes, le Christ avait déjà qualifié d’heureux les humbles de cœur (cf. Matthieu 5 : 5) et une promesse leur avait été faite.

 

Les disciples ont répondu à son appel. Ils ont, à leur tour, dans leurs recommandations évangéliques, conseillé de rechercher « la parure intérieure et cachée dans le cœur, la pureté incorruptible d’un esprit doux et paisible, qui est d’un grand prix devant Dieu » 1 Pierre 3 : 4, version LSG. L’apôtre Paul dira aux Philippiens : « Que votre douceur soit connue de tous les hommes » Philippiens 4 : 4, version LSG. Il enseignera à son disciple Timothée les préceptes suivants : « Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses. Recherche la justice, la piété, la foi, l'amour, la persévérance, la douceur » 1 Timothée 6 : 11, version TOB. Enfin, aux Galates il affirmera : « Quant au fruit de l’Esprit, c’est : l’amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi ; aucune loi n’est contre de telles choses » Galates 5 : 22, version NBS, 2002. Il écrira de même aux chrétiens de Rome : « Ayez les mêmes sentiments les uns envers les autres. N'aspirez pas à ce qui est élevé, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne soyez point sages à vos propres yeux ». Romains 12 : 16, version LSG.

 

Conclusion :

 

L’invitation du Christ à s’approcher de lui n’a rien de commun avec la harangue des despotes assoiffés de pouvoir. Ses motivations nous apprennent qu’il est sensible à nos fatigues et à nos surmenages. Avec douceur et humilité, il nous révèle le fond de sa pensée salvatrice : alléger nos fardeaux et rendre notre parcours de vie plus simple, plus léger et donc plus heureux. Pour nous encourager à accepter d’aller vers lui, il nous assure de trouver le vrai repos. Ce qu’il contient est à découvrir. Il ne nous l’impose pas. Seulement nous savons, par ses diverses déclarations, que ce repos se caractérise par une paix intérieure. Ce repos nous fait découvrir les secrets de la véritable libération du poids de toutes nos culpabilités. Le Christ ouvre ses bras pour nous accueillir tel que nous sommes, fatigués et surmenés. La technique de relaxation qu’il affectionne nous dit sa douceur, sa bienveillance, son désir de nous accompagner. C’est la seule expérience personnelle qui peut nous apprendre si son invitation est crédible. Assurément, elle nous dit le vrai, le bon, le beau de la vie. Plus que jamais son appel reste prégnant. A nous de savoir ce que nous voulons décider…

 

« Crois-moi, quand l’amour parle à ton cœur, élève ton cœur vers Dieu qui est toute mansuétude et toute bonté. Tu sentiras alors ce cœur blessé redevenir calme et naïf comme celui d’un petit enfant » Georges Sand ; Teverino (1846).

 

                                                                                 Jacques Eychenne

 

 

PS :  TOB, version Traduction Œcuménique de la Bible ; LSG, version Louis Segond 1975 ; NBS, version de la Nouvelle Bible Segond 2002 ; version A ; Chouraqui de 1985.

 

 

 

 

 

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