La mort de l'apôtre Paul

 

 

 La mort de l’apôtre Paul ?

                         ou

       un silence qui en dit long

                        Actes 28

 

Introduction :

 

Quand on prend connaissance de l’ensemble du contenu du Nouveau Testament et principalement du livre des Actes des apôtres, deux personnages émergent et font la une des journalistes de l’époque : Jésus de Nazareth et Saul de Tarse. A l’évidence Jésus, le Christ, joue le premier rôle. Il est au cœur de tous les évènements et débats. La raison en est simple : Dieu l’a missionné pour être le sauveur de notre humanité (cf. Jean 3 : 16-17). Les évènements attestent que Jésus de Nazareth est mort sur une croix au-dessus de laquelle était écrite en trois langues (hébreu, grec, latin) cette inscription : Jésus de Nazareth roi des Juifs. (cf. Jean 19 : 19-22). De même, les récits attestent sa résurrection (cf. Jean 20 ; Matthieu 28 ; Marc 16 ; Luc 24), même si les autorités religieuses ont voulu taire ce fait extraordinaire (cf. Matthieu 28 : 11-14).

 

Et puis, il y a un certain Saul, né à Tarse en Cilicie, mais élevé à Jérusalem. Tout en apprenant le métier de faiseur de tentes (cf. Actes 18 : 3), il prend des cours à la fac de théologie de l’époque. Les cours sont dispensés par un maître en la matière, très versé dans la connaissance de l’histoire ancienne du peuple d’Israël. Son nom : Gamaliel (cf. Actes 22 : 3). Saul de Tarse est un personnage passionné. Il est déterminé à propager la connaissance de la loi de Moïse et des prophètes. Il est remarqué par les autorités religieuses de Jérusalem. Elles le mandatent pour combattre farouchement la nouvelle secte des chrétiens. Saul, jeune homme, apporte sa caution morale à la lapidation du diacre Etienne (cf. Actes 7 : 58-59). Il ravage les petites communautés chrétiennes à Jérusalem et aux environs, les persécute, entre dans les maisons et mène en prisons, hommes et femmes appartenant à la secte (cf. Actes 8 : 1-3 ; Galates 1 : 13-14).

Et puis, Dieu paralyse sa démence et transforme cet adversaire du christianisme en bouillant serviteur de cette nouvelle noble cause. Dieu l’arrête sur le chemin de Damas (cf. Actes 22 : 6) et le repositionne sur la voie d’un témoignage en faveur de l’enseignement chrétien (cf. Galates 1 : 15 à 2 : 2). C’est par le ministère de Paul que le christianisme franchit les frontières et inonde tout le bassin méditerranéen. Il devient le champion de la diffusion de cette merveilleuse bonne nouvelle. Son parcours plein d’abnégation est riche en évènements. Il ne recule devant aucun danger, il risque tout pour servir Dieu et son sauveur Jésus-Christ (cf. 2 Corinthiens 11 : 18-31). Son témoignage a deux objectifs : toucher le personnage le plus influent du moment : César. Et allez jusqu’aux extrémités du monde connu d’alors : l’Espagne (cf. Romains 14 : 24,28), Il remplira le premier et ne réalisera pas le second. Rome sera le terme de son périple. Il n’ira pas plus loin.

 

Mais, pourquoi ce silence de Luc sur sa fin dernière ?  Pourquoi cet anonymat sur sa mort ?

 

Développement :

 

Il est impensable de concevoir que Luc, le médecin bien-aimé qui a accompagné l’apôtre Paul jusqu’à Rome, ne sache rien sur ses derniers instants de vie. Plusieurs raisons viennent corroborer cette affirmation. Luc est un scientifique minutieux. Quand il rédige l’évangile qui porte son nom, il utilise une démarche qui ne laisse aucune place à l’improvisation. Il dit lui-même avoir fait des recherches exactes sur tous les évènements marquants du christianisme (cf. Luc 1 : 1-3). De plus, Luc parle du voyage de Paul à Rome en tant que témoin oculaire du périple (cf. Actes 27 : 1 ; 28 : 11). Notons encore le fait que Luc fait de l’apôtre Paul le personnage principal de son livre (cf. les Actes des apôtres).Dès lors, on comprend mal comment il puisse clore le récit de la vie de son héros sans dire un seul mot de sa mort. Il faut rajouter que l’amitié forte qui liait les deux missionnaires était telle que Luc ne pouvait qu’être profondément touché par la mort de son ami et frère de combat spirituel. Ne pas lui rendre un dernier hommage est donc un fait surprenant !

Pourtant des écrits apocryphes chrétiens, comme par exemple les Actes de Paul, attestent que l’apôtre est bien mort à Rome, en présence de Luc et de Tite (cf. L’avorton de Dieu, d’Alain Decaux, éd. Desclée de Brouwer, pages 308-314). On apprend par cet écrit que l’apôtre a été décapité le troisième jour avant les calendes de juillet selon les Romains, le même jour et le même mois que celui de la crucifixion de l’apôtre Pierre trois ans auparavant. Un texte de Clément de Rome daté de 80 confirme les faits. Plus tard Tertullien de Carthage (vers 210) et Eusèbe de Césarée (vers 313) accueilleront ces témoignages comme étant suffisamment crédibles. Ainsi la littérature des chrétiens de la première heure, la tradition orale, ainsi que la vénération rapide de la figure de ce grand combattant de l’évangile ont comblé cet apparent oubli.

 

Mais alors, comment comprendre le silence délibéré de Luc sur la fin tragique de celui qu’il admirait tant ?

 

Selon notre habitude, nous évacuons les fausses réponses telles que l’oubli du rédacteur, la perte de la fin du manuscrit du livre des Actes des Apôtres, les craintes d’une adoration post mortem sur sa tombe etc. Nous accueillons les écrits de Luc sans rien  retrancher ni ajouter, ayant cette conviction que toute  sa rédaction a été dirigée et inspirée par l’Esprit saint.

 

Mais alors que nous enseigne la fin de vie de l’apôtre Paul selon Luc ?

 

Pour saisir la portée spirituelle sur laquelle Luc met l’accent, il nous faut reprendre le circuit des derniers évènements qui ont marqué le séjour de Paul à Rome. Quand l’apôtre arrive dans la capitale romaine, accompagné par un centenier de la cohorte Auguste (cf. Actes 27 : 1), il est accueilli au forum d’Appuis, au lieudit les trois tavernes, par des chrétiens enthousiastes. Sa popularité l’avait précédé, et Paul fut ému par leur démarche et leur accueil (cf. Actes 28 : 15-16). Jouissant de son statut de citoyen romain, Paul fut mis en résidence surveillée, ayant pour garde, un seul soldat. Jouissant de cette liberté, Paul, seulement trois jours après son arrivée dans la capitale, convoqua les principaux des Juifs (les responsables juifs habitant Rome). On constate que le premier souci de l’écrivain (Luc) est de mettre en avant la portée universelle du témoignage de Paul. Ce dernier expliqua que c’est à cause des tribulations subies par les responsables juifs de Jérusalem qu’il avait été jeté en prison. A cause des accusations de ses frères, responsables Juifs de Jérusalem, Paul se résolut d’en appeler à César (cf. Actes 28 : 17-20). C’est ainsi qu’il arriva à Rome comme prisonnier. Les principaux des Juifs de Rome, ne sachant pas ce qui s’était réellement passé à Jérusalem décidèrent d’entendre Paul. Ils étaient préoccupés principalement  par le développement rapide d’une secte (chrétienne) qui rencontrait partout opposition et contradiction (cf. Actes 28 : 22). Alors,  un jour fut fixé et Paul saisit cette opportunité pour délivrer le message que Dieu lui avait confié.

En déroulant l’histoire des derniers évènements de la vie de l’apôtre, Luc veut mettre l’accent sur un point central : Paul a tout fait pour convaincre les Juifs que le personnage qui était au cœur du royaume de Dieu était bien ce Jésus de Nazareth. Paul appuya sa démonstration en trouvant dans la loi de Moïse et dans les prophètes des arguments censés être convaincants. Toute la journée fut consacrée à cet échange, mais au soir de ce jour « les uns se laissaient convaincre par ce qu'il disait, les autres refusaient de croire. » Actes 28 : 24, version TOB.

Le message que Luc veut nous transmettre est clair : le désaccord des Juifs sur la personne du Christ devient le symbole du clivage entre Juifs et païens. Au-delà de cet aspect circonstancié, c’est aussi une façon de prédire l’avenir de cette scission non seulement entre Juifs et chrétiens, mais aussi entre ceux qui croiront à la bonne nouvelle et ceux qui la rejetteront. Autrement dit, c’est comme si Luc prophétisait pour nous dire que jusqu’à la fin des temps, l’enseignement de Jésus-Christ posera problème à une partie des habitants de notre planète. Comme à Golgotha, face à Jésus, deux larrons feront des choix différents. L’un s’ouvrira au message d’espérance du sauveur, l’autre repoussera son invitation au changement.

Le médecin particulier de Paul a donc pour objectif de nous ouvrir à une autre perspective : la portée exceptionnelle du ministère de Paul. Sa vocation de missionnaire en terre païenne atteste l’universalité du salut gratuit en Jésus-Christ. Paul prophétise à son tour en annonçant un accueil bienveillant de la part de ceux qui au départ ne faisaient pas partie du peuple élu : « Sachez-le donc : c'est aux païens qu'a été envoyé ce salut de Dieu; eux, ils écouteront.»  Actes 28 : 28, version TOB. Si nous pouvons en parler aujourd’hui, c’est bien parce que cette prédiction s’est vraiment accomplie. Ainsi le médecin bien–aimé prolonge la prédication centrale de son frère Paul.

Rappelons-nous ce que l’apôtre (Paul) écrivait jadis aux chrétiens de Rome précisément : « je dis donc: Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Loin de là ! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d'Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n'a point rejeté son peuple, qu’il a connu d'avance… Dieu leur a donné un esprit d'assoupissement, des yeux pour ne point voir, et des oreilles pour ne point entendre, jusqu'à ce jour… Je dis donc: est-ce pour tomber qu'ils ont bronché ? Loin de là ! Mais, par leur chute, le salut est devenu accessible aux païens, afin qu'ils fussent excités à la jalousie… Or, si leur chute a été la richesse du monde, et leur amoindrissement la richesse des païens, combien plus en sera-t-il ainsi quand ils se convertiront tous. Je vous le dis à vous, païens: en tant que je suis apôtre des païens, je glorifie mon ministère, afin, s'il est possible, d'exciter la jalousie de ceux de ma race, et d'en sauver quelques-uns. Car si leur rejet a été la réconciliation du monde, que sera leur réintégration, sinon une vie d'entre les morts ?...  je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne vous regardiez point comme sages, c'est qu'une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement, jusqu'à ce que la totalité des païens soit entrée… Rom 11: 2, 8, 11-15, 25.

Pour bien appuyer cette vérité, Luc prend soin de détailler le programme qui fait partie des derniers temps de l’apôtre. C’est bien à dessein qu’il termine le récit des actes de Paul par une ouverture au monde romain symbole de l’évangélisation  du monde entier.

« Paul demeura deux ans entiers dans une maison qu'il avait louée. Il recevait tous ceux qui venaient le voir, prêchant le royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ, en toute liberté et sans obstacle. »  Actes 28 : 30-31.

 

Luc a soin de présenter un prisonnier libre de sa prédication, comme s’il avait été affranchi et délié de toutes chaînes par une puissance surnaturelle. Cette présentation nous plonge dans la suite du combat spirituel chrétien au cours des âges à venir : l’évangile sera toujours une puissance de libération. Il en sera ainsi jusqu’à la fin du monde, même si le Christ n’a pas convaincu tout le monde ! La fin du récit de Luc vise l’encouragement de tous ceux qui viendront à la suite de Paul rendre témoignage au Dieu qui libère et renverse les obstacles à l’accomplissement de sa volonté. Mais Luc nous rappelle solennellement aussi que les témoignages chrétiens n’ont pas pour vocation de créer l’unanimité d’adhésion au projet divin. Comme pour les larrons en croix, chacun reste libre de sa destinée éternelle. L’amour de Dieu comprend aussi ce respect de la volonté individuelle.

 

Seulement Luc nous laisse entendre que l’aventure de la foi chrétienne n’est qu’à sa naissance. Ce message doit inonder la terre entière. L’apôtre Jean, en un autre lieu, en a témoigné par ces mots : « Christ est lui-même une victime expiatoire pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier » 1 Jean 2 : 2.  Rappelons encore l’ordre de mission donné par Jésus à ses disciples : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Matthieu 28 : 19-20.

Observons que la fin du livre des actes des apôtres est la même que celle des évangiles de Matthieu et de Marc. Même la conclusion de l’évangile de Luc rejoint aussi celle des autres écrivains. Cette convergence de vues nous parle. Et que nous dit-elle ? Le succès du christianisme dans le monde dépendra moins des hommes ou des femmes que de la teneur puissante du message dont ils seront le véhicule.

 

Conclusion :

 

Si Luc le médecin bien-aimé de Paul, ne nous fournit aucun détail sur la mort de son fidèle frère et ami, n’est-ce pas pour nous dire : ne regarder pas l’homme, écoutez et retenez son message. La conclusion du livre des Actes des apôtres rendrait ainsi hommage à ce grand homme de foi qui disait de lui-même : « après eux tous (les apôtres au lendemain de la résurrection du Christ), il m'est aussi apparu à moi, comme à l'avorton; car je suis le moindre des apôtres, je ne suis pas digne d'être appelé apôtre, parce que j'ai persécuté l'Église de Dieu. Par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n'a pas été vaine; loin de là, j'ai travaillé plus qu'eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. Ainsi donc, que ce soit moi, que ce soient eux, voilà ce que nous prêchons, et c'est ce que vous avez cru. »  1 Corinthiens 15 : 8-11.

L’évangéliste Luc nous transmet un message prégnant qui nous dit l’essentiel dans le domaine spirituel : ce ne sont pas les hommes qui sont importants mais le message qu’ils portent en eux et qu’ils transmettent. L’homme est mortel, le message est immortel. Les deux derniers bons mots de son livre sont : « παρρησίας et ἀκωλύτως », c’est-à-dire la liberté de parole, la franchise, l’assurance, la confiance, la hardiesse pour le premier et l’absence d’obstacle pour le deuxième. C’est tout un programme que Luc nous laisse, à nous d’en faire bon usage.

Luc qui avait pris soin de décrire la lapidation d’Etienne n’a manifestement pas voulu faire de son ami Paul un héros en décrivant sa fin dernière. Le christianisme n’a pas pour vocation le culte des héros, mais le partage d’un message d’espoir pour chacun. L’homme doit s’effacer devant la grandeur du message qu’il a l’honneur de porter. Il nous est doux de constater que ce médecin du corps et de l’âme a été sensible à cette réalité. Que la fin du récit de l’épopée de l’avènement du christianisme se ponctue par la prédication du royaume de Dieu est éminemment solennel, car il nous ouvre toute grande la porte vers l’infini de Dieu.  

                                                                                        Jacques Eychenne

 

Ps : L’apôtre Paul aurait été emprisonné à deux reprises entre les années 60 et 68. Lire commentaire de C.I. Scofield dans la Bible de Louis Segond, version revue 1975, p.1270. Bibliquement, il aurait bénéficié de sa situation de citoyen romain pour être en résidence surveillée pendant 2 ans, certainement entre les deux emprisonnements (cf. Actes 28 : 30).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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