ou
l'harmonie dans la relation
Esaïe 58:13-14
Introduction :
La notion de plaisir est très souvent suspecte dans le contexte spirituel de nos cultures occidentales. Pire, elle est placée au ban des accusés dans bien de situations. Que faut-il donc en penser ?
Comme souvent, tout dépend de ce que l’on met derrière les mots.
Le plaisir dont je veux parler est celui que Dieu a voulu pour le bonheur de l’homme, au travers de tous ses sens. Pour moi, il n’y a de réel plaisir que dans la perspective de l’harmonie. Le plaisir est une manifestation concrète de l’amour, il se vit dans l’harmonie. C’est quelque chose de subtil, d’indéfinissable, de profond, qui est à l’opposé de cette excitation compulsive et irraisonnée de notre monde occidental. Tout plaisir qui passe par une destruction de son propre corps, qui écorne l’honneur et le respect de l’autre, est une perversion du plaisir. Quand le plaisir est décliné comme une fin en soi, alors il y a problème. (Cf. 2 Timothée 3 :4) Mais quand on parle de l’amour de Dieu pour le genre humain, est-ce que nous y introduisons une notion positive de plaisir ? Que dit la Parole de Dieu à ce propos ?
Développement :
Dans le Deutéronome, livre qui, comme chacun sait, nous redit une deuxième fois la loi (expression positive de la pensée divine pour l’homme) nous voyons que toute la relation de Dieu avec l’homme devait se vivre comme un temps de plaisir.
Ainsi chaque année, chaque responsable de famille devait manger avec les siens la dîme de tous les produits de la terre, en reconnaissance à Dieu qui donne tout. Il devait le faire dans un lieu choisi par Dieu. Si le transport de cette dîme posait trop de problèmes de transport, on pouvait la transformer en argent pour acheter tout ce qui était nécessaire à la fête sur place, au lieu choisi par Dieu. (Cf. Deutéronome 14 : 22-26)
« Là, tu achèteras avec l’argent tout ce que tu désireras, des bœufs, des brebis, du vin et des liqueurs fortes, tout ce qui te fera plaisir, tu mangeras devant l’Eternel, ton Dieu, et tu te réjouiras, toi et ta famille ».
Deutéronome 14 : 26. « …Tout ce dont vous aurez envie… » T.O.B. Dans le texte Hébreux, il est parlé du désir de l’être.
Il ressort donc de ce passage que la relation avec le Créateur est centrée sur le désir et le plaisir. Seules ces valeurs peuvent donner sens à la fête célébrée en l’honneur de Dieu.
Observons aussi que dans le livre du lévitique, les principaux enseignements de Dieu étaient pédagogiquement transmis par le lien festif. Les grandes fêtes d’Israël avaient pour vocation de graver dans le conscient collectif tous les bienfaits de Dieu, Père du peuple.
Choisir le moyen de la fête, pour graver dans le cœur humain, les désirs de Dieu, n’est-ce pas une démarche d’amour ? Il est regrettable, que les cultes et homélies tellement solennels de nos cultures occidentales, ne laissent que rarement transparaître cette belle réalité si bonne à vivre...
Dieu, si grand et si puissant, souhaite recevoir notre amour; c’est sa plus grande joie. En retour et en interaction, il dispose tout pour notre bonheur, dans la mesure ou nous lui faisons confiance. Et tous nos sens sont en éveil et en joie.
« Dieu prendra plaisir à ton bonheur »Deutéronome 30 :9b
Non seulement la notion de plaisir fait partie du dessein de Dieu pour nous, mais elle est une aventure à vivre au quotidien.
David l’a bien compris quand il s’exclame : « Heureux l’homme... qui trouve son plaisir dans la loi de l’Eternel, et qui la médite jour et nuit ! » Psaumes 1 : 1,2
Ailleurs il dira : « Quel autre ai-je au ciel que toi ? Et sur la terre je ne prends plaisir qu’en toi. » Psaumes 73 :25Littéralement en hébreux : « Et moi, avec toi, je prends plaisir… »
Bien sûr, ces affirmations relèvent de l’expérience personnelle, mais elles font partie de la joie du croyant, et cette joie réelle contamine les activités de tout son quotidien.
Sur un plan relationnel, si l’homme trouve son plaisir en Dieu, en prenant conscience que tout est don de sa part, Dieu manifeste aussi son plaisir dans l’observation du vécu des humains. Il précise même les attentes de son plaisir :
« Voici le jeûne auquel je prends plaisir : Détache les chaînes de la méchanceté, dénoue les liens de la servitude, renvoie libres les opprimés, que l’on rompe avec tout espèce de joug ; partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile ; si tu vois un homme nu, couvre le, et ne te détourne pas de ton semblable. Alors ta lumière poindra comme l’aurore... Alors tu appelleras, et l’Eternel répondra ; tu crieras, et il dira : Me voici !... Alors tu mettras ton plaisir en l’Eternel et je te ferai monter sur les hauteurs du pays, je te ferai jouir de l’héritage de Jacob, ton père ». Esaïe 58 : 6-9,14 (Notons que dans le texte hébreu au verset 14, il est parlé dedélices et de plaisir). Le Christ reprendra ce thème dans son sermon sur la montagne. (Cf. Luc 6 : 17-45)
Dieu trouve donc son plaisir en nous, quand il nous voit pratiquer le bien d’une façon désintéressée, quand nous sommes les acteurs déterminés pour dénouer les sacs de nœuds dans une relation d’aide, quand nous prenons résolument le parti de l’opprimé, afin qu’il retrouve un espace de liberté pour assumer son devenir, quand nous sommes autour de nous des artisans de paix, quand le sens du partage des besoins vitaux nous habite pour les autres, quand nous sommes dans la volonté de protection de ceux qui n’ont rien, pas même un endroit où reposer leur tête, quand nous apportons une solution heureuse à ceux qui sont dans le plus total dénuement, quand nous n’esquivons pas notre responsabilité par des formules toutes faites qui nous conviennent...
Parmi les démonstrations les plus convaincantes de l’amour divin, soulignons celle-ci : Dieu trouve son plaisir avec nous malgré toutes les imperfections de nos comportements.
Assurément, il faut qu’il ait beaucoup de compassion pour nous, car la réalité de notre pratique du bien est souvent décevante. Et pourtant, Dieu continue à investir dans la confiance, en agissant par amour dans chacune de nos vies.
Le prophète Michée avait raison de dire :
« Quel Dieu t’égale (Seigneur), toi qui pardonnes les iniquités, qui fais grâce aux offenses, commises par les débris de ton héritages ? Toi qui ne gardes pas à jamais ta colère, parce que tu te complais dans la bienveillance ? Oui, tu nous reprendras en pitié, tu étoufferas nos iniquités, tu plongeras tous nos péchés dans les profondeurs de la mer. Tu témoigneras à Jacob la fidélité, à Abraham la bienveillance, que tu as jurées à nos pères dès les premiers âges ». Version du Rabbinat français. Michée 7 : 18-20(Littéralement en hébreux : « Il prend plaisir à la fidélité…)
Le début de cette phrase est un jeu de mot avec le nom même du prophète. Il signifie : « qui t’égale ou qui est semblable à Dieu ». Ces versets sont lus encore chaque année dans les synagogues le jour des expiations. Petite anecdote significative : Encore de nos jours, les juifs pieux orthodoxes se rendent près d’un cours d’eau et vident symboliquement leurs poches comme pour signifier que leurs péchés sont emportés dans le courant d’eau.
IL est vrai que la bonté de Dieu nous couvre de toute part et nous émeut. Puisse ce plaisir de Dieu être contagieux dans nos vies !
Notre Seigneur Jésus, qui est venu ici bas pour nous révéler le Père, a manifesté lui aussi les mêmes sentiments : Matthieu 9 : 10-13
« Je prends plaisir à la miséricorde et non aux sacrifices. Car je ne suis pas venus appeler des justes mais des pécheurs ».
Si la source du plaisir de Dieu et de Christ est la miséricorde, cela induit aussi que cette compassion divine appelle une réciprocité de notre part. Cette dernière doit avoir comme caractéristique un langage de vérité ; Il faut cesser de s’illusionner sur son cas et de se croire meilleur que ce que nous sommes en réalité.
Se reconnaître pécheur, c’est se positionner correctement dans notre relation à Dieu, c’est construire sur du vrai et de l’authentique.
Si le Seigneur ne prend pas plaisir aux sacrifices, c’est certainement pour briser ce penchant récurrent : marchander sa miséricorde par des œuvres méritoires. L’amour se donne, il ne s’achète pas.
Dieu veut nous partager son plaisir. Pour cela point d’artifice, il nous suffit d’entrer dans le vrai et l’authentique. En d’autres termes, venir à lui tel que nous sommes en accueillant son amour. (Cp. Matthieu 11 :28)
« Fais de l’Eternel tes délices et il te donnera ce que ton cœur désire ».Psaumes 37 : 4
Le désir et le plaisir font partie d’une relation harmonieuse, que ce soit dans notre relation à Dieu ou à notre prochain. Ils nous aident à étayer les points forts de nos personnalités.
Ce plaisir passe aussi par la mise en éveil de tous nos sens. Tout notre être (physique, mental, émotionnel, spirituel) est appelé à partager ce qui nous vient de Dieu et du prochain. Il faut apprendre à se laisser envahir par l’amour de Dieu. Lui seul peut combler les défaillances de nos niches affectives. Lui seul peut faire revivre la notion épanouissante du plaisir et de la joie en toutes circonstances. Le bonheur c’est aussi cela !
Entendre, voir, toucher, goûter, sentir, tous nos sens sont présents dans une relation à Dieu. La Bible en témoigne. Voici quelques exemples parmi tant d’autres.
Entendre 1 Jean 1 : 1-4, Luc 2 : 20
Voir 1Jean1 :1-4,2Pierre1 :16-18 Toucher Luc 24 : 39 ; 8 : 43-48
Goûter 1 Pierre 2 : 3 ; hébreux 6 : 4,6
Sentir Psaumes 34 :9
C’est Vauvenargues, cet écrivain français qui réhabilitant l’homme contre l’esprit de salon de son temps écrivait : « La plus grande perfection de l’âme est d’être capable de plaisir » (Réflexions et maximes, 546, 1746)
Sur un plan humain tout plaisir s’accompagne souvent de peine, voire de souffrance et de désillusions, mais il n’en va pas de même dans une définition plus spirituelle.
Si nous rappelons que le plaisir ne peut se vivre que dans l’harmonie, le respect et l’amour, le plaisir devient un acteur important de notre quotidien au travers de mille petites choses. Ce plaisir là réveille notre sensibilité pour les valeurs qui ont du prix. Il est vrai que cette démarche s’inscrit à contre-courant des plaisirs faciles et bon marché, que le monde moderne nous propose...
Le vrai plaisir qui satisfait notre être intérieur, consiste à se sentir bien dans une relation, que ce soit avec Dieu ou avec son prochain.
C’est ce qu’ont expérimenté Pierre, Jacques et Jean sur la montagne de la transfiguration.
Pierre émerveillé par ce qu’il voyait et entendait, a vécu cette sublime émotion. Il s’est écrié : « Seigneur il est bon d’être ici ». Matthieu 17 : 1-5
De là à proposer de rester plus longtemps pour prolonger l’instant, il n’y avait qu’un tout petit pas. Et Pierre, comme à son habitude, l’a franchi sans hésiter.
Si notre esprit est centré sur la recherche de ces moments de qualité, ces fragments de bonheur, ces étincelles d’éternité, alors le vrai plaisir sera au rendez-vous. Tout ce qui donne du sens à la relation à l’autre nous enrichira. C’est pour cela que Dieu manifeste constamment son désir de nous rencontrer. Toutes les fabuleuses rencontres que nous conte la Bible, sont là pour susciter en nous le désir de les vivre.
Pour entrer dans cet espace de désir et de plaisir, il faut qu’il y ait, volonté de rencontre. A fortiori dans la relation humaine...
Mais revenons à celle qui régit nos relations avec Dieu. Désirons-nous rencontrer Dieu d’un désir profond ? Désirons-nous être en contact avec le Seigneur, l’artisan de notre réintégration dans la maison du Père ? Quelles sont en fait nos motivations secrètes ?
Disons le tout net. La notion d’intérêt habite toute rencontre. Une fois acté ce fait, l’important est de savoir si cet intérêt est une fin en soi, ou s’il débouche sur une ouverture pleine de sentiments positifs, d’enrichissement mutuel, de partages significatifs dans le respect et la reconnaissance.
Si c’est le cas, n’est-ce pas quelque chose qui relève du cadeau (gratuit) ? Voilà pourquoi le fait d’avoir les mains et le cœur ouverts, pour accueillir avec gratitude, est source de plaisir.
Conclusion :
La bible met en évidence le besoin de rencontre. Nous ne sommes pas faits pour vivre seuls, mais en relation : relation avec Dieu et avec le prochain.
Pour que cette rencontre ait du sens, il est nécessaire qu’elle englobe dans son processus, les notions de désir et de plaisir, sinon elle risque d’être mal posée.
Implicitement cela sous-tend une certaine confiance en soi et une vision positive de l’avenir. Si nous sommes le plus souvent dans la crainte de prendre une initiative par peur de décevoir, nous aurons toujours tendance à nous sentir coupable de ne pas avoir été à la hauteur des attentes des autres. Il y a une énorme différence entre agir de la sorte et faire le choix conscient de contribuer au bonheur de l’autre.
Dans ce contexte l’apôtre Jean a raison de dire : « La crainte n’est pas dans l’amour, mais l’amour parfait bannit la crainte ; car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n’est pas parfait dans l’amour ».1 Jean 4 : 18
Pour être dans le bon sens du désir et du plaisir en relation, il faut bannir de son vocabulaire (et c’est un combat de tous les instants) les : « je dois », « il faut », « je suis obligé », « je n’ai pas le choix » etc.Lorsque nous sommes coupés du désir et du plaisir, nous nous coupons de nos vrais besoins, nous nous mettons dès lors en danger. Il faut cultiver de la bienveillance d’abord pour soi, avant de la vouloir pour les autres. Puisse nos choix être motivés par le désir et le plaisir de construire nos vies dans une relation pleine de promesses avec Dieu et notre prochain.
De même, cette notion de plaisir fait référence au sens de la responsabilité. Le plaisir ne peut être vécu au détriment des autres.
Dieu a voulu qu’il soit source de joie, mais aussi de partage ; n’en faisons pas une source polluée ou l’ego domine et se sert de l’autre par pur intérêt.
Le plaisir d’être en phase avec quelqu’un, de se sentir bien en sa présence, est un cadeau de Dieu. Dieu a tout disposé pour notre bonheur. Ce grand plaisir de la vie nous interpelle. A nous de savoir comment nous voulons le vivre !
« Jeune homme, réjouis-toi dans ta jeunesse, livre ton cœur à la joie pendant les jours de ta jeunesse, marche dans les voies de ton cœur et selon le regard de tes yeux ; mais sache que pour tout cela Dieu t’appellera en jugement.
Bannis de ton cœur le chagrin, et éloigne le mal de ton corps ; car la jeunesse et l’aurore sont vanité.
Mais souviens-toi de ton créateur pendant les jours de ta jeunesse, avant que les jours mauvais arrivent et que les années s’approchent où tu diras : Je n’y prends point plaisir...
Avant que le cordon d’argent se détache, que le vase d’or se brise, que le seau se rompe sur sa source, et que la roue se casse sur la citerne ; avant que la poussière retourne à la terre, comme elle y était, et que l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné ». Ecclésiaste 12 : 1-3, 8,9.
Que nos vies aient la joie du désir, le parfum du plaisir et le bonheur d’être vrai avec Dieu et tous ceux et celles qui seront sur notre route.
Jacques Eychenne
A méditer : Jean 3 :29 ; 4 :36 ; 8 :56