La parole digne de foi

 

 

  la parole digne de foi

                ou

  le testament spirituel de Paul

  2 Timothée 2 : 11-13

 

 

Introduction :

 

Avant tout, souvenons-nous du contexte dans lequel l’apôtre Paul a écrit cette deuxième lettre à son enfant spirituel Timothée. C’est très probablement son dernier écrit (cf. vers 67) et l’on perçoit son émotion. Ce combattant de la foi sent bien que l’heure de son départ approche (cf. 2 Timothée 4 : 6). Le déchaînement de haine qui mène Néron à persécuter les chrétiens ne laisse plus de place au doute. L’apôtre est abandonné de tous ses amis, car toute visite devient suspecte et dangereuse. Si lors d’une première incarcération, Paul, mis en résidence surveillée, jouissait d’une relative liberté (cf. Actes 28 : 16-31), maintenant ce n’est plus le cas. Il est prisonnier, lié avec des chaînes (cf. 2 Timothée 1 : 16), dans un cachot insalubre et froid (Il demande qu’on lui apporte son manteau, mais aussi des livres et des parchemins cf. 2 Timothée 4 : 13).  Seul, Luc le médecin bien-aimé semble l’assister (cf. 2 Timothée 4 : 11). Sentant son exécution proche, Paul exprime un dernier souhait : revoir une dernière fois Timothée. Il le presse de venir le plus rapidement possible (cf. 2 Timothée 4 : 9,21). Nous ne savons pas s’il a été exaucé… Cette dernière missive a valeur de testament spirituel. Elle est différente de toutes les autres épîtres pastorales. Elle est plus personnelle et son contenu remet en lumière la fidélité au service de Jésus-Christ (cf. 2 Timothée 2 : 1-10 ; 15-17). Ce dernier billet, écrit dans cette cellule obscure, très certainement à la lumière de bougies, donne du relief et de la force aux propos qu’il contient. Il convient d’en prendre acte, avec encore plus d’attention…

 

Développement :

 

Ainsi, après avoir invité Timothée à partager ses souffrances comme un bon soldat de Jésus-Christ et après avoir stimulé sa mémoire pour que s’incruste la splendide vérité d’un salut en Jésus-Christ, mort et ressuscité (cf. 2 Timothée 2 : 8-10), l’apôtre va mettre en exergue les paroles qui condensent tout l’évangile :

« Cette parole est certaine : si nous sommes morts avec lui, nous vivrons aussi avec lui; si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui; si nous le renions, lui aussi nous reniera; si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même »  2 Timothée 2 : 11-13, version NEG.

La force et le poids des mots, écrits dans les circonstances tragiques que l’on sait, ne peuvent que nous interpeler !

Essayons de tirer le maximum de profits des affirmations de l’auteur et tentons d’en pénétrer le sens profond…

 

Ses premiers mots posent le socle de la foi. « πιστὸς ὁ λόγος = la parole qui procède de la foi et de la fidélité.  Les traductions diverses disent : « cette parole est certaine » versions DRB ; LSG ; « Elle est sûre cette parole », versions FBJ ; « elle est digne de confiance cette parole » TOB. En bref, cette parole est digne de foi. Elle fait référence à la fidélité. Ce n’est pas la première fois que Paul emploie cette formule. Dans sa première lettre à son enfant spirituel, il l’emploie à plusieurs reprises (cf. 1 Timothée 1 : 15 : 3 : 1 ; 4 : 9 et même à Tite, Tite 3 : 8). Comme il le laisse supposer, c’est une parole qui ne lui appartient pas, car elle n’est point humaine (cf. 2 Timothée 3 : 16). C’est pourquoi, comme il le dira dans sa première lettre, elle est certaine et digne d’être pleinement accueillie (cf. 1 Timothée 4 : 9).

Voyons la suite : « si nous sommes morts avec lui, nous vivrons aussi avec lui » (συναποθνῄσκω = mourir avec Le verbe est à l’indicatif actif, notre présent de l’indicatif actif en français). L’apôtre a déjà développé cette vérité fondamentale du christianisme en la précisant aux chrétiens de Rome : « ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c'est en sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection, sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit réduit à l'impuissance, pour que nous ne soyons plus esclaves du péché; car celui qui est mort est libre du péché. Or, si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui… »  Romains 6 : 3-8, version NEG.

 

Mourir avec Christ, c’est la déclaration osée de l’apôtre Pierre au soir du repas pascal, la veille de son reniement : « même s'il faut que je meure avec toi (même verbe : συναποθνῄσκω) non, je ne te renierai pas » Marc 14 : 31, version TOB.  Maintenant que nous avons donné du sens à ce verbe, parlons de vie et non de mort. Les deux termes se fondent en un seul et unique instantané. Cette  réalité objective, bibliquement parlant, nous est difficilement accessible, car nous restons tributaires d’un temps linéaire. Or, la mort est la suppression du temps…

« Nous vivrons aussi avec lui ». Glorieuse et sublime bonne nouvelle ! Au moment où l’apôtre va connaître le martyr, insister sur cette vérité est énorme ! Tout le projet de Dieu nous parle de cette vie. Elle ne peut être réduite à notre expérience humaine, à notre état présent. Il faut une mutation, une métamorphose, une transformation (cf. 2 Corinthiens 3 : 18 ; 1 Corinthiens 15 : 51-52). Comment cela va se passer, personne ne le sait !  Même si Paul nous dit que nous serons semblables aux anges (cf. Luc 20 : 34-36 ; 1 Corinthiens 15 : 49) et que Jean rajoute : lorsque Christ paraîtra nous serons semblables à lui (cf. 1 Jean 3 : 2). Nous ne sommes pas plus avancés dans cette connaissance. Et dans le fond, c’est mieux ainsi. Notre imaginaire peut se permettre toutes les extravagances ! Mais est-ce bien nécessaire ? La démarche de foi appelle la confiance, la sérénité. Et quand nous plaçons notre devenir en Dieu le calme et la tranquillité sont notre partage (cf. Esaïe 30 : 15).

Que dit la suite de l’affirmation de Paul : « si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui ». D’autres versions disent : « si nous souffrons… », versions DRB, TOB, KJV. D’autres « Si nous tenons ferme… », FBJ, BFC. D’autres encore « si nous persévérons… », versions LSG, NEG. Il faut dire que le verbe ὑπομένω est riche (= tenir bon, tenir ferme, supporter, endurer, persévérer ; cf. Matthieu 10 : 22 ; Luc 8 : 15 ; 21 :19 ; Hébreux 10 : 36). Toutefois, le message est limpide. Si nous voulons régner avec lui (cf. aussi 1 Corinthiens 4 : 8), il convient de prendre sérieusement en considération l’équation suivante :

Rester ferme dans la foi = être en la présence de Dieu, être sous son règne avec lui. Enthousiasmante bonne nouvelle qui devrait stimuler tous nos sens, et les mettre en éveil pour activer notre pratique du bien, du bon, du beau (cf. sens de  καλός= bon, bien, beau ; Matthieu 13 : 48 ; Luc 6 : 43, 21 : 5 ; 2 Timothée 2 : 3 etc.). Comme nous le constatons, la fidélité à Dieu est la pierre de touche de notre relation avec lui … Rappelons-nous l’introduction de cette réflexion : la parole de Paul est donnée sous l’inspiration divine, c’est pourquoi elle est certaine, c’est-à-dire digne de foi. Alors, examinons la suite avec attention !

«  Si nous le renions, lui aussi nous reniera; si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même » v. 12. Plusieurs remarques s’imposent devant l’affirmation de l’auteur :

Il y a une équation négative : si nous le renions = lui aussi fait de même. Et une équation positive pour nous : si nous sommes infidèles = lui restera fidèle quoi qu’il advienne. En concentré, Dieu peut nous renier sans se renier, c’est-à-dire il demeure en adéquation avec lui-même dans sa perfection d’amour.

Renier et être infidèle sont deux verbes qui décrivent des réalités substantiellement différentes.

  1. Renier, c’est persister à nier, à dire non, à refuser, même à repousser. On peut à la forme pronominale se renier soi-même, renoncer à soi-même (cf. Luc 9 : 23) ou renier un engagement (cf. 2 Timothée 3 : 5). Tite parlera de ceux qui professent connaître Dieu, mais qui le renient par leurs œuvres (cf. Tite 1 : 16). L’apôtre Pierre décrira le comportement  des faux prophètes, reniant le Maître qui les a rachetés (cf. 2 Pierre 2 : 1). L’apôtre Jean utilisera le même verbe en disant : « Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus soit le Christ ? Le voilà l'Antichrist ! Il nie le Père et le Fils »  1 Jean 2 : 22, version FBJ. Ailleurs il écrira : « Je connais ta conduite : voici, j'ai ouvert devant toi une porte que nul ne peut fermer, et, disposant pourtant de peu de puissance, tu as gardé ma parole sans renier mon nom », Apocalypse 3 : 8, version FBJ. A chaque fois, c’est le même verbe grec ἀρνέομαι qui est utilisé.
  2. Etre infidèle, c’est ne pas tenir un engagement dans la durée. Le verbe grec ἀπιστέω = décrit une attitude contraire à la foi. C’est quelqu’un qui refuse la démarche de foi (cf. Luc 24 : 11,41 ; Actes 28 : 24). Il fait partie des incrédules (cf. 1 Pierre 2 : 7). Dans les évangiles, le verbe est utilisé pour définir ceux qui ne croient pas, ceux qui ne font pas acte de foi (cf. Marc 16 : 11, 16 ; Luc 24 : 11, 41 ; Actes 28 : 24). Les deux définitions se superposant l’apôtre Paul utilisera les deux sens (cf. Romains 3 : 3 ; 2 Timothée 2 : 13).

Peut-être que ces explications nous conduisent à considérer une relation verticale et une plus horizontale.

  1.  Relation verticale : En effet, renier synthétiserait l’attitude de celui ou celle qui refuse la transcendance, c’est-à-dire le témoignage de celui qui a été envoyé par Dieu pour sauver le monde (cf. Jean 3 : 16-17). Cette position, ce déni d’une réalité historique (cf. 1 Timothée 1 : 15) est comme une impasse. Aucune solution de sortie de crise n’est possible. Si bien que l’équation est sans appel : « si nous le renions, lui aussi nous reniera » 2 Timothée 2 : 12.
  2.  Relation horizontale : être infidèle, manquer de foi, être incrédule, c’est se souvenir de toutes nos lâchetés, nos erreurs, nos manquements à une parole, nos faiblesses humaines, nos infirmités dans l’absence de cohérence… Tout cela le Seigneur le sait. C’est même à cause de nos trahisons face à la loi d’amour que le Christ a dû payer le prix fort de notre rachat. Là, nous sommes bien sur le plan horizontal du vécu relationnel humain. Et là, l’équation est différente : « si nous sommes infidèles, il demeure fidèle ». Notre infidélité a sa solution : la fidélité de Dieu par Jésus-Christ. Son amour a couvert nos problèmes relationnels. Ces derniers n’altèrent pas la fidélité de Dieu. Paul avait déjà écrit aux chrétiens de Rome : «  mais Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous. À plus forte raison donc, maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons-nous sauvés par lui de la colère » Rom 5 : 8-9, version NEG.

Majestueuse et admirable promesse qui nous réconcilie (cf. Romains 5 : 10 ; Colossiens 1 : 21 ) avec Dieu et nous fait entrevoir un avenir heureux dans une relation d’amour. C’est la raison pour laquelle l’apôtre nous adresse ce message solennel : « Nous faisons donc les fonctions d'ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous; nous vous en supplions au nom de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! »  2 Corinthiens 5 : 20, version NEG.

La raison que Paul invoque pour nous convaincre de la fidélité du Christ  est : « lui demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même » 2 Timothée 2 : 13, version TOB.

La fidélité intangible et irréfragable de notre Seigneur est l’assurance tous risques de notre foi. Jésus de Nazareth est fidèle et juste. Son attitude envers nous est pleine de compassion. L’apôtre Jean témoigne : « si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité. Si nous disons que nous n'avons pas péché, nous le faisons menteur, et sa parole n'est point en nous » 1 Jean 1 : 9-1, version NEG.

Elle est bien là notre espérance ! Qu’il est beau ce testament spirituel de Paul ! Peu de temps après la rédaction de sa dernière lettre, il vivra concrètement la réalité qu’il avait si bien décrite et espérée : Mourir avec Christ. N’avait-il pas déjà écrit aux chrétiens de Philippes : « pour moi, vivre, c'est Christ, et mourir m'est un gain »  Philippiens  1 : 21, version TOB.

 

Conclusion :

 

Mourir avec Christ est la promesse d’accéder à la vraie vie. C’est le grandiose paradoxe de l’expérience spirituelle. Mort et vie se confondent et ne forment qu’un. Cela nous conduit à faire taire tous nos vains désirs sans consistance et sans lendemain. Mourir à tout ce qui est futile et qui nous insatisfait au plus profond de nous-même, pour au très fond de soi, saisir ce qui fondamental, indestructible et pérenne. Si nous avons cette disposition d’esprit nous sommes sur le chemin de la vie. La condition pour la découvrir sera remplie. Paul nous dit que si nous tenons ferme, en orientant positivement nos comportements avec persévérance, nous pouvons dès à présent savourer en esprit  les bienfaits de la présence du Christ dans le royaume de son père…

Et si dans cette marche spirituelle, rendue difficile par le délitement des valeurs qui fondent la foi, il advenait que nous nous égarions, pensons alors  à la fidélité immuable de Dieu et de son Christ. Le Seigneur nous a démontré concrètement que sa fidélité était inaltérable. Aujourd’hui encore, il nous adresse cette supplique : « venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez le repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger » Matthieu  11 : 28-30, version NEG.

La vraie fidélité, c’est la lucidité à soutenir l’incertitude, à enrayer l’absence apparente de réponse à nos prières, à surmonter la lassitude à vaincre nos démons, à renoncer à   vouloir tout comprendre et maîtriser.., c’est s’abandonner, mourir à soi-même pour renaître dans la confiance et l’espérance.

« Nulle passion n’est plus forte dans le cœur de l’homme que le désir de partager sa foi » Virginia Woolf ; Orlando (1928).

Signature du testament :

« Je sais en qui j'ai mis ma foi et j'ai la certitude qu'il a le pouvoir de garder le dépôt qui m'est confié jusqu'à ce Jour-là » Paul, apôtre de Jésus-Christ à Timothée mon enfant bien-aimé (cf. 2 Timothée 1:12,1-2 version TOB).

                                                                                       Jacques Eychenne

 

PS : NEG, version Nouvelle Edition de Genève ; TOB, version œcuménique de la Bible ; FBJ, version française de Jérusalem ; BFC, version Bible en Français Courant ; DRB, version Darby ; KJV, version anglaise King James.

 

 

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