La bénédiction et la malédiction

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      La Bénédiction

              ou

    la malédiction

 Deutéronome 30 : 1-20

 

Introduction :

 

Le livre du Deutéronome nous immerge dans une histoire qui situe le peuple hébreu aux portes de la terre promise. C’est un moment solennel et émouvant. Moïse est devant son dernier défi : préparer son peuple à entrer au pays de Canaan. Bientôt, il montera sur le mont Nébo pour contempler la terre promise (de loin) et y mourir à l’âge de 120 ans (cf. Deutéronome 34). Pour le peuple Hébreu, c’est la dernière ligne droite avant d’entrer en possession de cette terre tant bercée dans ses rêves. Son désir de pouvoir enfin s’installer en territoire sécurisé est facilement compréhensible. Il résulte du contraste avec cette longue et pénible errance de 40 années dans le désert.

 

Mais avant d’aborder le contenu du début du chapitre 30 du Deutéronome, il convient de prendre certaines précautions. Autant le mot de bénédiction sonne juste dans notre compréhension de Dieu, autant le mot de malédiction semble inapproprié. Il peut même paraître choquant. Rappelons-nous que la révélation a transité par des hommes qui ont mis avec leur mot ce qu’il percevait de Dieu. La réalité va bien au-delà de ce que nous pouvons en comprendre. Toutefois, une des façons de respecter le texte, et donc de ne pas édulcorer sa réalité, est de le regarder au travers du prisme de l’amour parfait et indéfinissable de Yawé-Adonai. Nous allons donc essayer de décoder le message de l’opposition entre la bénédiction et la malédiction.

 

Développement :

 

Le passage de l’esclavage d’Egypte à l’errance au désert, nous laisse entrevoir symboliquement l’accession d’un peuple à sa maturité. Le peuple va pouvoir se gérer sur une terre bien à lui. C’est le moment des dernières recommandations de Dieu, transmises fidèlement par son serviteur Moïse.

Face à son destin, le peuple doit prendre en compte le contrat que Dieu lui propose. Après l’alliance en Eden (cf. Genèse 2 :16 ; 3 :15), après l’alliance avec Noé (cf. Genèse 9 : 16), après l’alliance avec Abraham (cf. Genèse 12 : 2) après l’alliance au Sinaï (cf. Genèse 19 : 5), voici la cinquième alliance avant l’entrée en Canaan. Israël, (parvenu à l’âge adulte) est placé devant un choix crucial pour son devenir. Ce chapitre est d’ailleurs constamment interprété par les Juifs comme définissant prophétiquement son avenir. La fin de l’errance après la sortie de l’exil en Egypte, la prise de possession d’une terre, le rassemblement d’un peuple autour de ce projet, tout cela est lu dans les synagogues dans une perspective messianique.

Abordons maintenant le détail du texte :

« Lorsque toutes ces choses t'arriveront, la bénédiction et la malédiction que je mets devant toi, si tu les prends à cœur au milieu de toutes les nations chez lesquelles l'Éternel, ton Dieu, t'aura chassé, si tu reviens à l'Éternel, ton Dieu, et si tu obéis à sa voix de tout ton cœur et de toute ton âme, toi et tes enfants, selon tout ce que je te prescris aujourd'hui, alors l'Éternel, ton Dieu, ramènera tes captifs et aura compassion de toi, il te rassemblera encore du milieu de tous les peuples chez lesquels l'Éternel, ton Dieu, t'aura dispersé. » Deutéronome 30 : 1-3 (c’est moi qui souligne !)

Ce texte présente prophétiquement le parcours chaotique et douloureux de ce peuple d’Israël, peuple à la fois choisi et rebelle. La bénédiction et la malédiction se conjuguent ensemble dans son histoire. Rappelons que le mot hébreu berakah traduit par bénédiction, indique la provenance du bienfait. Pour celui qui le reçoit, il est source de prospérité, il est don et langage de paix, il est gloire et louange de Dieu.

En opposition, le mot hébreu qelalah  traduit par malédiction, recouvre aussi l’idée de diffamation, d’imprécation, de calomnie et d’exécration. C’est un mot fort, chargé.

Comment faut-il entendre ces mots dans la bouche de Dieu. Moïse traduit la révélation qu’il a reçue en la plaçant dans un cadre précis. Le contexte immédiat dit ceci :

« Les choses cachées sont à l'Éternel, notre Dieu; les choses révélées sont à nous et à nos enfants, à perpétuité, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi. » Deutéronome 29:29 

 

Ce passage nous dit que la transcendance divine a la maîtrise de l’histoire. L’avenir appartient à Dieu ; il embrasse le passé, le présent, l’avenir. Dieu est hors du temps. La conscience humaine est impuissante à  appréhender cette réalité. Ce qui est voilé à nos yeux, ce qui appartient à Dieu, c’est précisément ce que Dieu veut révéler à ses créatures progressivement et pédagogiquement. Le sens du mot révélation est en grec Αποκάλυψις. Il a été traduit en français par le mot apocalypse. L’apocalypse n’est nullement une série de catastrophes. L ‘apocalypse traduit l’intention d’un chercheur qui cherche à découvrir ce qu’il y a derrière un voile. (Pour illustrer, disons que nous sommes dans l’ambiance d’un l’Indiana Jones spirituel, le chercheur de trésor. Voilà pourquoi, Dieu se laisse découvrir par ceux qui le cherchent vraiment. Esaïe 55 : 6 ; Jérémie 29 : 13)

Le but des paroles qui nous sont révélées visent une mise en pratique. Le générique de ce que nous devons suivre, si nous adhérons au projet divin est : « les paroles de la loi » (la Thora). La cinquième alliance rappelle les deux alternatives possibles. Le contexte est clair : soit obéir à la Thora qui est langage de vie, de sécurité, de paix et d’amour, soit la nier, la refuser.

Il nous faut donc comprendre les mots de bénédiction et de malédiction dans ce contexte précis. C’est parce que Dieu connaît toutes les velléités de notre cœur, qu’il nous dit en d’autres termes : «  lorsque tu prendras connaissance que la bénédiction et la malédiction peuvent se côtoyer en toi, souviens-toi de la bonté de Dieu. »

 

De nouveau, dans ce texte (cf. Deutéronome 30 : 1), Dieu donne à l’homme la possibilité de se repositionner face à son projet. Dieu invite chacun à repenser et approfondir son positionnement. Les diverses traductions mettent en avant cette réalité.

 

« Et quand arriveront sur toi toutes ces choses, la bénédiction et la malédiction que j'avais mises devant toi, alors tu réfléchiras parmi toutes les nations où le SEIGNEUR ton Dieu t'aura emmené » version T.O.B  

« Lorsque toutes ces choses t'arriveront, la bénédiction et la malédiction que je mets devant toi, si tu les prends à cœur au milieu de toutes les nations chez lesquelles l'Éternel, ton Dieu, t'aura chassé ». Version Segond 1910

« Lorsque toutes ces paroles se seront réalisées pour toi, cette bénédiction et cette malédiction que je t'ai proposées, si tu les médites en ton cœur, parmi toutes les nations où Yahvé ton Dieu t'aura fait errer ». version bible de Jérusalem

« Et lorsque toutes ces choses que j'ai mises devant toi seront venues sur toi, la bénédiction et la malédiction, et lorsque tu les auras rappelées dans ton cœur, parmi toutes les nations où l'Éternel, ton Dieu, t'aura chassé » version Darby

André Chouraqui traduit « retourne-les en ton cœur »

Dieu invite son peuple à se souvenir, de la douloureuse situation d’esclave dans laquelle il se trouvait en Egypte, de la douloureuse traversée du désert et de son errance meurtrière, pour se ressaisir.

 

Le texte interpelle et invite chaque Hébreu à un double retour :

-     Le retour sur soi.

-     Le retour vers Yaweh Adonaï.

 

1)  Le retour sur soi : Dieu refuse de reconnaître l’amnésie (Il faut que chacun tire les leçons de ses égarements). Le problème est moins de les avoir vécus que de les nier ou de ne pas en tirer profit. Dans l’original hébreu, il est question de prendre conscience de son parcours par le cœur. Il est donc bien question d’une relation entre Dieu et l’homme.

Ce n’était certes pas facile de comprendre la signification de tout un parcours de souffrances. Il semble incompatible à première vue, voire à courte vue, avec la bonté de Dieu. Reste à savoir pourquoi Dieu l’a permis ! (méfions-nous de nos appréciations à l’emporte-pièce !)

Pourtant, la possibilité de choix a toujours été énoncée simplement. L’alternative a toujours été une question de confiance. (La loi n’est que la traduction concrète d’un bien-vivre ensemble). Pédagogiquement, il était impensable que la transgression de la loi reste sans conséquences. Même de nos jours, dire que l’on peut violer impunément la loi est une ineptie. Elle est une garantie pour la sécurité et le bien-vivre ensemble. Sur un plan spirituel, pouvait-il en être autrement ? Voilà pourquoi la bénédiction et la malédiction, autrement dit, le bonheur et le malheur sont conjugués ensemble.

La prière de David est éclairante sur ce point. Pour voir plus clair en soi, nous avons besoin d’une aide extérieure. On peut se croire suffisant, mais l’expérience montre qu’il est difficile de trouver seul, en soi, l’harmonie. David l’exprime en ces termes :

« Vois donc si je prends le chemin périlleux, et conduis-moi sur le chemin de toujours » Psaume 139 : 24 version T.O.B

« Regarde si je suis sur une mauvaise voie, Et conduis-moi sur la voie de l'éternité ! » 

Psaume 139 : 24  version L. Segond 1910

 

2)  Le retour vers Yaweh Adonaï : Le retour des paroles de la loi dans le cœur de l’homme, ce retour vers soi, favorise le retour vers Dieu. Quand le chemin de l’homme s’éclaire et devient plus aisé, la voix de Dieu devient plus audible.

Sous le règne d’Ezéchias, juste avant de rétablir la pâque en Israël, ce même roi a déclaré en présence de tous les chefs de Jérusalem rassemblés dans le temple :

« Si vous revenez à l'Éternel, vos frères et vos fils trouveront miséricorde auprès de ceux qui les ont emmenés captifs, et ils reviendront dans ce pays; car l'Éternel, votre Dieu, est compatissant et miséricordieux, et il ne détournera pas sa face de vous, si vous revenez à lui. » 2 Chroniques 30 : 9

De son côté, le prophète Jérémie annonce :

« Revenez, fils apostats! Je veux guérir complètement votre apostasie.» - «Nous voici! nous sommes à toi; oui, c'est toi, le SEIGNEUR notre Dieu! » Jérémie 3 :22 version T.O.B

Les prophètes Ezéchiel, Joël, Zacharie, Malachie ont tous lancé des appels au retour vers Dieu (cf. Ezéchiel 14 :6 , 18 :30 ; Joël 2 :12,13 ; Zacharie 1 :3 ; Malachie 3 :7)

Cet appel à se retourner vers Dieu résonne dans tout l’Ancien Testament et il est relayé dans le Nouveau (cf. 1 Corinthiens 15 : 34)

 

C’est pourquoi le contrat de confiance de la cinquième alliance stipule :

«  Si tu reviens à l'Éternel, ton Dieu, et si tu obéis à sa voix de tout ton cœur et de toute ton âme, toi et tes enfants, selon tout ce que je te prescris aujourd'hui, alors l'Éternel, ton Dieu, ramènera tes captifs et aura compassion de toi, il te rassemblera encore du milieu de tous les peuples chez lesquels l'Éternel, ton Dieu, t'aura dispersé. Quand tu serais exilé à l'autre extrémité du ciel, l'Éternel, ton Dieu, te rassemblera de là, et c'est là qu'il t'ira chercher. L'Éternel, ton Dieu, te ramènera dans le pays que possédaient tes pères, et tu le posséderas; il te fera du bien, et te rendra plus nombreux que tes pères. L'Éternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et le cœur de ta postérité, et tu aimeras l'Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme, afin que tu vives » Deutéronome 30 : 2-6

Notons que cette belle expression (« l’Eternel, ton Dieu, circoncira ton cœur ») est riche en instructions. Elle met en exergue plusieurs aspects importants :

-     Elle nous dit que notre Père céleste souhaite une proximité de relation. Elle nous dit : « je suis ton Dieu, fais-moi confiance, je ne veux que ton bien »

-     Elle nous rappelle que si nous revenons vers Dieu, C’est lui qui prendra l’initiative de circoncire notre cœur. L’expression est suggestive. La circoncision consiste à ôter la chair du prépuce. Ôter la chair pour mettre à nu. Découvrir l’intérieur. Symboliquement, cela signifie que Dieu ôte le charnel qui recouvre le cœur pour le mettre à nu. C’est une opération de vérité (cf. Ezéchiel 36 : 26 ; Galates 6 :7) Cette illustration a pour objet de nous ouvrir à la compréhension d’une relation vraie, personnelle et spirituelle avec Dieu (la circoncision devient signe d’appartenance à Dieu). En réponse, Dieu manifeste sa bonté. Elle est signifiée dans notre texte par l’expression : « L’Eternel, ton Dieu, te comblera de biens en faisant prospérer le travail de tes mains » Deutéronome 30 : 9

De plus, pour nous encourager à adhérer à ce contrat confiance de l’alliance, Dieu nous assure que le contenu de ce contrat est raisonnable et accessible. Il suffit que nous revenions à Dieu « de tout notre cœur et de toute notre âme » idem, v. 10

« Ce commandement que je te prescris aujourd'hui n'est certainement point au-dessus de tes forces et hors de ta portéeC'est une chose, au contraire, qui est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. Vois, je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal. Car je te prescris aujourd'hui d'aimer l'Éternel, ton Dieu, de marcher dans ses voies, et d'observer ses commandements, ses lois et ses ordonnances, afin que tu vives et que tu multiplies, et que l'Éternel, ton Dieu, te bénisse dans le pays dont tu vas entrer en possession…J’en prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre: j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité, pour aimer l'Éternel, ton Dieu, pour obéir à sa voix, et pour t'attacher à lui: car de cela dépendent ta vie et la prolongation de tes jours, et c'est ainsi que tu pourras demeurer dans le pays que l'Éternel a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. » Deutéronome 30 : 11,14-16,19-20 ( c’est toujours moi qui souligne !)

(André Chouraqui traduit : « Oui, cet ordre que je t’ordonne, moi-même, aujourd’hui n’est pas extraordinaire pour toi, il n’est pas lointain. » Deutéronome 30 : 11 et il ajoute dans son commentaire : N’est pas extraordinaire : La racine pala connote une idée d’ « extraordinaire », de « prodigieux », de « réalité singulière ». Ce qui apparaît impossible à l’homme est possible à IHWH-ADONAÎ qui le réalisera, à condition qu’Israël l’entende.) Reprécisons que l’ordre d’aimer ne peut pas être le fait de l’homme, il restera lier au Père dont nous sommes tous issus. Aucun législateur, fût-il le plus grand, ne pourra l’égaler.

 

Conclusion:

 

Le début du chapitre plaçait chaque Hébreu devant une alternative. Soit la bénédiction, soit la malédiction. La fin du chapitre reproduit la nécessité d’un choix en des termes différents. La bénédiction est identifiée à la vie, la malédiction à la mort. Mais dans cette correspondance, c’est toujours le côté positif qui est premier. Il faut donc bien regarder la question de la malédiction ou de la mort au travers du prisme de l’amour de Dieu. Pour renforcer cette vérité, Dieu insiste comme un Père aimant. Le contrat de l’alliance-confiance mentionne la grande intention divine : « choisis la viepour aimer » Deutéronome 30 :19. (La vie traverse tout le message de Dieu. Elle est liée à l’amour, à la lumière et au bien. La mort est liée aux ténèbres et au mal.) Ailleurs, cette bonne disposition sera confirmée. (Dieu ne veut pas que le méchant meure, mais qu’il change de conduite, cf. Ézéchiel 33 : 11

Les temps ont changé, mais chaque humain est placé devant le même choix crucial : Soit adhérer au projet de Dieu, soit le refuser ou le rejeter. Ce contrat d’alliance fait référence à la loi. Elle est incontournable, même si nous sommes depuis la venue du Christ sous la couverture de la grâce. La démarche d’amour, d’un point de vue biblique, non seulement ne supprime pas le rapport à la loi, mais lui donne un sens plus profond. Dieu ne souhaite pas une obéissance contrainte et forcée ou une obligation comme un devoir à remplir. Il sollicite le désir d’une adhésion d’amour. A sa démarche d’amour doit correspondre une réponse d’amour. Le Christ nous le rappelle avec force : 

 

« Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans son amour… Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. » Jean 15 :10,14

Les versets 16 et 20, nous prescrivent de suivre les chemins de l’amour

La seule et vraie question qui reste posée est la suivante : « Désirons-nous les vivre maintenant, et pour toujours ?  Notre choix déterminera la bénédiction ou la malédiction, la vie ou la mort. Il n’y a là rien d’injuste. Chacun devra assumer les conséquences de son choix. Par amour, Dieu nous presse à choisir la Vie (cf. 2 Corinthiens 5 : 14), mais il respectera notre décision. En fait, c’est nous qui nous jugerons. Dieu ne fera qu’entériner notre choix.

                                                                                                 

                                                                                                                                                        Jacques Eychenne

 

 
 
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