La prière du "Notre Père" 2ème partie

Ou

    La prière de référence

    Matthieu 6 : 9-13 ; Luc 11 2-4

    2ème partie

 

Introduction :

                                      

La fois dernière, nous avons cherché à comprendre pourquoi il y avait deux textes différents rapportant la prière du «  Notre Père ». Nous avons émis l’hypothèse qu’il s’agissait en fait d’auditoires et de destinataires certainement différents. Matthieu s’adresserait à une communauté judéo-chrétienne, tandis que Luc s’adresserait, à travers son ami Théophile, à un public pagano-chrétien. Ses deux formulations, certainement prononcées dans des circonstances différentes, sont donc complémentaires. Nous avons observé d’autre part que les mots du « Notre Père » reprenaient des expressions et un vocabulaire déjà utilisé dans les prières de la synagogue. Jésus a donc employé un langage accessible à tous, en lui donnant un sens plus profond. Il a invité ses auditeurs à penser différemment. Tout en se démarquant de l’enseignement traditionnel, le Christ dans son discours programme du sermon sur la montagne, en arrive à tracer le contenu d’une relation avec Dieu. Son application mène à une véritable révolution intérieure avec compassion. Elle ouvre la porte d’entrée au royaume des cieux. Elle trace la voie d’une relation nouvelle (nouvelle alliance) fondée sur le désir d’aimer.

 

Développement :

 

 

Avant d’examiner le détail de la prière du « Notre Père », observons le contexte immédiat. Jésus met en évidence deux aspects qui vont conditionner l’énoncé de cette prière. Par ses remarques, il définit l’atmosphère de la prière.

 

1)    « En priant, ne multipliez pas les paroles, comme les non-juifs, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne faites pas comme eux… » Matthieu 6 : 7-8a

2)    « Votre Père sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez » idem, v. 8b. version Nouvelle Bible Segond.

 

Cette introduction nous emmène à comprendre plusieurs aspects concrets de la véritable relation d’amour face à Dieu. Le Maître a utilisé un verbe rare. Il est présent qu’une seule fois dans le nouveau testament. En théologie, on parle d’hapax legomenon. Le verbe est : βατταλογεω. De quoi s’agit-il ? Dans le langage courant des grecs, il s’agissait de décrire les balbutiants, les bredouillants, voire les bégayants. Dans le contexte spirituel, il est plutôt question de personnes qui usent de beaucoup de paroles. On dirait aujourd’hui, ceux qui bavardent. Dans notre texte, ils multiplient les paroles…

 

La première recommandation du Christ est de mettre en garde ses auditeurs sur le sens de la prière. Elle tranche avec les pratiques et formes d’adorations païennes centrées sur un flot de paroles répétitives.

Ce n’est pas le nombre de paroles qui importe, mais leur qualité. Il s’agit de bien penser ce que l’on dit, personnellement, et non de reproduire les pensées des autres.

Ainsi la prière nous fait entrer dans une relation intimiste, personnelle, avec nos mots et nos émotions. Nos paroles doivent être vraies. C’est ainsi que Jésus dira dans ce même grand discours sur la montagne :

« ce ne sont pas ceux qui me disent : « Seigneur ! Seigneur ! » qui entreront dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux » Matthieu 7 : 21 Il convient donc d’être attentif à la cohérence de nos propos…

 

La deuxième recommandation du Seigneur est aussi pertinente. Elle attire l’attention de son auditoire sur le fait que Dieu sait de quoi nous avons besoin. Cela sous entend que nous, nous ne le savons pas. C’est donc indirectement une invitation importante à rechercher d’abord, et avec son aide, à définir nos véritables besoins afin de les formuler clairement. Dieu répond à nos besoins, certes ! Mais encore faut-il que nous puissions les identifier. Cette prise de conscience est nécessaire… Pour nous aider, nous sommes accompagnés par le Saint-Esprit :

« L’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables. » Romains 8 :26

 

Si, à l’occasion d’une épreuve, nous sommes perturbés au point de ne plus savoir quoi dire à Dieu, ce n’est pas un problème ! L’important est moins la formulation que l’état d’esprit qui nous habite. Si nous sommes dans le désir d’épancher notre douleur ou d’exprimer d’autres sentiments, le Saint-Esprit nous aidera à garder le contact avec Notre Père. Secrètement, il prendra le relai pour transmettre au Père nos demandes.

Ainsi, la demande au Père ne sera pas parasitée par toutes sortes de considérations négatives.

En grec χρεια= nécessité, besoin. Répondant à une Marthe inquiète et agitée, Jésus lui dit : « d’une seule chose il est besoin (χρεια) » ou dans une version plus courante « une seule chose est nécessaire » Luc 10 :42

 

Nos questions avant toute demande doivent porter sur : où est notre besoin ? Où est notre nécessité face à tous nos superflus ? Le fait d’égrainer des redites risque de nous détourner de ces objectifs de recherche personnelle dans notre relation à Dieu.

En définissant nos vrais besoins, nous exprimons notre foi. La confiance dans la bonne réponse de notre Père devient rassurante et réconfortante.

 

Revenons au texte. Jésus poursuit : litt. « Ainsi vous donc, priez  » ainsi= ουτωσ. C’est un adverbe de manière. On a traduit plus facilement : «  voici comment vous devez prier », mais le comment est absent du texte original. Non seulement le comment est absent, mais ουτωσ induit l’idée de conséquence. Le verbe des subordonnées de conséquence se met alors à l’indicatif, comme c’est le cas dans notre phrase (impératif présent moyen-passif= exprime l’action avec l’idée de durée). Certains ont voulu voir dans le « Notre Père » l’affirmation d’une prière communautaire sensée entretenir l’unité de l’Eglise. Occasionnellement cela peut être le cas. Mais les remarques préliminaires du Seigneur ne nous invitent pas à aller dans ce sens, même si s’adressant au public, le « Vous » était incontournable, il est cohérent avec le « Notre Père ».

 

Quoiqu’il en soit le seul fait que le Seigneur mentionne cette formulation de prière est suffisant pour qu’elle demeure une référence. En la redisant sincèrement, on est certain de pouvoir être compris par notre Père. Mais rien ne remplacera l’expression personnelle de nos besoins. C’est cela qui crée la vraie relation. Réciter le « Notre Père » pose d’ailleurs la question de la nature de la relation désirée. (Cela dit on peut s’appuyer sur cette prière dans certaines circonstances, mais attention à la routine qui tue l’amour). Le Christ n’a pas demandé que l’on reproduise, in extenso, cette prière. les apôtres l’ont compris ainsi. (Pour mémoire la pratique du chapelet, par exemple, nous vient du 11è siècle. L’imitation du coran, d’après les historiens n’est pas étrangère à cette forme répétitive de prière). La pratique de prière du Seigneur peut être éclairante sur ce sujet. Le Seigneur a passé de nombreuses heures en prière. Nous n’en connaissons pas la teneur, mais jamais cette formulation n’est reproduite par la suite. C’est dire qu’elle a valeur de référence, de modèle, de repaire.

 

Arrivons maintenant à l’analyse de cette merveilleuse prière modèle du Seigneur :

 

« Notre Père qui es dans les cieux » v. 9

 

Jésus s’adresse à un auditoire, c’est pourquoi il dit « vous donc priez ainsi : Notre Père… » Cela a donné une expression liturgique commune pour la plupart des croyants. Mais pour une relation personnelle, Mon Père serait la bonne formulation. Elle est riche en sens.

- Prononcer le nom de Père, c’est évidemment s’adresser à une personne identifiée. Cela implique une démarche de confiance.

 

- C’est reconnaître notre besoin de dépendance.

- C’est découvrir que ce Père prend en comptes notre volonté. Il répond à notre attente, en nous aidant à faire émerger nos vrais besoins vitaux.

- C’est encore être au clair sur nos origines, et se positionner comme son enfant.

- C’est prendre conscience que nous sommes le fruit d’une relation d’amour. L’apôtre Jean définit Dieu le Père comme étant l’essence même de L’Amour.

 

« Que la grâce, la miséricorde et la paix soit avec vous de la part de Dieu le Père et de la part de Jésus-Christ, le Fils du Père, dans la vérité et l’amour »

2 Jean 3

 

Et ailleurs :

« Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres ; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour… Pour nous, nous l’aimons, parce qu’il nous a aimés le premier. » 1 Jean 4 : 7-8, 19.

 

Pour tous ceux et celles qui n’ont pas connu de père, ou qui ont eu une image déformée d’un père, que cette formulation est apaisante ! Pour ceux qui ont souffert, c’est un baume sur leur cœur. Pour d’autres encore, c’est la richesse de souvenirs heureux…

Il est important de savoir que nous avons été désirés par amour, et que cette histoire d’amour est porteuse d’espérance. Nous faisons partie d’un projet heureux.

En prononçant le nom de Père, ipso facto, nous nous positionnons comme des fils et des filles.Dans le prologue de l'évangile de Jean, il est écrit : "Il est venu dans son propre pays, mais les siens ne l'ont pas accueilli. Mais à ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom,   il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Ceux-là ne sont pas nés du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu". Jean 1 : 11-13 (traduction T.O.B)

 

Le projet du Père, comme tout bon père humain, est de nous transmettre un héritage pour assurer notre avenir. L’apôtre Paul déclare :

« Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu… Vous avez reçu un esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ… » Romains 8 : 14-16

 

L’apôtre Pierre confirme :

« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés, pour une espérance vivante par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir ; il vous est réservé dans les cieux… » Pierre 1 : 3-4

Et encore :

« Que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation dans sa connaissance ; qu’il illumine les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle est l’espérance qui s’attache à son appel, quelle est la richesse de la gloire de son héritage qu’il réserve aux saints… » Ephésiens 1 :17-18

 

Quand nous prononçons le sublime nom de Père, c’est tout cela qui remonte à notre mémoire ! Quel bonheur ! Quel privilège !

La prière du « Notre Père » est le lieu d’apprentissage de notre relation intime avec Dieu. Ce beau nom de Père nous force à réfléchir sur qui nous voulons rencontrer. Est-ce un Dieu que nous nous sommes construits ? Ou est-ce le Père qui nous attire par son Amour, révélé en Jésus-Christ ? Rappelons-nous les propres paroles du Christ :

« Je suis venu au nom de mon Père… » Jean 5 :43 et ailleurs : «  Toutes choses m’ont été données par mon Père, et personne ne connaît qui est le Fils, si ce n’est le Père, ni qui est le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. » Luc 10 :22. Répondant à Philippe Jésus affirme : « Celui qui m’a vu a vu le Père » Jean 14 :9. Oui ! Le Seigneur est bien venu pour nous révéler qui est le Père… A nous de désirer ardemment le rencontrer par le lien de la prière.

 

 

« Notre Père qui es aux cieux » v. 9

 

Il n’est pas dit : « qui es au ciel ». Les cieux, cet infini impressionnant, a de tous temps marqué l’esprit des hommes. Cette voûte céleste majestueuse force l’admiration. Elle a toujours était l’occasion de multiples questions. Depuis l’antiquité on cherche à percer son mystère. Pour les croyants, les cieux révèlent qui est Dieu. David le confirme : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’étendue manifeste l’œuvre de ses mains » Psaume 19 : 2

C’est ainsi que le comprenaient les fidèles des premières communautés chrétiennes. L’apôtre Paul confirme :

« Car ce que l’on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu le leur a manifesté. En effet, depuis la création du monde, ses perfections invisibles, éternelle puissance et divinité, sont visibles dans ses œuvres pour l’intelligence ; ils sont donc inexcusables, puisque, connaissant Dieu, ils ne lui ont rendu ni gloire ni l’action de grâce qui reviennent à Dieu… » Romains 1 : 19-21 (version T.O.B)

Les cieux nous invitent à levez la tête, et à mieux s’imprégner de la transcendance de notre Père. Esaïe disait déjà en son temps : «  Levez vos yeux en haut, et regardez ! Qui a créé ces choses ? » Esaïe 40 :26

Pourquoi dire : « Notre Père qui es aux cieux » ?Avait-on besoin de savoir où Il demeure ? Assurément !

Les cieux nous disent qui est Dieu. Notre Père n’a pas décliné son identité en développant qui il était, il a agi tout simplement. Et, c’est au travers de ses actions que nous découvrons qui Il est vraiment. C’est avant tout une démarche personnelle, même si collectivement on peut grandir dans cette connaissance du Père. Par cette prière transmise par Jésus nous disons notre reconnaissance et notre joie de le connaître.

David nous transmet son expérience vécue :

« Que ton nom est magnifique sur toute la terre ! Ta majesté s’élève au dessus des cieux… Quand je contemple les cieux, ouvrages de tes mains, la lune et les étoiles que tu as créées : Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ? » Psaume 8 :2,4-5

 

Conclusion :

 

L’introduction de cette prière proposée par le Seigneur est sublime. La découverte d’un Père, nous repositionne dans un contexte de famille. La grande famille des enfants de Dieu le Père. Cette introduction a pour vocation première de nous redire que nous sommes le fruit d’un projet d’Amour divin. C’est donc bien la relation personnelle qui prime sur tout aspect liturgique communautaire. D’ailleurs la communauté ne peut être riche que de l’addition de la richesse spirituelle de chacun de ses membres.

La formulation du Seigneur a pour vocation de nous responsabiliser. Elle nous sollicite à nous définir comme des fils et des filles du Père. Cette vérité a des conséquences heureuses. La prise de conscience d’être aimé et accompagné dans nos besoins, apporte équilibre et bienfaits spirituels, psychiques et physiques. Elle nous procure de l’assurance : « L’Eternel, ton Dieu, marchera lui-même avec toi, il ne te délaissera point, il ne t’abandonnera point. » Deutéronome 31 : 6c. Notre Père céleste n’est pas à craindre comme dans les mythologies païennes. Notre Père nous aime et nous comprend : « Si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. » 1 Jean 3 :20 et encore : « Nous avons auprès de lui cette assurance que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. » 1 jean 5 :15

Découvrons l’amour et la bonté de notre merveilleux Père !

Oui ! Nous pouvons le dire avec le cœur ; « Notre Père qui es aux cieux… »

                                                                                            

                                                                                                  

                                                                                                                                     Jacques Eychenne

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