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Enquête sur le premier meurtre (1ère partie) Genèse 4 : 1-7
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Introduction :
Après avoir décrit les origines de l’histoire du monde et de la vie, le récit du livre de la Genèse nous plonge dans l’obscur scénario d’une mort fratricide. Alors que le premier chapitre de ce livre nous avait sensibilisés au fait que « Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voici, cela était très bon » Genèse 1 : 31, la suite nous communique des faits moins réjouissants. Adam et Eve sont expulsés du jardin d’Eden. Ils eurent deux fils, Caïn et Abel, et malheureusement, Caïn tua son frère Abel.
Nous allons tenter de mener une enquête pour essayer de comprendre les motivations du meurtrier, et voir s’il peut avoir des circonstances atténuantes. Comme dans toutes les enquêtes criminelles nous interrogerons les proches et nous remonterons certainement jusqu’à Dieu. Est-ce que l’auteur de la vie peut nous donner des explications sérieuses sur cette mort ? Pour l’heure, la seule source qui va nous permettre de mener cette enquête est le livre de la Genèse.
Développement :
Quand on entreprend la lecture du récit de ce meurtre fratricide, notre première réaction est l’incompréhension. Quel lien peut-il y avoir entre le refus d’accepter l’offrande de Caïn et le meurtre de son frère ? Et pourquoi Dieu accepte l’une et refuse l’autre ? Certains commentateurs ont émis l’idée que la différence de l’offrande justifiait le refus divin. Mais comment un travailleur de la terre peut-il offrir autre chose que le fruit de son labeur ? De même, pour un berger, il était évident qu’il ne pouvait présenter à Dieu que le produit de son troupeau… Il nous est impossible, pour l’instant, d’avoir un indice concret sur les intentions de Caïn. Certains vont vite en besogne en disant que Caïn n’a pas fait ce qu’il fallait. Par contre, un point nous paraît assez clair : la non-approbation de l’offrande de Caïn par Dieu est l’élément déclencheur du meurtre de son frère. Nous dirions aujourd’hui, que c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. (Observons qu’au départ tout oppose les deux frères, Caïn est l’aîné, Abel est le suivant ; Caïn d’après les étymologies serait l’homme de la possession, Abel signifie fumée, celui qui assassiné disparaîtra sans laisser de progéniture, Caïn serait le sédentaire agraire, Abel l’ancêtre des nomades… mais ses différences ne peuvent justifier à elles seules le geste homicide de Caïn…)
Observons le texte : Pourquoi une offrande issue de l’agriculture aurait-elle moins de valeur que celle venant de l’élevage ? Dans les deux cas, tout part d’une bonne intention puisque les deux frères veulent montrer leur reconnaissance à Dieu. Redisons-le, rien ne dit dans le texte que les intentions d’Abel sont meilleures que celles de Caïn ! De plus l’initiative
de cette offrande mentionne Caïn en premier ! Est-ce lui qui en a eu le désir ? Nous ne pouvons pas le savoir… Le texte hébreu dit bien qu’il a offert du fruit du sol pour YHWH. Ainsi, Les deux frères font venir devant YHWH le résultat de leur travail, apparemment d’une façon identique.
Pourtant, certains trouvent dans le descriptif du récit matière à questionner. En effet, en scrutant au plus près, les offrandes présentent une curieuse différence. Caïn offre du fruit du sol et Abel apporte un produit dédoublé : « des premiers-nés de son troupeau et leur graisse ». Pourquoi cette insolite précision : « et leur graisse » ? Selon les critères de l’époque (qui n’ont pas de valeurs diététiques), la graisse représentait le meilleur de l’animal. On parlera souvent de « tuer le veau gras » (cf. 1 Samuel 15 : 9 ; 28 : 24 ; Psaume 63 : 6 ; Luc 15 : 27). La signification symbolique peut-elle nous conduire à nous fournir un indice ? Abel offre à l’Eternel le meilleur de ce qu’il a dans son troupeau. Mais peut-on déduire pour autant que Caïn n’agit pas de même ?
Pour élucider la question des motivations du meurtrier, examinons la description des deux offrandes ! Plaçons-les, l’une sous l’autre, pour voir s’il y a une différence ?
Caïn fit venir du fruit de la terre.
Abel fit venir lui aussi des premiers-nés de son troupeau et leur graisse.
Effectivement nous pouvons pointer des nuances, mais sont-elles des indices sérieux ? :
- Caïn présente du fruit de la terre, c’est-à-dire, plus simplement, le résultat d’un travail ordinaire accompli par un cultivateur. Seulement, aucun qualificatif ne vient expliquer sa motivation.
- Abel présente les premiers-nés de son troupeau et leur graisse, c’est-à-dire, le fruit d’un travail dans lequel il se serait apparemment plus investi. C’est de son troupeau qu’il parle… Ses premiers-nés, que Chouraqui traduit par ses aînés, seraient des aînés-femelles. (Je laisse au spécialiste de la langue hébraïque la paternité de cette précision ; pourtant l’interlinéaire hébreu-français traduit : des premiers-nés. Le détail est simplement à relever). Mais, dans les deux cas, Abel aurait offert le plus précieux de son troupeau.
Synthétisons : les deux enfants d’Adam et Eve semblent offrir ce qu’ils ont de mieux, mais une différence peut être relevée. Caïn offre du fruit anonyme, comme serviteur de la terre dont il tire parti (le descriptif semble neutre), tandis qu’Abel va offrir des bovins aînés-femelles qui auraient pu augmenter son troupeau. Caïn présente ce que la terre lui a donné, Abel « s’ampute » de bovins qui auraient contribué à sa plus grande prospérité. De ces observations nous pouvons déduire, sans trahir le texte, que rien ne nous indique (pour l’instant) que l’implication personnelle de Caïn (dans son offrande) soit différente de celle d’Abel. Aucun indice permet d’attester un geste distinct de l’un par rapport à l’autre. Seul, le choix divin établit une grande différence. Mais ce choix électif de YHWH-Adonaï n’est-il pas, aussi, discriminatoire[EJ1] ? Si Caïn a mal vécu le choix de Dieu, n’est-ce pas en lien avec son ressenti ? Son offrande aurait été perçue autre que celle de son frère.
Nous trouvons là l’indice que nous cherchions pour expliquer son geste meurtrier. C’est l’absence de confiance en YHWH-Adonaï qui a poussé Caïn à crier à l’injustice. Il n’a pas su contrôler ses émotions. En réaction, il a agi sans discernement et avec violence. Pourtant, il aurait pu demander des explications à son Dieu. Il aurait pu prendre du recul et réfléchir sur son choix. Il n’en fit rien. Son impulsivité l’a totalement submergé…
Ce constat nous plonge dans l’actualité de notre monde dit moderne. Il nous concerne. Il nous renvoie à toutes ces situations spirituelles et relationnelles absentes de maîtrise de soi. De là, nous pouvons tirer l’instruction suivante : l’important est moins ce que l’on offre à YHWH-Adonaï, que l’état d’esprit qui accompagne nos offrandes. Si la confiance n’est pas au rendez-vous, le geste devient insignifiant.
Les enseignements des prophètes sont édifiants sur le sujet.
« Je déteste, je méprise vos pèlerinages, je ne puis sentir vos rassemblements, quand vous faites monter vers moi des holocaustes ; et dans vos offrandes, rien qui me plaise ; votre sacrifice de bêtes grasses, j'en détourne les yeux… » Amos 5 : 21-22, version TOB.
« Que me fait la multitude de vos sacrifices, dit le SEIGNEUR ? Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j'en suis rassasié. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n'en veux plus…
« Samuel dit : L'Éternel trouve-t-il du plaisir dans les holocaustes et les sacrifices, comme dans l'obéissance à la voix de l'Éternel ? Voici, l'obéissance vaut mieux que les sacrifices, et l'observation de sa parole vaut mieux que la graisse des béliers. » 1 Samuel 15 : 22, version de Genève.
Mais revenons aux faits : que dit le texte hébreu sur l’appréciation divine :
« L’Éternel eut égard à Abel et à son offrande » Genèse 4 : 4, version DRB.
« L'Éternel porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande » Genèse 4 : 4, version NEG.
« Le SEIGNEUR tourna son regard vers Abel et son offrande » Genèse 4 : 4, version TOB.
(« שָׁעָה sha`ah {shaw-aw'} = regarder, porter le regard, regarder fixement à ou autour ; (Qal) fixer, regarder, voir, observer ; (Hifil) regarder au loin, faire détourner le regard ; (Hitpael) regarder dans la consternation, regarder fixement (dans l'anxiété). L’interlinéaire hébreu-français traduit par le verbe : « considérer »).
Le verbe hébreu semble neutre (dans la plupart des versions françaises) dans l’appréciation de l’offrande des deux frères. Pour autant, la négation dans le texte vient attester le choix de YHWH. Cela pose la question de la motivation des sentiments de Caïn dans son offrande. L’indice peut paraître ténu, il n’en est pas moins important. L’absence de confiance semble déterminant. Il induit la non-acceptation de la souveraineté du Tout-Puissant… Mais est-ce que notre analyse peut être corroborée par d’autres sources ?
L’écrivain du livre aux Hébreux nous apporte la réponse :
« Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par une parole de Dieu, de sorte que ce que l'on voit provient de ce qui n'est pas apparent. Par la foi, Abel offrit à Dieu un sacrifice de plus grande valeur que celui de Caïn ; aussi fut-il proclamé juste, Dieu ayant rendu témoignage à ses dons, et par elle aussi, bien que mort, il parle encore » Hébreux 11 : 3-4, version FBJ.
La pièce à conviction qui nous manquait est bien dans ce commentaire inspiré. Nous pouvons à présent comprendre que ce n’est pas la nature de l’offrande qui a posé problème. Son manque de confiance, sa déficience de foi ou l’atonie de la foi de Caïn en la souveraineté divine, explicite le choix divin. Caïn n’a pas été présent dans l’accompagnement de son offrande. Comme le dit le texte ci-dessus, ce que Dieu a vu ne relevait pas de l’apparence. Elle était trompeuse. La réalité invisible était ailleurs dans les cœurs et Dieu seul pouvait la voir…
Cela nous renvoie au contenu essentiel de nos vies. Nos gestes sont-ils en cohérence avec notre foi ? Agissons-nous par tradition ? Est-ce que nous nous impliquons personnellement dans ce que nous vivons, ou avons-nous un esprit moutonnier ? Voulons-nous faire comme tout le monde ou assumer un choix de foi libre ?
Les analyses psychologiques modernes attestent que lorsqu’une personne n’est pas présente dans ce qu’elle donne, c’est comme si elle n’avait rien donné. Le donateur qui ne s’implique pas dans son don, attente à la valeur de son don. Un don sans nom est-il encore don ? Tout le Nouveau Testament insiste sur cet aspect déterminant dans la relation à Dieu. Rappelons-nous la phrase de Jésus à ceux qui étalaient tout ce qu’ils avaient fait pour Dieu (et ce n’était pas rien : ils avaient prophétisé, chassé des démons, fait beaucoup de miracles au nom du Christ) : « Je leur dirai ouvertement : je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » Matthieu 7 : 23. (ἀποχωρέω = apokoréau, qui a été traduit par « retirez-vous », exprime l’idée non seulement d’une séparation en relation, mais aussi d’une mise à distance. Nous dirions aujourd’hui : je n’ai plus rien à faire avec vous, dégagez !). L’apôtre Paul tiendra des propos similaires : « quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas l'amour, cela ne me sert à rien (οὐδὲν ὠφελέω = plus litt. « je ne sers à rien ») 1 Corinthiens 13 : 3, version LSG.
Dans notre enquête, pour élucider ce meurtre fratricide, posons-nous la question suivante : est-ce que Caïn a été conscient de ce qui a motivé le refus de son offrande, (élément déclencheur du meurtre de son frère) ? La réponse est non !
Notons d’abord, avant d’analyser son comportement, que Dieu regarde l’offrande en second, Il porte son regard en premier sur la personne de Caïn. Cela en dit long. Ce n’était donc pas l’offrande qui était importante, mais bien ce qu’elle traduisait. « YHWH-Adonaï ne porta pas un regard favorable sur Caïn et sur son offrande » Genèse 4 : 5. Si Dieu n’a pas considéré son offrande, s’il a détourné son regard de Caïn, est-ce pour le punir ou pour lui faire comprendre autre chose ? Dieu a d’abord regardé Caïn avant son offrande, c’est important de le redire. Et, à l’évidence Caïn n’a pas compris l’attitude de Dieu. Il l’a même perçue très négativement, comme une différence injuste par rapport à son frère. Sa réaction est significative : « Caïn fut très irrité, et son visage fut abattu. » idem, v. 5. Dans l’original hébreu, il est dit que Caïn s’enflamme et que ses faces tombent. (« Cela brûle beaucoup Caïn, ses faces tombent » Traduction d’André Chouraqui). A la décharge de Caïn, reconnaissons qu’il était difficile de décoder le refus de Dieu ! Se méprenant sur lui-même, et se croyant dans son bon droit, Caïn s’est placé dans l’impossibilité de saisir la démarche positive de Dieu à son encontre. (Ouvrons une petite parenthèse dans notre enquête pour nous souvenir des moments où nous ressemblons à Caïn. Quand nous sommes convaincus d’être dans la bonne posture, très assurés d’avoir raison, et qu’il est hors de question que nous changions d’avis. Dieu, qui sonde les cœurs peut-il en connaissance de notre état d’esprit, recevoir toutes nos doléances ?). Sa mauvaise perception du refus divin a provoqué l’étincelle et Caïn s’est enflammé, il a perdu le contrôle de la situation.
En relation, quand on a une telle perception de l’autre, toute communication reste vaine. Elle ne peut que générer conflit, et le conflit peut conduire au meurtre. De plus, ne dit-on pas que la colère est mauvaise conseillère ! Ah ! Si seulement Caïn s’était davantage interrogé sur sa conception de la relation à Dieu, il aurait pu percevoir son refus différemment. Aurait-il pu découvrir un Dieu plein d’amour ? Le sentiment d’injustice a attisé les flammes de sa colère et l’a rendu inapte à percevoir (derrière le refus de Dieu) l’invitation à une relation vraie et profonde… Malgré tout, ce qui est admirable dans ce récit, c’est l’attitude divine. Dieu vient sur son terrain, il ne le sanctionne pas sévèrement, il le questionne sur la furie de son emportement.
« L’Eternel dit à Caïn : pourquoi es-tu irrité, et pourquoi ton visage est-il abattu ? » Plus litt. « Pourquoi cela te brûle-t-il ? Pourquoi tes faces sont-elles tombées ? » Genèse 4 : 6.
Dans notre enquête, disons que les questions de Dieu et la réaction de Caïn nous permettent déjà d’écarter le chef d’accusation : meurtre avec préméditation. Pour autant, ne pouvant s’en prendre directement à Dieu, Caïn a reporté toute sa violence intérieure sur son frère. Il fallait qu’elle sorte. L’injustice lui paraissait irrépressible. Alors, cette violence est sortie, et elle a tué son propre frère. Lorsque l’on sait ne pas pouvoir s’en prendre à Dieu lui-même, on accuse et violente un tiers, c’est bien connu !
Mais, revenons aux questions du créateur… Elles démontrent que Dieu agit moins en juge qu’en thérapeute. Ce refus de l’offrande vide (de Caïn) recouvre-t-il l’aspect d’une sanction, ou dénonce-t-il la méprise de ce dernier dans sa fausse présence ? Dieu pouvait-il accepter ce qui induisait une relation posée sur de mauvaises bases ?
En creux, Dieu prouve à Caïn qu’il a de l’importance pour lui. Son questionnement rejoint le comportement divin, quand le Créateur questionna son père Adam en Eden. Le « où es-tu ? » Genèse 3 : 9, révèle un Dieu en recherche d’une vraie relation avec l’humain. N’est-ce pas à cette fin que Dieu nous a créés ? (cf. La suite du récit nous en fournit la preuve).
« Pourquoi cela te brûle-t-il ? Pourquoi tes faces sont-elles tombées ? » Genèse 4 : 6.
Ces questions pertinentes ne peuvent s’entendre qu’en regard d’une démarche pédagogique, sinon on pourrait s’étonner qu’un Dieu Tout-Puissant ne connaisse pas les réponses ! L’admirable de la démarche divine est qu’il entretient le dialogue malgré tout. Dieu continue à parler à Caïn.
« Certainement, si tu agis bien, tu relèveras ton visage, et si tu agis mal, le péché se couche à la porte, et ses désirs se portent vers toi : mais toi, domine sur lui. » Genèse 4 : 7, version Nouvelle Editions de Genève. (Cette pratique divine se poursuivra inlassablement dans le temps... Dieu ne cessera pas de parler à son peuple ; relire Deutéronome 30 : 11-20 ; Hébreux 1 : 1-2).
Dieu investit positivement dans sa relation avec Caïn. Ses recommandations sont pertinentes. Si nous devions paraphraser le début de la phrase, nous dirions aujourd’hui : « si tu es bien disposé à mon égard, tu n’as rien à craindre de l’avenir… Dans le cas contraire, je te préviens ; voilà ce qui risque de t’arriver. » Dieu invite Caïn à aller au-delà de sa colère, de son emportement, afin de mieux intégrer l’enseignement du refus de son offrande. Sa mauvaise perception (de ce refus) peut être surmontée. Il peut relever la tête et avancer. Par contre, si son obstination l’emporte, il faut qu’il en connaisse les conséquences. (D’après les spécialistes du texte hébreu le mot « péché » est absent. A. Chouraqui traduit « la faute est tapie… Ce mot dans l’usage des langues antiques ne correspond pas à un manquement à une loi morale. Fauter, c’est tant en Hébreu qu’en Grec : rater la cible, être à côté de l’objectif fixé. Le mot péché, son correspondant grec, est à comprendre dans le même sens ». C’est le verbe qu’emploie David lorsqu’il reconnaît sa double faute d’adultère et de meurtre devant Nathan le prophète de Dieu, cf. 2 Samuel 12 : 13).
On peut dire que l’Eternel encourage Caïn à faire le bon choix : litt. « Si tu fais bien … ». Une ouverture est possible pour déjouer le piège de la faute prête à se manifester. Depuis la séduction en Eden, la semence du mal (ce qui s’oppose à Dieu) a été jetée dans le cœur de l’homme, mais Dieu prouve sa bienveillance, en ce sens qu’il a doté l’humain d’un pouvoir de domination sur ce mal. A. Chouraqui traduit : « toi, gouverne-la (la faute tapie) ». Si le mal est prêt à bondir sur Caïn, comme un animal tapi dans l’ombre, ce dernier non seulement peut esquiver l’attaque, mais plus encore la gouverner (il a la capacité de gérer la situation et laisser le mal à distance). Prévoyant le crime, Dieu lance un dernier avertissement à Caïn, mais peut-il encore l’entendre ? (L’histoire de David nous apprend que la reconnaissance d’une faute devant YHWH-Adonaï permet le dépassement de cette faute, sans pour autant gommer ses conséquences). La reconnaissance d’une faute ouvre la porte au pardon.
Observons que jusque-là, Dieu ne fait aucun reproche ouvert à Caïn, il n’a encore commis aucun acte transgressif. La pédagogie divine est préventive. Dieu l’alerte qu’un intrus se cache en lui avec des intentions malveillantes (Dieu « fonctionne » comme un détecteur de présence inopportune).
Conclusion :
Nous arrêtons là notre première partie de l’enquête, à ce moment précis où le meurtre fratricide n’est pas encore commis. Nous examinerons prochainement les conséquences de cet acte et les réactions de Dieu. Nous avons examiné certains mobiles de Caïn, et nous avons trouvé des indices qui peuvent expliciter sa colère contre Dieu. C’est elle qu’il retournera contre son frère Abel. Les indices que nous avons mis en lumière nous autorisent à dire qu’il n’y a pas eu préméditation dans le geste meurtrier de Caïn. Dans les faits, il y a le sens premier des mots, puis leur symbolique, et en dernier le ressenti de chacun. Il permet à chaque lecteur de s’approprier ce qui l’édifiera. Mais, bien d’autres questions restent en suspens. Par exemple, est-ce que ce meurtre s’expliquerait, non directement par le refus de Dieu, mais par des faits antérieurs, liés à l’histoire d’Adam et Eve, donc à de la famille ? Quelle sera la décision de Dieu ? Caïn va-t-il être condamné sévèrement ? Les investigations de l’enquête se poursuivent… A suivre…
Jacques Eychenne
PS : TOB, version Traduction Œcuménique de la Bible. FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem. LSG, version Louis Segond 1982.