La vocation de Lévi-Matthieu

 

 

 

La vocation de Lévi-Matthieu

        Matthieu 9 :9 ; 10 : 3

              Luc 5 : 27-32

             Marc 2 : 13-17

 

Introduction :

 

La première fois que Matthieu est cité dans l’évangile qui porte son nom, c’est en lien direct avec sa vocation (cf. Matthieu 9 : 9). Or, dans les textes parallèles ci-dessus mentionnés, il est aussi nommé Lévi. Il s’agit pourtant du même personnage, car les trois récits évangéliques se ressemblent, tant sur le fond que sur la forme. De plus, le contexte du parcours du Seigneur est le même. Les trois Evangiles parlent du même miracle qui a précédé la vocation de Matthieu : la guérison du paralytique de Capharnaüm ou Capernaüm. Il est fort probable qu’à l’heure de son appel à suivre Jésus, Matthieu était connu  sous le nom juif de Lévi (l’évangile de Marc, le plus ancien, le nomme ainsi, Marc 2 : 14). Comme pour d’autres apôtres (cf. Simon appelé Pierre, Matthieu 4 : 18 ; Jean 1 : 42 ; Thomas appelé Didyme Jean 11 : 16) Jésus lui a donné le nom nouveau de Matthieu (nom qui vient de l’hébreu Mattatyah qui signifie : don de Yahvé). Lévi-Matthieu, juif d’origine, était fils d’Alphée (cf. Marc 2 : 14, père bien connu époux de l’une des Marie et père de Jacques le Mineur et de Joses, Matthieu 10 :3 ; Marc 15 : 40, toute la famille semble s’être engagée à suivre Jésus. A quel moment ? L’appel de Matthieu a-t-il été l’élément déclencheur ? Cela n’est pas dit). Matthieu était publicain. Jésus le rencontre sur la route à un poste de péage. Très certainement dans sa ville natale de Capernaüm. L’appel du Christ est en premier une invitation à le suivre. La notion d’apostolat s’imposera par la suite. Matthieu fera partie de la liste des apôtres choisis par Jésus (cf. Matthieu 10 : 2 ; Marc 3 : 16 ; Luc 6 : 13 ; 8 : 2).

 

Développement :

 

« Jésus sortit de nouveau du côté de la mer. Toute la foule venait à lui, et il les enseignait. En passant, il vit Lévi, fils d'Alphée, assis au bureau des péages. Il lui dit : Suis-moi. Lévi se leva, et le suivit. » Marc 2 : 13-14, version Nouvelle Edition de Genève.

 

L’appel de Matthieu fait partie des choix surprenants du Seigneur Jésus car Matthieu était collecteur d’impôts. Ces derniers étaient haïs de la population. Ils étaient sous la direction des autorités romaines. Ils collectaient des impôts indirects sur toutes les marchandises qui sortaient ou entraient dans une ville ou dans une circonscription. Ce contrôle était sous la supervision d’un chef des péages, mandaté par le pouvoir romain. Ici, nous sommes dans une circonscription sous la juridiction d’Hérode Antipas. Il gouvernait la Galilée. Ces péagers ne reculaient généralement pas devant des exactions ou malversations, car le poste dégageait des profits juteux. Le nom de publicain exprimait le mépris que pouvait ressentir la population locale. Elle ne supportait pas ces traîtres au service de l’occupant. Falsificateurs éhontés, ils se faisaient du « fric » sur son dos…

Le choix du Seigneur est donc provocateur ou tout au moins déroutant. Ce ne sera pas le dernier. L’apôtre Paul parlant de ces choix qui nous surprennent et nous dérangent écrira :

« mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes ; et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire au néant celles qui sont, afin que personne ne se glorifie devant Dieu. » 1 Corinthiens 1  : 27-29, version NEG. Disons d’emblée que les choix du Seigneur confondent les raisonnements humains. Ils ont pour objet de nous faire progresser en nous faisant déserter les jugements communs, ordinaires et superficiels.

 

Jésus dit à Matthieu : «  suis moi et se levant, il le suivit. »v.14. Là encore notre entendement est pris à revers. Comment sur une seule parole peut-on tout laisser sur-le- champ et partir ? Comment accepter que Matthieu quitte travail, famille et confort pour s’aventurer sur une voie inconnue ? N’est-ce pas un peu fou ou tout au moins déraisonnable ? Mais c’est précisément l’aventure de la foi à laquelle nous sommes tous appelés.

Dès lors comment comprendre l’injonction de Jésus et le choix de Matthieu ?

Le choix du Seigneur est une invitation à dépasser les apparences. Jésus vit au très fond de son cœur que ce péager, repoussé par la populace n’avait pas les sentiments qu’on voulait lui prêter. Jésus anticipa les aptitudes et qualités qu’il avait décelées en lui. Son appel traduit la clairvoyance du Seigneur. Il voyait par avance le rôle important que pouvait tenir cet homme dans son projet d’ensemencer le monde juif  de sa bonne nouvelle. Il a pu lire en lui ce qui ne paraissait pas : une grande insatisfaction d’être à ce poste et un profond désir de changement.

L’immédiateté de la réponse de Matthieu nous en dit long sur le moment de son appel. On peut aisément supposer que Matthieu, placé à un endroit stratégique des communications avait sur Jésus toutes les informations le concernant. Peut-être même que dans son cœur germait le désir de le rencontrer. Il est à peu près certain que l’appel du Seigneur coïncide parfaitement avec son insatisfaction d’occuper ce poste et son désir de changement (cela ne devait pas être simple d’être honni chaque jour par la foule, même si les taxes financières étaient un profit conséquent).

 

N’est-ce pas une situation qui nous parle ? Même si les objectifs et les circonstances sont évidemment différents, il est un instant privilégié dans la vie de chacun où la grâce divine se pose sur nous. Qu’en faisons-nous ?

 

Matthieu n’a pas demandé un temps de réflexion, car cette dernière avait assurément précédé son engagement. Il ne s’est pas arrêté à la perte considérable de salaire, au regard de sa famille, à l’absence de perspective de son avenir… Il a très certainement éprouvé une très grande joie intérieure : celle d’avoir été honoré par l’appel du Maître. Le renégat à la solde du pouvoir romain devient l’élu du Seigneur. L’invitation à le suivre n’est pour lui que bonheur, et cela explique la suite du récit biblique. Matthieu est tellement heureux qu’il fait la fête. Il offre à Jésus un grand festin. C’est en son honneur, c’est pour lui qu’il le fait, et dans sa propre maison. Cette nouvelle perspective bouleverse tellement sa vie ! Du coup, il invite une foule nombreuse (dit l’original grec) d’anciens collègues, taxateurs comme lui. D’autres personnes sont aussi invitées, en plus certainement  des membres de sa famille.

 

« Lévi lui donna un grand festin dans sa maison, et beaucoup de publicains et d'autres personnes étaient à table avec eux. » Luc 5 : 29, version NEG.

 

Autant nous avons été surpris par l’appel du Seigneur, autant la joie qu’exprime Matthieu est belle à voir. Son premier acte missionnaire a été de réunir la grande famille des douaniers, ses anciens collaborateurs du fisc d’antan. Si on ajoute sa famille, ses amis, cela devait faire beaucoup de monde. Tout ce déploiement de festivités a pour unique objet d’honorer Jésus de Nazareth. Il faut croire que le ministère naissant du Seigneur en Galilée a eu un impact considérable ! L’esprit divin soufflant avec puissance, les consciences ont été percutées par ce message frais, novateur, bienfaisant et plein d’espérance.

Non seulement Matthieu n’a pas répondu à l’appel du Seigneur en escomptant une promotion ou une augmentation de salaire, mais, a contrario, il n’a pas hésité à dépenser largement pour ce festin mémorable (cela a dû mobiliser famille, serviteurs, servantes etc. Un grand festin a besoin de beaucoup de petites mains !) Il devait jouir d’une certaine aisance. Il aurait pu réagir avec discrétion, il choisit de justifier son choix par la joie et le partage. Il célèbre son adieu à un emploi sûr, et bien rémunéré, pour entrer à la suite de son Seigneur, sans savoir ce qui l’attend. Sur ce point très précis l’exemple de Matthieu est riche en exhortations pour chacun de nos parcours, surtout en un temps où la reconnaissance se mesure en augmentation de salaire. Mais est-ce le plus important dans une vie ?

La suite du récit était à prévoir ! Le comportement très démonstratif de Lévi-Matthieu ne pouvait que provoquer des réactions négatives. Parmi les conviés, couchés sur des nattes à même le sol, suivant la pratique de l’époque (cf.κατάκειμαι = être couché à table, Luc 5 : 29, Marc 14 : 3), il y avait des scribes et des pharisiens.

 

« Les pharisiens et les scribes murmurèrent, et dirent à ses disciples : pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les gens de mauvaise vie ? Jésus, prenant la parole, leur dit: Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler à la repentance des justes, mais des pécheurs. » Luc 5 : 30-32, version NEG.

 

Les murmures des scribes et pharisiens ont dû casser l’ambiance (γογγύζω = murmurer, récriminer, grogner, Jean 6 : 41, 43, 61). Ont-ils été jaloux de cette démonstration d’affection pour le Seigneur ? Il est vrai que le message du Christ avait de quoi déstabiliser la position de ceux qui étaient reconnus comme religieux !

Cet incident a pour effet de nous rappeler que tout engagement spirituel démonstratif nourrit souvent des réactions vives. En regard de ce constat, on peut induire que tout témoignage spirituel profond a quelque chose de dérangeant pour ceux qui ne sont pas sur la même longueur d’onde. Le Seigneur dans son enseignement avertira ses disciples sur ce sujet afin qu’ils ne soient pas surpris. L’avertissement paraît fort, mais l’histoire humaine l’a confirmé : 

« souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. » Jean 15 : 20, version NEG.

Ici, cette instruction s’adresse en premier à tous ceux qui s’engagent à la suite de Jésus. Tous sont prévenus : il ne faudra donc pas s’étonner des attitudes négatives en réaction au témoignage chrétien ! Le message du Seigneur a quelque chose de subversif qui dérange le commun des mortels. L’apôtre Paul écrira aux chrétiens de Corinthe :

« car la prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent; mais pour nous qui sommes sauvés elle est une puissance de Dieu. »  1 Corinthiens 1 : 18, version NEG.

La réponse du Seigneur aux scribes et aux pharisiens fut pertinente :

« Jésus les ayant entendu leur dit : Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez, et apprenez ce que signifie: Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices. Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. » Matthieu 9 : 12-13, version NEG.

Tout le débat de fond avec les autorités religieuses de l’époque est là, posé dès le début du ministère du Christ. Que nous dit-il ?

 

Les bien portants, ou plus précisément ceux qui se considèrent comme tels, n’ont effectivement pas besoin de médecin. Seuls les mal-portants font appel à lui. Le Christ, le grand médecin interpellent ici les scribes et pharisiens qui se considéraient comme justes devant Dieu. Ils ne comprenaient pas que le Seigneur puisse fréquenter les gens de mauvaise vie. Ce reproche reviendra à plusieurs reprises et Matthieu sera le seul à reproduire les paroles du Seigneur :

« Je vous le dis en vérité, les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n'avez pas cru en lui. Mais les publicains et les prostituées ont cru en lui; et vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas ensuite repentis pour croire en lui. » Matthieu 21 : 31-32, version NEG.

De même, l’évangéliste Matthieu est le seul à préciser que le Christ prend plaisir à déceler les vrais sentiments d’amour qui demeurent dans le cœur des hommes (« Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices »). En opposition, il abhorre les sacrifices, ces rituels dépouillés de tout sentiment. Le Seigneur parle du fond de la relation à Dieu. Les scribes et pharisiens mettaient surtout l’accent sur les formes et la tradition. Cela induit le fait que certaines pratiques, dites religieuses, peuvent être contraires à la foi. Reconnaissons qu’il est plus facile de se rassurer avec les formes d’une pratique religieuse, plutôt que de s’investir dans une relation spirituelle profonde avec Dieu et son prochain !

Matthieu prend soin de nous rappeler les mots du Seigneur : « je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. »  Matthieu 9 : 13, version NEG. Il est évident que ceux qui s’estiment justes, ceux qui ne se sentent pas malades n’ont effectivement besoin d’aucune aide de personne. Le Christ est venu chercher les insatisfaits, ceux qui cherchent un chemin de vie en tâtonnant, ceux qui prennent conscience de leur vraie nature désordonnée. Ceux qui aspirent à une autre dimension de vie… C’est pour eux que Jésus de Nazareth a foulé le chemin qui l’a conduit à Golgotha.

 

Conclusion :

 

Cette vocation de Matthieu nous dit tout sur la puissance d’un appel lancé par le Christ. Sa force de transformation d’une situation et d’un cœur est incroyable. D’un Matthieu méprisé et sans cesse invectivé comme profiteur le Seigneur l’a conduit à un déplacement. Il l’a fait cheminer d’une situation de disciple à celle d’apôtre. Matthieu a accompagné son Maître tout au long de sa vie publique et de sa passion. Il reçut pour mission d’écrire ce qu’il avait vu et entendu pour réveiller en premier le peuple juif. Il reçut le Saint-Esprit à la Pentecôte, et il demeura à Jérusalem avec les autres apôtres jusqu’aux jours de la dispersion. Il nous laisse ce qu’il a découvert de plus précieux : le récit des faits et gestes de Jésus de Nazareth.

Le récit de sa propre vocation souligne les  quatre étapes successives et incontournables qui balisent le chemin du chrétien :

  1. Entendre l’appel de Dieu afin qu’il entre en résonance avec notre être profond. C’est se relever, se mettre debout en position de marche.
  2. Quitter sa situation, c’est moins aujourd’hui abandonner son travail, que de se départir de tous ces encombrants qui nuisent à notre épanouissement.
  3. Suivre, c’est accepter de marcher sur la voie de liberté que le Seigneur a inaugurée pour notre plus grand  bonheur. C’est délaisser un état de fixité, d’immobilisme et peut-être de confort pour oser vivre. La vie n’est-elle pas mouvement ?
  4. Servir et aimer, c’est l’apprentissage incontournable qui mène à la dimension de l’éternité. C’est vouloir faire ce premier pas avec l’assurance d’être accompagné par le Seigneur. L’important n’est pas d’être bien portant, mais de se reconnaître malade. L’important n’est pas de savoir d’où l’on vient, mais où l’on va. Jésus, avant de quitter ce monde, nous a transmis une promesse réconfortante.

Matthieu est le seul à conclure son évangile par ces mots : littéralement du grec  « et voici, moi avec vous, je suis tous les jours jusqu’à l’achèvement du siècle. » ou selon la belle version de Jérusalem : « et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde. » Matthieu 28  : 20.

                                                                            Jacques Eychenne

 

 

 

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