La mansuétude divine

      

 

 

 

La mansuétude divine

   Psaume 36 : 8-11

 

Introduction :

 

La mansuétude de Dieu, sa bonté bienveillante et indulgente est un des traits saillants de la personnalité d’Yhaweh Adonaï qui a créé l’univers (cf. Néhémie 9 : 17-21). Non seulement Dieu a agi avec amour en plaçant l’humain dans un écrin de verdure et de beauté, mais plus encore, il est intervenu pour le repositionner dans une espérance et faire de chacun de nous   « des héritiers dans l’espérance de la vie éternelle » Tite 3 : 7.

 

En grec, un mot résume toute l’étendue de cette mansuétude divine. Il s’agit d’un des mots les plus riches du Nouveau Testament. Il s’agit du terme  καλος (Kalos). Pris comme substantif il désigne  le beau, le  bon, le bien. Comme adjectif, il concerne aussi ce qui est beau, bon, bien. En comparatif c’est : le meilleur. En superlatif c’est le plus beau !

 

Les Grecs ont beaucoup utilisé ce terme en plaçant en premier la beauté esthétique du corps. L’art qui leur permettait de magnifier le mieux le corps humain était la sculpture.

Le christianisme est né dans un univers gréco–romain,  comment dès lors ce mot a-t-il été usité dans ce contexte ? Quel sens a-t-on  voulu lui donner ?

 

Alors que Grecs et Romains mettaient l’accent avant tout sur le beau, les Saintes Ecritures placent d’abord le bon, puis le bien et ensuite le beau. Il y a une inversion des priorités. L’esthétique, certes est importante, mais en tant que théorie du beau, elle peut avoir un langage trompeur. Aussi, la Bible met en avant la qualité d’être. C’est le bon qui passant par l’état du bien fait jaillir le beau.

 

Développement :

 

Dans La genèse, c’est le bon qui est premier :

 

Genèse 1 : 4, 10, 12, 18, 21, 25, 31.

 

Il n’est pas dit : « Dieu vit que cela était beau, mais bon ! » Et cela commence par la lumière. Sans elle, tout serait plat, uniforme et sans couleur. On est habitué à la lumière, mais ceux qui en ont été privés peuvent témoigner de son importance sur tout notre être.

Puis, Dieu créa le ciel, la terre et la mer. Et là encore, tout était très bon. Ensuite, l’agencement de la terre avec les arbres, les plantes et toute la verdure, s’est fait harmonieusement. Prenant en compte l’importance des couleurs sur notre corps, la touche dominante de vert apaise notre esprit. De surcroît, la nature produit tout ce dont l’homme a besoin pour vivre équilibré et heureux. Naturellement, Dieu vit que cela était bon. Par la suite, il agença le ciel avec la lune, les étoiles, les planètes, les galaxies etc. Et là encore, Dieu vit que c’était bon. Puis, il peupla la terre d’oiseaux, d’insectes, d’animaux, ainsi que les mers. Un  monde varié, colorié, prodigieux s’anima. Dieu vit encore que cela était bon. Et enfin, il créa l’humain, et lui confia la responsabilité de la gestion de toute la terre. Et Dieu manifesta son contentement : « Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait : c’était très bon » v.31, version Nouvelle Bible Segond. Non seulement tout a été fait pour le bien de la race humaine, mais encore tout le processus de la création a été conçu avec méthode et perfection. Les trois premiers jours on crée des espaces, les trois suivants on les agence. (le 1er= séparation lumière/ténèbres ; le 2e = séparation le ciel/ mer ; le 3e= séparation eaux/terre ; ensuite on remplit : le 4e= apparition des luminaires pour présider au jour et à la nuit, le 5e= Apparition des oiseaux et des poissons, le 6e= apparition des animaux terrestres et de l’homme) Genèse 2 : 1-3.

 

Ainsi dès le départ, l’accent est mis par le créateur, non sur la forme visible des choses, mais sur le fond. Tout est fait pour susciter la  réflexion. Il y a comme une nécessité de passage du visible vers l’invisible.  Paul Auster a écrit : « Les choses les plus précieuses sont plus légères que l’air ». Immergé dans un monde matérialiste, l’homme moderne est peu stimulé à cultiver son jardin intérieur. Etre bon ouvre à une liberté qui n’a pas de prix : celle du don. Ce dernier porte en lui sa récompense et rend possible la vérité du bonheur.

Alors que notre monde est sous le pouvoir de l’image, (faut soigner son image de marque,  son  look !) laissons-nous attirer par des valeurs empreintes de dignité. Pierre-Edouard Lémontey, dans Pensées et réflexions (1826) a écrit : « Le bon est la condition principale du beau » Romains 2 : 1,4 ; 1 pierre 1 : 3-5.

 

Si nous voulons nous laisser attirer par le beau, alors nous sommes invités à lire le bel ouvrage de François Cheng de l’académie française.

Dans son  livre : «  Cinq    méditations sur la beauté » Il dit ceci :

 

 «  L’univers n’est pas obligé d’être beau, mais il est beau ; cela signifierait-il quelque chose pour nous ? La beauté ne serait-elle qu’un surplus, un superflu, un ajout ornemental, une sorte de cerise sur le gâteau ? Où s’enracine-t-elle dans un sol plus originel, obéissant à quelque intentionnalité de nature plus ontologique ? ». (1)

 

Il est vrai que notre environnement immédiat ne nous invite pas naturellement à contempler le beau, à prendre conscience du bon, et à être solidaire du bien.

Notre pouvoir d’émerveillement a été émoussé. Il nous faut faire un effort pour retrouver notre œil et notre cœur d’enfant.

 

Pour Cheng, comme pour  nous, chrétiens, le sens du divin  découle de l’observation objective du beau. Il conduit à la notion positive du sacré.

 

N’oublions pas que pour les philosophes de la Grèce antique, le Divin et le Sacré étaient liés à la beauté. La quête naturelle de l’observation externe et interne de la beauté doit nous conduire à son auteur (donc pour nous chrétiens, au Créateur).

 

L’apôtre Paul affirme que le connaissable de Dieu est visible (φανερος, phaneros en grec est le visible, le clair, le connu, l’apparent). Pour l’apôtre, l’empreinte de Dieu dans l’univers infiniment petit et grand, est une évidence incontournable.

 

En fait, la beauté est-elle le fait du hasard ? D’un accident lors de l’apparition de la vie ?

 

Ecoutons la réponse de notre penseur François Cheng :

 

 « D’aucuns dépeignent celle-ci comme un épi – phénomène, et pour faire plus imagé, comme une moisissure sur la surface de la planète laquelle est perdue tel un grain de sable au milieu d’un océan de galaxies… Que la moisissure se mette à fonctionner en évoluant, il y a de quoi s’étonner. Qu’elle réussisse à durer en se transmettant, il y a de quoi s’étonner davantage. Qu’elle tende, irrépressiblement  dirait-on, vers la  beauté, il y a de quoi s’ébahir ! Au petit bonheur  la chance donc, la matière, un beau jour, est devenue belle. A moins que, dès le début, la matière ait contenu, en potentialité, la promesse de la beauté, la capacité de la beauté ? » (2)

 

Romains 1 : 19,20.

 

C’est pourquoi Paul considère ceux qui vivent dans la non-connaissance de Dieu,  comme des anapologuétous (αν-απολογητους); c'est-à-dire des personnes qui devant un tribunal de justice seraient sans défense, plus encore sans excuse.

 

Voilà pourquoi le καλος (Kalos= beau et bon) du Nouveau Testament est passionnant ! Il nous révèle non seulement le beau, mais plus  encore le bon et encore le bien.

 

Comme nous l’avons dit bibliquement, le beau procède du bon. Le Christ va mettre en avant cette réalité dans une parabole où il se présente comme le bon berger  (cf. Jean 10 : 11-15). A ma connaissance, Jésus n’a parlé que rarement du beau. Il l’a fait à deux reprises : une fois par rapport au temps « Vous dites : il fera beau car le ciel est rouge » Matthieu 16 : 2  et une deuxième fois pour débusquer le masque de l’hypocrisie des pharisiens : « Quel malheur pour vous, scribes et pharisiens, hypocrites ! Vous ressemblez à des sépulcres blanchis qui paraissent beaux au-dehors, et qui au-dedans sont pleins d’ossements de morts et de toute espèce d’impuretés. Vous de même, au-dehors, vous paraissez justes aux gens, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et de mal » Matthieu 23 : 27-28.

Si l’accent est mis sur la qualité d’être, c’est assurément parce que souvent la beauté est trompeuse. Sans compter que le sens du beau est très subjectif, parfois même irrationnel.

 

Le beau procède du bon. Il révèle l’être réel que Dieu seul connaît. Mais, il peut aussi se présenter sous le visage d’un nouveau-né ou d’un enfant. Etienne témoignant pour la dernière fois de sa foi devant le sanhédrin, fit une récapitulation historique des hauts faits de Dieu pour le peuple d’Israël et dans son discours, il déclara : «  En ce temps-là est né Moïse, qui était beau aux yeux de Dieu. » Actes 7 : 20 (cf. Mattieu 18 : 1-4).

                                            

Mais revenons au fait où  Christ incarnait la bonté qui révèle la vraie beauté de l’être.

  « La beauté est quelque chose de virtuellement là, depuis toujours là, un désir qui jaillit de l’intérieur des êtres, ou de l’être, telle une fontaine inépuisable qui, plus que figure anonyme et isolée, se manifeste comme présence rayonnante et reliante, laquelle incite à l’acquiescement, à l’interaction, à la transfiguration. Relevant de l’être et non de l’avoir, la vraie beauté ne saurait être définie comme moyen ou instrument. Par essence elle est une manière d’être, un état d’existence. » (3)

 

A aucun moment dans les évangiles il n’est parlé de la beauté du Christ,  il  est simplement qualifié de bon.

Esaïe avait prophétisé à son sujet, en annonçant qu’il n’aurait  «  ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards et que son aspect n’aurait rien pour nous plaire » Esaïe 53 : 2.

 

Pourtant jamais homme n’a été aussi beau !

Sa beauté a jailli de l’intérieur de son être profond révélant un sentiment  de plénitude et de qualité d’humanité dans la relation à autrui.

Sa beauté, véritable champ magnétique d’amour, a attiré, à travers les siècles, tous ceux qui aspiraient à une ouverture vers le haut, vers l’absolu. C’est pourquoi le Christ est plus que le Christianisme et le Christianisme plus que l’Eglise. (Apprenons à nous positionner face à une Parole venant de Dieu et non aux discours d’humains qui l’interprètent à leur guise...)

 

A ce propos nous pouvons  citer de nouveau Cheng :

 

 « Quand l’authenticité de la beauté est garantie par la bonté, on est dans l’état suprême de la vérité, celle qui va répétons-le, dans le sens de la vie ouverte, celle à laquelle on aspire comme à une chose qui se justifie en soi. Ce  qui se justifie en soi dans l’ordre de la vie est bien la beauté qui, s’élevant vers l’état de joie et de liberté, permet à la bonté même de dépasser la simple notion de devoir. La beauté est la noblesse du bien, le plaisir du bien, la jouissance du bien, le rayonnement même du bien. » (4)

 

Quel contraste avec tous ces marchands de beauté artificielle et fallacieuse !  

Cette beauté, souvent parodie, illusion,  mirage, mensonge, a fait perdre de vue le sens du vrai et pervertit le beau. Combien de jeunes gens ont même attenté à leur vie, parce que l’image qu’ils percevaient d’eux ne correspondait pas au canon d’une beauté  définie...    Il nous faut faire acte de volonté pour refuser le chant des sirènes mondaines, et chercher la vraie référence au  beau qui découle du bon et du bien.

 

Le vrai sens de la vie est de tendre vers la plénitude de l’être.

Par sa vie, le Christ en est un exemple inégalé. C’est vers cette ouverture, vers le haut, qu’il nous faut aller.  

C’est l’invitation que le Christ a lancée à Nicodème :

 «  Si un homme ne naît d’en haut, il ne peut voir le royaume de Dieu ». Jean 3 : 3,7  (cf. l’adverbe ανωθεν (anauten) est à prendre comme un adverbe de lieu et non de temps). D’ailleurs L’apôtre Jean l’emploie toujours dans ce sens. (Voire encore 3 : 31 ; 19 : 11, 23). Il faut nous laisser attirer, par tout ce qui peut nous élever, avec confiance et  prudence ! 

 

1 Pierre 4 :7-10.

 

Soyons de bons intendants de la grâce dans nos maisons. « Oikonomos » (οίκονομος) est le gérant, l’administrateur, l’économe, l’intendant de la maison. (cf. Luc 12 : 42 ; 16 : 1 ; 1 corinthiens  4 : 2).  Reconnaissons que la pratique du bien, du bon et du beau devient de plus en plus une quête laborieuse. Mais Paul nous recommande de ne pas nous lasser à viser le beau, le bon, le bien devant tous les hommes (cf. Romains 12 : 17 ; 2 Thessaloniciens 3 : 13).

La bonté qui est la sève de la beauté n’est pas que la manifestation de bons sentiments, au gré des circonstances… Elle renferme aussi une exigence de constance, une exigence de justice, de dignité et de responsabilité. La bonté (gratuite) nous renvoie à Dieu. Cette bienveillance prend en compte notre fragilité et notre aspiration au progrès.

 

 

 

Le kalos doit se cultiver comme une plante fragile qui nécessite des soins appropriés et attentionnés. Son accomplissement est l’avènement de la fleur, qui parvenue à maturité

exhale son parfum discrètement, sans faire de bruit. C’est cela l’insigne distinction du disciple du Christ ! Et tout cela procède de l’action de Dieu en nous :

 

 « Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu : Ce qui est bon, agréable et parfait. » Romain 12 : 2 

 

Conclusion :

 

La mansuétude divine a tout mis en œuvre (cf. Romains 8 : 28) pour qu’émerge le meilleur de la nature humaine. Ce projet, passablement contrarié par l’activité du mal (cf. Matthieu 13 : 24-30), a trouvé en Jésus-Christ la correction de trajectoire qui nous permet de nous repositionner sur le bon, le bien et le beau.

 

L’exemple de Marie de Béthanie est édifiant à ce titre :   Matthieu 26 : 6-13 .

Elle a accompli un beau et bon geste d’amour. (Le kalos, c’est comme un parfum).

Elle a réalisé en un seul élan la communion parfaite.

Le beau a rejoint l’indicible, son regard a été plus que ses yeux, son amour plus que son cœur. Le fond a transcendé la forme, son être était dans le vrai de la vie.

Ainsi, L’amour va au-delà des mots, tout comme la musique va au-delà des notes, la peinture au-delà des objets et sujets, la théologie  au-delà du réel.

 

En définitive, le Kalos  est pour chacun de nous la graine à cultiver dans l’excellence. Sa raison d’être est la fleur, puis le fruit. Le Kalos implique le don de soi qui peut aller jusqu’au don de sa vie.

Cela devrait nous rappeler le parcours de vie de Celui que l’on a appelé : Le Sauveur.

 

« On prend conscience que la beauté peut-être un don durable, si l’on se rappelle qu’elle est une promesse tenue dès l’origine. C’est pourquoi le désir de beauté ne se limite plus à un objet de beauté ; le désir aspire à rejoindre le désir originel de beauté qui a présidé à l’avènement de l’univers, à l’aventure de la vie. Chaque expérience de beauté, si brève dans le temps, nous restitue chaque fois la fraîcheur du matin du monde ». (5)

 

 

                                                                                      Eychenne Jacques

 

 

 

  1. François Cheng de l’académie française, Cinq méditations sur la beauté, Albin    Michel, p.31
  2. Idem, p.33
  3. Idem, P.37
  4. Idem, P. 75-76
  5. Idem, P. 52

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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