Les valeurs républicaines dans la Bible

 

 

 

Les valeurs républicaines dans la Bible

 

Introduction :

 

Ce dimanche 11 janvier 2015 restera dans les mémoires. Il aura fallu que des évènements tragiques se passent pour que la France se réveille et se mobilise. Cet élan d’union nationale  a rassuré les uns, remis de la fierté chez les autres, redonné au pays fondateur de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ses lettres de crédibilité… Même si les lendemains nous faisaient déchanter, cet instantané historique aura eu le mérite de démontrer au monde entier qu’un peuple peut être en adéquation avec les valeurs qu’il professe. L’idée révolutionnaire a toujours été accompagnée d’un désir de changement. Cette démonstration est actée à la Révolution française. Il faut savoir que les valeurs de la République s’inscrivent dans le conscient et l’inconscient collectif au plus profond d’une histoire ancienne judéo-chrétienne. Il faut se rappeler que le préambule de la déclaration des droits de l’homme se ponctue par cette phrase : « En conséquence, l’Assemblée Nationale reconnait et déclare, en présence et sous les auspices de l’Etre suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen ». Cette référence à l’être suprême  s’est inscrit dans un  débat qui opposa avec virulence le clergé au mouvement intellectuel issu de la Renaissance et des Lumières, la noblesse au tiers état, les girondins aux montagnards, dans un climat anxiogène (cf. Grande peur paysanne du 19 juillet au 6 Août 1789) La Déclaration d’indépendance américaine ( présence de Lafayette), la Révolution hollandaise (Spinoza), britannique (Locke) et en France (J.J Rousseau) influencent aussi les débats à l’arrière-plan international. Sur le plan des idées,  la science et la logique ont fait face à la théologie. La réflexion est alors recentrée sur l’homme et non plus essentiellement sur Dieu. Dans ce bouillonnement révolutionnaire, Robespierre a réagi contre les entreprises de déchristianisation, mais il n’a  pas été suivi. C’est donc dans cet affrontement entre un tiers état, composé de paysans, d’artisans et de petits bourgeois, et le clergé, que la portion de phrase : «  en présence et sous les auspices de l’Etre suprême » a été apposée sur le document, sur proposition de l’abbé Grégoire, le 18 Août 1789. Il donnait satisfaction à l’ensemble des 1145 députés titulaires (291 du clergé, 270 de la noblesse, 584 du tiers état. il permettait au clergé de voter le texte) ; chacun pouvant mettre derrière les mots de l’être suprême, le contenu qu’il souhaitait. Mais jamais, les références aux valeurs du Christianisme n’ont été abrogées. L’abbé d’Eymar, lors du débat du 12 Août 1789, a même essayé  d’insérer l’affirmation selon laquelle la religion catholique reste religion d’Etat, mais sa proposition fût aussi rejetée. (Selon plusieurs historiens la séparation politique gauche-droite daterait de cet été 1789.). Par la suite, le comte de Mirabeau, lors des débats sur l’élaboration du texte de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, a même souhaité inclure les 10 commandements de la Bible, mais son amendement n’a pas obtenu la majorité des voix (cf. Débats du 20au 26 Août, date du vote définitif).

Plus tard, Napoléon s’inspirera des valeurs chrétiennes pour rédiger son code civil. Dans ses confessions à Saint–Hélène, on dit même qu’il reconnut la divinité du Christ…

 

Les hommes ont changé, mais le débat reste le même… Ce 11 janvier 2015 a montré que la sagesse humaine pouvait faire cohabiter tous les courants de pensée dans le respect des personnes et des biens. Le peuple a démontré sa volonté, aux politiques d’en tenir compte…

Mais arrêtons là notre référence à l’histoire de France, pour examiner le sens profond des trois mots : Liberté, Egalité, Fraternité,  dans la Bible. (Alfred Kuen, dans sa transcription de la Bible -parole vivante- utilise ce triptyque, pour introduire le passage de 2 Corinthiens 8 : 10-16, p.568-569, EDITEURS DE LITTERATURE BIBLIQUE, 1976)

 

Développement :

 

La liberté :

 

ἐλευθερία. Chez les grecs, elle a le sens d’accès à l’indépendance. On célèbre tous les cinq ans des Eleuthéries pour rappeler la victoire sur les envahisseurs. Dans la Bible la liberté est un acte fondateur de relation, tant sur un plan personnel que collectif. La charte des dix commandements dit dans son prologue : « Je suis l’Eternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude. » Exode 20 :2 Dieu délivre son peuple de l’esclavage. Cet évènement historique sera constamment évoqué et rappelé dans les récits bibliques.

Cette action salvatrice de Dieu a valeur d’exemple. Des siècles avant la prise de conscience des nations, l’abolition de l’esclavage est publiée par le roi Sédécias (cf. Jérémie 34 : 8-10). (Le besoin de domination de la nature humaine refaisant surface, cela ne dura pas malheureusement longtemps cf. idem, v.11) La liberté biblique libellée sous forme de loi (cf. Jacques 1 :25) est la condition sine qua none qui donne vie à la relation interpersonnelle et intercommunautaire. L’apôtre Paul signifie bien que « c’est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc ferme, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude ». Galates 5 : 1

La liberté biblique initiée par Dieu et par son Fils (cf. Luc 4 :19 ) offre un espace pour permettre à chacun de vivre en harmonie avec Dieu et son prochain. Ce n’est pas saisir toutes les occasions pour faire tout ce que l’on veut, et comme on le veut. La liberté implique des responsabilités.  L’apôtre Paul écrit encore : « Frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon la chair ; mais rendez-vous, par l’amour, serviteurs les uns des autres. » Galates 5 : 13 (cf. aussi 1 Pierre 2 :16 et 2 Pierre 2 :19) (Reconnaissons que la nature humaine a du mal à poser des limites à la liberté. Elle n’aime pas être restreinte. Elle  s’accommode plus facilement de la devise : sans foi, ni loi.)

La bible définit donc la liberté comme un espace privilégié dans lequel l’amour a toute sa place. L’amour bannissant la crainte (cf.1 Jean 4 :18) nous avons de ce fait « par la foi, la liberté de nous approcher de Dieu avec confiance. »  Ephésiens 3 : 12

Cette vraie liberté nous permet d’être en contact avec le Christ, l’envoyé de Dieu. C’est lui qui nous met en présence d’une vérité extérieure à l’homme. C’est celle qui donne accès à la vraie liberté car nous sommes incapables de bien la définir et sur tout de la vivre. (cf. Jean 8 :32,36) Et même, là encore, l’humain s’est emparé de cette vérité pour la déformer ou l’utiliser à son profit. Que de guerres au nom de Dieu ! Que d’inquisitions ! Que conversions forcées ! Que de caricatures de la liberté !

 

L’égalité :

 

Dans la bible l’égalité relève d’un principe qui procède de l’amour. L’apôtre Paul, diffuseur de la bonne nouvelle en Occident, écrit : « Car il s’agit, non de vous exposer à la détresse pour soulager les autres, mais de suivre une règle d’égalité : dans la circonstance présente votre superflu pourvoira à leurs besoins, afin que leur superflu pourvoie pareillement aux vôtres, en sorte qu’il y ait égalité » 2 Corinthiens 8 :13

Le principe d’égalité est inscrit dans nos gènes, dès l’origine de la vie : « Dieu a fait que tous les hommes, sortis d’un seul sang, habitent sur toute la surface de la terre, ayant déterminé la durée des temps et les bornes de leur demeure ; il a voulu qu’ils cherchent le Seigneur, et qu’ils s’efforcent de le trouver en tâtonnant, bien qu’il ne soit pas loin de chacun de nous. » Actes 17 : 26-27

Ce principe d’égalité ontologique  requiert le respect à la dignité humaine.  A l’image de Dieu qui « ne fait aucune différence entre les humains »   Ephésiens 6 :9, (version T.O.B.), nous ne devrions manifester aucune différence entre les sexes, les races, les couleurs de peau, les nationalités, les langues, les statuts sociaux, de notre prochain.

Sur le plan purement spirituel, les apôtres ont montré qu’il n’y avait désormais plus de différence à faire entre les personnes. Le salut s’adresse à tous : « Il n’y a plus ni juif, ni grec (ni musulman, ni hindou…) ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ (c’est lui le vrai Charlie) » Galates 3 :28 (version T.O.B. Cet appel s’adresse à chacun, il n’a rien à voir avec les vocations, Dieu se réserve l’initiative de confier à qui il veut, le message qu’il veut)

En amont de toutes considérations, observons que les bienfaits de la nature touchent, indistinctement, tous les humains : « Il (Dieu) fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, tomber la pluie sur les justes et les injustes. » Matthieu 5 : 45 (version T.O.B.). Sa justice concerne chacun : « Chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même » Romains 14 : 12. Il en va de même de la mort : « La mort s’est étendue sur tous les hommes parce que tous ont péché. » Romains 5 : 12 (nous entendons par péché, la rupture du contrat confiance posé dès l’origine)

Devant Dieu nous sommes tous égaux, mais pas tous semblables. Les dérives d’une égalité de droit mal comprise, tendent vers l’uniformité, la non-prise en compte des différences, la discrimination,  le totalitarisme.  L’être humain peut être réduit à un numéro, à un objet, à un animal, quand le pouvoir de l’homme s’exerce avec une volonté indéfectible de domination sans partage. L’histoire, ancienne et présente, nous conserve de malheureux exemples. La mise en pratique des principes chrétiens ne peut donner place à de telles dérives pour ceux qui veulent suivre l’enseignement de Jésus-Christ.

L’égalité biblique n’introduit pas le nivellement des différences. Elle prend en compte le caractère unique, spécifique et irremplaçable de chacun, car chacun est précieux aux yeux de Dieu (cf. Jean 3 :16, le récit de la brebis perdue est significatif sur ce point, le troupe est laissé pour aller à la recherche de celle qui manque. cf. Matthieu18 : 10-14) Le chrétien qui intègre ces valeurs a pour vocation, au sein de la République, d’apporter sa contribution en tentant de faire comprendre qu’aucune communauté n’est viable dans un pays, s’il n’y a plus de prochain, mais seulement des semblables qui ne se regardent même pas. L’égalité biblique fait référence à la non-ignorance de l’autre, ainsi qu’à la prise en compte que nous sommes tous frères d’humanité. La transition étant faite, abordons le dernier mot.

 

La Fraternité :

 

La fraternité est aux antipodes du mépris ou de l’indifférence par rapport à son semblable. Des trois bons mots de la République, c’est celui dont on parle le moins. C’est assurément celui avec lequel on s’identifie le moins. Et pour cause, c’est certainement celui qui appelle plus qu’une responsabilité. Il procède de la bienveillance, de la bonté, de l’amour simple et désintéressé. Dans notre société laïcisée, c’est la valeur à faire fructifier…

Dans la synagogue d’Antioche de Pisidie, l’apôtre Paul a déclaré : « Hommes frères, fils de la race d’Abraham, et vous qui craignez Dieu, c’est à vous que cette parole de salut a été envoyée… » Actes 13 : 26  l’appellation « hommes frères » décrit bien la pensée biblique. Observons que les trois religions monothéistes font référence à un même Père spirituel. Pourquoi dès lors, ne pas se reconnaître comme des frères ?

De son côté, l’apôtre Pierre écrit : « Honorez tous les hommes, aimez tous les frères… » (version Darby) le mot grec traduit par tous les frères est αδελφοτησ. Il ne s’agit pas du sentiment fraternel faisant appel à la vertu morale, il s’agit de la communauté des frères, autrement dit, de la fraternité. L’apôtre nous invite donc à aimer la fraternité.

Jésus a explicité le contenu de cette fraternité au travers de la parabole appelée « le bon samaritain » (cf. Luc 10 :30-37) Chacun est invité à la méditer… Cette fraternité a un contenu compassionnel. C’est plus qu’une attention, une prévenance, un bon geste occasionnel, c’est un état d’esprit qui se vit en toutes circonstances. Cette réalité est définie par un mot dans la littérature grecque : φιλαδελφια = l’amour fraternel. Dans la Bible, l’apôtre Paul l’utilise pour rappeler l’importance du contenu de la relation à l’autre, son frère : « Que l’amour fraternel vous lie d’une mutuelle affection (tendresse dans l’original) ; rivalisez d’estime réciproque. » Romains 12 : 10 (version T.O.B.) et ailleurs « Sur l’amour fraternel, vous n’avez pas besoin qu’on vous écrive, car vous avez appris vous-mêmes de Dieu à vous aimer les uns les autres » 1 Thessaloniciens 4 :9 La bible insiste sur cette valeur cardinale : « Que l’amour fraternel demeure. » Hébreux 13 : 1 (version T.O.B ou Darby)

L’apôtre Pierre résume le message chrétien en ces termes : «  pour cette même raison aussi, y apportant tout empressement, joignez à votre foi, la vertu ; et à la vertu, la connaissance, et à la connaissance, la tempérance ; et à la tempérance, la patience ; et à la patience, la piété ; et à la piété, l’affection fraternelle, et à l’affection fraternelle, l’amour. » 2 Pierre 1 5-6 (version Darby). Laissons au Christ le dernier mot. S’adressant aux scribes et aux pharisiens, il déclare avec empathie : « Vous êtes tous des frères » Matthieu 23 :8 (version Nouvelle Edition de Genève)

 

Conclusion :

 

Les valeurs républicaines : Liberté, Egalité, Fraternité ont aussi pour terreau une Parole venue de Dieu et transmise aux hommes. La laïcité à la française ne peut faire l’économie de cette donnée incontournable, sinon elle tombe dans le déni de sa propre histoire.

C’est superbe d’avoir ce triptyque républicain sur le fronton de nos mairies, encore faudrait- il, avec application, passer aux travaux pratiques dans les écoles, dans les foyers, dans les discussions à l’Assemblée nationale, dans les relations internationales… 

Les caricatures du triptyque républicain n’ont pas à être seulement pointées dans un journal, elles font aussi partie du quotidien de nos gouvernants et des administrés que nous sommes. Ce 11 Janvier 2015 nous a donné une bouffée d’oxygène. Elle était la bienvenue dans un climat de pollution. Un peu d’air pur fait toujours du bien.

L’aspiration des peuples à vivre en harmonie avec eux-mêmes et avec leur semblable est parfaitement louable. Il faut l’encourager. Tendre à une qualité de vie, dans la paix est un bienfait. La prise en compte des différences est une richesse. Ce sont les nuances de couleurs qui font la beauté d’un tableau… Alors oui ! Pour défendre avec intelligence la liberté, l’égalité, la fraternité. Mais que chacun fasse son autocritique. Comme le recommande l’apôtre Paul : « Que chacun examine sa propre conduite et alors il trouvera en soi seul et non dans les autres l’occasion de se glorifier … » Galates 6 : 4 (version de la Bible de Jérusalem) Un jour le Seigneur Jésus dit à la foule rassemblée : « Examine donc si la lumière qui est en toi n’est pas ténèbres » Luc 11 :35 (version T.O.B.)

Le roi David, revêtant des sentiments d’humilité, s’exprima sincèrement en ces mots : « Dieu ! scrute-moi et connais mon cœur, éprouve-moi et connais mes soucis. Vois donc si je prends le chemin périlleux, et conduis-moi sur le chemin de toujours. » Psaume 139 :23-24 (version T.O.B.)

Les trois mots : Liberté, Egalité, Fraternité sont sublimes… A chacun de se repositionner au travers d’une motivation nouvelle.

                                                                                         Jacques Eychenne

 

 

 

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