La guérison d'un sourd bègue

 

 

   Guérison d’un

    sourd-bègue

   Marc 7 : 31-37

 

Introduction :

 

Ce récit nous renvoie historiquement à la fin du ministère de Jésus en Galilée. Pendant cette période le Seigneur a fait un détour dans le territoire de Tyr et de Sidon, localités phéniciennes sur les bords de la Méditerranée. Puis, il est repassé par la Galilée où il va bientôt accomplir sa deuxième multiplication des pains (cf. Marc 8 :1-10). Sa prédication publique en Galilée va bientôt prendre fin. Bien que l’itinéraire du Christ soit difficile à identifier clairement, il semblerait que le Seigneur délaisse quelque peu les grandes localités habitées (où ses adversaires peuvent se rendre plus facilement), pour privilégier des endroits plus reculés. C’est ainsi que l’évangéliste Marc situe la scène qui va retenir notre attention au milieu (cf. μέσον = placé au milieu de cf. Jean 1 :26) de 10 villes (cf. décapole). Marc est le seul à nous relater cet événement. Comme nous savons que la portée des paroles du Seigneur est universelle, voyons ce que ce texte nous dit personnellement.

 

Développement :

 

« On lui amène un sourd qui, de plus, parlait difficilement et on le supplie de lui imposer la main. » Marc 7:32, version TOB.

La troisième personne pluriel de l’original grec traduit par « on », résume bien le fait que notre  attention repose non sur les intermédiaires, mais sur l’homme sourd-bègue. Est-ce que ce « ils » sont les disciples, sa famille, ses amis ? On ne le sait pas. Qu’importe ! Pourtant ces anonymes ont un rôle intéressant. Ils intercèdent pour l’homme handicapé. Marc emploie ce verbe pour décrire une demande appuyée (cf. παρακαλοῦσιν= παρακαλἐῷ= prier instamment. Marc 5 : 23).

Si, comme nous le pensons, ce récit est écrit pour nous interpeller, n’hésitons pas à remercier Dieu pour tous ces anonymes qui intercèdent pour nous. Ces humbles intercesseurs de l’ombre contribuent souvent, sans que nous le sachions, à une intervention plus précise du Christ dans notre vie. Cela doit nous éveiller à tous ces seconds rôles discrets qui participent à notre bien-être spirituel. Ces humbles serviteurs, qui n’ont pas la prétention de jouer les premiers rôles, nous conduisent cependant bien à Christ.

 

« On lui amène un sourd qui, de plus, parlait difficilement et on le supplie de lui imposer la main. » Marc 7:32, version TOB.  

   

Ce qui est réconfortant, c’est de savoir que d’autres anonymes connaissent bien le Christ, au point d’être sûrs qu’il  interviendra  positivement pour cet homme souffrant. C’est aussi leur confiance dans les capacités de guérison du Seigneur, qui permet aussi au miracle de se produire. Et tout cela part de gens anonymes, qui ont entendu parler de sa détresse, et qui sont convaincus que le Seigneur peut agir pour lui, comme il peut le faire pour nous..

 

Puis Jésus intervient. Son premier geste est de se mettre à l’écart avec le sourd-bègue. « Il le prit à part loin de la foule », Marc 7:33.

Le Christ délaisse la foule au profit d’un individu souffrant. Cette attitude a été constante dans la démarche du Christ. Le plus important pour lui concerne la personne dans son identité propre. La parabole de la brebis perdue illustre cette démarche (cf. Luc 15 : 1-7)

 

A la réflexion, deux idées complémentaires sont relatées dans le début de ce récit :

  1. La position  de ceux qui ont amené le sourd-bègue. B) l’attitude du Seigneur.

 

A) en d’autres circonstances, nous avons vu la foule suivre Jésus pour voir ce qui allait se passer. Ici rien de cela. Peut-être que cela nous invite à imiter ce type de comportement respectueux. Ces personnes ont pris conscience de la souffrance de cet homme handicapé, et ont fait la démarche de le conduire à Christ. Puis, ils ont accepté que leur mission s’arrête là. Dans notre témoignage personnel, il serait sage d’avoir ce type de démarche. Etre ouvert à la souffrance de notre prochain, et amener les personnes en la présence du Christ, puis (nous dirions presque, sur la pointe des pieds), avoir le respect de ce moment d’intimité  entre le Christ et le souffrant. Il faut apprendre à se retirer pour ne pas agir à la place des souffrants, cela est essentiel pour leur guérison.

 

B) Jésus a pris à part cet homme. Ils se sont éloignés de la foule pour vivre un moment unique. Un temps d’intimité qui défie les voyeurs de tous genres. De même, un peu plus loin, l’évangéliste Marc nous dit : « Il prit l'aveugle par la main, et le conduisit hors du village »  Marc 8:23. Cette attitude est-elle fortuite, ou nous dit-elle quelque chose de précis ?

Assurément le comportement du Seigneur n’est certes pas mépris de la foule (Il l’a enseignée à plusieurs reprises). Il n’est pas plus dédain de l’attitude bienfaisante de ceux qui ont conduit ce sourd-bègue vers le Seigneur (la parabole du bon Samaritain est là pour nous le rappeler). Non ! Cette mise à l’ écart intentionnel  a pour enseignement de souligner le caractère privé de cet entretien. Par extension, il nous dit que la guérison suprême nous dirige vers une conception d’un salut personnel. Cet homme aurait bien pu refuser de suivre le Seigneur, car le sauveur ne force personne.

 

Rappelons-nous que ce désir d’intimité est délicieusement dépeint dans l’apocalypse par cette scène : « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi » Apocalypse 3 : 20

L’évangéliste Marc rapporte, au chapitre suivant de notre récit, la phrase célèbre du Seigneur Jésus : « Puis, ayant appelé la foule avec ses disciples, il leur dit: Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. »  Marc 8 : 34  

Redisons-le avec force, l’attitude du Seigneur met le doigt sur une condition  essentielle. Elle figure au centre de la théologie chrétienne : Dieu par Jésus-Christ prend soin de chacun de nous. Et, de même que ce souffrant a été distingué et séparé du groupe, de même chacun de nous est reconnu comme unique parmi tous les habitants de cette belle planète bleue. Comment Dieu peut-il nous connaître personnellement au milieu de ces milliards d’humains ? Ce qui est hors de portée de notre raison, est simple réalité pour lui par Jésus-Christ. Il suffit de prendre conscience que nous sommes aimés. « L'amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. »   Et un peu plus loin, l’apôtre Jean poursuit : « Pour nous, nous l’aimons, parce qu'il nous a aimés le premier. »  1 Jean 4 : 9-10,19

L’apôtre Paul témoigne aussi de ce fait : « C'est une parole certaine et entièrement digne d'être reçue, que Jésus -Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier. »  1 Timothée 1 : 15

 

Après avoir mis en place le caractère privé de cet entretien avec ce sourd-bègue, le Seigneur va nous décontenancer par des gestes insolites.

« Il le prit à part loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et lui toucha la langue avec sa propre salive; puis, levant les yeux au ciel, il soupira, et dit: Ephphatha, c’est-à-dire, ouvre-toi. Aussitôt ses oreilles s'ouvrirent, sa langue se délia, et il parla très bien. »  Marc 7 : 33-35

Le récit nous place devant une situation inconnue jusqu’alors. Jamais le Christ n’avait procédé de cette manière auparavant. Après avoir démontré que cet homme avait du prix à ses yeux, Jésus lui met les doigts dans les oreilles. Que signifie ce geste ? L’utilisation des doigts, pour transmettre quelque chose d’important, nous renvoie au face à face de Moïse avec Dieu. Dieu écrit avec son doigt sur des tables de pierre, rien que pour l’humain. C’est ainsi qu’il lui montre son amour en lui confiant un code de bonne conduite. C’est dans l’extrémité de sa personne, par ses doigts, que le Seigneur va remédier à la surdité de cet homme. Cette transmission symboliquement nous apprend, que si nous ne sommes pas physiquement sourds, nous le sommes plus ou moins en manifestant notre peu de considération pour sa Parole. Nous avons tous besoin de faire un test d’audition et le Seigneur est prêt à remédier à notre handicap. Nous ne pouvons le faire par procuration.

 

Après les oreilles, c’est maintenant la langue. Il la touche avec sa salive. Dans l’original : «  Il crache et touche sa langue ». Marc a déjà utilisé le verbe toucher (cf. Marc 1 :41, 5 :47). Il a aussi le sens d’atteindre quelque chose ou quelqu’un.

Les oreilles et la langue sont à la base de toute communication verbale. Il faut entendre pour répondre. Dieu par Jésus-Christ est venu pour recréer du lien avec chacun de nous. Symboliquement, là encore, cela nous renvoie à toutes nos difficultés à communiquer avec Dieu et autrui. Nous avons la langue qui bégaye. Nous exprimons notre embarras. Nous sommes empruntés à dire clairement, parfois, ce qui fait problème en nous. Sur notre langue quelque peu sèche, le Seigneur la touche avec sa propre salive. Une lecture au second degré nous laisse entrevoir qu’il est difficile d’être clairs avec nous-mêmes. Nous avons tous besoin de l’attouchement du Seigneur. C’est ainsi qu’il remédie personnellement à nos problèmes. Si la langue est un moyen de communiquer des paroles, alors le fait qu’elle soit touchée par le Sauveur indique, peut-être, que nous ne pourrons transmettre que ce qu’il a déposé en nous.

La première étape redonne à cet homme la capacité d’entendre, la seconde de parler correctement et en vérité, la troisième appartient à Jésus. C’est lui qui réalise le miracle, il transmet sa puissance de guérison. Lorsque l’on prend conscience de cet attouchement le miracle aussi peut s’opérer dans nos vies…

 

Mais là encore, que nous dit son comportement ? Il souligne 3 séquences.

  1. Le Seigneur lève les yeux au ciel : c’est un signe de prière. Salomon lors de la dédicace du temple de Jérusalem étendit ses mains vers le ciel et prononça une prière solennelle (cf. 1 Rois 8 : 22). Le psaume 115 :3 dit « Notre Dieu, est au ciel, il fait tout ce qu’il veut ». Lever les yeux vers le ciel, bibliquement, c’est symboliquement reconnaître la souveraineté de Dieu et sa puissance salvatrice.
  2. Après quoi, le Seigneur soupira : (ἐστέναξεν=  στέναζω =  peut aussi être traduit par gémir (cf. Chouraqui).

Pourquoi le Seigneur gémit-il ? Observons que le Seigneur n’est jamais resté insensible face à la souffrance humaine, ni même face à la mort. Il fut ému de compassion devant la veuve de Naïn (cf. Luc 7 : 13). Jésus pleure aussi devant le cadavre de Lazare (cf. Jean 11 : 33-34), et Jésus pleure encore devant la ville rebelle et infidèle de Jérusalem (cf. Luc 19 : 41-45). Le Christ inlassablement a prodigué ses soins à la nature humaine malade. Son soupir ou son gémissement compassionnel nous touche.

     c)  Puis Jésus prononce ce mot (de prime abord abracadabrantesque) : Ephphatha.            

          Ce qui signifie : « ouvre-toi ».

Est-ce que symboliquement nos problèmes ne seraient pas liés à des fermetures, des blocages conscients ou inconscients, des autismes de toute  nature ? Pour l’apôtre Paul, c’est le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire  qui « ouvre votre cœur à sa lumière, pour que vous sachiez quelle espérance vous donne son appel, quelle est la richesse de sa gloire, de l'héritage qu'il vous fait partager avec les saints. » Ephésiens 1:18, version TOB.

Notons que le Seigneur n’est pas resté enfermé dans un processus connu. Il n’a  pas donné suite à la forme (cf. imposition des mains) que la foule lui demandait. Il n’a pas publiquement imposé les mains à ce malheureux. Il l’a pris à part, et a procédé différemment. Il l’a guéri en adaptant la forme d’expression à son cas.  

André Chouraqui, commentant ce passage écrit : « Ephphatha, éphatah en araméen ou épatah en hébreu : Une fois de plus Marc introduit dans son texte un mot qui a pu être prononcé en hébreu ou en araméen et qui sera utilisé dans les rites du baptême chrétien aux premiers âges de l’ Eglise pour demander à celui qui le recevait de s’ouvrir à l’impulsion du souffle sacré » La Bible traduite et commentée par André Chouraqui, évangile selon Marc, éd. J-C Lattès, novembre 1992, p.140

Cette ouverture à l’action merveilleuse de Dieu produit le miracle. Les oreilles s’ouvrent, il entend, et peut saisir l’énoncé de toute parole  venant du Christ. Sa langue se délie, elle peut prononcer distinctement une louange à la gloire de son bienfaiteur. Cette guérison miraculeuse met l’accent sur le fait central de la prédication du Christ : Libérer l’homme de lui-même et de ses maux. Ce simple récit ouvre la perspective d’une espérance indépendante de l’agir des hommes. Il nous repositionne sur la voie de la vérité et du bonheur.

Le Seigneur a prononcé un mot qui a débloqué les problèmes de ce sourd-bègue. Par là nous comprenons que sa parole est ouverture à nous-mêmes et aux autres. Ce désir d’ouverture est accueil de son action bienveillante. Il est donc épanouissant de nous ouvrir à nous-mêmes et à nos frères d’humanité. Bien sûr, nous ne sommes pas le Christ pour   répondre avec autant de précisions aux besoins des autres, mais nous pouvons toujours grandir dans l’empathie et la compassion.

Le récit se poursuit « bizarrement » par une recommandation :

« Jésus leur recommanda de n'en parler à personne; mais plus il le leur recommanda, plus ils le publièrent. Ils étaient dans le plus grand étonnement, et disaient: Il fait tout à merveille; même il fait entendre les sourds, et parler les muets. » Marc 7:36-37

Curieusement cette recommandation concerne la foule qui devait se tenir à distance. Dans un premier temps, cette distance est facile à comprendre, car le Seigneur était sans cesse poursuivi  par des responsables hostiles à sa prédication. Mais, le Seigneur savait aussi que le feu qu’il allumait ne pourrait jamais s’éteindre. Il savait que la révolution qu’il avait initiée le conduirait sur une croix au mont Golgotha. Toutefois, son ministère n’était pas terminé, il avait encore une prédication à transmettre, une formation de ses disciples à finir, un projet d’amour à porter à son plus haut degré. Mais, pouvait-on arrêter la joie de ceux qui étaient émerveillés par la puissance d’amour du Seigneur !

Le grand étonnement de la foule a fait place à l’émerveillement. Dans un texte parallèle l’évangéliste Matthieu dit :

« Alors s'approcha de lui une grande foule, ayant avec elle des boiteux, des aveugles, des muets, des estropiés, et beaucoup d'autres malades. On les mit à ses pieds, et il les guérit; en sorte que la foule était dans l'admiration de voir que les muets parlaient, que les estropiés étaient guéris, que les boiteux marchaient, que les aveugles voyaient; et elle glorifiait le Dieu d'Israël. » Matthieu 15 : 30-31

La crédulité est transformée en foi et en témoignage. Puissions-nous souvent être émerveillés par les démonstrations d’amour de Dieu par Jésus-Christ et l’Esprit Saint !

 

Conclusion :

 

Cette guérison spectaculaire est plus qu’un simple miracle. Le but de l’évangéliste Marc n’est pas de nous relater fidèlement les détails de ce moment émouvant. L’apôtre Paul le dit clairement : « Tout ce qui a été écrit d'avance l'a été pour notre instruction, afin que, par la patience, et par la consolation que donnent les Écritures, nous possédions l'espérance. » Romains 15 : 4   et encore ailleurs « Ces choses leur sont arrivées pour servir d'exemples, et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles. Ainsi donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! » 1 Corinthiens 10 : 11

 Ce récit a donc pour vocation de nous donner l’occasion de nous identifier à ce sourd-bègue. Sentons-nous concernés par le fait que Dieu nous a donné des oreilles pour entendre des paroles de vie… Elles nous libèrent et nous transforment. De même, nous avons une langue pour communiquer, mais aussi pour publier les merveilles de Dieu et chanter ses louanges. La symbolique de ce récit porte sur le fait que cet homme était en difficulté relationnelle. Il avait du mal à communiquer. Le miracle n’est pas que physique, il remet cet homme en lien avec ses parents, ses amis, son entourage. Si ce texte est interpellant, c’est assurément parce que ceux qui sont en rupture de liens dans notre monde, sont de plus en plus nombreux. Si le miracle a eu lieu en terre dite païenne, n’est-ce pas, peut-être, pour que croyants et non croyants se sentent tous concernés ? Si Jésus a levé les yeux vers le ciel, n’est-ce pas pour nous indiquer que notre guérison ne peut venir, maintenant, que d’en haut ? A chacun d’en faire l’expérience.                           

                                                                                              

                                                                           Jacques Eychenne

 

 

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