Le Pain Vivant

 

  

 

 

  LE PAIN VIVANT

            ou

   Une réalité  à vivre

        

       Jean 6: 48   

Introduction :

 

Jésus est sur le point de célébrer sa deuxième Pâques depuis le début de son ministère. Il vient d’accomplir le fabuleux miracle de la multiplication des pains. Il a nourri plus de 5000 personnes. Ayant congédié la foule, il part sur la rive orientale du lac de Galilée, certainement pour être seul avec ses disciples (cf. Marc 6 :31, 45). Mais voilà ! La foule l’a su et l’a suivi sur cette rive. Alors Jésus saisit l’occasion pour délivrer le plus extraordinaire des messages : « Je suis le pain de vie » Jean 6 : 48

 

Développement :

 

Avant tout développement, le Christ pointe les réelles motivations de ces gens. Ils le suivent parce qu’ils ont été nourris (et même rassasiés dit le texte, v.26). Ils le cherchent non pour connaître la source de ce miracle et découvrir l’amour de Dieu, mais simplement par intérêt. Jésus connait bien la nature humaine et les pensées de cette foule, mais il accueille. Son objectif surmonte facilement le besoin exprimé par ces gens. Il voit au-delà. Partant d’un constat existentiel, somme toute légitime, il va attirer l’attention de chacun sur un autre besoin plus fondamental. Le Christ va recadrer leurs priorités :

« Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui subsiste pour la vie éternelle, et que le fils de l’homme vous donnera. » v.27 (« L’aliment qui demeure » exprime la permanence de la relation)

L’intervention incisive fait mouche ! Alors les gens questionnent : « Que devons-nous faire, pour accomplir les œuvres de Dieu ? » (litt : « que nous œuvrions aux œuvres ? » ou « pour travailler au travail » A. Chouraqui) Et Jésus répond, non par un pluriel, mais par un singulier : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous ayez foi en celui qu’il a envoyé » v. 29

L’œuvre par excellence, définie par le Seigneur, est la foi. C’est le fait d’adhérer sans réserve à son message, et de le vivre au quotidien. Les notions de mérites sont étrangères à cette relation. L’amour ne peut s’acheter, il se donne ou ne se donne pas. Dans la relation spirituelle, il n’y a point de spéculation. Il n’y a rien à gagner ; il suffit d’accueillir dans la confiance. L’expression courante « gagner le ciel » est impropre à la pensée biblique. Elle est même aux antipodes de l’esprit de l’évangile.

La seule œuvre agréable à Dieu est la totale confiance en sa volonté bienveillante pour chacun de nous. (cf. Hébreux 11 : 6)

Mais la réalité est que nous fonctionnons comme cette foule. A l’arrière plan de nos comportements se tapit la notion d’intérêts primaires. On aime le concret. On veut pouvoir le toucher. On a besoin de manger et de voir un miracle !

L’humain dans sa quête de Dieu, ne veut engager sa foi que devant l’évidence d’un prodige spectaculaire. Il ne comprend pas qu’alors, ce n’est plus  la foi !

Dans notre texte la foule questionne : «  Quel miracle fais-tu donc, afin que nous voyions, et que nous croyions en toi ? Que fais-tu ? » v. 30

L’apôtre Thomas fonctionnera plus tard sur le même registre. Incurable indigence de l’humain qui a besoin de toucher et de voir, pour croire. A cette occasion Jésus dira à Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru » Jean 20 :29

Mais revenons à l’entretien de Jésus avec la foule. Malgré le côté rebutant de la demande de miracle, (alors qu’ils viennent d’en vivre un et pas n’importe lequel !) ils semblent demander une répétition de l’expérience de la manne dans le désert. (cf.v.31) Est-ce le sens de leur intervention ? Pourquoi cette référence au passé, si ce n’est pour que Jésus réédite l’exploit ? (la réalité se situe dans le fait que Jésus accomplit ce qui avait été ébauché par Moïse.)

Jésus n’esquive pas ce rappel à l’histoire du peuple d’Israël (cf. Exode 16 ; Psaume 78 : 22-24). Il va de nouveau repréciser sa pensée.

Mais revisitons un moment l’histoire : Quelle était la finalité de Dieu dans cette intervention mémorable (la manne) lors de la sortie d’Egypte ?

Elle était précise et limpide : « Souviens-toi de tout le chemin que l’Eternel, ton Dieu, t’a fait faire pendant ces quarante années dans le désert, afin de t’humilier et de t’éprouver, pour savoir quelles étaient les dispositions de ton cœur et si tu garderais ou non ses commandements. Il t’a humilié, il t’a fait souffrir de la faim, et il t’a nourri de la manne, que tu ne connaissais pas et que n’avaient pas connue tes pères, afin de t’apprendre que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche de l’Eternel » Deutéronome 8 :2-3   

Oui ! Dieu avait un projet pour son peuple. Il a tout mis en œuvre pour le lui faire découvrir, le lui faire savourer, comme du bon pain. L’envoi dans le désert avait valeur de test. L’homme devait apprendre une chose essentielle dans son éducation : On ne vit pas de pain seulement ! Autrement dit, dès le départ, Dieu désirait faire comprendre à son peuple, qu’il lui fallait aller au-delà d’une nourriture matérielle pour entrer dans la vraie vie.

La traversée du désert était donc un passage initiatique spirituel. La nourriture matérielle était un support pour marcher vers l’invisible, vers une nourriture plus excellente et plus vitale encore : une nourriture spirituelle. Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger. Mais si nous avons faim et soif de Dieu, une autre nourriture peut nous conduire sur le chemin de l’éternité. C’est dans cette perspective que la relation d’amour avec Dieu a du sens.  

 

Est-ce que cette approche divine a été sensiblement perçue par le peuple? Pouvait-il seulement comprendre cette pédagogie?

Malheureusement, cette approche n’a pas été comprise par le peuple qui en est resté  à son besoin primaire: celui de se nourrir matériellement. Cependant, le peuple avait les moyens de saisir l’intention de son libérateur, car la manne n’était pas ramassée le 7ème jour de la semaine, le sabbat de l’Eternel. (cf. Exode 16 :23-29) Autrement dit, ce jour de rendez vous, consacré à Dieu, devait redonner du lien et du sens à la relation. Dieu voulait se faire découvrir non seulement comme un Père nourricier, mais plus encore comme un père attentionné et aimant, qui prend soin de chacun au-delà de ses besoins matériels. Dieu devait être reconnu comme le vrai Père, qui désire par-dessus tout être aimé... Il espérait qu’une relation de confiance et d’amour se mettrait progressivement en place. Le pain devait symboliser la vie.

Dans le sanctuaire israélite, chaque jour, les prêtres façonnaient (suivant les instructions données à Moïse) des pains sans levain, douze au total. Ils les disposaient en 2 rangées sur une table, dans le lieu saint. Ces pains étaient nommés « pains du visage ou pains exposés » c’est-à-dire pains placés devant la face de Dieu. Puis, ils étaient donnés à Aaron et ses fils, qui les mangeaient dans le lien saint.  

Des pains à manger, au nombre de 12, comme le nombre des tribus d’Israël, n’est-ce pas un symbolisme qui nous conduit à la multiplication des pains et même à la sainte cène ? Autrement dit, la pédagogie divine ne voulait-elle pas qu’il y ait passage entre la compréhension d’une réalité concrète, à un aspect spirituel plus pertinent ?

C’est bien dans ce contexte que  la venue du Christ apporte un nouvel éclairage. Il s’inscrit en continuité et en cohérence avec la volonté de son Père.

« Je suis (ego eimi) le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif » Jean 6 : 35 (Notons le transfert important de l’expérience de Moïse à celle du Christ. Autrement dit de la tora à l’évangile)

 

Le Christ vient et se présente comme le pain descendu du ciel. Autrement dit, il vient pour répondre à notre soif d’absolu dans le présent, avant de nous assurer la vie éternelle par sa victoire sur la croix. Il y a un bénéfice présent et réel à accueillir, ici et maintenant, le Christ comme pain de vie, comme nourriture spirituelle. Le Christ déclare lui-même que celui qui mange sa chair, a la vie éternelle (cf. Jean 6 :54). (Il ne s’agit pas d’une apologie du cannibalisme !) Le symbolisme est renforcé par une affirmation encore plus forte : celle de boire son sang. 

Idée insupportable pour les juifs, chez qui l’interdit du sang était très fort. De même, l’invitation à manger de la chair humaine et à boire du sang était une vraie abomination, interdite par la Loi. (cf. Lévitique 7 :26-27 ; Deutéronome 12 : 15-16 etc.) Le Lévitique interdit de consommer du sang: le sang, c’est la vie même ! Tout animal doit être saigné avant d’être consommé. (cf. Lévitique 17 :11 ; Deutéronome 16 :23) l’enseignement est avant tout spirituel…

 

Et pourtant, Jésus provoque le spirituellement et correctement bien établi. Tranquillement il affirme qu’il faut manger sa chair, avec l’idée même de la mâcher. Prises au 1er degré, les déclarations de Jésus sont incompréhensibles. Cannibalisme crient les profanes ! Mais à la lumière de Pâques, le lecteur les comprend mieux. Sa chair et son sang symbolisent la mort de Jésus; il nous invite à entrer dans ce don incomparable qui offre la vie aux hommes : la vie éternelle. Oui, ce pain qui descend du ciel, c’est Dieu qui nous l’envoie. Ce pain de vie, c’est Jésus lui-même. Il est le pain vivant, le pain éternel, le vrai pain qui communique la vraie vie. Le pain de vie est une vraie nourriture qui ouvre la relation des hommes à leur Dieu. Par le Christ l’envoyé du Père, la vie est communiquée en abondance aux hommes. C’est-ce que Jésus a voulu signifier en nourrissant plus de 5000 personnes, et avec les restes, on a rempli  encore 12 paniers. Est-ce un hasard ? Le symbole est fort.

Le Christ a voulu fortifier la foi de ses disciples et de ce peuple. Et au-delà, il veut répondre par là même à tous les inquiets que nous sommes. Les disciples se demandaient comment cette foule pouvait être concrétement nourrie ? Mais, là n’était pas l’enjeu du Christ. 

« Celui qui mange ce pain vivra éternellement »v. 51. On retrouve l’esprit de l’enseignement du Deutéronome dans notre texte de Jean. Ces paroles ne pouvaient qu’avoir valeur de symbole.

C’est la raison pour laquelle Jésus sentira la nécessité de préciser plus loin au verset 63 :   « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert à rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. » Il faut accueillir ces paroles et les comprendre dans toute leur étendue et plénitude spirituelle. Jésus devient le pain céleste et vivifiant, c’est-à-dire l’aliment spirituel de notre âme. C’est Lui qui alimente l’équilibre de notre être en nous insufflant des valeurs impérissables. En Lui, les vivants découvrent le bonheur.

 

Les corbeilles restées pleines, sont pour moi une réponse à l’attente des disciples, et par extension à celle du peuple de Dieu à travers les âges. La peur viscérale de l’être humain, de toujours avoir peur de manquer de quelque chose, trouve ici sa solution. Cette réponse est l’antidote à la peur précédée de son cortège d’inquiétudes.

 

De même que pour être rassasiés et nourris par le pain matériel, il ne nous suffit pas de savoir qu’il peut nous nourrir, il faut que nous le mangions, de même pour que notre âme vive de Jésus, il faut non seulement que nous croyions en lui, mais encore que par la foi nous le recevions d’un cœur largement ouvert. Ainsi, par cette relation intime et profonde  nous prenons conscience du sens spirituel de ces paroles: 

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui….celui qui me mangera vivra par moi. » Jean 6 : 56-57 (Manger la chair et boire le sang fait référence  à un hébraïsme : bassar vadâm. Il désigne l’être tout entier) Nous vivons alors de lui, et par lui. Réalité de l’un en un, il devient vivant en nous. Il est le pain de vie, la vraie nourriture qui nous relève et  nous apaise. Le pain matériel ne fait qu’entretenir la vie de notre corps… Jésus, vrai pain de vie, nous donne la vie éclatante, abondante et éternelle. Plus notre âme se nourrit de lui, plus la vie spirituelle se développe, jusqu’à ce que les choses visibles et passagères (auxquelles notre chair humaine s’accroche) fassent place aux choses invisibles qui ont une portée éternelle. C’est une expérience extraordinaire que d’assimiler par le cœur (donc par la foi), que Jésus est le vrai pain de vie. Ce pain nous est toujours offert. Il l’est pour tous sans discrimination. Nous sommes assurés de son abondance, au-delà et bien plus que notre pain matériel quotidien.

  

Mais pourquoi selon Jean 6 : 60, plusieurs disciples ont trouvé que ce message était difficile à comprendre ? (Ce message pouvait leur paraître opposé à la loi. cf. Genèse 9 : 4 ; Deutéronome 12 : 16,23) Boire le sang était un scandale pour le juif ! 

Il est clair que les disciples ont eu beaucoup de difficulté à comprendre les paroles du Christ, car à cette époque on saisissait difficilement les notions trop abstraites (Les disciples avaient d’énormes difficultés à dépasser l’aspect purement matériel de l’enseignement du Christ). De plus, l’œuvre de Dieu n’était pas vraiment faite dans leur cœur, et ils se laissaient guider par leurs appréciations charnelles. Leur esprit n’était pas encore ouvert à cette dimension spirituelle. L’évangéliste Marc nous le rappelle (cf. Marc 6 :52).

 

C’est certainement pour cette raison que Jésus a voulu manger la Pâques avec eux. La Pâques juive s’est transformée alors en sainte Cène. La traversée du désert conduit donc à Christ.

Ce dernier repas, ce souper plus exactement, a été institué par Jésus quelques instants avant qu’il soit livré. C’est au cours du souper, pendant que les disciples mangeaient le repas de la Pâques juive, (qui était elle-même la commémoration de la délivrance du peuple d’Israël de l’esclavage d’Egypte) que Jésus a voulu instituer la sainte cène, (délivrance elle aussi du temporel) comme un signe qui devait révéler à ses disciples le sens de sa mort sur la croix. Il a présidé ce repas, Il devait être le dernier (c’est certainement à cette occasion qu’ils ont compris la vraie signification du pain et du vin, du corps et du sang de Jésus). Mais pour nous à présent, il est  renouvellement de sa grâce, dans notre marche vers le royaume éternel.

 

Afin de  perpétuer sa mémoire, nous rompons le pain entre nous et nous buvons la coupe. C’est une commémoration, une confession de foi, un acte de foi, une communion avec le Seigneur, une communion avec les membres du corps du Christ. Le repas est prêt, il est servi à tous, c’est le Seigneur qui l’a préparé, c’est lui qui nous y invite.

Dans la Sainte Cène la réalité divine rejoint notre réalité humaine. La foi nous fait entrer dans l’esprit de ce repas symbolique. Dans notre participation à la sainte Cène, la foi nous imprègne du sacrifice du Christ. Sans la foi, le pain et le vin restent des éléments matériels, vides de sens.  De la manne à la Sainte Cène, voilà Dieu qui s’invite dans nos vies et nous place de plain-pied dans son divin projet : passer d’un plan matériel a un plan spirituel. Ce partage du pain nous y conduit, car nous sommes tous invités à cette table pour ce partage avec Jésus-Christ. Il appelle chacun de nous sans cesse à le rejoindre. Par la simplicité de ce pain et de ce vin (litt. jus de la vigne) par la simplicité de sa présence au milieu de nous, nous nous approchons de lui, et c’est ce qu’il désire ardemment. Ayons toujours faim et soif de cette nourriture, car ce pain et ce vin nous fortifient dans la foi, nous unissent étroitement à Jésus, nous affermissent dans la certitude de la résurrection pour la vie éternelle, nous renforcent dans l’amour de Dieu et de notre prochain. C’est une proclamation de la mort rédemptrice du Christ, mais c’est aussi l’affirmation d’une victoire qui ouvre une ère nouvelle. C’est pourquoi en vivant ce repas, l’Eglise témoigne son espérance  dans l’avènement du retour de Christ.  

 

Conclusion :

 

Tout cet enseignement est là pour créer du lien spirituel dans l’agapè (amour d’essence divine). Il a pour vocation de dissiper notre incrédulité et faire naître la confiance. Sans elle, point de réel partage, point d’amour transcendant, point d’espoir véritable.

Jésus nous laisse ce message : la fraction du pain à la table commune sera le signe d’une fraternité nouvelle. Non seulement je serai présent parmi vous chaque fois que vous romprez le pain, mais par cette célébration vous vous unirez intimement à moi. De même que je fais des morceaux de ce pain, de même l’espérance que procurera mon sacrifice sera partagée parmi vous. Et de même que ce pain mangé ce soir sera votre nourriture jusqu’à demain, de même mon corps que j’offrirai en sacrifice pour tous les hommes, rassasiera la faim de celui qui aura foi en moi. Remercions Dieu de nous plonger dans cette merveilleuse promesse. Elle est le fondement de notre espérance.

Maintenant nous pouvons comprendre les paroles stupéfiantes du Christ à ses disciples: « Donnez leur, vous-mêmes à manger… » Matthieu 14 :16, Nous saisissons que nous sommes mandatés et responsabilisés à notre tour pour partager une nourriture avant tout   spirituelle.  Que le Seigneur nous assiste de son Esprit pour cette tâche.

                                                                                                      

                                                                                         Jacques Eychenne

 

 

                                                                                                    

                                     

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