Vaincre le mal par le Bien

 

 

    Vaincre le mal

       par le bien

Matthieu 5 : 38-48

  Romains 12 : 21

 

Introduction :

 

La rapidité des moyens de communication permet d’être informée en quelques minutes. Cela est très utile dans bien des circonstances. Toutefois, ces avancées technologiques ont leurs revers. Elles polluent notre esprit de nouvelles sinistres, nous font suivre le développement d’une guerre au jour le jour, nous placent en position de spectateurs dans les assauts pour neutraliser les combattants de Daesh, et nous font revivre des drames, des catastrophes naturelles ou des accidents meurtriers. Cette pollution par le son et l’image finit par contaminer le moral de la conscience collective. Les conséquences sont mal évaluées tant cette pollution est insidieuse. On observe toutefois dans nos pays européens une montée de la violence, une recrudescence des agressions, un délitement du respect dû à autrui, sans parler de la morosité ambiante…

Le chrétien, qui n’est pas encore au ciel, doit affronter cette réalité, même s’il sait que ces évènements font partie des signes annonçant la fin d’un cycle : celui de l’hégémonie humaine. Comment dès lors rester serein et positif ? Que nous disent le Seigneur et les apôtres ?

 

Développement :

 

Matthieu 5 : 38-48 et Romains 12 : 17-21

 

A la lecture de ces deux textes, nous restons interloqués et sans voix. Comment est-ce possible en l’état actuel ? Est-ce même souhaitable ? Puis, dans un deuxième temps fleurissent de nombreuses et bonnes raisons de tempérer ces paroles apparemment indigestes. Heureusement, très souvent, dans un troisième temps, vient la réflexion, puis la reconnaissance que la meilleure solution émane des textes bibliques.

Si nous déconnectons cette réflexion de tout contexte passionnel, on se rend vite à l’évidence que la révolution initiée par le Christ, et poursuivie par les apôtres, est la seule qui soit efficiente dans la résolution de tous les  conflits personnels, interpersonnels et communautaires.

Pour bien se pénétrer du bien-fondé de cette révolution du cœur vécue par le Christ, essayons dans un premier temps d’analyser ce qui lui est contraire. A savoir répondre à l’injure par l’injure, à l’agression par l’agression, à la vengeance par la vengeance,  au meurtre par le meurtre, à la guerre par la guerre. Autrement dit, si l’on pousse le raisonnement, on est replongé dans l’histoire de la première fratrie,  on se retrouve dans le face à face entre Caïn et Abel. Par jalousie, il tua son frère.

Dans le contexte qui sévissait à l’époque de Moïse, et dans lequel la vie ne pesait pas lourd, la mesure de sauvegarde consistait à dire :

« Et s'il arrive malheur, tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. » Exode 21:23-25, version Darby. (Ces dispositions étaient le moindre mal en leur temps…)

 

Aujourd’hui encore, la tentation de répondre à la violence par la violence semble bien présente. Elle correspond à la vérité des extrêmes qui estiment que seule leur vérité a droit de cité, à l’exclusion de toute autre. Imposer son idéologie par la force est, certes psychologiquement un aveu de faiblesse, mais les instigateurs et les propagandistes de ces théories n’ont cure de ces considérations. A chaque fois qu’un incendie terroriste ou guerrier s’allume dans le monde, le côté sombre de l’humain refait surface.

Du coup, toutes ces exactions maléfiques créent un climat qui finit par nous atteindre, même si nous nous croyons suffisamment forts pour affronter le péril. Les médias entretiennent involontairement cette atmosphère. La peur, l’angoisse, l’inquiétude face au lendemain, l’avenir de nos enfants, tout devient d’un gris qui vire au noir. L’insécurité contamine notre moral, le pessimisme l’emporte. A ce sujet, le philosophe français Alain au siècle dernier disait : « Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté ». Le climat ambiant dans lequel nous vivons actuellement incline vers cette habitude à ne percevoir qu’une réalité négative de la vie. Portés par le courant dominant, nous nous laissons aller à ne voir que ce qui est suspect, menaçant et insupportable. Il est facile d’être pessimiste de nos jours, il suffit d’interroger nos humeurs face aux multiples difficultés qui nous assaillent…

Par contre, l’optimisme est une vertu de résilience forte. Elle se cultive précisément dans l’adversité. Cette vertu a la spécificité de nous débarrasser de tous les encombrants qui polluent notre quotidien. Sont à mettre volontairement à la poubelle : nos regrets, nos contrariétés, nos ressentiments, nos méfiances, nos suspicions, nos culpabilités, nos procès d’intention… (cf. La liste n’est pas exhaustive!) 

L’optimisme est de volonté, mais pas seulement de volonté, nous avons besoin d’une aide extérieure pour la motiver et galvaniser.

Certains peuvent penser différemment : « Quand on ne trouve pas son repos en soi-même, il est inutile de le chercher ailleurs » de La Rochefoucauld. Mais de toute évidence ce qui nourrit le bon repos, ce qui procure la sérénité vient d’un ailleurs. La volonté est, certes, en soi, mais  l’espoir vient d’ ailleurs.

C’est ainsi que le Christ nous a éveillés à une relecture des textes anciens.

 

« Vous avez appris qu’il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. » Matthieu 5:43-45, version Nouvelle Edition de Genève.

 

La révolution que le Christ a promue est de nature toute autre. Elle élève le débat à un niveau qui est inatteignable sans son aide. Le Seigneur traduit cette évidence par l’utilisation d’un futur.  Il déclare : « vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »  Matthieu 5:48, version TOB. L’emploi de ce futur est très significatif. Il indique que le Seigneur investit positivement dans la capacité de la nature humaine à accueillir ce qu’il veut accomplir en nous et pour nous. L’apôtre Paul l’a bien compris quand il écrit : « Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irréprochable, lors de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ ! Celui qui vous a appelés est fidèle, et c'est lui qui le fera. »  1Thessaloniciens 5:23-24 (c’est moi qui souligne)

 

Il serait illusoire de penser que la perfection est du registre de l’humain. Il ne s’agit donc pas de transformer un ennemi en ami, mais de le bénir (cf. le confier à Dieu), lui faire du bien (cf. ne pas répondre à sa provocation) et prier pour lui (cf. que Dieu peut remédier à son aveuglement).  L’objectif élevé que le Seigneur place sous nos yeux a une double signification. D’une part, il nous conforte dans l’amour que le Christ nous porte par la confiance qu’il place en nous, de l’autre, il nous force à un dépassement et une nécessité d’avoir recours à son aide. Mais soyons en sûrs, ce qu’il nous propose peut devenir occasionnellement une réalité, et le deviendra dans un futur proche. C’est presque un texte prophétique. Et c’est pour cela qu’il peut décontenancer tous ceux qui pensent que cet objectif doit devenir une réalité permanente dans le temps présent. Tout sera rendu possible quand seulement le mal ne sera plus.

 

L’apôtre Paul l’entend ainsi quand il paraphrase le sermon sur la montagne du Seigneur. Que dit-il ?

« Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien devant tous les hommes. S'il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes. Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère; car il est écrit: À moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui à boire; car en agissant ainsi, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais surmonte le mal par le bien Romains 12:17-21 (c’est moi qui souligne). (Le symbolisme des charbons ardents est en rapport avec la présence de l’Eternel (cf. Lévitique 16 : 12,13), il représente aussi les actions pures que Dieu récompense (cf. Proverbes 25 : 22) ; il symbolise encore une démarche de purification (cf. Esaïe 6 : 6) Rappelons qu’autrefois on soignait des plaies infectées en les cautérisant avec des morceaux de braise.)

 

Paul nous invite à développer la maîtrise de soi, puis à être des artisans de paix. Il nous conseille d’abandonner tout esprit de vengeance, et de nous en remettre à Dieu. Il est le seul juge pratiquant l’équité. Il nous convie à nourrir ceux qui ont faim et à leur donner à boire  sans discrimination. Puis il énonce un principe directeur qu’il nous prie d’inscrire au fronton de nos cœurs : Vaincre le mal par le bien. ( νικάω =   conquérir, remporter la victoire, sortir victorieux)   

« Ne laissez jamais les rênes de votre conduite entre les mains du mal ; au contraire, prenez l’offensive et triomphez de lui par le bien. » parole vivante, Transcription Dynamique du Nouveau Testament par Alfred Kuen.Nous touchons là le point central de la révolution initiée par le Christ. L’amour devient plus qu’un simple sentiment, il devient un principe de vie qui alimente notre motivation et décuple notre capacité à produire le bien. Mais attention, l’énoncé, c’est bien, le vivre c’est mieux. Or, le combat n’est pas aisé. Le mal a étouffé quelque peu notre volonté à mener ce combat avec détermination, même si confiants, nous savons qu’à tout moment, nous pouvons être assistés par le Seigneur. Il a lui-même livré ce combat, et il en est sorti victorieux. « Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, j’ai vaincu le monde. »  Jean 16:33. C’est donc avec une grande assurance que nous prenons acte de sa promesse : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps Matthieu 28:20, version TOB.

Etre vainqueur du mal par le bien, c’est prendre conscience que la vie est combat. Nous vivons notre dignité humaine quand nous acceptons et relevons ce combat avec l’aide de Dieu. L’apôtre Paul a considéré le sens de sa vie ainsi :

« J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. » 2Timothée 4:7

Pour avoir au fond du cœur cette conviction en fin de parcours, il faut être lucide envers soi. Le combat commence par soi. Il faut sans cesse  se souvenir que la tension entre le bien et le mal nous habite en permanence. Le même apôtre a pu dire : 

« Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair: j’ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien. Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. » Romains 7:18-19

Autrement dit, nous sommes tous, croyants et non croyants traversés par les mêmes tensions. La seule différence réside dans le fait d’accepter une aide extérieure pour les résoudre au mieux. C’est comme si, nous découvrant malades, nous réclamions la visite d’un médecin. Cela fait référence à une démarche de bon sens et de foi. Mais sans cesse la victoire d’hier ne présume pas celle de demain, même si l’expérience personnelle avec Dieu fortifie sans cesse la foi en ses promesses. La difficulté est là !

 

« Que l'amour soit sans hypocrisie. Ayez le mal en horreur; attachez-vous fortement au bien.  Romains  12:9  

Lors d’un congrès à Bruxelles, en 2014, le pédiatre, pédopsychiatre, psychanalyste Bernard Golse a eu cette phrase inspirée : « Pour bien se détacher, l’enfant doit savoir bien s’attacher ». Spirituellement, il en va de même…

 

Le combat de la vie nécessite une vérification permanente de nos ancrages au bien. Nous sommes tous en marche. Le défi à vivre le bien taraude nos quotidiens. L’optimisme est la persévérance dans la pratique du bien. C’est la recommandation qu’adresse l’apôtre Paul aux chrétiens de Thessalonique : « Frères, ne vous lassez pas de faire le bien » 2 Thessaloniciens 3 : 13

En fait, l’expérimentation du bien, outre le fait qu’elle procure un sentiment jouissif,      contribue à l’avènement de la maturité personnelle. « Mais la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux dont le jugement est exercé par l'usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal. » Hébreux  5:14 

L’incurable indigence de l’homme consiste à se croire meilleur que les autres. Il juge, compare, s’attribue des mérites, considère que ce sont toujours les autres qui ont tort. Le Seigneur a très justement pointé nos lacunes quand il déclare dans le sermon sur la montagne : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » Matthieu 7 : 3

 

Mais le combat est aussi extérieur à soi. Il faut faire face à toutes les forces d’opposition négatives. Elles nous agressent presque en permanence. Pratiquer le bien n’est pas une sinécure. Le Christ a prévenu. La marche vers le bien, mue par l’amour dérange. « Vous serez livrés même par vos parents, par vos frères, par vos proches et par vos amis, et ils feront mourir plusieurs d'entre vous. Vous serez haïs de tous, à cause de mon nom. Mais il ne se perdra pas un de vos cheveux; par votre persévérance vous sauverez vos âmes» Luc 21:16-19 

 

Face aux multiples écueils et dangers, faut-il renoncer ?  Certes non !

Quand on voit ce que les Français sont prêts à faire pour défendre leur liberté, allons-nous renoncer à des valeurs qui engagent notre bonheur au présent et notre devenir ?

L’apôtre Pierre a raison de nous rappeler : « il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal» 1 Pierre 3 : 17  

Notre fierté dans le combat est d’accepter de perdre une bataille, pour vaincre la guerre. Parfois, nous sommes terrassés, mais jamais anéantis, blessés, mais jamais grièvement, humiliés, mais jamais entamés dans notre engagement. La cause que nous cherchons à défendre ne relève pas de l’humain, même si cela nous concerne. Le combat est éminemment d’essence spirituelle, même s’il est loin d’être notre seul fait. Comme à son disciple Timothée, l’apôtre Paul nous dit : « Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle à laquelle tu as été appelé… »  1 Timothée 6 : 12

 

Conclusion :

 

Ne nous leurrons pas, la vie est un combat et il est important d’être au clair sur la nature de ce combat. L’humain n’a pas à combattre l’humain. Si  ce constat malheureusement existe, c’est parce qu’il est révélateur d’un combat plus important avec les forces occultes du mal. Les humains en sont tous, à des degrés divers, des victimes (cf. Ephésiens 6 : 12-1 ; Romains 3 : 9-18).

Sans complaisance, commençons ce combat vis-à-vis de nous-mêmes et demandons à Dieu de nous aider à extirper de nos pensées tout ce qui peut faire obstacle à une relation fraternelle. Puis, prenons pour habitude de remettre tout jugement sur notre prochain entre les mains de Dieu, afin de ne pas chercher à nous venger nous-mêmes. Et si nous sommes agressés, utilisons un principe du karaté : c’est l’art de se dépouiller de son agressivité naturelle afin de mieux contrôler et neutraliser l’instinct  belliqueux de son agresseur. Tendre la joue droite, c’est trouver une autre solution à la surenchère naturelle qui peut conduire à la destruction de son prochain. Pratiquer le bien peut aussi nous conduire à neutraliser la folie meurtrière. La vertu cardinale de l’amour est de neutraliser le mal sans avoir à le reproduire. Cette discipline du cœur ne peut pas être, uniquement, le fait de l’homme.

                                                                                         Jacques Eychenne  

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