Que cherchez-vous ?

 

Que cherchez-vous ?

                         ou

la joie d’une découverte   personnelle

       Jean 1 38-51

 

Introduction :

 

L’apôtre Jean introduit son évangile par une révélation concernant les origines du Christ. Il nous apprend que c’est la Parole qui s’est faite chair. Cette Parole a été annoncée par Jean, dit le baptiste. Habité par l’Esprit divin, il s’est défini, lui aussi, comme une parole, plus précisément, comme une voix qui crie dans le désert (cf. Jean 1 : 23). Comme nous l’observons, l’accent est mis sur le thème de la Parole, organe par excellence de la communication. Ainsi, cette Parole venue du fond des âges a d’abord été portée par un humain. Sa voix n’a pas retenti dans la capitale de Jérusalem, mais au désert, curieuse façon d’être audible par le plus grand nombre de personnes ! Cependant, l’endroit était propice à annihiler toute pollution sonore. Puis, on découvre Jésus de Nazareth…

La première parole que Jean place dans sa bouche est une question : « que cherchez-vous ? ». Jusqu’à présent l’auteur de l’Evangile s’était évertué à nous faire connaître qui était cette Parole. On voit bien, d’après le récit de Jean, que Jésus sait ce que les disciples de Jean Baptiste cherchent. Attentifs à sa prédication, ils s’attendaient à trouver Jésus-Christ, l’agneau de Dieu (cf. Jean 1 : 17, 29,36). Il est clair que les disciples espéraient rencontrer une personne inspirée, présentant les caractéristiques du Messie.

Du coup, la première parole du Christ nous prend à contre-pied. On s’attendait à « qui cherchez-vous ? ». Mais la question de Jésus est « que cherchez-vous ? ». Pourquoi ce décalage ? que veut nous faire entendre cette Parole ?

 

Développement :

 

Disons en premier, que ce pronom interrogatif grec (τί = ti), est sans équivoque. Sa forme accusative neutre singulier, se traduit bien par un « que ». La question est troublante car les deux disciples de Jean avouent que leur aspiration porte sur un « qui », c’est-à-dire une personne. Leur réponse est donc cohérente : « Rabbi (ce qui signifie Maître), où demeures-tu ? » Jean 1 : 38, version LSG.

Partant du principe que rien dans le texte n’est dit au hasard, essayons de comprendre pourquoi le Christ a employé le « que » et non le « qui ».

Connaissant parfaitement la nature humaine, le Seigneur a posé une question ouverte. Ce « que cherchez-vous ? » précède toute tentative de découverte. L’interrogation oblige une clarification de toutes recherches intérieures. Jésus est tellement respectueux de la personne, qu’il la somme de s’interroger avant d’agir et de suivre. De nos jours, un « qui cherchez-vous ? » ferait mieux l’affaire, tellement la réflexion a été rangée au placard. On préfère suivre un guide, un tuto, c’est-à-dire un itinéraire défini par un autre que soi. Il faut dire que beaucoup s’ingénient à penser pour nous. Tout est prêt à consommer tel quel, même dans le domaine spirituel.

Le Christ brise là ce piège. Il nous invite à penser par nous-mêmes et à ne point réfléchir la pensée des autres, fussent-elles des élites.

Certes, le Seigneur va répondre à l’attente des deux disciples, mais c’est après leur avoir posé cette profonde et vraie question « que cherchez-vous ? ».

A travers les siècles cette question pertinente a toujours interrogé. Quel but essentiel poursuivons-nous ? Après quoi courons-nous, pris que nous sommes par l’accélération exponentielle des sciences et des techniques ? En substance, quelle est la finalité de notre vie ? La question est dérangeante, surtout si on y incorpore une notion spirituelle. Pourquoi ? Parce que beaucoup de personnes ont du mal à vivre tout simplement. Cette réflexion se présente comme un luxe réservé aux nantis. Qu’ils sont nombreux ceux et celles qui ont du mal à se frayer un chemin de vie ! Pourtant, et souvent par tous les moyens, beaucoup migrent sur des sentiers périlleux, privés du minimum vital… Alors, se poser la question de la finalité de leur vie est loin d’être leur priorité, ils veulent vivre au présent. Cultivant un éternel espoir, ils ne peuvent se projeter au lendemain tellement leur situation de vie peut vaciller. Poser la question : « que cherchez-vous ? » peut même devenir provocation, tellement leur soif de vivre est prégnante et leur condition précaire.

Contre toute mauvaise fortune, envers et contre tout, la question du Christ est intemporelle. Elle traverse toutes les circonstances de la vie, y compris les plus difficiles, y compris les plus douloureuses.

Les deux premiers disciples qui vont suivre le Seigneur vont répondre par une autre question qui dit toute leur quête depuis plusieurs mois. Certes, ils n’ont pas la possibilité de répondre philosophiquement à la question du Christ, mais ils sont au clair sur ce qu’ils cherchent. Ils ont soif d’une grande rencontre avec Celui qui peut seul répondre à leur attente. Instinctivement, ils posent à leur tour la question : « Où demeures-tu ? » Jean 1 : 38. Le verbe grec exprime deux idées complémentaires (μένω = meno= a) rester en référence à un lieu ; b) séjourner, s'attarder, demeurer en référence avec une personne). Il s’agit pour eux de savoir où le Christ habite pour passer du temps avec lui. Le verbe séjourner traduit bien la situation. Quand est-il pour chacun de nous ?

Si on vous pose la question « que cherchez-vous ? » et que vous répondez « où est-ce que tu crèches ? » vous risquez d’avoir un problème, ou pour le moins d’être incompris. Mais le Christ ne s’offusque pas, car il a perçu l’intention des disciples.

Leur réponse nous propose deux réflexions contradictoires. Soit, ils n’ont pas pu répondre (nous écartons : ils n’ont pas voulu), soit, la réponse était tellement évidente qu’ils n’ont pas ressenti la nécessité de la formuler.

La première nous conduit à la prise en compte d’un fait trop récent dont la portée les dépasse (cf. Ils ignorent encore que Jésus est le Messie). La deuxième nous renvoie à une évidence prêchée par Jean le Baptiste, à savoir que Jésus-Christ est l’agneau de Dieu (cf. contexte immédiat v. 36, même si cette compréhension s’ajuste mal avec la notion d’un Messie triomphant). Si cette même question nous était posée aujourd’hui, serions-nous, nous aussi pris de court ?

 

Afin d’éveiller les deux disciples à une réflexion profonde portant sur sa première question, le Seigneur va les initier à un parcours de découverte personnelle. Son injonction est concise et claire : « Venez et vous verrez » Jean 1 :39, version TOB. Le premier verbe grec est conjugué à l’impératif présent, le deuxième est au futur.

 

Que nous dit cette manière de procéder du Christ ?

 

Il respecte parfaitement le degré de compréhension de chacun et chacune. Il ne s’impose pas à la manière d’un gourou qui ne permettrait pas que l’on amende ses affirmations. Le

Christ propose un chemin à suivre avec une destination précise. Aucun reproche n’est fait aux deux disciples qui ont (peut-être) voulu esquiver sa première question. Au lieu de s’attarder à un développement philosophique ou à des explications non assimilables, le Seigneur ne veut pas clarifier les choses dans l’instant. Il n’y a aucune précipitation à avoir. Il veut leur donner le temps de la découverte. Mais pour cela, il y a une condition : il faut faire un bout de chemin avec lui. Le fait paraît banal, mais la démarche est essentielle. Déjà les maîtres de la pensée grecque avaient utilisé ce procédé de mise en situation. Près de quatre siècles avant J.C., Aristote avait créé l’école péripatéticienne ou école péripatétique au lycée d’Athènes. Aristote enseignait en marchant avec ses élèves. Le Christ a repris cette méthode pédagogique, en l’associant à un sujet plus fondamental : la découverte du vrai chemin de vie. Il a même amélioré la démarche. A un enseignement ex cathedra, il a privilégié la découverte personnelle. Il ne s’agit pas d’entendre seulement, mais de voir.

 

« Venez » est une invitation qui a traversé les temps et qui nous interpelle personnellement. Pour les deux disciples, l’injonction faisait appel à la foi et à la confiance. On ne suit pas n’importe qui uniquement parce qu’il nous le propose ! Il est vrai qu’ils n’allaient pas suivre un inconnu. Jean-Baptiste avait désigné celui qu’il fallait suivre. Toutefois suivre un agneau peut aussi ne vouloir rien dire ou dire même le contraire de ce qu’il symbolise. De nos jours, l’expression n’est pas signifiante, mais pour un juif de cette époque, l’agneau est l’animal type que l’on utilise pour les sacrifices. Mais là encore le Messie va initier une révolution : l’agneau n’est plus à sacrifier, il est à suivre, car c’est lui qui va être sacrifié. Il est clair que les deux hommes ne pouvaient avoir ce regard prophétique, mais tout était déjà annoncé ! Jésus savait que l’humain a besoin de voir pour comprendre aussi emploie-t-il un deuxième verbe. « Venez et vous verrez ».

 

« Vous verrez ». Le futur est bien à propos. Le contrat confiance que le Seigneur veut que l’on signe, ne s’apparente pas à un saut dans le vide au mépris de toute sécurité. Ce n’est pas non plus un blanc-seing que l’on apposerait au bas d’une page vide ou même un codicille au bas d’un testament. Il veut nous donner des gages pour fortifier nos ténus élans de foi. Sa méthode de persuasion n’a rien de comparable. Elle tend à la démonstration d’une parole vraie. Personne n’a pu être aussi authentique que Lui. C’est la raison pour laquelle, le Maître s’est défini lui-même comme le chemin par excellence, la vérité dans son absolu, et la vie dans sa plénitude (cf. Jean 14 : 6).

Malgré tout, sa démarche est empreinte d’amour. Aucune contrainte au détriment de la     volonté humaine n’est utilisée. Il dira clairement : « si quelqu’un veut venir après moi (cf. original= derrière moi), qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix (cf. Luc ajoute : chaque jour) et qu’il me suive » Marc 8 : 34, version LSG.

Pour voir dans le futur, il faut donc désirer avancer ensemble dans le présent. Comme dans toute relation, si la confiance n’est pas au rendez-vous, la démarche est biaisée. Si le Seigneur nous invite à nous positionner derrière lui, c’est aussi pour nous faire comprendre que son combat ne peut être comparé au nôtre. De plus, sa position nous fait reconnaître que c’est Lui qui ouvre le chemin. Il est notre éclaireur, notre pisteur, notre guide. Renoncer à soi n’est en rien subir une lobotomie, ou être plongé dans un état d’inconscience, ou subir une humiliation. C’est tout le contraire ! C’est admettre que notre volonté a toute sa place quand elle accepte d’admettre que la grande solution, à nos problèmes et à notre mort, est extérieure à nous-mêmes. Puis, vient l’incontournable nécessité d’assumer toutes les difficultés et douleurs de nos quotidiens.

 

« Vous verrez ». Mais qu’ont-ils vu ?  « Ils virent où il demeure et auprès de lui ils demeurèrent ce jour-là » Jean 1 : 39, version libre. Nous avons déjà parlé de ce verbe grec qui traduit l’idée de rester et de demeurer. Il suggère une idée de temps passé avec une personne et en même temps l’idée de prolonger ce temps.

Très simplement, ils ont vu où le Christ avait l’habitude de séjourner. De nos jours beaucoup de personnes sont en recherche d’un sens plus profond à leur vie. Les insatisfactions sont en hausse. Les diseuses de bonne aventure, les cartomanciennes et autres professions du même genre le savent bien. Elles exploitent la crédulité de ceux et celles qui ne savent plus de quel côté se tourner pour résoudre leurs difficultés et être bien dans leur être.

Encore faut-il chercher les solutions là où elles peuvent se trouver ! « Vous verrez » est une invitation à faire une expérience personnelle.  Nous n’avons pas le contenu des entretiens du Seigneur avec ses disciples, mais on subodore qu’ils ont été empreints d’encouragements précis. Le Seigneur nous en a donné quelques exemplaires : « venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos » Matthieu 11 : 28, version LSG. Le Christ offre repos, assistance et secours à tous ceux qui ressentent le besoin de son aide. « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et vous le verrez s’accomplir » Marc 11 : 24, version LSG. Le non-exaucement d’une prière est aussi à comprendre comme une bonne réponse du Seigneur. Cela part du fait que nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières (cf. Romains 8 : 26).  Dieu regarde aussi nos motivations profondes. Il sait si notre démarche est foi.

« Vous verrez » renvoie à une démarche de confiance. Il y a une bienfaisante prévenance dans l’attitude du Seigneur. Il ne nous demande pas de le suivre les yeux fermés. Nous voulons voir, constater, vérifier la véracité de ses propos. L’annonce a presque toujours précédé son action. A propos de la trahison de Judas Iscariote, il dira aux disciples rassemblés : « Dès à présent je vous le dis, avant que la chose arrive, afin que, lorsqu’elle arrivera, vous croyiez que je suis » Jean 13 : 19, version LSG. Plus littéralement : « vous ayez foi que moi je suis » ; suggestion : mettre en parallèle avec la révélation de Dieu à Moïse (cf. Exode 3 :14). Cette invitation à adhérer par la foi à ces propos sera maintes fois réitérée sur d’autres sujets, y compris les évènements de la fin des temps (cf. Jean 14 : 29 ; Luc 21).

« Venez et vous verrez ». Le Seigneur s’est laissé trouver par ceux qui le cherchaient vraiment. La rencontre a bouleversé leur vie. Ils n’imaginaient pas que ce serait à ce point. André, le frère de Simon (celui qui sera appelé Pierre) avait dû quitter quelques jours auparavant l’entreprise familiale de pêche pour écouter cette voix qui tonnait dans le désert. Il était accompagné d’un petit jeune de sa région. Très certainement l’auteur de ce récit, c’est à dire Jean. Ce qui me permet de le penser, c’est précisément le détail que donne l’auteur de l’évangile (cf. Jean). Il mentionne près de 65 ans plus tard, l’heure approximative de cette rencontre mémorable : « C’était environ la dixième heure » c’est-à-dire entre 15 heures et 16 heures de l’après-midi. Cela nous laisse supposer qu’ils ont passé au bas mot quelques heures avec ce Rabbi. Ont-ils même dormi sur place ? c’est fort possible. Ont-ils encore prolongé les entretiens le demain ? c’est tout à fait envisageable, compte tenu du fait que leur vie va être, à partir de ce temps, complètement bouleversée. Là encore qu’est-ce qui nous permet de l’affirmer ? Tout simplement la suite du récit. Que fait André ?

« Il va trouver, avant tout autre, son propre frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie ! » - ce qui signifie le Christ » ; ou plus précisément : « il trouve en premier (cf. πρῶτος = protos = premier en temps ou lieu ou encore dans toute succession de choses ou de personnes) son propre frère Simon ».

De Judée, André est remonté vers le Nord du pays en Galilée pour s’empresser de donner la grande nouvelle : « Nous avons trouvé le Messie, ce qui veut dire le Christ » Jean 1 : 41.

Dans ce récit le verbe trouver (cf. εὑρίσκω = heurisko = à la première personne de l’indicatif parfait cela donne le fameux euréka que l’on clame quand on a trouvé quelque chose d’important.) est cœur de toute cette belle rencontre. Simon ne tient plus en place. Toute l’espérance d’Israël est peut-être sur le point de trouver sa finalité. Aussi, laissant toute l’entreprise de pêche, il part avec son frère à la rencontre de Jésus. André refait la route en sens inverse, car Jésus semble toujours être en Judée. Pour Pierre ce fut le choc de sa vie. Le regard profond que le Seigneur a posé sur lui va pénétrer son cœur. Jésus lui dit alors : « Toi, tu es Simon le fils de Jean, toi tu seras appelé Céphas ce qui signifie Pierre » Jean 1 : 42, traduction littérale.

Le lendemain de cette rencontre, tout le monde repart en Galilée, car c’est dans cette région que le Seigneur veut poursuivre son recrutement de disciples (cf. Jean 1 :43-51).

Si le texte de l’apôtre Jean est à ce point concis, dépouillé de tous sentiments, de toute expression de joie, c’est peut-être pour nous permettre de nous insérer entre ces lignes et d’imaginer le bonheur que ces disciples ont trouvé. Désormais, pour chacun d’eux, plus rien ne sera comme avant, même si pour un court laps de temps, Pierre est retourné à son entreprise de pêche avec son père et ses frères.

Conclusion :

Tout a commencé avec une question de Jésus : « que cherchez-vous ? ». Elle interpelle toujours et encore. Elle met en évidence ce Moi profond qui initie toute recherche intérieure et s’en donne les moyens. Quand on peut dire : Euréka ! et manifester sa joie, nos pas sont plus légers et nos fardeaux moins lourds. Seulement que cherchons-nous de nos jours ? Il y a tellement de sollicitations que nos priorités sont confuses. La modernité a certainement allégé nos tâches ordinaires, mais en même temps, elle a compliqué notre capacité à nous frayer un chemin de paix et de sérénité. Même si cela peut nous paraître puéril, posons-nous un instant au calme et interrogeons-nous. Que cherchons-nous de plus précieux en ce bas monde ? Quels moyens nous donnons-nous pour nous positionner sur un vrai chemin de vie ?  La question du Seigneur, tout comme celles que nous pouvons nous poser semblent banales. Pour autant, elles peuvent changer le cours de notre histoire… 

 

« Que cherchez-vous ? ; « Où demeures-tu ? ; « Venez et vous verrez ? »

 

« Vous ne trouverez jamais ce que vous ne cherchez pas » Confucius.

« Les yeux sont aveugles. Il faut chercher avec le cœur » Antoine De Saint-Exupéry.

 

                                                                                      Jacques Eychenne

 

Ps :  TOB, version Traduction Œcuménique de le Bible ; LSG, version Louis Segond.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

 

 

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