La plus belle transformation

 

Un matin à Gadara

                 ou

           Le retour à la vie

       Marc 5 : 1-20

 

 

Introduction :


« Malheur à celui qui est seul et qui tombe sans avoir de proche pour le relever. » Ecclésiaste 4 : 10b L’humain dans sa finitude devrait pouvoir gérer positivement sa solitude. Pour beaucoup, malheureusement, cela ne relève pas du domaine du faisable. Comment dès lors trouver une sortie par le haut ?

Le récit que nous allons commenter nous révèle une piste. Celle d’un possible. Celle d’une renaissance. De quoi s’agit-il ?

Après un soir de tempête sur le lac de Galilée, au matin, alors que Jésus sortait de la barque avec ses disciples, un homme vint à sa rencontre. Il était constamment en souffrance, son corps subissait la tempête de la possession démoniaque. Il ne savait plus qui il était. Son être ne lui appartenait plus. Sa solitude était un enfer. Avait-il entendu parler du Christ et de sa bienveillance envers l’humain ? Nous ne le savons pas. Par contre, nous savons qu’il résidait au milieu des tombeaux. Il lui arrivait aussi d’errer avec fureur, jour et nuit, dans les montagnes des alentours. La communauté des hommes avait bien essayé de faire quelque chose pour lui. En vain. Rien, ni personne, n’avait pu le maîtriser, pas même le fait de l’enchaîner. Fréquentant les lieux de la mort, il criait sa démence et se blessait avec des pierres. Que pouvait-il venir faire à cette heure matinale à la rencontre du Seigneur Jésus ?


Développement :


Disons d’emblée que cette situation extrême illustre cependant toutes les détresses de solitude. Elle caractérise les limites d’une société dans ses compétences. Aux temps bibliques, on rejetait et marginalisait toutes ces personnes. On ne prenait pas en compte leur mal-être profond. Même si, aujourd’hui, dans des cas similaires, les diagnostics posés sont plus pertinents, les remèdes ne le sont pas pour autant…

Mais, revenons à notre récit. Nous savons que les lépreux, démoniaques ou possédés étaient confinés dans des lieux peu hospitaliers comme des ruines, des cimetières, des dépôts d’ordures, des grottes, etc. Ils ne pouvaient faire partie d’une communauté, car se surajoutait une perception religieuse qui les considérait comme impurs. Il arrivait que ces vagabonds entrent dans une ville et sèment la panique… D’ailleurs, Luc, le médecin bien-aimé, décrit cet homme sans nom, comme venant de la ville, étant complètement nu, et demeurant dans les tombes (cf. Luc 8 :27) (Rappelons que sur les lieux de notre récit, des falaises calcaires creusées horizontalement permettaient la confection de tombeaux plus ou moins spacieux).

Le tableau n’avait rien de bucolique… La scène est suffisamment complexe pour que l’évangéliste Matthieu parle dans son récit de deux démoniaques (cf. Matthieu 8 : 28). Les autres récits parlent d’un seul homme. L’évangéliste Marc nous le décrit : « Il vit Jésus de loin, accourut, se prosterna devant lui et s’écria d’une voix forte : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu très haut ? Je t’en supplie au nom de Dieu, ne me tourmente pas. » Marc 5 :6-7 (Version Segond 21)


Après une nuit passablement agitée, Jésus est vivement interpellé par le cri de démence de cet homme. Il est vrai que lorsque la souffrance devient insupportable, que le regard des autres ne nous importe plus, le cri de détresse demeure le dernier recours. Mais est-ce son cri ou celui du démon qui l’habite, et qui se sent à son tour menacé par la présence de Jésus ? Ou est-ce les deux à la fois ?

Il me semble entendre les deux à la fois. La précision de Matthieu me permet d’aller dans ce sens : « que nous veux-tu, fils de Dieu ? Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le moment fixé ? » Matthieu 8 :29 Les démons connaissent à l’évidence le temps qui leur est accordé pour accomplir leurs œuvres maléfiques. N’ont-ils pas été, une première fois, chassés du ciel ? (cf. Apocalypse 12 : 7-9). La terre est devenue leur terrain de séduction et de destruction. La réaction des démons est significative. Elle déclare explicitement à Jésus : « Tu n’as rien à faire ici, ne viens pas nous tourmenter avant le temps ». Soulignons encore, que le ou les démons, identifient parfaitement l’origine divine de Jésus, ce que les disciples n’ont pas encore bien assimilé… (Si nous devions actualiser cette rencontre, en tenant compte du fait que suivant le dire du Christ, le diable ou Satan est le prince de ce monde (cf. Jean 12 :31, 14 :30,16 :11, Ephésiens 2 :2) on peut entendre ces mêmes cris à l’adresse des chrétiens qui sont persécutés. Le même rapport perdure, il fait partie d’un réel combat spirituel souvent ignoré ou moqué.)


Mais Jésus entend aussi cet homme, cet inconnu sans nom. Il le supplie d’être délivré. Il aspire à la liberté. Il revendique la possibilité d’être pleinement lui-même. Il veut sortir de l’anonymat et avoir une vie normale. Le Christ est sûrement son dernier espoir. C’est d’ ailleurs à lui que notre Seigneur va s’adresser. Il l’interroge : « Quel est ton nom ? Légion (est) mon nom car nous sommes beaucoup » Marc 5 : 9 Le Christ n’esquive ni la détresse de cet homme, ni celle des démons.

La vie est faite de rencontres passionnantes, mais la plus essentielle à notre équilibre est celle du Christ. Dès que Jésus a questionné ce torturé, l’espoir a pénétré son cœur comme un rayon de soleil dans une pièce obscure. Enfin ! quelqu’un s’intéresse à lui, et prend le temps d’entendre sa détresse. Connaître son nom, c’était pouvoir entrer en lien avec lui, pouvoir partager. (Légion= la plus grande unité de l’armée romaine entre 3000 et 6000 hommes) Lui qui était sans cesse rejeté, le voilà accueilli et entendu.


Jésus n’a point besoin d’explication à rallonge, il perçoit le vrai drame de ce souffrant. Il va répondre, non en fonction de ses mérites, mais selon son vrai besoin. Il l’accueille dans son malheur, tel qu’il le trouve, et il va lui donner plus qu’il ne demande. Autrement dit, il va au-delà de sa supplique. Jésus lui offre paix, dignité et salut. Il ne perçoit pas cet inconnu en fonction de sa condition présente , ce qu’il voit ne définit pas la personne qui va renaître à la vie. Il ne regarde point l’humain en fonction de ce qu’il est aujourd’hui, mais de ce qu’il sera demain, une fois délivré de toutes possessions. Le regard de Jésus n’a pas varié. Le Christ veut investir positivement chacune de nos vies. Il nous voit tels que nous serons, héritiers du royaume éternel. Il n’attend pas que nous soyons parfaits pour nous accorder sa grâce. Il nous l’accorde, s’il perçoit simplement notre désir de changement.

Les conséquences positives sont à vivre ici et maintenant. Tout à l’heure, cet homme sera autre, heureux et responsable.

 

Il y a un aller et un retour dans notre rencontre avec le Christ.


Reprenons le récit de Marc et soulignons le fait cocasse suivant : Jésus répond aussi à la demande des démons. Il leur permet d’entrer dans un troupeau de porcs (cf. Marc 5 : 13). Le troupeau d’environ deux mille têtes s’emballe, et du haut de la falaise se jette dans la mer, et périt. Notons simplement le fait que la permission donnée par le Seigneur montre sa domination sur toute puissance étrangère à Dieu. C’est rassurant et réconfortant à la fois ! Sur un plan économique, on comprend le désarroi des éleveurs de porcs. Associés aux gens de la ville voisine, ils pressent Jésus de quitter leur territoire (cf. Marc 5 : 17)


Le contraste entre l’aspect économique et le bien-être de cet humain qui laisse tout le monde indifférent, a quelque chose de choquant. Il nous renvoie à notre actualité. Le bien-être des personnes est souvent, pour ne pas dire toujours, sacrifié sur l’autel des valeurs économiques. Quand les aspects matériels sont plus importants que le bien-être humain, on peut crier au danger. Indépendamment de toutes autres considérations, le Seigneur a toujours donné la priorité au bonheur de l’individu.

Le texte établit un autre contraste entre tous ces gens révoltés par la perte commerciale du troupeau, et le comportement de notre nouvel homme. D’après Marc, les gens de la ville et des hameaux environnants, apprenant la catastrophe, se dépêchent de venir voir, à leur tour, Jésus. Leur curiosité sera satisfaite. Que constatent-ils stupéfaits : « ils virent le démoniaque, celui qui avait eu la légion de démons, assis, habillé et dans son bon sens ; et ils furent saisis de frayeur » Marc 5 : 15 (version Segond 21) Luc précise qu’il est assis « aux pieds de Jésus » Luc 8 :35 Cela nous rappelle l’attitude pleine d’attention de Marie, la sœur de Marthe et de Lazare (cf. Luc 10 : 39)


Le changement de cet homme est spectaculaire. L’indifférence de la populace l’est tout autant. Personne ne se réjouit de son bonheur retrouvé, grâce à Jésus. Pire, ces spectateurs intrigués se mettent à avoir peur. Le miracle est trop bouleversant pour eux.

Ces voyeurs se sentent pris d’angoisse. Leur crainte est aussi alimentée par le pouvoir du Christ. Etonnement, stupéfaction et déception, tout s’entremêle dans leur esprit. Le pire, peut-être, semble être la grosse perte économique pour la région. Le cœur humain est plus attaché à la possession de biens, qu’au bonheur de ses semblables. Il est plus centré sur l’Avoir ou ses avoirs que sur l’Être. C’est une constante de l’histoire des hommes.

Tout cet émoi conduit la population à demander à Jésus de quitter leur territoire. Toutefois, ceux qui sont venus voir Jésus et le démoniaque, ne peuvent s’empêcher de raconter à ceux qui n’avaient pas été les témoins oculaires, « comment a été sauvé(εσωθη) le démoniaque » Luc 8 : 36. (On parle bien de salut et non de guérison dans l’original grec, c’est la raison pour laquelle, tout à l’heure nous disions que Jésus est allé au-delà de la demande du souffrant.)

Jésus est sur le point de quitter ce territoire hostile et réfractaire à son message (cf. Marc 5 : 18). Il est sur le départ. Sa tâche semble terminée. Il monte dans la barque… Notons que le Seigneur ne s’impose pas. La liberté est la condition sine qua non de la pratique de l’amour. Elle a pour objectif de ne pas faire des assistés permanents. Elle responsabilise toujours avec respect. Redisons-le, le Christ a toujours investi positivement dans l’humain…

Cependant, le Seigneur vient à peine de monter dans la barque, que l’inconnu repositionné dans son bon sens, le supplie de rester avec lui. Le verbe grec (παρακαλέω) traduit une prière instante, pressante (Le même verbe est employé par Marc un peu plus loin, pour décrire la demande du chef de la synagogue à Jésus, Marc 5 : 23). Cette supplique de notre inconnu, revenu à la vie, est touchante. Elle illustre l’attitude de tous ceux et celles qui manifestent leur reconnaissance à Jésus-Christ. La vraie rencontre avec Christ produit un trop plein de bonheur et de gratitude. Elle nous rend débiteurs à vie, mais pour la vie.

La réponse de Jésus à cet homme n’a rien d’une rebuffade. Le Seigneur ne lui permet pas de venir avec lui pour une raison sublime. Elle s’harmonise avec la mission de ses propres disciples. Il le mandate pour qu’il devienne à son tour porteur de bonnes nouvelles.

« Va dans ta maison, vers les tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi, comment il a eu pitié de toi » Marc 5 : 19. Luc dit « Retourne dans ta maison et raconte tout ce que Dieu fit pour toi. » Luc 8 :39


Pourquoi retourner vers les siens, qui impuissants l’ont abandonné à son délire… L’action du Seigneur a toujours été pour le rapprochement de la famille. Le lien du sang est important dans la Bible. Mais essayons de comprendre le douloureux parcours de cette famille avec ce fils possédé. Cette malédiction a certainement été lourde à assumer, surtout avec tout le poids de culpabilité qu’elle entrainait. Pour cette famille, ce fils était un mort-vivant. Impossible dans ces circonstances de faire son deuil. De plus, il est facile d’imaginer les remarques désobligeantes des voisins et gens de cette petite localité. Tout le monde se connait dans ces petites bourgades…

Si nous pouvons percevoir la douleur de cette famille, essayons maintenant d’imaginer sa joie. C’est une vraie résurrection. Ce fils qui était perdu est revenu à la vie. Il est rayonnant, il peut raconter son retour de l’enfer. Il parle posément. Son cœur déborde d’amour pour ce Jésus. Il a eu le bonheur de le rencontrer personnellement. On a dû faire la fête, comme dans la parabole du fils perdu (cf. Luc 15 : 11-32). A moins que pressé par le témoignage qu’il veut rendre à son bienfaiteur, notre homme soit reparti…

Car, à bien observer les textes on s’aperçoit que non seulement le miraculé est retourné vers les siens, mais qu’il a fait encore bien plus que cela. Que nous précise Luc ? « Il s’en alla et proclama dans toute la ville ce que Jésus avait fait pour lui » Luc 8 : 39b. L’évangéliste Marc va encore plus loin : « Il s’en alla et se mit à proclamer dans la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui. Et tous étaient dans l’étonnement » Marc 5 : 20


Le Christ a transformé un possédé du diable en prédicateur de la bonne nouvelle d’un salut gratuit.

 

C’est le premier prédicateur envoyé proclamer l’action concrète du Sauveur. C’est plus tard que Jésus enverra ses disciples (70) en mission (cf. Luc 10 : 1-24). Notre prédicateur, riche d’un vécu qui n’est pas dogmatique, va parcourir la Décapole. A cette époque, c’était un vaste territoire. Il partait du sud du lac de Galilée, et se prolongeait sur les montagnes à l’est de ce cours d’eau, jusqu’à la hauteur de la mer morte, vers le sud (Aujourd’hui, nous dirions toute la frontière Nord-Ouest de la Jordanie qui longe le Jourdain). Quelle épopée ! Quelle prodigieuse aventure !


Conclusion :


Ce récit nous interpelle sur la capacité du Seigneur à répondre à tous nos besoins (cf. Matthieu 11 : 28 ; Jean 6 : 37 ; 1 Pierre 4 : 7). Son pouvoir de libération est sans limites. Il a autorité sur toutes les puissances du mal. Il nous dit : « Prenez courage j’ai vaincu le monde » Jean 16 : 33 (voir aussi 1 Jean 4 : 4)

Le Seigneur nous prodigue un amour qui n’est point une mise sous tutelle. Il nous assure son aide en nous responsabilisant, mais la décision nous appartient. Il y a bien un refus de faire de nous des assistés, même spirituels. Mais son amour nous voit en devenir, et non tel que nous sommes présentement.

Son amour, dispensé sans réserve, a pour objectif de nous repositionner dans l’harmonie sur les trois plans physique, psychique et spirituel. En conséquence, il veut faire de chacun de nous des ambassadeurs de cette noble cause (cf. Corinthiens 5 :20) A minima, il nous invite à être témoins de ses œuvres (cf. Actes 1 : 8) Quand on voit qu’un possédé des démons est transformé en missionnaire chrétien pour évangéliser la Décapole, nous sommes sur le lieu de tous les possibles.

Jésus a déclaré à ses disciples : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez (donc), faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à mettre en pratique tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » Matthieu 28 : 18-20 (version Segond 21)

                                                                                     Jacques Eychenne

 

 



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