Job 6 ème partie

Job

ou              

le défi d’être soi

Job 6-7

(6ème partie)

 

Introduction :

 

Nous avons laissé Eliphaz très sûr de sa position relative à une théologie de la rétribution. Nous l’avons vu étayer sa thèse en se référant à son expérience personnelle, et surtout à une vision « prétendue » divine. Sa conception du jugement de Dieu, passant par son prisme, mène à une fausse conclusion. Car, dans le cas de Job,ce dernier est innocent du mal qui l’accable et le terrasse. Eliphaz, au sommet de ses certitudes avait conclu son intervention par ses mots prétentieux :

« Voilà ce que nous avons reconnu, voilà ce qui est ; à toi d’entendre et de mettre à profit » Job 5 :27 ou ailleurs « Voilà, nous avons examiné la chose à fond : c’est ainsi ! A toi d’entendre et de le reconnaître » (idem, Version N.B.S) la version du Rabbinat français laisse même entendre qu’ Eliphaz est le porte-parole : « Tel est le fruit de nos réflexions, telle est la vérité : accueille-là et prends-là à cœur. » (Je suis certainement trop dur avec Eliphaz, mais il y a un tel décalage de compréhension entre Job et lui ! Attention aux grandes certitudes !)

Eliphaz avait pointé trois aspects dans la plainte de Job :

-         Son désespoir face à sa dégradation physique, morale et spirituelle et son rejet de sa vie présente.

-         Son impatience ou sa tristesse manifestée par ses soupirs et gémissements, dans son sentiment d’abandon.

-         Sa prétention de se déclarer innocent.

Partant d’une donnée juste, énonçant la fragilité de la condition humaine pécheresse, Eliphaz voulait souligner en traits appuyés que personne ne peut se déclarer sans péché. C’est en regard de ces données que s’articule la réponse de Job.

 

Développement :

 

Précisons, au point où nous sommes parvenus, qu’il n’est certainement pas dans les intentions de Job de se déclarer sans péché. Le fait qu’il offrait des holocaustes pour ses fils sous-entend qu’il s’impliquait dans ce genre de démarche. (Cf. Job 1 :5) De même plus loin, il questionnera Dieu en ces termes : « Que ne pardonnes-tu mon péché, et que n’oublies-tu mon iniquité ? » Job 7 :21 Job est donc lucide sur sa condition de pécheur, maissi Job se déclare innocent, c’est  bien en regard direct des malheurs qui l’ont récemment foudroyé

Examinons maintenant sa réponse à Eliphaz.

Job dit : « Oh ! S’il était possible de peser ma douleur, et si toutes mes calamités étaient sur une balance, elles seraient plus pesantes que le sable de la mer ; voilà pourquoi mes paroles vont jusqu’à la folie ! » ou « mes paroles sont inconsidérées. » Job 6 :1-3 (Version N.B.S. note : sont inconsidérées : même verbe en Pr. 20.25. Certains comprennent toutefois : mes paroles  s’étouffent, c.-à-d. je suffoque, je ne peux plus parler)

Une fois de plus, Job exprime son ressenti face à cette douleur tenace qui l’entraîne aux frontières de la folie. S’il s’exprime ainsi, c’est qu’il a plus besoin de compassion que de reproches, surtout de la part de son ami.

Sa douleur est à ce point vive, qu’il en a perdu l’équilibre. C’est tout son raisonnement et sa confiance en Dieu qui sont ébranlés. Toute forme de résilience semble avoir disparu. Sa relation à Dieu est comme une outre percée. Dieu serait-il différent de ce qu’il avait compris ? L’image qu’il s’en était faite serait-elle en péril ?

L’apôtre Paul en homme d’expérience rappelle : «  Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! » 1 Corinthiens 10 :12  

La puissance d’érosion de la souffrance peut ébranler le meilleur des hommes.

D’ ou l’exclamation de Job : « Ah ! qui me donnera que ma demande soit agréée et mon espoir réalisé par Dieu ? » Job 6 :8 (Version Rabbinat français)

Cet appel jaillit du très fond du cœur de Job. Qui entendra sa demande ? Une demande qui ne sort pas du bout des lèvres, mais du très fond de lui-même.

Cette demande démontre qu’au-delà de la souffrance, Job espère encore en l’Eternel. Par delà sa déraison (Cf. Job 6 : 3), il exprime son profond désir d’une intervention de Dieu. Il attend que Dieu exauce son attente.

N’est-ce le propre de l’homme de foi que d’être dans ce positionnement ? N’avons-nous pas à espérer contre toute espérance, et en toute circonstance et sans condition ? (Cf. Romains 4 :18)

Toutefois, Job est toujours convaincu que Dieu est à l’origine des malheurs qui le frappent. A-t-il vraiment tort, si l’on pense que Dieu est Tout-Puissant, et qu’il a la maîtrise de toutes choses ?

Il est vrai que nous avons maintenant avec le Nouveau Testament des éléments de réponses (Cf. 1 Corinthiens 10 : 13), mais en son temps Job en était démuni.

Dans cette tourmente, il ne reste plus à Job que sa conscience. Il est convaincu : « Jamais je n’ai transgressé les ordres du Saint » Job 6 : 10 «  De n’avoir pas renié les paroles du Très-Haut » (idem, version du R.F.).

Une fois de plus, Job clame son innocence et souligne sa fidélité à Dieu. Mais il est aussi conscient de ses limites, il n’a plus de force pour lutter. Il attend une grâce. Sans elle, sa fin est inéluctable. Il n’est plus sûr de pouvoir supporter plus longtemps.

Il interroge : «  N’est-il pas vrai que je suis privé de tout secours, et que tout espoir de salut m’est arraché ? » Job 6 :13 (Version R.F.)

Job veut souligner que c’est le fait d’avoir été dépourvu de tout secours qui justifie ses plaintes jusqu’à la déraison. Par là, il reconnaît que la solution n’est pas en lui-même. Elle lui est extérieure, et en Dieu seul.

N’est-ce  pas aussi notre condition face aux épreuves de l’existence ? La foi n’est-elle pas prise de conscience que la vraie solution n’est qu’en Dieu seul ? Pourquoi l’humain cherche-t-il à tout vouloir maîtriser au point de s’en rendre malade ?

 

En procédant par contraste, Job va démontrer le coté fragile du secours des ses amis.

Il utilise pour cela des mots forts : « Mes frères m’ont trahi comme un oued, comme le lit des oueds qui disparaissent » Job 6 :15 (Version N.B.S.)D’autres versions traduisent : « Mes amis sont perfides » (Versions Segond, R.F)

Pour avoir vécu 20 ans en Algérie, je connais bien les caractéristiques des oueds. Ils sont chargés d’eau en hiver, et à secs en été. C’est donc quand on a le plus besoin d’eau, à la période la plus chaude, que l’oued est à sec…

Cette métaphore illustre bien les sentiments de Job pour ses amis. « Viennent les chaleurs, et ils tarissent » Job 6 :17

Job s’attendait au soutien de ses amis, il le dit lui-même : « celui qui souffre a droit à la compassion de son ami » Job 6 :14 ou « A celui qui se consume de chagrin devrait aller la sympathie de ses amis, eût-il renoncé à la crainte de Dieu » (Version R.F)

Job ne quémande pas la pitié. Il attend simplement d’Eliphaz qu’il comprenne son désarroi, et qu’il écoute ce qu’il tient à exprimer. A contre-voie, Job ne dénonce-t-il pas les faux semblants de l’amitié ? Celle qui prétend avoir la même foi, la même espérance ? Cette pseudo amitié qui est plus dans le jugement que dans l’empathie ? 

Job exprime sa profonde déception. Elle pose la question de la vraie relation durable. Cette dernière doit rester inconditionnelle du choix de l’ami, même s’il ne reconnaît plus l’autorité de Dieu ou même s’en écarte. L’auteur des Proverbes dit «  L’ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère. » Proverbe 17 :17

Ailleurs, l’apôtre Jean questionne à son tour : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? » 1 Jean 4 :20

 

Job va revenir sur la trahison de son ami. Elle se surajoute à son sentiment d’abandon. Il parait très affecté. C’est pourquoi,il utilise l’image des caravanes qui passent sans se préoccuper du reste, sans dévier de leur route. Job va conclure par une phrase forte  : « Ainsi, vous êtes comme si vous n’existiez pas ; vous voyez mon angoisse, et vous en avez horreur ! » Job 6 : 21

Quelles leçons devrions tirer de cette histoire ? Faut-il apprendre à ne compter que sur soi ? Comment concilier le besoin de se confier, avec la nécessité d’assumer son présent et son devenir ? Comment faire pour que l’amitié soit un plus et non un moins ? Par ailleurs, comment tester son degré de résilience ? Comment développer une foi qui se décline avec des convictions fortes ?

A chacun sa réponse dans la méditation de la Parole de Dieu … Mais, revenons à Job… 

 

La grande question qui le taraude est «  Faites-moi comprendre en quoi j’ai péché » Job 6 : 24 ou « explique-moi en quoi j’ai erré » (Version R.F.) ou « Faites-moi comprendre en quoi je me suis égaré » (Version N.B.S.) ou «  Expliquez-moi en quoi j’ai commis une erreur. » (Version T.O.B.)

Job cherche en vain à trouver une explication satisfaisante à son présent malheur. Les critiques et remontrances d’ Eliphaz ne lui servent à rien. Il se positionne comme un désespéré à qui on ne prête pas attention. Il se sent accablé comme un orphelin, et persécuté par ses amis. Il les appelle à se ressaisir, à n’être point injustes, et à reconnaître son innocence. Car, il arrive encore à discerner le mal. Job demeure malgré tout très lucide sur sa situation. Sa déraison n’est donc qu’apparente ! (Cf. Job 6 :25-30)

Toute cette tirade pose encore la question du jugement de notre entourage sur nos comportements ou du poids du regard des autres sur nos vies… Qui ne s’est jamais senti incompris, isolé, marginalisé, étiqueté, jugé sévèrement, même par des amis ?

Il est vrai que la sagesse, vers laquelle nous tendons, nous indique que le moment est important quand on veut reprendre quelqu’un. Il faut le faire quand on présume que les remontrances ne le rendront pas pire, mais meilleur. Le Christ excellait en la matière. Nous mettre à son école s’impose, surtout quand nous sommes en relation de tension. Ce qui est remarquable, c’est que Job ne capitule pas dans sa recherche de la vérité. Quand il dit : «  vous aurai-je menti ? » Job 6 : 28  cela signifie qu’il se situe toujours sur la voie du vrai. Cependant, constatant qu’il ne peut être entendu, Job va élargir le débat et disserter plus largement sur la condition humaine.

  «  C’est un combat que la vie de l’homme sur terre; et journées de mercenaire sont ses jours. L’esclave cherche l’ombre et comme le mercenaire attend la fin de son travail. J’ai eu des mois creux et ai compté des nuits d’insomnie. Si je me mets au lit je dis: quand me lèverai-je? Et de nouveau j’attends le soir. Et je serai rempli de souffrances jusqu’aux ténèbres. »Job 7 :1-4  Ainsi traduit Saint Thomas d’Aquin, docteur de l’Eglise. (Traduction à partir de la Vulgate. La Vulgate est une traduction latine des textes hébreux de l’ A.T., effectuée par Saint Jérôme au 4è s. L’Eglise catholique romaine l’a reconnue en 1546, lors du concile de Trente)

Job compare le sort de l’homme à un soldat en mission. Suivant par qui il est dirigé la finalité peut être soit la victoire, soit la défaite. Il utilise ensuite l’image du mercenaire. Généralement les objectifs sont à cours termes. Les deux illustrations suggèrent : soit l’idée d’un combat avec une capacité de résister et de surmonter les obstacles, soit l’idée de saisir les opportunités pour réaliser un objectif. «  L’homme sur  terre a une corvée de soldat, ses jours sont comme les jours d’un mercenaire. » (Version du Rabbinat français)  Mais quand on est engagé, on s’attend à la reconnaissance de ses chefs. De même l’esclave s’attend à un brin de considération, l’ouvrier attend aussi son salaire. Autrement dit,  l’homme attend un retour de Dieu sur investissement de sa personne. N’a-t-il pas bien placé sa confiance en Dieu ?  La pensée populaire traditionnelle répondrait : Oui ! bien sûr !

Or, là, avec Job cette conception est mise à mal, car elle n’est ni vérifiée, ni vérifiable.  

Job constate que sa fidélité est « récompensée » par la douleur et la souffrance. La démonstration d’ Eliphaz selon laquelle, le fidèle est béni et le transgresseur puni, ne tient plus. Voyant qu’il n’a plus d’explication satisfaisante, Job aspire à voir sa vie se terminer au plus vite, d’autant que son corps « se couvre de vers et d’une croûte terreuse. » (Cf. Job 7 :5)

On comprend dès lors qu’il ait perdu tout espoir. Dans ce noir désir, le lumignon qui fume encore, esquisse une demande à Dieu : « Souviens-toi que ma vie est un souffle… » Job 7 : 7. Cette expression n’est pas sans nous remettre en mémoire la demande du larron sur la croix. S’adressant à Jésus, il dit : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. » Luc 23 : 42

Mais, comme le balancier d’une horloge, Job se recentre sur sa triste condition et interpelle encore son Dieu. C’est un vrai combat contre la vermine qui le ronge, mais aussi contre lui-même. Lancinant combat : « Mon âme souhaite une fin violente, préférant le trépas à ce corps misérable » Job 7 : 15

 

Cette réaction bien humaine nous force : soit à regarder au-delà de l’épreuve et faire acte de foi, soit à démissionner et souhaiter la mort.

Trop souvent, nous oublions que la vie est un âpre combat, jonché de mines très personnelles. Le parcours du combattant n’est pas toujours une partie de plaisir.

De cette observation, il ressort qu’il est fondamental de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on combat. Le Christ nous a montré qu’il ne fallait pas s’attendre à être épargné par les difficultés. « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous… S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi… Vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira : vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie » Jean 15 : 18,20 ; 16 :20. Les chrétiens n’en font-ils pas l’expérience partout dans le monde ?

L’apôtre Paul a aussi déclaré : « Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes » 1 Corinthiens 15 : 19

L’apôtre Jacques encore : « Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l’ épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre… » Jacques 1 : 2-4

Pour terminer, citons encore l’apôtre Pierre : «  C’est là ce qui fait votre joie, quoique maintenant, puisqu’il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l’épreuve de votre foi, plus précieuse que l’or périssable (qui cependant est éprouvé par le feu), ait pour résultat la louange et l’honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. » 1 Pierre 1 : 6-7

 

Job conclue son intervention sous la forme d’une prière. Il interpelle son Dieu.  

« Epargne-moi, Seigneur, mes jours en effet sont néant.  Qu'est-ce que l'homme, pour que tu en fasses tant d'estime, que tu daignes t'occuper de lui, que tu le visites chaque matin, et qu'à chaque instant tu l'éprouves ? Quand cesseras-tu d'avoir le regard sur moi ? Quand me laisseras-tu le temps d'avaler ma salive ? Si j'ai péché, que puis-je te faire, ô Gardien des hommes ? Pourquoi me mettre en butte à tes traits, et me rendre à charge à moi-même ? Que ne pardonnes-tu mon offense ? Que n'oublies-tu mon iniquité? Car bientôt je dormirai dans la poussière; tu me chercheras, et je ne serai plus. » (Cf. Job 7 : 16-21, version de Saint Thomas d’Aquin)

 

Conclusion :

 

Cette réponse de Job à Eliphaz nous rappelle que nous avons à assumer nos choix, même si nous sommes incompris, voire moqués. Elle nous prévient encore de la fragilité des amitiés humaines, pourtant si nécessaires. Elle nous recadre dans la réalité d’un parcours du combattant, impossible à éviter. Elle nous démontre que le bien-faire et le bien-être, le mal et le bien, ne sont pas équivalents. Elle justifie, en creux, la justice souveraine de Dieu qui laisse percer une espérance dans sa bonté et son amour pour chacune de ses créatures. A nous d’approfondir toutes choses, et de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on veut bien vivre….

                                                                                        Jacques Eychenne

 

 

 

 

 

 .  

 

  

                                Job

                         ou              

             le défi d’être soi

                         Job 6-7

                 (6ème partie)

 

 

Introduction :

 

Nous avons laissé Eliphaz très sûr de sa position relative à une théologie de la rétribution. Nous l’avons vu étayer sa thèse en se référant à son expérience personnelle, et surtout à une vision « prétendue » divine. Sa conception du jugement de Dieu, passant par son prisme, mène à une fausse conclusion. Car, dans le cas de Job,ce dernier est innocent du mal qui l’accable et le terrasse. Eliphaz, au sommet de ses certitudes avait conclu son intervention par ses mots prétentieux :

« Voilà ce que nous avons reconnu, voilà ce qui est ; à toi d’entendre et de mettre à profit » Job 5 :27 ou ailleurs « Voilà, nous avons examiné la chose à fond : c’est ainsi ! A toi d’entendre et de le reconnaître » (idem, Version N.B.S) la version du Rabbinat français laisse même entendre qu’ Eliphaz est le porte-parole : « Tel est le fruit de nos réflexions, telle est la vérité : accueille-là et prends-là à cœur. » (Je suis certainement trop dur avec Eliphaz, mais il y a un tel décalage de compréhension entre Job et lui ! Attention aux grandes certitudes !)

Eliphaz avait pointé trois aspects dans la plainte de Job :

-         Son désespoir face à sa dégradation physique, morale et spirituelle et son rejet de sa vie présente.

-         Son impatience ou sa tristesse manifestée par ses soupirs et gémissements, dans son sentiment d’abandon.

-         Sa prétention de se déclarer innocent.

Partant d’une donnée juste, énonçant la fragilité de la condition humaine pécheresse, Eliphaz voulait souligner en traits appuyés que personne ne peut se déclarer sans péché. C’est en regard de ces données que s’articule la réponse de Job.

 

Développement :

 

Précisons, au point où nous sommes parvenus, qu’il n’est certainement pas dans les intentions de Job de se déclarer sans péché. Le fait qu’il offrait des holocaustes pour ses fils sous-entend qu’il s’impliquait dans ce genre de démarche. (Cf. Job 1 :5) De même plus loin, il questionnera Dieu en ces termes : « Que ne pardonnes-tu mon péché, et que n’oublies-tu mon iniquité ? » Job 7 :21 Job est donc lucide sur sa condition de pécheur, maissi Job se déclare innocent, c’est  bien en regard direct des malheurs qui l’ont récemment foudroyé

Examinons maintenant sa réponse à Eliphaz.

Job dit : « Oh ! S’il était possible de peser ma douleur, et si toutes mes calamités étaient sur une balance, elles seraient plus pesantes que le sable de la mer ; voilà pourquoi mes paroles vont jusqu’à la folie ! » ou « mes paroles sont inconsidérées. » Job 6 :1-3 (Version N.B.S. note : sont inconsidérées : même verbe en Pr. 20.25. Certains comprennent toutefois : mes paroles  s’étouffent, c.-à-d. je suffoque, je ne peux plus parler)

Une fois de plus, Job exprime son ressenti face à cette douleur tenace qui l’entraîne aux frontières de la folie. S’il s’exprime ainsi, c’est qu’il a plus besoin de compassion que de reproches, surtout de la part de son ami.

Sa douleur est à ce point vive, qu’il en a perdu l’équilibre. C’est tout son raisonnement et sa confiance en Dieu qui sont ébranlés. Toute forme de résilience semble avoir disparu. Sa relation à Dieu est comme une outre percée. Dieu serait-il différent de ce qu’il avait compris ? L’image qu’il s’en était faite serait-elle en péril ?

L’apôtre Paul en homme d’expérience rappelle : «  Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! » 1 Corinthiens 10 :12  

La puissance d’érosion de la souffrance peut ébranler le meilleur des hommes.

D’ ou l’exclamation de Job : « Ah ! qui me donnera que ma demande soit agréée et mon espoir réalisé par Dieu ? » Job 6 :8 (Version Rabbinat français)

Cet appel jaillit du très fond du cœur de Job. Qui entendra sa demande ? Une demande qui ne sort pas du bout des lèvres, mais du très fond de lui-même.

Cette demande démontre qu’au-delà de la souffrance, Job espère encore en l’Eternel. Par delà sa déraison (Cf. Job 6 : 3), il exprime son profond désir d’une intervention de Dieu. Il attend que Dieu exauce son attente.

N’est-ce le propre de l’homme de foi que d’être dans ce positionnement ? N’avons-nous pas à espérer contre toute espérance, et en toute circonstance et sans condition ? (Cf. Romains 4 :18)

Toutefois, Job est toujours convaincu que Dieu est à l’origine des malheurs qui le frappent. A-t-il vraiment tort, si l’on pense que Dieu est Tout-Puissant, et qu’il a la maîtrise de toutes choses ?

Il est vrai que nous avons maintenant avec le Nouveau Testament des éléments de réponses (Cf. 1 Corinthiens 10 : 13), mais en son temps Job en était démuni.

Dans cette tourmente, il ne reste plus à Job que sa conscience. Il est convaincu : « Jamais je n’ai transgressé les ordres du Saint » Job 6 : 10 «  De n’avoir pas renié les paroles du Très-Haut » (idem, version du R.F.).

Une fois de plus, Job clame son innocence et souligne sa fidélité à Dieu. Mais il est aussi conscient de ses limites, il n’a plus de force pour lutter. Il attend une grâce. Sans elle, sa fin est inéluctable. Il n’est plus sûr de pouvoir supporter plus longtemps.

Il interroge : «  N’est-il pas vrai que je suis privé de tout secours, et que tout espoir de salut m’est arraché ? » Job 6 :13 (Version R.F.)

Job veut souligner que c’est le fait d’avoir été dépourvu de tout secours qui justifie ses plaintes jusqu’à la déraison. Par là, il reconnaît que la solution n’est pas en lui-même. Elle lui est extérieure, et en Dieu seul.

N’est-ce  pas aussi notre condition face aux épreuves de l’existence ? La foi n’est-elle pas prise de conscience que la vraie solution n’est qu’en Dieu seul ? Pourquoi l’humain cherche-t-il à tout vouloir maîtriser au point de s’en rendre malade ?

 

En procédant par contraste, Job va démontrer le coté fragile du secours des ses amis.

Il utilise pour cela des mots forts : « Mes frères m’ont trahi comme un oued, comme le lit des oueds qui disparaissent » Job 6 :15 (Version N.B.S.)D’autres versions traduisent : « Mes amis sont perfides » (Versions Segond, R.F)

Pour avoir vécu 20 ans en Algérie, je connais bien les caractéristiques des oueds. Ils sont chargés d’eau en hiver, et à secs en été. C’est donc quand on a le plus besoin d’eau, à la période la plus chaude, que l’oued est à sec…

Cette métaphore illustre bien les sentiments de Job pour ses amis. « Viennent les chaleurs, et ils tarissent » Job 6 :17

Job s’attendait au soutien de ses amis, il le dit lui-même : « celui qui souffre a droit à la compassion de son ami » Job 6 :14 ou « A celui qui se consume de chagrin devrait aller la sympathie de ses amis, eût-il renoncé à la crainte de Dieu » (Version R.F)

Job ne quémande pas la pitié. Il attend simplement d’Eliphaz qu’il comprenne son désarroi, et qu’il écoute ce qu’il tient à exprimer. A contre-voie, Job ne dénonce-t-il pas les faux semblants de l’amitié ? Celle qui prétend avoir la même foi, la même espérance ? Cette pseudo amitié qui est plus dans le jugement que dans l’empathie ? 

Job exprime sa profonde déception. Elle pose la question de la vraie relation durable. Cette dernière doit rester inconditionnelle du choix de l’ami, même s’il ne reconnaît plus l’autorité de Dieu ou même s’en écarte. L’auteur des Proverbes dit «  L’ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère. » Proverbe 17 :17

Ailleurs, l’apôtre Jean questionne à son tour : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? » 1 Jean 4 :20

 

Job va revenir sur la trahison de son ami. Elle se surajoute à son sentiment d’abandon. Il parait très affecté. C’est pourquoi,il utilise l’image des caravanes qui passent sans se préoccuper du reste, sans dévier de leur route. Job va conclure par une phrase forte  : « Ainsi, vous êtes comme si vous n’existiez pas ; vous voyez mon angoisse, et vous en avez horreur ! » Job 6 : 21

Quelles leçons devrions tirer de cette histoire ? Faut-il apprendre à ne compter que sur soi ? Comment concilier le besoin de se confier, avec la nécessité d’assumer son présent et son devenir ? Comment faire pour que l’amitié soit un plus et non un moins ? Par ailleurs, comment tester son degré de résilience ? Comment développer une foi qui se décline avec des convictions fortes ?

A chacun sa réponse dans la méditation de la Parole de Dieu … Mais, revenons à Job… 

 

La grande question qui le taraude est «  Faites-moi comprendre en quoi j’ai péché » Job 6 : 24 ou « explique-moi en quoi j’ai erré » (Version R.F.) ou « Faites-moi comprendre en quoi je me suis égaré » (Version N.B.S.) ou «  Expliquez-moi en quoi j’ai commis une erreur. » (Version T.O.B.)

Job cherche en vain à trouver une explication satisfaisante à son présent malheur. Les critiques et remontrances d’ Eliphaz ne lui servent à rien. Il se positionne comme un désespéré à qui on ne prête pas attention. Il se sent accablé comme un orphelin, et persécuté par ses amis. Il les appelle à se ressaisir, à n’être point injustes, et à reconnaître son innocence. Car, il arrive encore à discerner le mal. Job demeure malgré tout très lucide sur sa situation. Sa déraison n’est donc qu’apparente ! (Cf. Job 6 :25-30)

Toute cette tirade pose encore la question du jugement de notre entourage sur nos comportements ou du poids du regard des autres sur nos vies… Qui ne s’est jamais senti incompris, isolé, marginalisé, étiqueté, jugé sévèrement, même par des amis ?

Il est vrai que la sagesse, vers laquelle nous tendons, nous indique que le moment est important quand on veut reprendre quelqu’un. Il faut le faire quand on présume que les remontrances ne le rendront pas pire, mais meilleur. Le Christ excellait en la matière. Nous mettre à son école s’impose, surtout quand nous sommes en relation de tension. Ce qui est remarquable, c’est que Job ne capitule pas dans sa recherche de la vérité. Quand il dit : «  vous aurai-je menti ? » Job 6 : 28  cela signifie qu’il se situe toujours sur la voie du vrai. Cependant, constatant qu’il ne peut être entendu, Job va élargir le débat et disserter plus largement sur la condition humaine.

  «  C’est un combat que la vie de l’homme sur terre; et journées de mercenaire sont ses jours. L’esclave cherche l’ombre et comme le mercenaire attend la fin de son travail. J’ai eu des mois creux et ai compté des nuits d’insomnie. Si je me mets au lit je dis: quand me lèverai-je? Et de nouveau j’attends le soir. Et je serai rempli de souffrances jusqu’aux ténèbres. »Job 7 :1-4  Ainsi traduit Saint Thomas d’Aquin, docteur de l’Eglise. (Traduction à partir de la Vulgate. La Vulgate est une traduction latine des textes hébreux de l’ A.T., effectuée par Saint Jérôme au 4è s. L’Eglise catholique romaine l’a reconnue en 1546, lors du concile de Trente)

Job compare le sort de l’homme à un soldat en mission. Suivant par qui il est dirigé la finalité peut être soit la victoire, soit la défaite. Il utilise ensuite l’image du mercenaire. Généralement les objectifs sont à cours termes. Les deux illustrations suggèrent : soit l’idée d’un combat avec une capacité de résister et de surmonter les obstacles, soit l’idée de saisir les opportunités pour réaliser un objectif. «  L’homme sur  terre a une corvée de soldat, ses jours sont comme les jours d’un mercenaire. » (Version du Rabbinat français)  Mais quand on est engagé, on s’attend à la reconnaissance de ses chefs. De même l’esclave s’attend à un brin de considération, l’ouvrier attend aussi son salaire. Autrement dit,  l’homme attend un retour de Dieu sur investissement de sa personne. N’a-t-il pas bien placé sa confiance en Dieu ?  La pensée populaire traditionnelle répondrait : Oui ! bien sûr !

Or, là, avec Job cette conception est mise à mal, car elle n’est ni vérifiée, ni vérifiable.  

Job constate que sa fidélité est « récompensée » par la douleur et la souffrance. La démonstration d’ Eliphaz selon laquelle, le fidèle est béni et le transgresseur puni, ne tient plus. Voyant qu’il n’a plus d’explication satisfaisante, Job aspire à voir sa vie se terminer au plus vite, d’autant que son corps « se couvre de vers et d’une croûte terreuse. » (Cf. Job 7 :5)

On comprend dès lors qu’il ait perdu tout espoir. Dans ce noir désir, le lumignon qui fume encore, esquisse une demande à Dieu : « Souviens-toi que ma vie est un souffle… » Job 7 : 7. Cette expression n’est pas sans nous remettre en mémoire la demande du larron sur la croix. S’adressant à Jésus, il dit : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. » Luc 23 : 42

Mais, comme le balancier d’une horloge, Job se recentre sur sa triste condition et interpelle encore son Dieu. C’est un vrai combat contre la vermine qui le ronge, mais aussi contre lui-même. Lancinant combat : « Mon âme souhaite une fin violente, préférant le trépas à ce corps misérable » Job 7 : 15

 

Cette réaction bien humaine nous force : soit à regarder au-delà de l’épreuve et faire acte de foi, soit à démissionner et souhaiter la mort.

Trop souvent, nous oublions que la vie est un âpre combat, jonché de mines très personnelles. Le parcours du combattant n’est pas toujours une partie de plaisir.

De cette observation, il ressort qu’il est fondamental de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on combat. Le Christ nous a montré qu’il ne fallait pas s’attendre à être épargné par les difficultés. « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous… S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi… Vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira : vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie » Jean 15 : 18,20 ; 16 :20. Les chrétiens n’en font-ils pas l’expérience partout dans le monde ?

L’apôtre Paul a aussi déclaré : « Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes » 1 Corinthiens 15 : 19

L’apôtre Jacques encore : « Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l’ épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre… » Jacques 1 : 2-4

Pour terminer, citons encore l’apôtre Pierre : «  C’est là ce qui fait votre joie, quoique maintenant, puisqu’il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l’épreuve de votre foi, plus précieuse que l’or périssable (qui cependant est éprouvé par le feu), ait pour résultat la louange et l’honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. » 1 Pierre 1 : 6-7

 

Job conclue son intervention sous la forme d’une prière. Il interpelle son Dieu.  

« Epargne-moi, Seigneur, mes jours en effet sont néant.  Qu'est-ce que l'homme, pour que tu en fasses tant d'estime, que tu daignes t'occuper de lui, que tu le visites chaque matin, et qu'à chaque instant tu l'éprouves ? Quand cesseras-tu d'avoir le regard sur moi ? Quand me laisseras-tu le temps d'avaler ma salive ? Si j'ai péché, que puis-je te faire, ô Gardien des hommes ? Pourquoi me mettre en butte à tes traits, et me rendre à charge à moi-même ? Que ne pardonnes-tu mon offense ? Que n'oublies-tu mon iniquité? Car bientôt je dormirai dans la poussière; tu me chercheras, et je ne serai plus. » (Cf. Job 7 : 16-21, version de Saint Thomas d’Aquin)

 

Conclusion :

 

Cette réponse de Job à Eliphaz nous rappelle que nous avons à assumer nos choix, même si nous sommes incompris, voire moqués. Elle nous prévient encore de la fragilité des amitiés humaines, pourtant si nécessaires. Elle nous recadre dans la réalité d’un parcours du combattant, impossible à éviter. Elle nous démontre que le bien-faire et le bien-être, le mal et le bien, ne sont pas équivalents. Elle justifie, en creux, la justice souveraine de Dieu qui laisse percer une espérance dans sa bonté et son amour pour chacune de ses créatures. A nous d’approfondir toutes choses, et de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on veut bien vivre….

                                                                                        Jacques Eychenne

 

 

 

 

 

 .  

 

 

  

                                Job

                         ou              

             le défi d’être soi

                         Job 6-7

                 (6ème partie)

 

 

Introduction :

 

Nous avons laissé Eliphaz très sûr de sa position relative à une théologie de la rétribution. Nous l’avons vu étayer sa thèse en se référant à son expérience personnelle, et surtout à une vision « prétendue » divine. Sa conception du jugement de Dieu, passant par son prisme, mène à une fausse conclusion. Car, dans le cas de Job,ce dernier est innocent du mal qui l’accable et le terrasse. Eliphaz, au sommet de ses certitudes avait conclu son intervention par ses mots prétentieux :

« Voilà ce que nous avons reconnu, voilà ce qui est ; à toi d’entendre et de mettre à profit » Job 5 :27 ou ailleurs « Voilà, nous avons examiné la chose à fond : c’est ainsi ! A toi d’entendre et de le reconnaître » (idem, Version N.B.S) la version du Rabbinat français laisse même entendre qu’ Eliphaz est le porte-parole : « Tel est le fruit de nos réflexions, telle est la vérité : accueille-là et prends-là à cœur. » (Je suis certainement trop dur avec Eliphaz, mais il y a un tel décalage de compréhension entre Job et lui ! Attention aux grandes certitudes !)

Eliphaz avait pointé trois aspects dans la plainte de Job :

-         Son désespoir face à sa dégradation physique, morale et spirituelle et son rejet de sa vie présente.

-         Son impatience ou sa tristesse manifestée par ses soupirs et gémissements, dans son sentiment d’abandon.

-         Sa prétention de se déclarer innocent.

Partant d’une donnée juste, énonçant la fragilité de la condition humaine pécheresse, Eliphaz voulait souligner en traits appuyés que personne ne peut se déclarer sans péché. C’est en regard de ces données que s’articule la réponse de Job.

 

Développement :

 

Précisons, au point où nous sommes parvenus, qu’il n’est certainement pas dans les intentions de Job de se déclarer sans péché. Le fait qu’il offrait des holocaustes pour ses fils sous-entend qu’il s’impliquait dans ce genre de démarche. (Cf. Job 1 :5) De même plus loin, il questionnera Dieu en ces termes : « Que ne pardonnes-tu mon péché, et que n’oublies-tu mon iniquité ? » Job 7 :21 Job est donc lucide sur sa condition de pécheur, maissi Job se déclare innocent, c’est  bien en regard direct des malheurs qui l’ont récemment foudroyé

Examinons maintenant sa réponse à Eliphaz.

Job dit : « Oh ! S’il était possible de peser ma douleur, et si toutes mes calamités étaient sur une balance, elles seraient plus pesantes que le sable de la mer ; voilà pourquoi mes paroles vont jusqu’à la folie ! » ou « mes paroles sont inconsidérées. » Job 6 :1-3 (Version N.B.S. note : sont inconsidérées : même verbe en Pr. 20.25. Certains comprennent toutefois : mes paroles  s’étouffent, c.-à-d. je suffoque, je ne peux plus parler)

Une fois de plus, Job exprime son ressenti face à cette douleur tenace qui l’entraîne aux frontières de la folie. S’il s’exprime ainsi, c’est qu’il a plus besoin de compassion que de reproches, surtout de la part de son ami.

Sa douleur est à ce point vive, qu’il en a perdu l’équilibre. C’est tout son raisonnement et sa confiance en Dieu qui sont ébranlés. Toute forme de résilience semble avoir disparu. Sa relation à Dieu est comme une outre percée. Dieu serait-il différent de ce qu’il avait compris ? L’image qu’il s’en était faite serait-elle en péril ?

L’apôtre Paul en homme d’expérience rappelle : «  Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! » 1 Corinthiens 10 :12  

La puissance d’érosion de la souffrance peut ébranler le meilleur des hommes.

D’ ou l’exclamation de Job : « Ah ! qui me donnera que ma demande soit agréée et mon espoir réalisé par Dieu ? » Job 6 :8 (Version Rabbinat français)

Cet appel jaillit du très fond du cœur de Job. Qui entendra sa demande ? Une demande qui ne sort pas du bout des lèvres, mais du très fond de lui-même.

Cette demande démontre qu’au-delà de la souffrance, Job espère encore en l’Eternel. Par delà sa déraison (Cf. Job 6 : 3), il exprime son profond désir d’une intervention de Dieu. Il attend que Dieu exauce son attente.

N’est-ce le propre de l’homme de foi que d’être dans ce positionnement ? N’avons-nous pas à espérer contre toute espérance, et en toute circonstance et sans condition ? (Cf. Romains 4 :18)

Toutefois, Job est toujours convaincu que Dieu est à l’origine des malheurs qui le frappent. A-t-il vraiment tort, si l’on pense que Dieu est Tout-Puissant, et qu’il a la maîtrise de toutes choses ?

Il est vrai que nous avons maintenant avec le Nouveau Testament des éléments de réponses (Cf. 1 Corinthiens 10 : 13), mais en son temps Job en était démuni.

Dans cette tourmente, il ne reste plus à Job que sa conscience. Il est convaincu : « Jamais je n’ai transgressé les ordres du Saint » Job 6 : 10 «  De n’avoir pas renié les paroles du Très-Haut » (idem, version du R.F.).

Une fois de plus, Job clame son innocence et souligne sa fidélité à Dieu. Mais il est aussi conscient de ses limites, il n’a plus de force pour lutter. Il attend une grâce. Sans elle, sa fin est inéluctable. Il n’est plus sûr de pouvoir supporter plus longtemps.

Il interroge : «  N’est-il pas vrai que je suis privé de tout secours, et que tout espoir de salut m’est arraché ? » Job 6 :13 (Version R.F.)

Job veut souligner que c’est le fait d’avoir été dépourvu de tout secours qui justifie ses plaintes jusqu’à la déraison. Par là, il reconnaît que la solution n’est pas en lui-même. Elle lui est extérieure, et en Dieu seul.

N’est-ce  pas aussi notre condition face aux épreuves de l’existence ? La foi n’est-elle pas prise de conscience que la vraie solution n’est qu’en Dieu seul ? Pourquoi l’humain cherche-t-il à tout vouloir maîtriser au point de s’en rendre malade ?

 

En procédant par contraste, Job va démontrer le coté fragile du secours des ses amis.

Il utilise pour cela des mots forts : « Mes frères m’ont trahi comme un oued, comme le lit des oueds qui disparaissent » Job 6 :15 (Version N.B.S.)D’autres versions traduisent : « Mes amis sont perfides » (Versions Segond, R.F)

Pour avoir vécu 20 ans en Algérie, je connais bien les caractéristiques des oueds. Ils sont chargés d’eau en hiver, et à secs en été. C’est donc quand on a le plus besoin d’eau, à la période la plus chaude, que l’oued est à sec…

Cette métaphore illustre bien les sentiments de Job pour ses amis. « Viennent les chaleurs, et ils tarissent » Job 6 :17

Job s’attendait au soutien de ses amis, il le dit lui-même : « celui qui souffre a droit à la compassion de son ami » Job 6 :14 ou « A celui qui se consume de chagrin devrait aller la sympathie de ses amis, eût-il renoncé à la crainte de Dieu » (Version R.F)

Job ne quémande pas la pitié. Il attend simplement d’Eliphaz qu’il comprenne son désarroi, et qu’il écoute ce qu’il tient à exprimer. A contre-voie, Job ne dénonce-t-il pas les faux semblants de l’amitié ? Celle qui prétend avoir la même foi, la même espérance ? Cette pseudo amitié qui est plus dans le jugement que dans l’empathie ? 

Job exprime sa profonde déception. Elle pose la question de la vraie relation durable. Cette dernière doit rester inconditionnelle du choix de l’ami, même s’il ne reconnaît plus l’autorité de Dieu ou même s’en écarte. L’auteur des Proverbes dit «  L’ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère. » Proverbe 17 :17

Ailleurs, l’apôtre Jean questionne à son tour : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? » 1 Jean 4 :20

 

Job va revenir sur la trahison de son ami. Elle se surajoute à son sentiment d’abandon. Il parait très affecté. C’est pourquoi,il utilise l’image des caravanes qui passent sans se préoccuper du reste, sans dévier de leur route. Job va conclure par une phrase forte  : « Ainsi, vous êtes comme si vous n’existiez pas ; vous voyez mon angoisse, et vous en avez horreur ! » Job 6 : 21

Quelles leçons devrions tirer de cette histoire ? Faut-il apprendre à ne compter que sur soi ? Comment concilier le besoin de se confier, avec la nécessité d’assumer son présent et son devenir ? Comment faire pour que l’amitié soit un plus et non un moins ? Par ailleurs, comment tester son degré de résilience ? Comment développer une foi qui se décline avec des convictions fortes ?

A chacun sa réponse dans la méditation de la Parole de Dieu … Mais, revenons à Job… 

 

La grande question qui le taraude est «  Faites-moi comprendre en quoi j’ai péché » Job 6 : 24 ou « explique-moi en quoi j’ai erré » (Version R.F.) ou « Faites-moi comprendre en quoi je me suis égaré » (Version N.B.S.) ou «  Expliquez-moi en quoi j’ai commis une erreur. » (Version T.O.B.)

Job cherche en vain à trouver une explication satisfaisante à son présent malheur. Les critiques et remontrances d’ Eliphaz ne lui servent à rien. Il se positionne comme un désespéré à qui on ne prête pas attention. Il se sent accablé comme un orphelin, et persécuté par ses amis. Il les appelle à se ressaisir, à n’être point injustes, et à reconnaître son innocence. Car, il arrive encore à discerner le mal. Job demeure malgré tout très lucide sur sa situation. Sa déraison n’est donc qu’apparente ! (Cf. Job 6 :25-30)

Toute cette tirade pose encore la question du jugement de notre entourage sur nos comportements ou du poids du regard des autres sur nos vies… Qui ne s’est jamais senti incompris, isolé, marginalisé, étiqueté, jugé sévèrement, même par des amis ?

Il est vrai que la sagesse, vers laquelle nous tendons, nous indique que le moment est important quand on veut reprendre quelqu’un. Il faut le faire quand on présume que les remontrances ne le rendront pas pire, mais meilleur. Le Christ excellait en la matière. Nous mettre à son école s’impose, surtout quand nous sommes en relation de tension. Ce qui est remarquable, c’est que Job ne capitule pas dans sa recherche de la vérité. Quand il dit : «  vous aurai-je menti ? » Job 6 : 28  cela signifie qu’il se situe toujours sur la voie du vrai. Cependant, constatant qu’il ne peut être entendu, Job va élargir le débat et disserter plus largement sur la condition humaine.

  «  C’est un combat que la vie de l’homme sur terre; et journées de mercenaire sont ses jours. L’esclave cherche l’ombre et comme le mercenaire attend la fin de son travail. J’ai eu des mois creux et ai compté des nuits d’insomnie. Si je me mets au lit je dis: quand me lèverai-je? Et de nouveau j’attends le soir. Et je serai rempli de souffrances jusqu’aux ténèbres. »Job 7 :1-4  Ainsi traduit Saint Thomas d’Aquin, docteur de l’Eglise. (Traduction à partir de la Vulgate. La Vulgate est une traduction latine des textes hébreux de l’ A.T., effectuée par Saint Jérôme au 4è s. L’Eglise catholique romaine l’a reconnue en 1546, lors du concile de Trente)

Job compare le sort de l’homme à un soldat en mission. Suivant par qui il est dirigé la finalité peut être soit la victoire, soit la défaite. Il utilise ensuite l’image du mercenaire. Généralement les objectifs sont à cours termes. Les deux illustrations suggèrent : soit l’idée d’un combat avec une capacité de résister et de surmonter les obstacles, soit l’idée de saisir les opportunités pour réaliser un objectif. «  L’homme sur  terre a une corvée de soldat, ses jours sont comme les jours d’un mercenaire. » (Version du Rabbinat français)  Mais quand on est engagé, on s’attend à la reconnaissance de ses chefs. De même l’esclave s’attend à un brin de considération, l’ouvrier attend aussi son salaire. Autrement dit,  l’homme attend un retour de Dieu sur investissement de sa personne. N’a-t-il pas bien placé sa confiance en Dieu ?  La pensée populaire traditionnelle répondrait : Oui ! bien sûr !

Or, là, avec Job cette conception est mise à mal, car elle n’est ni vérifiée, ni vérifiable.  

Job constate que sa fidélité est « récompensée » par la douleur et la souffrance. La démonstration d’ Eliphaz selon laquelle, le fidèle est béni et le transgresseur puni, ne tient plus. Voyant qu’il n’a plus d’explication satisfaisante, Job aspire à voir sa vie se terminer au plus vite, d’autant que son corps « se couvre de vers et d’une croûte terreuse. » (Cf. Job 7 :5)

On comprend dès lors qu’il ait perdu tout espoir. Dans ce noir désir, le lumignon qui fume encore, esquisse une demande à Dieu : « Souviens-toi que ma vie est un souffle… » Job 7 : 7. Cette expression n’est pas sans nous remettre en mémoire la demande du larron sur la croix. S’adressant à Jésus, il dit : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. » Luc 23 : 42

Mais, comme le balancier d’une horloge, Job se recentre sur sa triste condition et interpelle encore son Dieu. C’est un vrai combat contre la vermine qui le ronge, mais aussi contre lui-même. Lancinant combat : « Mon âme souhaite une fin violente, préférant le trépas à ce corps misérable » Job 7 : 15

 

Cette réaction bien humaine nous force : soit à regarder au-delà de l’épreuve et faire acte de foi, soit à démissionner et souhaiter la mort.

Trop souvent, nous oublions que la vie est un âpre combat, jonché de mines très personnelles. Le parcours du combattant n’est pas toujours une partie de plaisir.

De cette observation, il ressort qu’il est fondamental de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on combat. Le Christ nous a montré qu’il ne fallait pas s’attendre à être épargné par les difficultés. « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous… S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi… Vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira : vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie » Jean 15 : 18,20 ; 16 :20. Les chrétiens n’en font-ils pas l’expérience partout dans le monde ?

L’apôtre Paul a aussi déclaré : « Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes » 1 Corinthiens 15 : 19

L’apôtre Jacques encore : « Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l’ épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre… » Jacques 1 : 2-4

Pour terminer, citons encore l’apôtre Pierre : «  C’est là ce qui fait votre joie, quoique maintenant, puisqu’il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l’épreuve de votre foi, plus précieuse que l’or périssable (qui cependant est éprouvé par le feu), ait pour résultat la louange et l’honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. » 1 Pierre 1 : 6-7

 

Job conclue son intervention sous la forme d’une prière. Il interpelle son Dieu.  

« Epargne-moi, Seigneur, mes jours en effet sont néant.  Qu'est-ce que l'homme, pour que tu en fasses tant d'estime, que tu daignes t'occuper de lui, que tu le visites chaque matin, et qu'à chaque instant tu l'éprouves ? Quand cesseras-tu d'avoir le regard sur moi ? Quand me laisseras-tu le temps d'avaler ma salive ? Si j'ai péché, que puis-je te faire, ô Gardien des hommes ? Pourquoi me mettre en butte à tes traits, et me rendre à charge à moi-même ? Que ne pardonnes-tu mon offense ? Que n'oublies-tu mon iniquité? Car bientôt je dormirai dans la poussière; tu me chercheras, et je ne serai plus. » (Cf. Job 7 : 16-21, version de Saint Thomas d’Aquin)

 

Conclusion :

 

Cette réponse de Job à Eliphaz nous rappelle que nous avons à assumer nos choix, même si nous sommes incompris, voire moqués. Elle nous prévient encore de la fragilité des amitiés humaines, pourtant si nécessaires. Elle nous recadre dans la réalité d’un parcours du combattant, impossible à éviter. Elle nous démontre que le bien-faire et le bien-être, le mal et le bien, ne sont pas équivalents. Elle justifie, en creux, la justice souveraine de Dieu qui laisse percer une espérance dans sa bonté et son amour pour chacune de ses créatures. A nous d’approfondir toutes choses, et de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on veut bien vivre….

                                                                                        Jacques Eychenne

 

 

 

 

 

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                                Job

                         ou              

             le défi d’être soi

                         Job 6-7

                 (6ème partie)

 

 

Introduction :

 

Nous avons laissé Eliphaz très sûr de sa position relative à une théologie de la rétribution. Nous l’avons vu étayer sa thèse en se référant à son expérience personnelle, et surtout à une vision « prétendue » divine. Sa conception du jugement de Dieu, passant par son prisme, mène à une fausse conclusion. Car, dans le cas de Job,ce dernier est innocent du mal qui l’accable et le terrasse. Eliphaz, au sommet de ses certitudes avait conclu son intervention par ses mots prétentieux :

« Voilà ce que nous avons reconnu, voilà ce qui est ; à toi d’entendre et de mettre à profit » Job 5 :27 ou ailleurs « Voilà, nous avons examiné la chose à fond : c’est ainsi ! A toi d’entendre et de le reconnaître » (idem, Version N.B.S) la version du Rabbinat français laisse même entendre qu’ Eliphaz est le porte-parole : « Tel est le fruit de nos réflexions, telle est la vérité : accueille-là et prends-là à cœur. » (Je suis certainement trop dur avec Eliphaz, mais il y a un tel décalage de compréhension entre Job et lui ! Attention aux grandes certitudes !)

Eliphaz avait pointé trois aspects dans la plainte de Job :

-         Son désespoir face à sa dégradation physique, morale et spirituelle et son rejet de sa vie présente.

-         Son impatience ou sa tristesse manifestée par ses soupirs et gémissements, dans son sentiment d’abandon.

-         Sa prétention de se déclarer innocent.

Partant d’une donnée juste, énonçant la fragilité de la condition humaine pécheresse, Eliphaz voulait souligner en traits appuyés que personne ne peut se déclarer sans péché. C’est en regard de ces données que s’articule la réponse de Job.

 

Développement :

 

Précisons, au point où nous sommes parvenus, qu’il n’est certainement pas dans les intentions de Job de se déclarer sans péché. Le fait qu’il offrait des holocaustes pour ses fils sous-entend qu’il s’impliquait dans ce genre de démarche. (Cf. Job 1 :5) De même plus loin, il questionnera Dieu en ces termes : « Que ne pardonnes-tu mon péché, et que n’oublies-tu mon iniquité ? » Job 7 :21 Job est donc lucide sur sa condition de pécheur, maissi Job se déclare innocent, c’est  bien en regard direct des malheurs qui l’ont récemment foudroyé

Examinons maintenant sa réponse à Eliphaz.

Job dit : « Oh ! S’il était possible de peser ma douleur, et si toutes mes calamités étaient sur une balance, elles seraient plus pesantes que le sable de la mer ; voilà pourquoi mes paroles vont jusqu’à la folie ! » ou « mes paroles sont inconsidérées. » Job 6 :1-3 (Version N.B.S. note : sont inconsidérées : même verbe en Pr. 20.25. Certains comprennent toutefois : mes paroles  s’étouffent, c.-à-d. je suffoque, je ne peux plus parler)

Une fois de plus, Job exprime son ressenti face à cette douleur tenace qui l’entraîne aux frontières de la folie. S’il s’exprime ainsi, c’est qu’il a plus besoin de compassion que de reproches, surtout de la part de son ami.

Sa douleur est à ce point vive, qu’il en a perdu l’équilibre. C’est tout son raisonnement et sa confiance en Dieu qui sont ébranlés. Toute forme de résilience semble avoir disparu. Sa relation à Dieu est comme une outre percée. Dieu serait-il différent de ce qu’il avait compris ? L’image qu’il s’en était faite serait-elle en péril ?

L’apôtre Paul en homme d’expérience rappelle : «  Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! » 1 Corinthiens 10 :12  

La puissance d’érosion de la souffrance peut ébranler le meilleur des hommes.

D’ ou l’exclamation de Job : « Ah ! qui me donnera que ma demande soit agréée et mon espoir réalisé par Dieu ? » Job 6 :8 (Version Rabbinat français)

Cet appel jaillit du très fond du cœur de Job. Qui entendra sa demande ? Une demande qui ne sort pas du bout des lèvres, mais du très fond de lui-même.

Cette demande démontre qu’au-delà de la souffrance, Job espère encore en l’Eternel. Par delà sa déraison (Cf. Job 6 : 3), il exprime son profond désir d’une intervention de Dieu. Il attend que Dieu exauce son attente.

N’est-ce le propre de l’homme de foi que d’être dans ce positionnement ? N’avons-nous pas à espérer contre toute espérance, et en toute circonstance et sans condition ? (Cf. Romains 4 :18)

Toutefois, Job est toujours convaincu que Dieu est à l’origine des malheurs qui le frappent. A-t-il vraiment tort, si l’on pense que Dieu est Tout-Puissant, et qu’il a la maîtrise de toutes choses ?

Il est vrai que nous avons maintenant avec le Nouveau Testament des éléments de réponses (Cf. 1 Corinthiens 10 : 13), mais en son temps Job en était démuni.

Dans cette tourmente, il ne reste plus à Job que sa conscience. Il est convaincu : « Jamais je n’ai transgressé les ordres du Saint » Job 6 : 10 «  De n’avoir pas renié les paroles du Très-Haut » (idem, version du R.F.).

Une fois de plus, Job clame son innocence et souligne sa fidélité à Dieu. Mais il est aussi conscient de ses limites, il n’a plus de force pour lutter. Il attend une grâce. Sans elle, sa fin est inéluctable. Il n’est plus sûr de pouvoir supporter plus longtemps.

Il interroge : «  N’est-il pas vrai que je suis privé de tout secours, et que tout espoir de salut m’est arraché ? » Job 6 :13 (Version R.F.)

Job veut souligner que c’est le fait d’avoir été dépourvu de tout secours qui justifie ses plaintes jusqu’à la déraison. Par là, il reconnaît que la solution n’est pas en lui-même. Elle lui est extérieure, et en Dieu seul.

N’est-ce  pas aussi notre condition face aux épreuves de l’existence ? La foi n’est-elle pas prise de conscience que la vraie solution n’est qu’en Dieu seul ? Pourquoi l’humain cherche-t-il à tout vouloir maîtriser au point de s’en rendre malade ?

 

En procédant par contraste, Job va démontrer le coté fragile du secours des ses amis.

Il utilise pour cela des mots forts : « Mes frères m’ont trahi comme un oued, comme le lit des oueds qui disparaissent » Job 6 :15 (Version N.B.S.)D’autres versions traduisent : « Mes amis sont perfides » (Versions Segond, R.F)

Pour avoir vécu 20 ans en Algérie, je connais bien les caractéristiques des oueds. Ils sont chargés d’eau en hiver, et à secs en été. C’est donc quand on a le plus besoin d’eau, à la période la plus chaude, que l’oued est à sec…

Cette métaphore illustre bien les sentiments de Job pour ses amis. « Viennent les chaleurs, et ils tarissent » Job 6 :17

Job s’attendait au soutien de ses amis, il le dit lui-même : « celui qui souffre a droit à la compassion de son ami » Job 6 :14 ou « A celui qui se consume de chagrin devrait aller la sympathie de ses amis, eût-il renoncé à la crainte de Dieu » (Version R.F)

Job ne quémande pas la pitié. Il attend simplement d’Eliphaz qu’il comprenne son désarroi, et qu’il écoute ce qu’il tient à exprimer. A contre-voie, Job ne dénonce-t-il pas les faux semblants de l’amitié ? Celle qui prétend avoir la même foi, la même espérance ? Cette pseudo amitié qui est plus dans le jugement que dans l’empathie ? 

Job exprime sa profonde déception. Elle pose la question de la vraie relation durable. Cette dernière doit rester inconditionnelle du choix de l’ami, même s’il ne reconnaît plus l’autorité de Dieu ou même s’en écarte. L’auteur des Proverbes dit «  L’ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère. » Proverbe 17 :17

Ailleurs, l’apôtre Jean questionne à son tour : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? » 1 Jean 4 :20

 

Job va revenir sur la trahison de son ami. Elle se surajoute à son sentiment d’abandon. Il parait très affecté. C’est pourquoi,il utilise l’image des caravanes qui passent sans se préoccuper du reste, sans dévier de leur route. Job va conclure par une phrase forte  : « Ainsi, vous êtes comme si vous n’existiez pas ; vous voyez mon angoisse, et vous en avez horreur ! » Job 6 : 21

Quelles leçons devrions tirer de cette histoire ? Faut-il apprendre à ne compter que sur soi ? Comment concilier le besoin de se confier, avec la nécessité d’assumer son présent et son devenir ? Comment faire pour que l’amitié soit un plus et non un moins ? Par ailleurs, comment tester son degré de résilience ? Comment développer une foi qui se décline avec des convictions fortes ?

A chacun sa réponse dans la méditation de la Parole de Dieu … Mais, revenons à Job… 

 

La grande question qui le taraude est «  Faites-moi comprendre en quoi j’ai péché » Job 6 : 24 ou « explique-moi en quoi j’ai erré » (Version R.F.) ou « Faites-moi comprendre en quoi je me suis égaré » (Version N.B.S.) ou «  Expliquez-moi en quoi j’ai commis une erreur. » (Version T.O.B.)

Job cherche en vain à trouver une explication satisfaisante à son présent malheur. Les critiques et remontrances d’ Eliphaz ne lui servent à rien. Il se positionne comme un désespéré à qui on ne prête pas attention. Il se sent accablé comme un orphelin, et persécuté par ses amis. Il les appelle à se ressaisir, à n’être point injustes, et à reconnaître son innocence. Car, il arrive encore à discerner le mal. Job demeure malgré tout très lucide sur sa situation. Sa déraison n’est donc qu’apparente ! (Cf. Job 6 :25-30)

Toute cette tirade pose encore la question du jugement de notre entourage sur nos comportements ou du poids du regard des autres sur nos vies… Qui ne s’est jamais senti incompris, isolé, marginalisé, étiqueté, jugé sévèrement, même par des amis ?

Il est vrai que la sagesse, vers laquelle nous tendons, nous indique que le moment est important quand on veut reprendre quelqu’un. Il faut le faire quand on présume que les remontrances ne le rendront pas pire, mais meilleur. Le Christ excellait en la matière. Nous mettre à son école s’impose, surtout quand nous sommes en relation de tension. Ce qui est remarquable, c’est que Job ne capitule pas dans sa recherche de la vérité. Quand il dit : «  vous aurai-je menti ? » Job 6 : 28  cela signifie qu’il se situe toujours sur la voie du vrai. Cependant, constatant qu’il ne peut être entendu, Job va élargir le débat et disserter plus largement sur la condition humaine.

  «  C’est un combat que la vie de l’homme sur terre; et journées de mercenaire sont ses jours. L’esclave cherche l’ombre et comme le mercenaire attend la fin de son travail. J’ai eu des mois creux et ai compté des nuits d’insomnie. Si je me mets au lit je dis: quand me lèverai-je? Et de nouveau j’attends le soir. Et je serai rempli de souffrances jusqu’aux ténèbres. »Job 7 :1-4  Ainsi traduit Saint Thomas d’Aquin, docteur de l’Eglise. (Traduction à partir de la Vulgate. La Vulgate est une traduction latine des textes hébreux de l’ A.T., effectuée par Saint Jérôme au 4è s. L’Eglise catholique romaine l’a reconnue en 1546, lors du concile de Trente)

Job compare le sort de l’homme à un soldat en mission. Suivant par qui il est dirigé la finalité peut être soit la victoire, soit la défaite. Il utilise ensuite l’image du mercenaire. Généralement les objectifs sont à cours termes. Les deux illustrations suggèrent : soit l’idée d’un combat avec une capacité de résister et de surmonter les obstacles, soit l’idée de saisir les opportunités pour réaliser un objectif. «  L’homme sur  terre a une corvée de soldat, ses jours sont comme les jours d’un mercenaire. » (Version du Rabbinat français)  Mais quand on est engagé, on s’attend à la reconnaissance de ses chefs. De même l’esclave s’attend à un brin de considération, l’ouvrier attend aussi son salaire. Autrement dit,  l’homme attend un retour de Dieu sur investissement de sa personne. N’a-t-il pas bien placé sa confiance en Dieu ?  La pensée populaire traditionnelle répondrait : Oui ! bien sûr !

Or, là, avec Job cette conception est mise à mal, car elle n’est ni vérifiée, ni vérifiable.  

Job constate que sa fidélité est « récompensée » par la douleur et la souffrance. La démonstration d’ Eliphaz selon laquelle, le fidèle est béni et le transgresseur puni, ne tient plus. Voyant qu’il n’a plus d’explication satisfaisante, Job aspire à voir sa vie se terminer au plus vite, d’autant que son corps « se couvre de vers et d’une croûte terreuse. » (Cf. Job 7 :5)

On comprend dès lors qu’il ait perdu tout espoir. Dans ce noir désir, le lumignon qui fume encore, esquisse une demande à Dieu : « Souviens-toi que ma vie est un souffle… » Job 7 : 7. Cette expression n’est pas sans nous remettre en mémoire la demande du larron sur la croix. S’adressant à Jésus, il dit : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. » Luc 23 : 42

Mais, comme le balancier d’une horloge, Job se recentre sur sa triste condition et interpelle encore son Dieu. C’est un vrai combat contre la vermine qui le ronge, mais aussi contre lui-même. Lancinant combat : « Mon âme souhaite une fin violente, préférant le trépas à ce corps misérable » Job 7 : 15

 

Cette réaction bien humaine nous force : soit à regarder au-delà de l’épreuve et faire acte de foi, soit à démissionner et souhaiter la mort.

Trop souvent, nous oublions que la vie est un âpre combat, jonché de mines très personnelles. Le parcours du combattant n’est pas toujours une partie de plaisir.

De cette observation, il ressort qu’il est fondamental de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on combat. Le Christ nous a montré qu’il ne fallait pas s’attendre à être épargné par les difficultés. « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous… S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi… Vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira : vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie » Jean 15 : 18,20 ; 16 :20. Les chrétiens n’en font-ils pas l’expérience partout dans le monde ?

L’apôtre Paul a aussi déclaré : « Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes » 1 Corinthiens 15 : 19

L’apôtre Jacques encore : « Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l’ épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre… » Jacques 1 : 2-4

Pour terminer, citons encore l’apôtre Pierre : «  C’est là ce qui fait votre joie, quoique maintenant, puisqu’il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l’épreuve de votre foi, plus précieuse que l’or périssable (qui cependant est éprouvé par le feu), ait pour résultat la louange et l’honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. » 1 Pierre 1 : 6-7

 

Job conclue son intervention sous la forme d’une prière. Il interpelle son Dieu.  

« Epargne-moi, Seigneur, mes jours en effet sont néant.  Qu'est-ce que l'homme, pour que tu en fasses tant d'estime, que tu daignes t'occuper de lui, que tu le visites chaque matin, et qu'à chaque instant tu l'éprouves ? Quand cesseras-tu d'avoir le regard sur moi ? Quand me laisseras-tu le temps d'avaler ma salive ? Si j'ai péché, que puis-je te faire, ô Gardien des hommes ? Pourquoi me mettre en butte à tes traits, et me rendre à charge à moi-même ? Que ne pardonnes-tu mon offense ? Que n'oublies-tu mon iniquité? Car bientôt je dormirai dans la poussière; tu me chercheras, et je ne serai plus. » (Cf. Job 7 : 16-21, version de Saint Thomas d’Aquin)

 

Conclusion :

 

Cette réponse de Job à Eliphaz nous rappelle que nous avons à assumer nos choix, même si nous sommes incompris, voire moqués. Elle nous prévient encore de la fragilité des amitiés humaines, pourtant si nécessaires. Elle nous recadre dans la réalité d’un parcours du combattant, impossible à éviter. Elle nous démontre que le bien-faire et le bien-être, le mal et le bien, ne sont pas équivalents. Elle justifie, en creux, la justice souveraine de Dieu qui laisse percer une espérance dans sa bonté et son amour pour chacune de ses créatures. A nous d’approfondir toutes choses, et de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on veut bien vivre….

                                                                                        Jacques Eychenne

 

 

 

 

 

 .  

 

  

                                Job

                         ou              

             le défi d’être soi

                         Job 6-7

                 (6ème partie)

 

 

Introduction :

 

Nous avons laissé Eliphaz très sûr de sa position relative à une théologie de la rétribution. Nous l’avons vu étayer sa thèse en se référant à son expérience personnelle, et surtout à une vision « prétendue » divine. Sa conception du jugement de Dieu, passant par son prisme, mène à une fausse conclusion. Car, dans le cas de Job,ce dernier est innocent du mal qui l’accable et le terrasse. Eliphaz, au sommet de ses certitudes avait conclu son intervention par ses mots prétentieux :

« Voilà ce que nous avons reconnu, voilà ce qui est ; à toi d’entendre et de mettre à profit » Job 5 :27 ou ailleurs « Voilà, nous avons examiné la chose à fond : c’est ainsi ! A toi d’entendre et de le reconnaître » (idem, Version N.B.S) la version du Rabbinat français laisse même entendre qu’ Eliphaz est le porte-parole : « Tel est le fruit de nos réflexions, telle est la vérité : accueille-là et prends-là à cœur. » (Je suis certainement trop dur avec Eliphaz, mais il y a un tel décalage de compréhension entre Job et lui ! Attention aux grandes certitudes !)

Eliphaz avait pointé trois aspects dans la plainte de Job :

-         Son désespoir face à sa dégradation physique, morale et spirituelle et son rejet de sa vie présente.

-         Son impatience ou sa tristesse manifestée par ses soupirs et gémissements, dans son sentiment d’abandon.

-         Sa prétention de se déclarer innocent.

Partant d’une donnée juste, énonçant la fragilité de la condition humaine pécheresse, Eliphaz voulait souligner en traits appuyés que personne ne peut se déclarer sans péché. C’est en regard de ces données que s’articule la réponse de Job.

 

Développement :

 

Précisons, au point où nous sommes parvenus, qu’il n’est certainement pas dans les intentions de Job de se déclarer sans péché. Le fait qu’il offrait des holocaustes pour ses fils sous-entend qu’il s’impliquait dans ce genre de démarche. (Cf. Job 1 :5) De même plus loin, il questionnera Dieu en ces termes : « Que ne pardonnes-tu mon péché, et que n’oublies-tu mon iniquité ? » Job 7 :21 Job est donc lucide sur sa condition de pécheur, maissi Job se déclare innocent, c’est  bien en regard direct des malheurs qui l’ont récemment foudroyé

Examinons maintenant sa réponse à Eliphaz.

Job dit : « Oh ! S’il était possible de peser ma douleur, et si toutes mes calamités étaient sur une balance, elles seraient plus pesantes que le sable de la mer ; voilà pourquoi mes paroles vont jusqu’à la folie ! » ou « mes paroles sont inconsidérées. » Job 6 :1-3 (Version N.B.S. note : sont inconsidérées : même verbe en Pr. 20.25. Certains comprennent toutefois : mes paroles  s’étouffent, c.-à-d. je suffoque, je ne peux plus parler)

Une fois de plus, Job exprime son ressenti face à cette douleur tenace qui l’entraîne aux frontières de la folie. S’il s’exprime ainsi, c’est qu’il a plus besoin de compassion que de reproches, surtout de la part de son ami.

Sa douleur est à ce point vive, qu’il en a perdu l’équilibre. C’est tout son raisonnement et sa confiance en Dieu qui sont ébranlés. Toute forme de résilience semble avoir disparu. Sa relation à Dieu est comme une outre percée. Dieu serait-il différent de ce qu’il avait compris ? L’image qu’il s’en était faite serait-elle en péril ?

L’apôtre Paul en homme d’expérience rappelle : «  Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! » 1 Corinthiens 10 :12  

La puissance d’érosion de la souffrance peut ébranler le meilleur des hommes.

D’ ou l’exclamation de Job : « Ah ! qui me donnera que ma demande soit agréée et mon espoir réalisé par Dieu ? » Job 6 :8 (Version Rabbinat français)

Cet appel jaillit du très fond du cœur de Job. Qui entendra sa demande ? Une demande qui ne sort pas du bout des lèvres, mais du très fond de lui-même.

Cette demande démontre qu’au-delà de la souffrance, Job espère encore en l’Eternel. Par delà sa déraison (Cf. Job 6 : 3), il exprime son profond désir d’une intervention de Dieu. Il attend que Dieu exauce son attente.

N’est-ce le propre de l’homme de foi que d’être dans ce positionnement ? N’avons-nous pas à espérer contre toute espérance, et en toute circonstance et sans condition ? (Cf. Romains 4 :18)

Toutefois, Job est toujours convaincu que Dieu est à l’origine des malheurs qui le frappent. A-t-il vraiment tort, si l’on pense que Dieu est Tout-Puissant, et qu’il a la maîtrise de toutes choses ?

Il est vrai que nous avons maintenant avec le Nouveau Testament des éléments de réponses (Cf. 1 Corinthiens 10 : 13), mais en son temps Job en était démuni.

Dans cette tourmente, il ne reste plus à Job que sa conscience. Il est convaincu : « Jamais je n’ai transgressé les ordres du Saint » Job 6 : 10 «  De n’avoir pas renié les paroles du Très-Haut » (idem, version du R.F.).

Une fois de plus, Job clame son innocence et souligne sa fidélité à Dieu. Mais il est aussi conscient de ses limites, il n’a plus de force pour lutter. Il attend une grâce. Sans elle, sa fin est inéluctable. Il n’est plus sûr de pouvoir supporter plus longtemps.

Il interroge : «  N’est-il pas vrai que je suis privé de tout secours, et que tout espoir de salut m’est arraché ? » Job 6 :13 (Version R.F.)

Job veut souligner que c’est le fait d’avoir été dépourvu de tout secours qui justifie ses plaintes jusqu’à la déraison. Par là, il reconnaît que la solution n’est pas en lui-même. Elle lui est extérieure, et en Dieu seul.

N’est-ce  pas aussi notre condition face aux épreuves de l’existence ? La foi n’est-elle pas prise de conscience que la vraie solution n’est qu’en Dieu seul ? Pourquoi l’humain cherche-t-il à tout vouloir maîtriser au point de s’en rendre malade ?

 

En procédant par contraste, Job va démontrer le coté fragile du secours des ses amis.

Il utilise pour cela des mots forts : « Mes frères m’ont trahi comme un oued, comme le lit des oueds qui disparaissent » Job 6 :15 (Version N.B.S.)D’autres versions traduisent : « Mes amis sont perfides » (Versions Segond, R.F)

Pour avoir vécu 20 ans en Algérie, je connais bien les caractéristiques des oueds. Ils sont chargés d’eau en hiver, et à secs en été. C’est donc quand on a le plus besoin d’eau, à la période la plus chaude, que l’oued est à sec…

Cette métaphore illustre bien les sentiments de Job pour ses amis. « Viennent les chaleurs, et ils tarissent » Job 6 :17

Job s’attendait au soutien de ses amis, il le dit lui-même : « celui qui souffre a droit à la compassion de son ami » Job 6 :14 ou « A celui qui se consume de chagrin devrait aller la sympathie de ses amis, eût-il renoncé à la crainte de Dieu » (Version R.F)

Job ne quémande pas la pitié. Il attend simplement d’Eliphaz qu’il comprenne son désarroi, et qu’il écoute ce qu’il tient à exprimer. A contre-voie, Job ne dénonce-t-il pas les faux semblants de l’amitié ? Celle qui prétend avoir la même foi, la même espérance ? Cette pseudo amitié qui est plus dans le jugement que dans l’empathie ? 

Job exprime sa profonde déception. Elle pose la question de la vraie relation durable. Cette dernière doit rester inconditionnelle du choix de l’ami, même s’il ne reconnaît plus l’autorité de Dieu ou même s’en écarte. L’auteur des Proverbes dit «  L’ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère. » Proverbe 17 :17

Ailleurs, l’apôtre Jean questionne à son tour : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? » 1 Jean 4 :20

 

Job va revenir sur la trahison de son ami. Elle se surajoute à son sentiment d’abandon. Il parait très affecté. C’est pourquoi,il utilise l’image des caravanes qui passent sans se préoccuper du reste, sans dévier de leur route. Job va conclure par une phrase forte  : « Ainsi, vous êtes comme si vous n’existiez pas ; vous voyez mon angoisse, et vous en avez horreur ! » Job 6 : 21

Quelles leçons devrions tirer de cette histoire ? Faut-il apprendre à ne compter que sur soi ? Comment concilier le besoin de se confier, avec la nécessité d’assumer son présent et son devenir ? Comment faire pour que l’amitié soit un plus et non un moins ? Par ailleurs, comment tester son degré de résilience ? Comment développer une foi qui se décline avec des convictions fortes ?

A chacun sa réponse dans la méditation de la Parole de Dieu … Mais, revenons à Job… 

 

La grande question qui le taraude est «  Faites-moi comprendre en quoi j’ai péché » Job 6 : 24 ou « explique-moi en quoi j’ai erré » (Version R.F.) ou « Faites-moi comprendre en quoi je me suis égaré » (Version N.B.S.) ou «  Expliquez-moi en quoi j’ai commis une erreur. » (Version T.O.B.)

Job cherche en vain à trouver une explication satisfaisante à son présent malheur. Les critiques et remontrances d’ Eliphaz ne lui servent à rien. Il se positionne comme un désespéré à qui on ne prête pas attention. Il se sent accablé comme un orphelin, et persécuté par ses amis. Il les appelle à se ressaisir, à n’être point injustes, et à reconnaître son innocence. Car, il arrive encore à discerner le mal. Job demeure malgré tout très lucide sur sa situation. Sa déraison n’est donc qu’apparente ! (Cf. Job 6 :25-30)

Toute cette tirade pose encore la question du jugement de notre entourage sur nos comportements ou du poids du regard des autres sur nos vies… Qui ne s’est jamais senti incompris, isolé, marginalisé, étiqueté, jugé sévèrement, même par des amis ?

Il est vrai que la sagesse, vers laquelle nous tendons, nous indique que le moment est important quand on veut reprendre quelqu’un. Il faut le faire quand on présume que les remontrances ne le rendront pas pire, mais meilleur. Le Christ excellait en la matière. Nous mettre à son école s’impose, surtout quand nous sommes en relation de tension. Ce qui est remarquable, c’est que Job ne capitule pas dans sa recherche de la vérité. Quand il dit : «  vous aurai-je menti ? » Job 6 : 28  cela signifie qu’il se situe toujours sur la voie du vrai. Cependant, constatant qu’il ne peut être entendu, Job va élargir le débat et disserter plus largement sur la condition humaine.

  «  C’est un combat que la vie de l’homme sur terre; et journées de mercenaire sont ses jours. L’esclave cherche l’ombre et comme le mercenaire attend la fin de son travail. J’ai eu des mois creux et ai compté des nuits d’insomnie. Si je me mets au lit je dis: quand me lèverai-je? Et de nouveau j’attends le soir. Et je serai rempli de souffrances jusqu’aux ténèbres. »Job 7 :1-4  Ainsi traduit Saint Thomas d’Aquin, docteur de l’Eglise. (Traduction à partir de la Vulgate. La Vulgate est une traduction latine des textes hébreux de l’ A.T., effectuée par Saint Jérôme au 4è s. L’Eglise catholique romaine l’a reconnue en 1546, lors du concile de Trente)

Job compare le sort de l’homme à un soldat en mission. Suivant par qui il est dirigé la finalité peut être soit la victoire, soit la défaite. Il utilise ensuite l’image du mercenaire. Généralement les objectifs sont à cours termes. Les deux illustrations suggèrent : soit l’idée d’un combat avec une capacité de résister et de surmonter les obstacles, soit l’idée de saisir les opportunités pour réaliser un objectif. «  L’homme sur  terre a une corvée de soldat, ses jours sont comme les jours d’un mercenaire. » (Version du Rabbinat français)  Mais quand on est engagé, on s’attend à la reconnaissance de ses chefs. De même l’esclave s’attend à un brin de considération, l’ouvrier attend aussi son salaire. Autrement dit,  l’homme attend un retour de Dieu sur investissement de sa personne. N’a-t-il pas bien placé sa confiance en Dieu ?  La pensée populaire traditionnelle répondrait : Oui ! bien sûr !

Or, là, avec Job cette conception est mise à mal, car elle n’est ni vérifiée, ni vérifiable.  

Job constate que sa fidélité est « récompensée » par la douleur et la souffrance. La démonstration d’ Eliphaz selon laquelle, le fidèle est béni et le transgresseur puni, ne tient plus. Voyant qu’il n’a plus d’explication satisfaisante, Job aspire à voir sa vie se terminer au plus vite, d’autant que son corps « se couvre de vers et d’une croûte terreuse. » (Cf. Job 7 :5)

On comprend dès lors qu’il ait perdu tout espoir. Dans ce noir désir, le lumignon qui fume encore, esquisse une demande à Dieu : « Souviens-toi que ma vie est un souffle… » Job 7 : 7. Cette expression n’est pas sans nous remettre en mémoire la demande du larron sur la croix. S’adressant à Jésus, il dit : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. » Luc 23 : 42

Mais, comme le balancier d’une horloge, Job se recentre sur sa triste condition et interpelle encore son Dieu. C’est un vrai combat contre la vermine qui le ronge, mais aussi contre lui-même. Lancinant combat : « Mon âme souhaite une fin violente, préférant le trépas à ce corps misérable » Job 7 : 15

 

Cette réaction bien humaine nous force : soit à regarder au-delà de l’épreuve et faire acte de foi, soit à démissionner et souhaiter la mort.

Trop souvent, nous oublions que la vie est un âpre combat, jonché de mines très personnelles. Le parcours du combattant n’est pas toujours une partie de plaisir.

De cette observation, il ressort qu’il est fondamental de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on combat. Le Christ nous a montré qu’il ne fallait pas s’attendre à être épargné par les difficultés. « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous… S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi… Vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira : vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie » Jean 15 : 18,20 ; 16 :20. Les chrétiens n’en font-ils pas l’expérience partout dans le monde ?

L’apôtre Paul a aussi déclaré : « Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes » 1 Corinthiens 15 : 19

L’apôtre Jacques encore : « Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l’ épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre… » Jacques 1 : 2-4

Pour terminer, citons encore l’apôtre Pierre : «  C’est là ce qui fait votre joie, quoique maintenant, puisqu’il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l’épreuve de votre foi, plus précieuse que l’or périssable (qui cependant est éprouvé par le feu), ait pour résultat la louange et l’honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. » 1 Pierre 1 : 6-7

 

Job conclue son intervention sous la forme d’une prière. Il interpelle son Dieu.  

« Epargne-moi, Seigneur, mes jours en effet sont néant.  Qu'est-ce que l'homme, pour que tu en fasses tant d'estime, que tu daignes t'occuper de lui, que tu le visites chaque matin, et qu'à chaque instant tu l'éprouves ? Quand cesseras-tu d'avoir le regard sur moi ? Quand me laisseras-tu le temps d'avaler ma salive ? Si j'ai péché, que puis-je te faire, ô Gardien des hommes ? Pourquoi me mettre en butte à tes traits, et me rendre à charge à moi-même ? Que ne pardonnes-tu mon offense ? Que n'oublies-tu mon iniquité? Car bientôt je dormirai dans la poussière; tu me chercheras, et je ne serai plus. » (Cf. Job 7 : 16-21, version de Saint Thomas d’Aquin)

 

Conclusion :

 

Cette réponse de Job à Eliphaz nous rappelle que nous avons à assumer nos choix, même si nous sommes incompris, voire moqués. Elle nous prévient encore de la fragilité des amitiés humaines, pourtant si nécessaires. Elle nous recadre dans la réalité d’un parcours du combattant, impossible à éviter. Elle nous démontre que le bien-faire et le bien-être, le mal et le bien, ne sont pas équivalents. Elle justifie, en creux, la justice souveraine de Dieu qui laisse percer une espérance dans sa bonté et son amour pour chacune de ses créatures. A nous d’approfondir toutes choses, et de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on veut bien vivre….

                                                                                        Jacques Eychenne

 

 

 

 

 

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                                Job

                         ou              

             le défi d’être soi

                         Job 6-7

                 (6ème partie)

 

 

Introduction :

 

Nous avons laissé Eliphaz très sûr de sa position relative à une théologie de la rétribution. Nous l’avons vu étayer sa thèse en se référant à son expérience personnelle, et surtout à une vision « prétendue » divine. Sa conception du jugement de Dieu, passant par son prisme, mène à une fausse conclusion. Car, dans le cas de Job,ce dernier est innocent du mal qui l’accable et le terrasse. Eliphaz, au sommet de ses certitudes avait conclu son intervention par ses mots prétentieux :

« Voilà ce que nous avons reconnu, voilà ce qui est ; à toi d’entendre et de mettre à profit » Job 5 :27 ou ailleurs « Voilà, nous avons examiné la chose à fond : c’est ainsi ! A toi d’entendre et de le reconnaître » (idem, Version N.B.S) la version du Rabbinat français laisse même entendre qu’ Eliphaz est le porte-parole : « Tel est le fruit de nos réflexions, telle est la vérité : accueille-là et prends-là à cœur. » (Je suis certainement trop dur avec Eliphaz, mais il y a un tel décalage de compréhension entre Job et lui ! Attention aux grandes certitudes !)

Eliphaz avait pointé trois aspects dans la plainte de Job :

-         Son désespoir face à sa dégradation physique, morale et spirituelle et son rejet de sa vie présente.

-         Son impatience ou sa tristesse manifestée par ses soupirs et gémissements, dans son sentiment d’abandon.

-         Sa prétention de se déclarer innocent.

Partant d’une donnée juste, énonçant la fragilité de la condition humaine pécheresse, Eliphaz voulait souligner en traits appuyés que personne ne peut se déclarer sans péché. C’est en regard de ces données que s’articule la réponse de Job.

 

Développement :

 

Précisons, au point où nous sommes parvenus, qu’il n’est certainement pas dans les intentions de Job de se déclarer sans péché. Le fait qu’il offrait des holocaustes pour ses fils sous-entend qu’il s’impliquait dans ce genre de démarche. (Cf. Job 1 :5) De même plus loin, il questionnera Dieu en ces termes : « Que ne pardonnes-tu mon péché, et que n’oublies-tu mon iniquité ? » Job 7 :21 Job est donc lucide sur sa condition de pécheur, maissi Job se déclare innocent, c’est  bien en regard direct des malheurs qui l’ont récemment foudroyé

Examinons maintenant sa réponse à Eliphaz.

Job dit : « Oh ! S’il était possible de peser ma douleur, et si toutes mes calamités étaient sur une balance, elles seraient plus pesantes que le sable de la mer ; voilà pourquoi mes paroles vont jusqu’à la folie ! » ou « mes paroles sont inconsidérées. » Job 6 :1-3 (Version N.B.S. note : sont inconsidérées : même verbe en Pr. 20.25. Certains comprennent toutefois : mes paroles  s’étouffent, c.-à-d. je suffoque, je ne peux plus parler)

Une fois de plus, Job exprime son ressenti face à cette douleur tenace qui l’entraîne aux frontières de la folie. S’il s’exprime ainsi, c’est qu’il a plus besoin de compassion que de reproches, surtout de la part de son ami.

Sa douleur est à ce point vive, qu’il en a perdu l’équilibre. C’est tout son raisonnement et sa confiance en Dieu qui sont ébranlés. Toute forme de résilience semble avoir disparu. Sa relation à Dieu est comme une outre percée. Dieu serait-il différent de ce qu’il avait compris ? L’image qu’il s’en était faite serait-elle en péril ?

L’apôtre Paul en homme d’expérience rappelle : «  Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! » 1 Corinthiens 10 :12  

La puissance d’érosion de la souffrance peut ébranler le meilleur des hommes.

D’ ou l’exclamation de Job : « Ah ! qui me donnera que ma demande soit agréée et mon espoir réalisé par Dieu ? » Job 6 :8 (Version Rabbinat français)

Cet appel jaillit du très fond du cœur de Job. Qui entendra sa demande ? Une demande qui ne sort pas du bout des lèvres, mais du très fond de lui-même.

Cette demande démontre qu’au-delà de la souffrance, Job espère encore en l’Eternel. Par delà sa déraison (Cf. Job 6 : 3), il exprime son profond désir d’une intervention de Dieu. Il attend que Dieu exauce son attente.

N’est-ce le propre de l’homme de foi que d’être dans ce positionnement ? N’avons-nous pas à espérer contre toute espérance, et en toute circonstance et sans condition ? (Cf. Romains 4 :18)

Toutefois, Job est toujours convaincu que Dieu est à l’origine des malheurs qui le frappent. A-t-il vraiment tort, si l’on pense que Dieu est Tout-Puissant, et qu’il a la maîtrise de toutes choses ?

Il est vrai que nous avons maintenant avec le Nouveau Testament des éléments de réponses (Cf. 1 Corinthiens 10 : 13), mais en son temps Job en était démuni.

Dans cette tourmente, il ne reste plus à Job que sa conscience. Il est convaincu : « Jamais je n’ai transgressé les ordres du Saint » Job 6 : 10 «  De n’avoir pas renié les paroles du Très-Haut » (idem, version du R.F.).

Une fois de plus, Job clame son innocence et souligne sa fidélité à Dieu. Mais il est aussi conscient de ses limites, il n’a plus de force pour lutter. Il attend une grâce. Sans elle, sa fin est inéluctable. Il n’est plus sûr de pouvoir supporter plus longtemps.

Il interroge : «  N’est-il pas vrai que je suis privé de tout secours, et que tout espoir de salut m’est arraché ? » Job 6 :13 (Version R.F.)

Job veut souligner que c’est le fait d’avoir été dépourvu de tout secours qui justifie ses plaintes jusqu’à la déraison. Par là, il reconnaît que la solution n’est pas en lui-même. Elle lui est extérieure, et en Dieu seul.

N’est-ce  pas aussi notre condition face aux épreuves de l’existence ? La foi n’est-elle pas prise de conscience que la vraie solution n’est qu’en Dieu seul ? Pourquoi l’humain cherche-t-il à tout vouloir maîtriser au point de s’en rendre malade ?

 

En procédant par contraste, Job va démontrer le coté fragile du secours des ses amis.

Il utilise pour cela des mots forts : « Mes frères m’ont trahi comme un oued, comme le lit des oueds qui disparaissent » Job 6 :15 (Version N.B.S.)D’autres versions traduisent : « Mes amis sont perfides » (Versions Segond, R.F)

Pour avoir vécu 20 ans en Algérie, je connais bien les caractéristiques des oueds. Ils sont chargés d’eau en hiver, et à secs en été. C’est donc quand on a le plus besoin d’eau, à la période la plus chaude, que l’oued est à sec…

Cette métaphore illustre bien les sentiments de Job pour ses amis. « Viennent les chaleurs, et ils tarissent » Job 6 :17

Job s’attendait au soutien de ses amis, il le dit lui-même : « celui qui souffre a droit à la compassion de son ami » Job 6 :14 ou « A celui qui se consume de chagrin devrait aller la sympathie de ses amis, eût-il renoncé à la crainte de Dieu » (Version R.F)

Job ne quémande pas la pitié. Il attend simplement d’Eliphaz qu’il comprenne son désarroi, et qu’il écoute ce qu’il tient à exprimer. A contre-voie, Job ne dénonce-t-il pas les faux semblants de l’amitié ? Celle qui prétend avoir la même foi, la même espérance ? Cette pseudo amitié qui est plus dans le jugement que dans l’empathie ? 

Job exprime sa profonde déception. Elle pose la question de la vraie relation durable. Cette dernière doit rester inconditionnelle du choix de l’ami, même s’il ne reconnaît plus l’autorité de Dieu ou même s’en écarte. L’auteur des Proverbes dit «  L’ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère. » Proverbe 17 :17

Ailleurs, l’apôtre Jean questionne à son tour : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? » 1 Jean 4 :20

 

Job va revenir sur la trahison de son ami. Elle se surajoute à son sentiment d’abandon. Il parait très affecté. C’est pourquoi,il utilise l’image des caravanes qui passent sans se préoccuper du reste, sans dévier de leur route. Job va conclure par une phrase forte  : « Ainsi, vous êtes comme si vous n’existiez pas ; vous voyez mon angoisse, et vous en avez horreur ! » Job 6 : 21

Quelles leçons devrions tirer de cette histoire ? Faut-il apprendre à ne compter que sur soi ? Comment concilier le besoin de se confier, avec la nécessité d’assumer son présent et son devenir ? Comment faire pour que l’amitié soit un plus et non un moins ? Par ailleurs, comment tester son degré de résilience ? Comment développer une foi qui se décline avec des convictions fortes ?

A chacun sa réponse dans la méditation de la Parole de Dieu … Mais, revenons à Job… 

 

La grande question qui le taraude est «  Faites-moi comprendre en quoi j’ai péché » Job 6 : 24 ou « explique-moi en quoi j’ai erré » (Version R.F.) ou « Faites-moi comprendre en quoi je me suis égaré » (Version N.B.S.) ou «  Expliquez-moi en quoi j’ai commis une erreur. » (Version T.O.B.)

Job cherche en vain à trouver une explication satisfaisante à son présent malheur. Les critiques et remontrances d’ Eliphaz ne lui servent à rien. Il se positionne comme un désespéré à qui on ne prête pas attention. Il se sent accablé comme un orphelin, et persécuté par ses amis. Il les appelle à se ressaisir, à n’être point injustes, et à reconnaître son innocence. Car, il arrive encore à discerner le mal. Job demeure malgré tout très lucide sur sa situation. Sa déraison n’est donc qu’apparente ! (Cf. Job 6 :25-30)

Toute cette tirade pose encore la question du jugement de notre entourage sur nos comportements ou du poids du regard des autres sur nos vies… Qui ne s’est jamais senti incompris, isolé, marginalisé, étiqueté, jugé sévèrement, même par des amis ?

Il est vrai que la sagesse, vers laquelle nous tendons, nous indique que le moment est important quand on veut reprendre quelqu’un. Il faut le faire quand on présume que les remontrances ne le rendront pas pire, mais meilleur. Le Christ excellait en la matière. Nous mettre à son école s’impose, surtout quand nous sommes en relation de tension. Ce qui est remarquable, c’est que Job ne capitule pas dans sa recherche de la vérité. Quand il dit : «  vous aurai-je menti ? » Job 6 : 28  cela signifie qu’il se situe toujours sur la voie du vrai. Cependant, constatant qu’il ne peut être entendu, Job va élargir le débat et disserter plus largement sur la condition humaine.

  «  C’est un combat que la vie de l’homme sur terre; et journées de mercenaire sont ses jours. L’esclave cherche l’ombre et comme le mercenaire attend la fin de son travail. J’ai eu des mois creux et ai compté des nuits d’insomnie. Si je me mets au lit je dis: quand me lèverai-je? Et de nouveau j’attends le soir. Et je serai rempli de souffrances jusqu’aux ténèbres. »Job 7 :1-4  Ainsi traduit Saint Thomas d’Aquin, docteur de l’Eglise. (Traduction à partir de la Vulgate. La Vulgate est une traduction latine des textes hébreux de l’ A.T., effectuée par Saint Jérôme au 4è s. L’Eglise catholique romaine l’a reconnue en 1546, lors du concile de Trente)

Job compare le sort de l’homme à un soldat en mission. Suivant par qui il est dirigé la finalité peut être soit la victoire, soit la défaite. Il utilise ensuite l’image du mercenaire. Généralement les objectifs sont à cours termes. Les deux illustrations suggèrent : soit l’idée d’un combat avec une capacité de résister et de surmonter les obstacles, soit l’idée de saisir les opportunités pour réaliser un objectif. «  L’homme sur  terre a une corvée de soldat, ses jours sont comme les jours d’un mercenaire. » (Version du Rabbinat français)  Mais quand on est engagé, on s’attend à la reconnaissance de ses chefs. De même l’esclave s’attend à un brin de considération, l’ouvrier attend aussi son salaire. Autrement dit,  l’homme attend un retour de Dieu sur investissement de sa personne. N’a-t-il pas bien placé sa confiance en Dieu ?  La pensée populaire traditionnelle répondrait : Oui ! bien sûr !

Or, là, avec Job cette conception est mise à mal, car elle n’est ni vérifiée, ni vérifiable.  

Job constate que sa fidélité est « récompensée » par la douleur et la souffrance. La démonstration d’ Eliphaz selon laquelle, le fidèle est béni et le transgresseur puni, ne tient plus. Voyant qu’il n’a plus d’explication satisfaisante, Job aspire à voir sa vie se terminer au plus vite, d’autant que son corps « se couvre de vers et d’une croûte terreuse. » (Cf. Job 7 :5)

On comprend dès lors qu’il ait perdu tout espoir. Dans ce noir désir, le lumignon qui fume encore, esquisse une demande à Dieu : « Souviens-toi que ma vie est un souffle… » Job 7 : 7. Cette expression n’est pas sans nous remettre en mémoire la demande du larron sur la croix. S’adressant à Jésus, il dit : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. » Luc 23 : 42

Mais, comme le balancier d’une horloge, Job se recentre sur sa triste condition et interpelle encore son Dieu. C’est un vrai combat contre la vermine qui le ronge, mais aussi contre lui-même. Lancinant combat : « Mon âme souhaite une fin violente, préférant le trépas à ce corps misérable » Job 7 : 15

 

Cette réaction bien humaine nous force : soit à regarder au-delà de l’épreuve et faire acte de foi, soit à démissionner et souhaiter la mort.

Trop souvent, nous oublions que la vie est un âpre combat, jonché de mines très personnelles. Le parcours du combattant n’est pas toujours une partie de plaisir.

De cette observation, il ressort qu’il est fondamental de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on combat. Le Christ nous a montré qu’il ne fallait pas s’attendre à être épargné par les difficultés. « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous… S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi… Vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira : vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie » Jean 15 : 18,20 ; 16 :20. Les chrétiens n’en font-ils pas l’expérience partout dans le monde ?

L’apôtre Paul a aussi déclaré : « Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes » 1 Corinthiens 15 : 19

L’apôtre Jacques encore : « Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l’ épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre… » Jacques 1 : 2-4

Pour terminer, citons encore l’apôtre Pierre : «  C’est là ce qui fait votre joie, quoique maintenant, puisqu’il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l’épreuve de votre foi, plus précieuse que l’or périssable (qui cependant est éprouvé par le feu), ait pour résultat la louange et l’honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. » 1 Pierre 1 : 6-7

 

Job conclue son intervention sous la forme d’une prière. Il interpelle son Dieu.  

« Epargne-moi, Seigneur, mes jours en effet sont néant.  Qu'est-ce que l'homme, pour que tu en fasses tant d'estime, que tu daignes t'occuper de lui, que tu le visites chaque matin, et qu'à chaque instant tu l'éprouves ? Quand cesseras-tu d'avoir le regard sur moi ? Quand me laisseras-tu le temps d'avaler ma salive ? Si j'ai péché, que puis-je te faire, ô Gardien des hommes ? Pourquoi me mettre en butte à tes traits, et me rendre à charge à moi-même ? Que ne pardonnes-tu mon offense ? Que n'oublies-tu mon iniquité? Car bientôt je dormirai dans la poussière; tu me chercheras, et je ne serai plus. » (Cf. Job 7 : 16-21, version de Saint Thomas d’Aquin)

 

Conclusion :

 

Cette réponse de Job à Eliphaz nous rappelle que nous avons à assumer nos choix, même si nous sommes incompris, voire moqués. Elle nous prévient encore de la fragilité des amitiés humaines, pourtant si nécessaires. Elle nous recadre dans la réalité d’un parcours du combattant, impossible à éviter. Elle nous démontre que le bien-faire et le bien-être, le mal et le bien, ne sont pas équivalents. Elle justifie, en creux, la justice souveraine de Dieu qui laisse percer une espérance dans sa bonté et son amour pour chacune de ses créatures. A nous d’approfondir toutes choses, et de savoir pour qui ? et pour quoi ? l’on veut bien vivre….

                                                                                        Jacques Eychenne

 

 

 

 

 

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