Job 8ème partie

   Job

    ou         

   L’espérance malgré tout

  

  Job 11-14

  (8ème partie)

 

 

Introduction :

 

Nous avons laissé Job pour le moins perplexe face à la justice de Dieu. Il n’a pas eu de réponse à sa plainte : « ne me condamne pas ! » Job 10 :2. Il sait pourtant que Dieu le juge coupable, et que sa défense parait vaine. Aussi baisse-t-il les bras : « Pourquoi me fatiguer en vain » Job 9 :29. Job aspire au moins à la présence d’un médiateur entre lui et son Dieu. (Cf. Job 9 : 33) Il a besoin d’être entendu et sûrement compris. Il espère malgré tout. Ses réactions désordonnées sont celles d’un humain souffrant et gémissant. A fortiori, la mort qui l’obsède parait être une délivrance. Job est donc au fond du trou. On le serait à moins dans une situation analogue… Nous savons, grâce au prologue de ce livre, que ce n’est pas Dieu est à l’origine de ses souffrances, mais Job l’ignore. Dès lors, on peut comprendre qu’il se trompe sur les intentions de Dieu à son endroit.  Dieu n’est-il pas au dessus de toutes choses !  Job aspire maintenant à la tranquillité, il préfère partir au séjour des morts (Cf. 10 :20-22). C’est ainsi que Job conclue sa réponse à Bildad.

Le troisième ami, Tsophar de Naama, va prendre la parole. Job va-t-il enfin être entendu et compris ?

 

Développement :

 

Tsophar est originaire d’une ville située au sud du territoire donné à Juda, à la frontière d’ Edom (Cf. Josué 15 :21,41) Il est décontenancé par le flot de paroles de Job. La justification de son innocence est pour lui insupportable. Cette démarche d’autojustification semble même le scandaliser. Elle explique ses propos sévères : « Un tel flot de paroles restera-t-il sans réponse ? Tes hâbleries laissent les gens bouche bée, tu railles sans qu’on te fasse honte. Et tu as osé dire : « ma doctrine est irréprochable, et je suis pur à tes yeux ! » Job 11 : 1-4 (Version la T.O.B.) ou encore « Tes vantardises feront-elles taire les gens ? » Job 11 :3 (Version N.B.S) Autre  traduction possible: “bavardages vantards » (Cf. D. Noquet, le livre de Job, éd. Olivétan, p.41). Comme nous le constatons le propos est sévère. Il est vrai que l’assurance de Job a de quoi être déroutante. L’affirmation de sa doctrine irréprochable peut aussi être perçue comme une bouffée d’orgueil… De même son affirmation : « Je suis pur » prête inévitablement à une mauvaise interprétation.

On retrouve là le débat de fond du livre de Job. Est-il innocent ou coupable ? Ses amis déduisent qu’il est coupable à la vue de la photo que Job leur renvoie. Une situation si désespérée ne peut pas être le fait du hasard ! La dégénérescence de son corps est traduite comme l’expression de la justice divine. Or cette dernière est à déconnecter complètement du mal qui le ronge. En réalité, la justice de Dieu est indépendante du mal qui le frappe.  Ceux qui pensent que les maladies sont la conséquence directe de la pratique du péché peuvent revoir leur copie ! Si l’on peut objectivement dire que bien des maux sont la conséquence de nos dérèglements alimentaires et sanitaires, de nombreuses exceptions infirment cette règle.

L’enjeu du problème du mal dépasse notre condition humaine. Job va en être la démonstration. Sur le tas, tout n’est pas explicable, il faut s’en rappeler…

Pour l’heure, Tsophar donne l’impression qu’il est l’interprète de Dieu. Il tient à   dicter à Job la bonne conduite. Son propos est très moraliste. Il n’a pas d’empathie. De surcroît, sa condescendance s’étale : « Te moqueras-tu sans que personne ne te confonde ? » Job 11 :3 (Version N.B.S. En note cette version met : confonde : le verbe hébreu correspondant est traduit par insulter en 19.3 ; 20.3 ; cf. Ez.16 ; 27.)

Autrement dit, Tsophar demande à Job d’arrêter de se moquer du monde, sinon, il ne faudra pas qu’il se plaigne s’il subit des insultes…

De plus, il rappelle à Job que Dieu « connaît les hommes vicieux » ou « Faux » Job 11 :11 (sous-entendu comme lui).

Il lui conseille donc de ne pas se cacher derrière sa souffrance, car Dieu  «  Voit facilement les coupables » Job 11 :11 En langage quelque peu trivial, on pourrait paraphraser les propos de Tsophar en disant : «  Arrête  ton char Job, tu ne vas pas nous berner longtemps, arrête  tes jérémiades, arrête de nous attendrir avec ta souffrance ! Tu crois nous avoir à l’intox ! » 

D’ailleurs, en supposé grand sage Tsophar déclame : « L’homme a l’intelligence d’une tête creuse, l’être humain est né comme le petit d’un âne sauvage » Job 11 :12 (Version N.B.S.) (Sous-entendu, j’espère que tu te reconnais dans mes propos)

Autrement dit, tu as une tête sans cervelle, alors arrête de te conduire comme un jeune bourricot !  De la part d’un ami, ce propos est très réconfortant n’est-ce pas ?

Tsophar poursuit dans ses conseils avisés :

« Pour toi, dirige ton cœur vers Dieu, étends vers lui tes mains, éloigne-toi de l’iniquité, et ne laisse pas habiter l’injustice sous ta tente » Job 11 :13-14

Ce regard implacable de Tsophar, que certains commentateurs considèrent comme étant le plus jeune des trois amis, est sans concession (N’est-ce pas un peu le propre de la jeunesse) En creux, cela veut dire que Job a détourné son cœur de Dieu, qu’il a pratiqué le mal et que l’injustice fait partie de sa conduite même chez lui, sous sa tente.

Le discours de Tsophar se termine comme il a commencé par une recommandation qui sonne comme un glas :

 « Les yeux des méchants seront consumés ; pour eux point de refuge ; la mort, voilà leur espérance ! » Job11 :20

En synthèse, pour confondre leur ami Job, Eliphaz de Théman a utilisé son expérience personnelle et une vision (soi-disant) divine, Bildad de Shuach a manié avec force le poids des traditions, et Tsophar de Naama a employé la puissance de la morale bien faite. On ne peut pas dire que ces amis ont fait dans la dentelle. Le poids moral qu’ils ont exercé sur Job a dû être aussi pesant que sa souffrance.

 

Mais, dans l’instant, voyons ce que va répliquer Job à Tsophar.

« Job prit la parole et dit : On dirait, en vérité, que le genre humain c’est vous, et qu’avec vous  doit mourir la sagesse. J’ai tout aussi bien que vous de l’intelligence, moi, je ne vous suis point inférieur ; et qui ne sait les choses que vous dites ? » Job 12 : 1-3

On perçoit l’agacement de Job. Avec beaucoup d’ironie, il se déclare aussi sage qu’eux. Ils font une triste utilisation de leur piètre sagesse. Leurs arguments ne sont que récitation de préjugés. Ils se croient supérieurs et trônent en bien portants, pourtant leur compréhension de la misère des justes est complètement erronée.

Pour prouver que sa lucidité est toujours d’actualité, Job va décrire la sagesse et la puissance divine dans le monde de la nature (Cf. Job 12 :7-15), et sa gouvernance dans la gestion de l’histoire des hommes (Cf. Job 12 : 16-25).

Ses prétendus amis ont donc tort de vouloir lui faire la leçon, Job connaît, aussi bien, sinon plus qu’eux, toutes les perfections divines « Qui ne reconnaît chez eux la preuve que la main de l’Eternel a fait toutes choses » Job 12 :9

« L’oreille ne discerne-t-elle pas les paroles, comme le palais savoure les aliments ? » Job 12 :11

Cela nous rappelle les paroles de l’apôtre Paul. Il considère que ceux qui ne discernent pas Dieu dans toute sa création sont inexcusables devant lui. (Cf. Romains 1 : 19-23)

Au chapitre 13, Job poursuit sa réfutation des arguments de ses amis en laissant entendre qu’ils veulent se faire les défenseurs appliqués et zélés des intentions de Dieu. Le problème est qu’ils prêtent à Dieu des sentiments qu’il n’a pas pour Job. La méprise est grandiose. Du coup, Job réaffirme sa position, tout en disant que cette conversation ne mène à rien et qu’il préfère s’adresser à Dieu lui-même.

« Tout cela, mon œil l’a vu. Mon oreille l’a entendu et compris. Ce que vous savez, je le sais, moi aussi, je ne vous suis pas inférieur, seulement moi, je vais parler au Puissant, je veux défendre ma cause devant Dieu » Job 13 :1-3

Job veut entrer en discussion avec Dieu. Dans la LXX « Je plaiderai par devant lui, s’il le veut ». Autant dire que devant un tel niveau d’incompréhension (de ses amis) Job préfère s’en remettre à Dieu plutôt qu’aux hommes. (Cf. Actes 4 :19)

Mais avant de clarifier, si possible, sa position, Job va mettre les choses au point. Il affirme que ses amis ne sont que des artisans de mensonges. C’est tout juste s’il ne les traite pas de charlatans et de médecins d’opérette. (Cf. Job13 :4 La T.O.B parle de plâtriers de mensonge et de guérisseurs de néant)

Job n’hésite pas à interpeller vertement ses amis : «  Voulez-vous plaider pour Dieu ? S’il vous sonde, vous approuvera-t-il ? Ou le tromperez-vous comme on trompe un homme ? Certainement il vous condamnera… » Job 13 :8-10

Autrement dit, votre comportement ne correspond à celui d’un ami. Quand Dieu vous sondera, vous serez bien en peine de justifier le rôle que vous vous êtes donnés.

Combien de fois n’avons-nous pas joués le rôle de conseillers exemplaires et de juges avisés ? Il est facile de chorus avec la foule de sages. Seulement, attention ! La majorité ne définit pas, ipso facto, la vérité.

 

Ne trouvant plus ses amis crédibles pour un débat constructif et fructueux, Job décide de s’adresser directement à Dieu, et demande à ses amis de se taire (Cf. Job 13 : 13)

Ne doit-on pas donner la priorité à Dieu en lui confiant nos difficultés ? Et, quand les amis ne sont plus un recours pour nous aider à comprendre nos problèmes, n’est-ce pas une bonne démarche que de se tourner vers Dieu ; ne détient-il pas la solution ?

A l’arrière plan, la question que l’on peut se poser est celle-ci :

Partant du principe que chaque humain doit assumer seul ses choix importants, n’a-t-on pas intérêt à s’adresser directement à Dieu ? Et si notre besoin d’humanité nous fait recourir aux conseils d’amis, n’avons-nous pas à développer le principe de précaution en mettant un bémol sur tout conseil ? Mais revenons à Job…

Avec la même détermination qu’une bête sauvage qui risque tout pour sauver sa vie, Job veut prendre sa vie à pleines dents, quitte à la perdre en osant s’adresser à Dieu.

Cette attitude de joueur de poker qui dit : « tapis ! » (être prêt à tout perdre en un seul coup), devrait au moins interpeller ses amis sur le bien fondé de son innocence.

Si Job est prêt à jouer son va tout, il démontre en contrepartie son indestructible espérance en Dieu. « Quand même il me tuerait, j’espérerais en lui » Job 13 : 15 (Traduction de l’ abbé H. Lesêtre)

 

Puis, Job va demander deux choses. Cette double requête a déjà été exprimée (Cf.9 :34,35), il la réitère. Il veut que Dieu cesse de le briser par la souffrance et qu’il l’appelle ensuite pour un dialogue. « Ah ! de grâce, épargne-moi deux choses et je cesserai de me cacher  devant toi : Ecarte ta main qui pèse sur moi…Interpelle-moi après, et je répondrai… » Job 13 : 20 (version du Rabbinat Français). En fait, ces demandes laissent émerger en filigrane son besoin de retrouver la communion avec son Dieu. C’est ce besoin profond qui alimente sa foi. « Pourquoi dérobes-tu ta face et me prends-tu pour un ennemi ? » (V.24, version du Rabbinat Français)

Même si Job ne comprend pas, il persévère dans la confiance en son Dieu et lui exprime le manque de sa présence. Voilà un magnifique exemple à imiter en toutes circonstances !

Au chapitre suivant, Job s’épanche de nouveau. C’est la complainte du souffrant. Il utilise l’image de l’arbre, laissant entendre que sa longévité est préférable à celle de l’homme, et quand bien même il serait coupé, ses racines vigoureuses le reverdiraient.

Certains ont même vu une allusion au palmier. Il peut subir les pires conditions climatiques, ses racines profondes vont à la recherche de l’eau. Dans le désert, c’est un excellent indicateur de la présence d’une source. Dès qu’il trouve de l’eau, il reverdit.

Et puis Job revient sur le sujet de la mort. Il est vrai que sa misérable condition entretient la permanence du sujet.

« Mais l’homme meurt, et il perd sa force ; l’homme expire, et où est-il ? … Ainsi l’homme se couche et ne se relèvera plus, il ne se réveillera pas tant que les cieux subsisteront, il ne sortira pas de son sommeil… Si l’homme une fois mort pouvait revivre, j’aurais de l’espoir tout le temps de mes souffrances, jusqu’à ce que mon état vienne à changer» Job 14 :10, 12,14

 

Pour Job, il n’existe pas de deuxième chance. Tout se joue ici bas. S’il y avait une autre issue, il la saisirait. Son espérance est dans la confiance en Dieu. Le séjour des morts devient le lieu du possible de son amour, lieu d’attente et surtout d’espérance.

Beaucoup ont traduit que Job espérait dans la résurrection. Il est fort possible que sa foi ait envisagé cette possibilité. Le contenu du verset 12 nous enclin à le comprendre ainsi. L’expression : « Les humains se couchent pour ne plus se relever ; tant que dureront les cieux, ils ne se réveilleront ni ne secoueront leur sommeil » (Version du Rabbinat Français) ne permet pas d’envisager l’idée d’une seconde vie sur terre ou ailleurs. Les termes hébreux parlent bien de sommeil et de réveil. Les verbes éveiller et réveiller (à la forme pronominale) sont bien présents dans le texte original. Ce n’est donc pas fortuit si Jésus, très versé dans la connaissance des rouleaux des prophètes, utilisera les mêmes termes pour désigner la mort et la      résurrection. (Cf. Jean 11 : 11—14, 23-27)

 

Avant Job, Abraham n’a-t-il pas eu la même démarche de foi ?

« C’est par la foi qu’ Abraham offrit Isaac, lorsqu’il fut mis à l’ épreuve, et qu’il offrit son fils unique, lui qui avait reçu les promesses, et à qui il avait été dit : En Isaac sera nommée pour toi une postérité. Il pensait que Dieu est puissant, même pour ressusciter les morts, aussi, dans une sorte de préfiguration, il retrouva son fils. » Hébreux 11 :17-19

Assurément pour les héros de la foi, cette vie n’est qu’une étape vers la destination finale : celle du royaume éternel de Dieu.

(Rappel : La notion de l’immortalité de l’âme est d’origine païenne. Elle a été développée, avec une présentation dualiste (corps-âme), d’abord par Socrate et puis, surtout, par Platon. Bibliquement, ne peut-on pas trouver très troublant que les mots : âme (environ 873 fois utilisés) et esprit (idem 827), qui sont cités dans la Bible, ne sont JAMAIS accompagnés de l’adjectif immortel. Dans nos versions, cet adjectif ne se trouve mentionné que dans 1 Timothée 1 :17 où il est appliqué à Dieu. Dès lors, est-il si absurde de penser que l’explication la plus plausible semble indiquer que cette doctrine ait émergé pour apaiser les angoisses existentielles -bien compréhensibles- de l’humain ? )

La Bible annotée, dans son commentaire sur Job 14 :13, mentionne : « S’il y avait après la mort une vie pendant laquelle on pût jouir de nouveau de la faveur divine, Job supporterait ses maux actuels. Mais c’est là un espoir trompeur. » La foi en la résurrection a été la consolation suprême de tous les disciples de Jésus-Christ…

 

Conclusion :

 

Le livre de Job répond à plusieurs grandes questions des humains. Elles trouveront leur réponse en Jésus-Christ, l’envoyé du Père.

1) Le besoin d’entrer en contact avec Dieu, faisant suite au besoin de Dieu : La venue du Christ sur terre éclairera d’un nouveau jour ce besoin naturel. Le Christ vient nous révéler le Père. (Cf. Jean 5 :43, 8 :42, 16 :28-30)

2) Le besoin d’être justifié, c.à.d, en termes simples, accueilli par le Père. Christ répondra à l’attente de nos cœurs (Cf. Romains 3 : 23-24 ; 1 Corinthiens 6 : 11)

3) Le besoin d’éternité, le vivre avec, en dehors du temps. Là encore, Jésus apportera la réponse (Cf. Jean 3 :15-16)

Ne nous lassons pas de nous pencher sur le témoignage de Job, il est porteur de bonnes surprises…                              

 

                                                                                      Jacques Eychenne

 

 

 

 

 

 

 

 

          

 

 

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