La veuve de Sarepta - 2ème partie

ou

la vie face à la mort

1 Rois 17: 17-24

 

2ème partie

 

 

 

  Introduction :

 

Nous avons laissé la veuve de Sarepta dans la joie de voir la promesse de Dieu s’accomplir. Elle était dans une situation désespérée, mais la rencontre avec Elie, le prophète de Dieu, l’a comblée au-delà de son espérance. Elle put, dans un temps de sécheresse et de famine, nourrir son fils, toute sa famille et Elie le prophète. Chaque jour le miracle s’est renouvelé pour elle, les siens, et l’homme de Dieu. Combien de temps cela a perduré, nous ne le savons pas. Seulement le texte parle de longtemps. Ce qui laisse à penser que la bénédiction est peut-être allée au-delà des trois années et six mois prédits. Mais l’œuvre d’Elie n’est pas encore terminée dans sa retraite de Sarepta. Un autre défi inattendu l’attend. Et Quel défi !

 

Développement :

 

Que dit le texte : « Quelque temps après, le fils de cette femme, de la maîtresse du logis, tomba malade, et sa maladie s’aggrava au point qu’il ne lui resta plus de souffle »  1 Rois 17 : 17  (Version du Rabbinat Français)

Autrement dit, suite à une maladie foudroyante, le fils unique de cette veuve mourut. On ne connaît pas, comme souvent, le nom de cette maladie, mais le fait est là.

Et très vite, cette veuve qui n’avait jusque là rien demandé pour elle, interpelle Elie.

 

On peut s’interroger sur le rebondissement imprévisible de cette histoire. Tout allait pour le mieux, alors pourquoi cet évènement brutal et dramatique ?

 

Est-ce pour fortifier la foi d’Elie qui bientôt devra faire face au plus grand défi de son ministère, face aux 450 prophètes païens dirigés par la terrible Jézabel, au Carmel ?

Ou est-ce pour fortifier la foi de cette veuve et de sa famille ? Quelque part, est-ce que cette femme ne devait pas encore progresser dans la connaissance de l’amour de Dieu ? Cette situation, de nouveau dramatique, n’en serait-ce pas le nouveau passage obligé ? 

N’oublions pas que cette veuve avait une foi naissante... Elle avait récemment découvert la puissance de Dieu. Certainement fallait-il affermir sa confiance en ce Dieu d’Israël, étranger à son peuple, à ses coutumes, certainement aussi à sa pratique.

 

Dieu permet souvent certaines épreuves douloureuses, pour mieux se révéler à nous. C’est du moins souvent le cas dans les Saintes Ecritures... (Cf. Hébreux 12 : 10,11)

Quoiqu’il en soit, cette mère va réagir fortement en se tournant vers celui qu’elle avait identifié comme un homme de Dieu. Sa question est tranchante, précise, interpellante. Elle dit à Elie :

 « Qu’avons-nous à démêler ensemble, homme de Dieu ? Tu es venu chez moi pour réveiller le souvenir de mes fautes et causer la mort de mon fils ! »  V. 18 (version du Rabbinat Français)

Ou, « Qu’y a-t-il entre moi et toi, homme de Dieu ? Tu es venu chez moi pour rappeler ma faute et faire mourir mon fils. » (Version de la Traduction Œcuménique de la Bible)

Ou encore « Pourquoi te mêles-tu de mes affaires, homme de Dieu ? Es-tu venu chez moi pour évoquer ma faute et pour faire mourir mon fils ? » (Version Nouvelle Bible Segond)

Littéralement en hébreu : « quoi pour moi et pour toi, homme de Dieu ? »  Expression sibylline qui a embarrassé les traducteurs. 

 

Pour sa bonne compréhension, faut-il faire porter la remarque :

- Sur le fait qu’ils n’ont rien en commun. (note de Scofield, Bible Louis Segond)

- Sur le fait qu’Elie est venu  se mêler des affaires personnelles de cette veuve.  (Louis Segond révisée)

- Sur le fait qu’elle n’a rien à faire avec Elie. (Note de la T.O.B) Est-elle une jeune veuve ? Y –t-il un problème relationnel entre eux ?   

- Sur le fait qu’elle n’a rien à démêler avec Elie, pour la simple raison qu’elle n’a pas à s’expliquer sur son passé. (Position du Rabbinat Français)

- Sur le fait qu’entre eux deux, un personnage est venu tout troubler. « Qu’est-il entre moi et toi, homme d’Elohîm ? » (Version Chouraqui). D’un air de dire, qui est venu se placer entre nous deux ! Des hébraïsants avertis pourraient nous dire : qui se cache derrière ce qui...

 

On retrouve plusieurs fois cette expression dans l’ancien testament, mais les contextes sont très différents : voire 2 Rois 3 : 13 ; Juges 11 :12 ; 2 Chroniques35 :21.

(On notera aussi la même difficulté dans le texte grec. A Cana, Jésus répondant à sa mère dira : «  Femme, qu’y-a-t-il entre moi et toi ? Mon heure n’est pas encore venue. » Jean 2 :4

 

Mais pour revenir à notre texte de départ, disons  plus simplement qu’il y a un problème à résoudre, une difficulté à clarifier. Contrairement à ce qu’exprime cette femme accusatrice, la difficulté est peut-être en elle, car indirectement elle s’accuse, alors que personne ne l’avait fait.

Pourquoi mettre en adéquation le souvenir de ses fautes, que personne ne connaît, avec la mort de son fils ?  Comment comprendre que Dieu lui fasse payer les égarements de son passé, alors qu’il vient de la bénir ? Si Dieu avait voulu la mort de son fils, il suffisait simplement de laisser les conséquences de la terrible sécheresse faire son œuvre. En bref, l’absence du miracle quotidien aurait suffi...

 

Cette curieuse pensée que Dieu nous attend au tournant pour nous faire payer l’addition de nos erreurs est encore bien ancrée dans l’inconscient collectif !

 

Dans notre récit, je serai davantage porté à voir un problème de culpabilisation dans le passé de cette veuve. Car pour elle, la mort de son fils est la conséquence de fautes enfouies dans son passé, et qui maintenant refont surface. Et Elie serait l’envoyé de Dieu pour lui rappeler tout cela ? En fait, elle le croit, c’est pourquoi elle réagit vertement, avec véhémence, comme pour lui dire : « Mais de quoi je me mêle ! », mais Elie n’avait de son coté rien dit... Seulement sa présence a suffi à nourrir ses déductions. Du coup, elle passe du statut d’hôtesse accueillante et dévouée, à celui d’accusatrice. Sa justification  repose sur un malheureux ressenti...

 

N’avons-nous pas aussi des comportements analogues quand nous prêtons aux autres des intentions qu’ils n’ont pas ?

 

Pourtant,  n’a-t-elle pas  bénéficié des bontés de Dieu par l’entremise de ce même Elie ?  

Sa double question tranchante révèle un problème. Elle doit elle-même le clarifier. Cela explique sa révolte et ce sentiments négatif vis-à-vis d’Elie, qui rappelons-le n’a rien dit. Assurément, cette femme n’est pas dans la paix. Pas plus dans la soumission à une volonté divine. Elle oublie ou banalise la bénédiction du Tout Puissant... 

 

Une seule chose importe maintenant pour elle : Clarifier la venue et la présence de cet homme de Dieu dans sa vie. Est-il venu, tel un fantôme faire resurgir tout son passé, apparemment chargé ? (C’est elle qui parle de fautes !). «  Tu es venu chez moi pour réveiller le  souvenir de mes fautes » traduit la version du Rabbinat Français.

     

Un point semble à peu près acquis : La conscience de cette veuve est vraiment réveillée. Le lien qu’elle établit entre la mort de son fils unique et ses fautes semble évident. Pour elle, Dieu s’est souvenu de ses péchés, et il l’a châtiée en la privant de la présence de son fils.  Pour elle, Elie ne peut pas être neutre dans cette affaire...

 

Rappelons que la perception d’un Dieu juge, sévère, et impitoyable, est d’origine païenne.

 

La Bible nous enseigne seulement les conséquences de nos choix (Cf. Romains 6 :23) Le Dieu de la Bible n’a rien à voir avec les dieux des mythologies grecques qui manifestaient leur colère et leur courroux sur les humains. Il  fallait  alors les apaiser   par des sacrifices souvent sanglants... Malgré tout, on constate que cette approche de Dieu était courante aussi en Israël (Cf. Matthieu 25 :24-25 ; Luc 13 :4).

Elle perdure encore aujourd’hui dans notre monde sécularisé...

Disons le fort et clair : L’épreuve ou les épreuves, dans la bible, n’ont jamais pour objectif de nous détruire. Elles n’ont pas une connotation négative. (Cf. Jacques 1 :2-4) Une approche positive nous fait comprendre qu’elles existent naturellement. Alors, autant s’en servir comme tremplin de notre foi. De même que le muscle se développe dans l’effort, la foi se fortifie dans l’épreuve.

 

Evitons donc de supposer le mal, dès qu’une personne de notre entourage est éprouvée. Nourrir de tels sentiments est une fâcheuse méprise. Elle ronge et nous pourrit la vie. (Cp. Psaumes 41 : 1-10 ; Matthieu 7 :1-12)

Non ! La maladie et la mort ne sont pas des punitions. Elles ne sont que la conséquence d’un enjeu qui nous dépasse, et qui entre pour l’instant, dans le cycle normal de la nature.

 

 Sur ce point le QUI (qui est entre cette veuve et le prophète ;  v.17 traduction de Chouraqui) serait intéressant à approfondir. (Lire Apocalypse 12 :9-12)

 

Mais ce qui est clair, c’est que Dieu, notre Père «  veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » 1 Timothée 2 :4

Il faut rappeler à cet endroit du récit, que Dieu est Amour (Cf. 1 Jean 4 :16) et que cet amour est concomitant au pardon. (Voire  Esaïe 1 : 18 ; 55 :6-7 ; Psaumes 51 : 9-14 ; Michée 7 :18-19 etc.)

 

Cette femme va donc être amenée à découvrir la puissance de la grâce. Elle va expérimenter la conclusion d’Ezéchias, lors du rétablissement de sa maladie : 

«  Seigneur, c’est par tes bontés qu’on jouit de la vie,...Tu me rétablis, tu me rends à la vie. Voici, mes souffrances mêmes sont devenues mon salut ; tu as pris plaisir à retirer mon âme de la fosse de la destruction, car tu as jetés derrière toi tous mes péchés. »  Esaïe 38 : 16-17

 

Notons que face à la grave accusation, le prophète Elie ne bronche pas : Aucune réplique fumante, aucune menace, aucun propos désobligeant... Il répond tout simplement à cette veuve éplorée : «  Donne-moi ton fils » v. 19

Arrêtons-nous sur cet instantané, pour en dégager une instruction pour nous tous.

 

Si le but de l’épreuve est de nous émonder (Cp. Jean 15 :1-11), si sa vocation première est de nous faire grandir, alors il nous faudra tôt ou tard donner quelque chose qui nous est cher, abandonner quelque chose en nous, lâcher quelque chose qui nous encombre et nous handicape dans la relation à Dieu, notre Père bien-aimé. C’est à ce prix que  nous découvrirons les beautés de la grâce.  L’apôtre Jean exprime ce souhait : « que la joie du Christ soit en nous et que notre joie soit parfaite » v.11

 

Assurément, Il fallait que cette veuve donne son fils unique pour que l’intercession du prophète soit possible. Comme au premier miracle, la priorité de son don était incontournable pour que le prodige se manifeste. Sur un plan symbolique, cette réalité illustre ce que Dieu a consenti pour notre humanité mourante. N’a-t-il pas donné son fils pour que son intercession devienne efficiente pour notre Salut ? Ne sommes-nous pas sauvés autant par sa mort, par sa résurrection, que par son intercession ?

« Qui condamnera les élus de Dieu ? Christ est mort ; bien plus il est ressuscité, il est à la droite de Dieu et il intercède pour nous ! » Romains 8 :34

«  Mais Jésus, parce qu’il demeure éternellement, possède un sacerdoce qui n’est pas transmissible. C’est aussi pour cela qu’il peut sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur. » Hébreux 7 :25

Donc, cette veuve devait abandonner au prophète ce qu’elle avait de plus cher…

 

Alors, Elie prit le fils des bras de la mère, le monta dans la chambre haute où il logeait, et  le coucha sur son propre lit. Et il invoqua solennellement L’Eternel :

« Seigneur mon Dieu ! Quoi ! Même envers cette veuve, dont je suis l’hôte, tu userais de rigueur, en faisant mourir son fils ! » v. 20 (Version R.F)

« Seigneur, mon Dieu, veux-tu du mal même à cette veuve chez qui je suis venu en émigré, au point que tu fasses mourir son fils ? » idem. (Version T.O.B)

« Eternel, mon Dieu, est-ce que tu affligerais, au point de faire mourir son fils, même cette veuve chez qui j’ai été reçu comme un hôte ? » idem. (Version Louis Segond)

En déroulant le récit, on a l’impression de retrouver le processus d’accusation en Eden. Dieu rend responsable Adam, et Adam rend responsable Eve. Ici cette femme rend responsable Elie, et Elie rend responsable Dieu. D’un coté cela part de Dieu, d’un autre cela nous y conduit. (En Eden : Dieu---l’homme---la femme ; ici : la femme---l’homme---Dieu)

Notons que le prophète ne demande pas à Dieu de pardonner l’accusation non-fondée de cette femme ! Il élève le débat, il monte dans cette chambre haute. Il a compris et accueilli la vive douleur de cette mère. C’est un tête à tête entre lui et Dieu maintenant. Les formulations de son intercession sont, soit en forme d’exclamation, soit en forme de questionnement. Car Elie, se sachant innocent de la mort de ce fils, ne comprend pas où Dieu veut en venir !  Il semble rendre Dieu responsable de cette situation…  N’est-ce pas ce que font les humains quand ils ne comprennent pas les tragédies humaines des innocents ?

Le prophète va donc plaider la cause de son accusatrice. Cette attitude montre la noblesse de son cœur. Elle nous rappelle l’intercession d’Abraham pour les habitants de Sodome et Gomorrhe. (Cf. Genèse 18 :23-33)

Le cœur de sa plaidoirie repose sur un constat : Elle m’a fait du bien. En conséquence semble dire Elie, peut-on lui faire du mal ?

 

Le prophète n’entrevoit pas une raison valable de la volonté divine. Il symbolise toute l’incompréhension de l’homme face à la mort. Pourtant, la suite du récit nous démontre que cette expérience était nécessaire à cette mère.

 

Très souvent nous sommes dans cette même logique, nous ne comprenons pas pourquoi tel  ou tel événement douloureux nous frappe. Nous n’avons pas la volonté, ni la capacité de voir au-delà des faits, notre foi ne transperce pas le malheur, c’est le trou noir...  

Pourtant, même si Elie ne comprend  pas, il garde toute sa confiance en la puissance de Dieu. Dieu n’a donc pas besoin de donner des explications à son serviteur. Il devra comprendre par les faits. Dieu va répondre par un acte de vie.

Après nous avoir décrit l’intercession d’Elie, le texte nous dit :

« L’Eternel écouta la voix d’Elie, et l’âme de l’enfant revint au-dedans de lui, et il fut rendu à la vie » (Version Segond)

« L’Eternel exauça la prière d’Elie, et la vie revint au cœur de l’enfant, et il fut sauvé » (Version Rabbinat Français)

«  Le Seigneur entendit la voix d’Elie, et le souffle de l’enfant revint en lui, il fut vivant » (Version de la T.O.B)

 

Dieu n’a pas dialogué  avec son serviteur, mais il a entendu, écouté, exaucé sa requête. Elie prend l’enfant dans ses bras, le descend de la chambre haute, et le rend à sa mère. Et il lui dit simplement : «  Vois, ton fils est vivant ». v. 23

 

Quelle est belle cette image : un fils est redonné à sa mère.

 

Dieu voudrait-il nous faire découvrir que la foi nous remet en contact avec la vie ?

Une vie qui est aujourd’hui et sera éternellement demain ?  Assurément !

Alors « la femme dit à Elie : Je reconnais maintenant que tu es un homme de Dieu, et que la parole de l’Eternel dans ta bouche est vérité » v.24

« Oui, maintenant je sais ... » (Version de la T.O.B) « Je reconnais bien maintenant » (Version du R.F)

Toutes les traductions parlent du MAINTENANT. Cela renforce notre compréhension de ce récit. Cette épreuve était un passage obligé. Elle devait reconnaître qu’Elie était vraiment un serviteur de Dieu. Elie est absous, sa parole est vérité. Et puis, au travers d’Elie c’est l’Eternel, le Tout-Puissant, que cette femme a rencontré. Cela valait la peine d’aller jusqu’au bout du chemin pour trouver l’auteur de la vie.

 

Conclusion :

 

Dans nos parcours, et face aux évènements tragiques qui nous frappent, c’est le plus souvent l’incompréhension qui nous caractérise. Nous ne percevons pas la volonté de Dieu, ni sa finalité bienheureuse. (Cp. 2 Corinthiens 7 :10)

 

Ce récit nous a été conservé pour nous dire, que même si nous n’entrevoyons aucun aspect positif dans nos malheurs, la bonté de Dieu n’en est pas moins présente. Refusons donc de vouloir tout comprendre, et faisons lui confiance. Il faut accepter de perdre ce qui nous est le plus cher,  pour le retrouver transformé et glorieux par le Dieu des cieux. (L’exemple de Job est significatif sur ce point). Lire Job 42 :1-5, 10,12.

 

En d’autres termes, sachons identifier derrière les épreuves de la vie toutes les bénédictions qui s’y cachent. (Cf. Jacques 1 :12) La marche sereine de notre foi en dépend. Vouloir toujours tout comprendre pour avancer, relève d’une démarche rationnelle limitée. L’exemple d’Abraham est à cet endroit très significatif. Lire Hébreux 11 :17-19. La phrase de Jésus l’est tout autant : « Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent » Marc 10 :14

 

Quand la foi met la confiance au cœur de nos actions, elle épure le superficiel de nos vies, pour avancer vers l’authentique et la vérité. Certes, on peut faire l’économie d’une telle démarche, et rester dans une perpétuelle rébellion vis-à-vis de Dieu… Cette liberté nous est reconnue. Seulement, nous ne connaîtrons jamais ce qui se cache derrière l’épreuve. Nous ne grandirons jamais. Le savoir, c’est bien, le vivre, c’est mieux. La version du Rabbinat Français nous parle d’un enfant sauvé, mais à la réflexion, n’est-ce pas la mère et le fils qui le sont ensemble ? 

 

                                       Jacques Eychenne

 

ou

           la mort face à la vie

              1ère partie

 

                        1 rois 17:1-16

 

Introduction :

 

Ce récit nous transporte dans la deuxième moitié du 9ème siècle avant Jésus-Christ. il nous relate la rencontre du prophète Elie avec le roi  d’Israël Achab. Achab est un roi idolâtre ; il révère les divinités païennes de Baal et Astarté. Cette situation dramatique obère l’avenir d’Israël. Dieu va donc agir, en inspirant Elie son serviteur. S’adressant à Achab, Elie prédit : « Il n’y aura ces années-ci, ni pluie  ni rosée, si ce n’est à mon commandement » 1 Rois 17 : 1 (Version du Rabbinat Français)

 

Puis, Dieu envoie son serviteur se cacher à l’Orient du Jourdain, dans les gorges encaissées du torrent de Kérith, probablement en Galaad. Cette mise au vert nécessaire, permet à Elie de contempler chaque jour la bonté du Dieu d’Israël : Il est nourri  par les corbeaux 2 fois par jour. Au menu : pain et viande. Il a donc à boire (l’eau claire du torrent) et à manger. Ces faits sont en eux-mêmes déjà surprenants. La gastronomie divine est riche en protéine. Les diététiciens allègeraient certainement le repas du soir …

Quant au maître de service, le choix se porte sur un animal impur : le corbeau. Pour forcer le trait, disons que cet oiseau n’a pas pour habitude de partager sa pitance.   Pourtant, c’est bien lui qui est choisi pour apporter la nourriture nécessaire au prophète. En effet, le corbeau fait partie de la famille des charognards. Dieu a dû contrarier son instinct naturel pour rendre ce  convoyeur de pain et de viande efficient. (Il est vrai que dans les mythologies nordiques, 2 grands corbeaux, Hugin et Munin, étaient des messagers des dieux).  

 

Première réflexion sur la démarche : quand Dieu donne un ordre, il fournit en même temps les moyens pour le rendre réalisable. Cela nous permet de remarquer que Dieu ne nous demande rien qu’il ne nous fournisse déjà en puissance. (Cf. Ephésiens 2 :10)

 

Observons de même que pour les serviteurs de Dieu, la mise au vert a toujours fait partie de son plan. (Cf.1 Samuel 23 :14 ; 1Rois 19 :4 ; Amos 2 :10 ; Luc 3 :2 ; 4 :1 ; Galates 1 :17) La solitude dans les déserts, où comme ici, dans cet endroit retiré, a pour objectif de  rendre l’action à venir plus réfléchie et donc plus percutante.

 La bonne question est toujours de savoir si on est là où Dieu veut que l’on soit !

 

La sécheresse ayant sévi, le torrent ayant tari, l’Eternel  adresse à Elie ces paroles :

« Lève-toi, va à Sarepta, qui est près de Sidon, et tu t’y établiras. Là est une femme veuve, que j’ai chargée de te nourrir ». 1 Rois 17 : 9  

 

Développement :

 

« Lève-toi et va... » Cette expression souvent usitée, est le temps du passage à l’action. Elie se met en marche suivant l’ordre divin. Il part pour Sarepta sur les bords de la méditerranée à 110 km environ à vol d’oiseau, non loin de 2 villes bien connues : Au nord Tyr (22 km) et au sud  Sidon (13 km) en Phénicie.

De prime abord, on est surpris. Une veuve étrangère au peuple élu, habitant en territoire païen, est chargée de nourrir au quotidien l’un des plus impressionnants prophètes de l’ancienne alliance ! 

 

Pourquoi ce choix ?

 

Jésus lui-même nous fournit la réponse : «  En vérité, aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie. Je vous le dis en vérité : il y avait plusieurs veuves en Israël du temps d’Elie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois et qu’il y eut une grande famine sur toute la terre ; et cependant Elie ne fut envoyé vers aucunes d’elles, si ce n’est vers une femme veuve, à Sarepta, dans le pays de Sidon. » Luc 4 : 24-26

Le texte veut donc mettre en évidence que l’action de Dieu se porte là où elle peut être entendue et reçue. La différence spirituelle se fait moins par l’appartenance à tel groupe, communauté, église, qu’au désir d’accueillir la volonté de Dieu. Les étiquettes n’ont jamais garanti le contenu des bouteilles ! On peut se croire très spirituel et être en fait obtus face à l’accueil de l’action divine !

Elie a quitté sans murmurer le pays d’Israël pour se rendre dans cette contrée, dite païenne, à cause de l’extrême misère spirituelle de son peuple. Cette démarche illustre l’universalité du message de Dieu. Le Christ et les Apôtres établiront définitivement sa réalité.

 

Elie part donc dans le territoire de Tyr et de Sidon, dont est originaire la terrible et impétueuse épouse du roi d’Israël, la célèbre Jézabel. A l’entrée de la ville de Sarepta, Elie rencontre une veuve ramassant du bois. Assurément se dit-il, c’est celle qui doit me fournir le gîte et le couvert ! Mais connaît-il seulement ses ressources ?

Il va s’en assurer par une question qui nous rappelle une autre rencontre, celle de Jésus avec  la Samaritaine (Cf. Jean 4). C’est presque la même demande !  

 «  Prends moi, je te prie, un peu d’eau dans un vase, pour que je boive. » 1 Rois 17 :10 b  Puis, alors qu’elle est entrain de s’éloigner, il rajoute : «  Prends en main, je te prie, une tranche de pain pour moi ». (Idem v.11 Version du Rabbinat français)

Jusque là, elle avait pudiquement caché son dénuement. Mais devant cette demande supplémentaire, elle craque et présente sa pitoyable et désespérée situation : « Par le Dieu vivant que tu sers ! Je n’ai pas une galette, rien qu’une poignée de farine dans une cruche, un peu d’huile dans une bouteille. Je ramasse maintenant deux morceaux de bois ; je vais rentrer, je ferai un plat pour moi et mon fils, nous le mangerons et nous attendrons la mort. » Idem v. 12

 

Cette veuve est dans la désespérance la plus complète. On le serait à moins. Elle était sur le point de préparer son dernier repas.

A cet instant, je me dis qu’Elie à vue humaine aurait pu se dire : « Je me suis trompé de veuve, je n’ai pas frappé  à la bonne porte ! J’ai voulu, pour aller plus vite, interpeller la première personne, mais j’ai été un peu trop pressé d’accomplir ma mission ! »

Cependant, devant l’inventaire des ressources de cette veuve, l’envoyé de Dieu ne semble pas découragé.

Il faut dire que sa foi avait pris la bonne habitude d’aller au-delà du visible. Quand on est nourri par les corbeaux matin et soir, la foi a des ailes. Elie était dans la conviction que tout est possible à Dieu.

En fait, cette veuve et Elie sont dans une même situation : Ils sont tous les deux au terme de ce qu’ils peuvent faire. Cette femme est à l’extrémité de son possible et Elie l’est aussi par sa double demande, avec à l’arrière plan la pensée de la faillite spirituelle de son peuple. La suite appartient à Dieu, et seule la foi va faire la différence.

 

Quand l’humain touche l’extrémité de son possible, quand il est à bout de ses ressources et le reconnaît, alors avec la foi tout peut être possible par la puissance de Dieu. Notre Père céleste peut répondre à tous les besoins de ceux qui se tournent vers lui. Mais cela  sollicite la foi. (Cf. Philippiens 4:19)

La différence est qu’Elie a l’expérience d’une relation étroite avec son Créateur. Dieu, en effet, va montrer sa puissance en inspirant son serviteur. Mais, point fondamental : la misère extrême de  cette veuve a aussi été vue et entendue.

 

Comme souvent dans les Ecritures Saintes, Dieu déploie son amour et sa grâce en faveur de ceux et celles qui semblent, au départ, être étrangers aux choses spirituelles. La bonté de Dieu va pousser cette veuve à  accueillir ce qu’Il veut lui donner. De même, la bonté de Dieu pousse l’homme à la repentance pour son plus grand bien. (Cf. Romains 2 :4)

Elie, porté par sa foi, et inspiré par Dieu, va apaiser cette pauvre veuve :

 

«  Ne crains rien, lui dit Elie, rentre, et fais comme tu l’as dit. Seulement, tu en feras un petit gâteau pour moi d’abord, et tu me l’apporteras... »  1 Rois 17 :13  

 

Si Elie n’avait pas eu la foi, il aurait pu penser que Dieu se moquait de lui. En effet,  la démarche est insolite.  L’envoi de son serviteur vers une veuve qui est dans le plus total dénuement, sans ressources et sans moral (elle parle de mort !) peut paraître incompréhensible. En dehors du processus de foi, Elie aurait eu une démarche déplacée, pour ne pas dire gonflée, voire insensée.

 

Assurément, la pédagogie de Dieu est déroutante pour l’humain. Nous sommes trop habitués à ne croire que ce que nous  voyons. Tout au moins peut-on comprendre que le but de Dieu n’est pas toujours de nous sécuriser, de nous protéger, de nous coconner, mais de nous apprendre à vivre, en nous donnant l’occasion d’opter pour la foi-confiance. C’est elle qui scelle la relation solide avec notre Père céleste.

 

Non ! Elie ne s’est pas trompé, il a rencontré la veuve qu’il fallait, celle qui lui permettrait de voir la puissance divine en action, d’en être l’exécutant, et le témoin.

 

Si nos yeux pouvaient aller au-delà du visible, nous pourrions encore de nos jours être témoins de telles merveilles de la grâce toute puissante de Dieu.

 

Elie ne s’arrête donc pas à cette situation dramatique... Alors que cette pauvre veuve parle de mort, lui pense à la vie. Car Dieu a parlé, et c’est elle qui doit le nourrir, or la nourriture dans ce contexte fort, est la vie. (Pour voir la symbolique de la nourriture lire Jean 6 : 30-58).  C’est pourquoi Elie dit à la veuve : «  Ne crains rien, rentre et fais comme tu l’as dit... »

 

Face à l’angoisse existentielle de cette femme, le prophète inspiré, rassure, apaise, tranquillise. Aucune remarque désobligeante, aucun reproche, aucune injonction sévère, mais parole de grâce. (Cp. Proverbes 15 :23)

Dans un premier élan, il invite cette femme à ne rien changer à ce qu’elle a décidé de faire et dans un deuxième temps, il rajoute juste un petit complément d’information. Et cette initiative va tout changer. Quelle merveilleuse pédagogie divine !

 

Dieu n’agit-il pas de même dans nos vies ?  Face à notre désespérance, à nos constats de misère, à notre conviction que nous ne pourrons jamais nous sortir de situations compliquées ou dramatiques, Dieu nous laisse aller à l’extrême  limite de nos faux raisonnements pour ajouter un tout petit complément d’information, qui d’un coup, change toute notre situation. Rappelons-nous la parole de Jésus au chef de la synagogue dont la fille était morte : «  Ne crains pas, crois seulement, et elle sera sauvée » Luc 8 :50  L’apprentissage de la marche vers l’invisible prend toute une vie.

 

Mais revenons à la demande complémentaire du prophète : «  Seulement, tu en feras un petit gâteau pour moi d’abord, et tu me l’apporteras. »

Encore une fois, posons-nous la question : « Pourquoi cette formulation ? »

 

Si l’envoyé de Dieu devait être le premier servi, n’est-ce pas pour que cette veuve comprenne qu’elle devait donner à Dieu la première place. Elle devait premièrement servir l’homme de Dieu, donc Dieu lui-même, au travers de son serviteur.

Dans les crises les plus graves de notre existence, si nous avons le bon réflexe de servir premièrement notre Dieu, alors des expériences inoubliables verront le jour et notre route sera éclairée. Souvenons-nous des paroles de Jésus : « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu ; et toutes ces choses vous seront données par-dessus » Matthieu 6 : 33

Le prophète, porte-parole de Dieu, ne demande qu’un petit gâteau. Le détail est intéressant. Dieu sollicite les petits gestes, les plus insignifiants, ceux qui paraissent dérisoires, pour accomplir en nous de grandes transformations. (Cp. Marc 6 :34-44)

Elie réclame juste un petit quelque chose pour se mettre sous la dent, juste un petit nécessaire vital. Mais, il faut que cette femme accueille dans son cœur cette priorité, et qu’elle fasse la démarche de venir lui apporter ce petit gâteau.

 

Dieu ne fera jamais pour nous la démarche qui nous appartient. Celle qui révèle au grand jour nos vraies priorités. (Remarquons au passage que la farine et l’huile étaient les composants essentiels du sacrifice de l’oblation, c'est-à-dire du don de reconnaissance dans le Lévitique – voire chapitre 2) Pour recevoir, il faut au préalable donner. Donner ce que l’on a, ce que l’on est.

 

Elie invite cette veuve à le nourrir en priorité, après quoi, elle pourra prendre soin d’elle et de son fils.  « Tu feras cuire ensuite pour toi et pour ton fils » v. 13   

 

Alors la promesse tombe comme une rosée bienfaisante sur son cœur de mère :

 

« Car, ainsi a parlé le Seigneur, Dieu d’Israël : La cruche de farine ne se videra pas, ni la bouteille d’huile ne diminuera, jusqu’au jour où le Seigneur répandra la pluie sur cette contrée. Elle s’en alla et fit ce qu’avait dit Elie ; et elle eut à manger, elle, son fils et sa famille, pour longtemps. La cruche de farine ne se vida pas, ni la bouteille d’huile ne diminua, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par l’entre-mise d’Elie. »  1 Rois 17 : 14-16

 

Ceux et celles qui mettent Dieu en premier dans leur vie, ceux et celles qui ont compris qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir (Actes 20 :35b) ne manqueront jamais de l’aide du Tout-Puissant. Cette vérité n’a jamais été démentie   par l’expérience de tous les ayant-foi.

 

Nous n’avons rien à craindre de l’avenir, si notre foi est au rendez-vous, car les promesses de Dieu sont certaines, et elles accompagneront avec certitude notre marche confiante. Quel réconfort, quelle force de savoir que Dieu fait concourir toutes choses au bien de ceux qui accueillent sa bonté. (Cp. Romains 8 :28) Cette promesse a dû surprendre notre pauvre veuve, mais elle a fait confiance à une parole donnée. Face à  sa situation dramatique, à vue humaine sans issue, elle crut et elle vit la puissance de Dieu en action au quotidien. A l’instar d’Abraham « Espérant contre toute espérance », (Romains 4 :18) elle fut un témoin privilégié de la bénédiction divine. Elle, qui quelques temps auparavant exprimait son profond désespoir, la voilà comblée. Non seulement elle eut de quoi traverser cette période critique, mais elle eut suffisamment pour son fils, et le texte rajoute : sa famille.

 

La bénédiction de Dieu déborde ; elle va toujours au-delà de nous-même, elle contamine aussi nos proches, ceux qui n’ont rien demandé. Ils reçoivent aussi. Ce récit nous permet d’en prendre davantage conscience.

Quand Dieu donne, c’est toujours au-delà de nos espérances. Sa générosité n’est-elle pas proclamée dans toute sa création ?

Notons aussi l’assurance du prophète. A aucun moment son comportement ne laisse place au doute. Il fait corps avec le projet de Dieu. Pourtant, cette veuve était sidonienne, étrangère à la culture spirituelle d’Israël. Une telle ouverture de cœur et d’esprit ne pouvait qu’être l’œuvre de Dieu. Là encore la vision universelle du salut éclaire ce récit.

Sachons à notre tour dépasser les contours de nos définitions de l’appartenance au peuple de Dieu. Ce récit, comme d’autres d’ailleurs, nous démontrent que nos critères de sélection ne correspondent pas à ceux de Dieu. Il ne fait heureusement acception de personnes. « Elle s’en alla  et fit ce qu’avait dit Elie ». La veuve de Sarepta a accueilli la promesse et a fait confiance à celui qu’elle avait identifié comme serviteur de Dieu. Cette simplicité et cette profondeur, rarement égalée, ont marqué l’histoire, et son témoignage a été consigné pour toujours. Il demeure pour nous un repère, une référence, un encouragement, une invitation à prendre Dieu au mot avec confiance.

 

Conclusion :

 

Nous vivons, nous aussi, aujourd’hui dans le monde, un temps de famine et de sècheresse. Cette réalité est visible bien au-delà de la matérialité des faits quotidiens.    La plus importante sécheresse est bien d’ordre spirituel.

 

 « Voici, des jours vont venir, dit le Seigneur Dieu, où j’enverrai de la famine dans le pays : ce ne sera ni la faim demandant du pain ni la soif de l’eau, mais le besoin d’entendre les paroles de l’Eternel... » Amos 8 :11

 

Elles sont nombreuses ces veuves étrangères à l’héritage spirituel, ramassant quelques morceaux de bois pour faire cuire leur dernier repas en attendant la mort !

Qui peut apporter l’espérance, si ce n’est ceux que le Seigneur inspire pour transmettre des paroles de vie.  « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » Matthieu 4 :4

 

Soyons ces porteurs d’eau et de pain pour tous ceux et celles qui ouvriront leurs mains et leur cœur. « Ceux qui s’attendent à l’Eternel renouvelleront leur force » Esaïe 40 :31 Et encore « Fais de l’Eternel tes délices et il te donnera ce que ton cœur désire » Psaumes 37 :4

  

                                                                                                                  Jacques Eychenne

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