Le Service Chrétien

 

 

 

 Le service chrétien

      Luc 9 : 44-48

     Luc 22 : 24-27

 

Introduction :

 

Dans le livre des maximes de Salomon nous trouvons cette phrase : « De tout ton cœur, mets ta confiance dans le Seigneur ; ne t’appuie pas sur ta propre intelligence ; reconnais-le dans toutes tes voies et c’est lui qui aplanira tes sentiers. » Proverbes 3 : 5, version NBS.

Avant lui, David, son père, s’était exclamé : « Oui, sois tranquille près de Dieu, mon âme; car mon espoir vient de lui. Oui, il est mon rocher et mon salut, ma citadelle : je suis inébranlable. Mon salut et ma gloire sont tout près de Dieu; mon rocher fortifié, mon refuge sont en Dieu. Comptez sur lui en tout temps, vous, le peuple ! Épanchez devant lui votre cœur; Dieu est pour nous un refuge. »  Psaume 62:6-9, version TOB.

 

En revisitant ces pensées, on prend davantage conscience que le plus important dans nos parcours de vie est avant tout l’état d’esprit qui anime nos actions. Nietzsche le disait plus poétiquement avec ces mots : « Il faut avoir une grande musique en soi si l’on veut faire danser la vie. ».

 

Cette métaphore musicale est une invitation à une réflexion spirituelle. En effet, si l’on presse le symbolisme, cette grande musique parle de rythme, d’harmonie, d’ accord parfait, de soupirs, c'est-à-dire de toutes les variations qui ponctuent nos quotidiens. Mettre sa confiance dans le Seigneur, c’est jouer juste. C’est accorder l’esprit qui nous anime aux actes, c’est rechercher la bonne note entre nos projets, nos réalisations, nos talents et notre conscience. Si chacun de nous est appelé à jouer sa partition, en pleine cohérence avec notre engagement de chrétien, cela suppose de suivre le plus fidèlement possible la partition du Seigneur. Notre vie sonne faux quand nous dérogeons à cette règle, c'est-à-dire quand nous cherchons à inventer une autre ligne mélodique, quand nous nous appuyons sur notre seule intelligence. L’interprétation de la partition divine est de notre responsabilité, mais pas sa réécriture musicale. Et puisque nous sommes dans l’incapacité d’être dans la permanence de l’ accord parfait, la fausse note n’ est pas un drame. Ne nous décourageons pas, reprenons la mélodie du Seigneur pour  faire de notre vie une symphonie fantastique.

 

Nous venons brièvement de parler de l’état d’esprit qui devrait animer le chrétien, mais quelles en sont ses principales dispositions ? Lors d’un comportement passablement regrettable des disciples, le Seigneur a saisi l’occasion pour clarifier le sujet. 

 

Développement :

 

« Écoutez bien ce que je vais vous dire: le Fils de l'homme va être livré aux mains des hommes.» Mais ils (les disciples) ne comprenaient pas cette parole; elle leur restait voilée pour qu'ils n'en saisissent pas le sens; et ils craignaient de l'interroger sur ce point. Une question leur vint à l'esprit: lequel d'entre eux pouvait bien être le plus grand ? Jésus, sachant la question qu'ils se posaient, prit un enfant, le plaça près de lui, et leur dit : « Qui accueille en mon nom cet enfant, m'accueille moi-même; et qui m'accueille, accueille celui qui m'a envoyé; car celui qui est le plus petit d'entre vous tous, voilà le plus grand.» Luc 9 : 44-48, version TOB.

 

Comment le Seigneur a-t-il défini le bon état d’esprit de service ?

 

En faisant référence aux dispositions de l’enfant. L’enfant dégage une pureté naturelle, une humilité innée, une spontanéité sans feinte, sans calcul. Luc présente l’enfant comme le type même de l’humilité, il inscrit cette application pratique à l’adresse des disciples, au présent, contrairement à  Matthieu et Marc qui l’utilisent  au futur.

Pourquoi les évangélistes, et Luc en particulier, utilisent la symbolique de l’enfant ?

En prolongement de l’aspect moral que nous avons mentionné, l’enfant présente cette potentialité d’être en devenir. Il est neuf. Son développement va dépendre de son éducation. Elle joue un rôle important dans le lien socio-affectif. De la naissance à l’âge de cinq ans, la personnalité de l’enfant subit d’importantes transformations physiques, biologiques, comportementales et sociales. L’enfant est en construction... Jésus a voulu faire comprendre à ses disciples qu’ils étaient en apprentissage et que leur querelle n’avait pas lieu d’être. Savoir lequel d’ entre eux était le plus grand, était entendu par le Seigneur et Maître, comme une note discordante dans leur formation. Au lieu d’être centrés sur eux-mêmes, ils auraient dû prendre conscience du privilège qui était le leur d’être à l’école divine de la vie.

« Le plus petit d’entre vous tous, voilà le plus grand »  fait partie des paroles fortes de Jésus. Le Seigneur inverse les données humaines qui défient la logique. Litt. «  Le plus petit parmi vous tous, celui-là est le plus grand. ». Comment le plus petit peut devenir le plus grand ? Spirituellement, l’image de l’enfant nous renvoie au besoin d’être constamment nourri dans tous les sens du terme. Pour l’enfant la question de la dépendance ne se pose pas. Elle fait partie de son quotidien, et il en éprouve le besoin. L’enfant ne sait pas qu’il ne sait pas, et cela ne lui pose aucun problème, contrairement à l’adulte. Du coup la question est de savoir si notre vrai besoin n’est pas tant d’apprendre que de désapprendre.

Nous croyons connaître, mais notre connaissance est très limitée (cf. 1 Corinthiens 13 : 9) : Ne sommes-nous pas ignorants sur nous-mêmes, sur les êtres et les choses qui nous entourent ?

De ce fait, avons-nous mesuré la portée spirituelle des paroles du Seigneur ? Quelles dispositions d’esprit nous animent ?  A l’école du Christ, il est bon de se fondre dans la capacité d’accueil des tout-petits enfants. Le symbolisme de l’illustration nous pousse à élargir notre accueil aux plus fragiles, à la veuve et à l’orphelin, et aux déshérités de la vie, à ceux qui sont laissés au bord du chemin (cf. Jacques 1 : 27 ; Exode 22 : 22).  

Accueillir au nom du Christ les enfants, n’est-ce pas se sentir responsables de ceux qui sont démunis. De ceux qui n’ont pas eu les mêmes opportunités que nous ? De ceux qui ont été privés des matériaux indispensables pour bien construire et édifier leur vie ?

 

Le cœur de l’évangile est là ! Accueillir ces enfants, c’est accueillir le Christ lui-même.

 

Non seulement le texte de Luc nous dit que c’est reconnaître celui qui est notre Seigneur et Sauveur, mais c’est aussi découvrir celui qui l’a envoyé : Dieu le Père, notre Père.

Apparemment pour les disciples, la leçon ne semble pas avoir porté ses fruits. En effet,  la première réplique de Jésus  se situait peu après le grand moment de la transfiguration (cf. Luc 9 : 27-36). Or, chronologiquement, Luc rapporte un deuxième moment. Il reproduit la même préoccupation prégnante des disciples. La scène se situe à la fin du ministère du Christ, peu avant la trahison de Judas.

« Il s'éleva aussi parmi les apôtres une contestation: lequel d'entre eux devait être estimé le plus grand ? Jésus leur dit: Les rois des nations les maîtrisent, et ceux qui les dominent sont appelés bienfaiteurs. Qu'il n'en soit pas de même pour vous. Mais que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert. Car quel est le plus grand, celui qui est à table, ou celui qui sert ? N'est-ce pas celui qui est à table ? Et moi, cependant, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »  Luc 22 : 24-27.

Apparemment, Jésus semble développer auprès des siens le même raisonnement, mais y a-t-il une différence entre ses deux interventions ?

Dans le premier moment, l’évangéliste Luc parle d’une discussion (διαλογισμὸς = réflexion, calcul, raisonnement, contestation. Cf. Matthieu 15 : 19 ; Luc 2 : 35 ; 5 : 22 ; Romains 14 : 1 etc.). Elle s’était établie entre les disciples. Mais là, cela semble plus grave, à quelques jours de sa crucifixion ! Luc parle ouvertement de dispute (φιλονεικία = dispute ;  φιλόνεικος = querelleur, contestateur 1 Corinthiens 11 : 16) A la fin de son ministère terrestre, on pourrait penser que le Maître a échoué dans  la formation spirituelle de ses propres disciples. Or, il n’en fut pas ainsi. Le Seigneur utilisa encore une image, et il conclura son argumentation par son propre témoignage.

L’image est celle d’un banquet. Il y a les hôtes qui sont à table et il y a les valets   qui servent (en ce temps-là les esclaves). Qui est plus important au regard de la société : Celui qui est servi  ou celui qui sert ? La réponse enfantine ne peut prêter lieu à aucune contestation. Or Jésus, au travers de son témoignage, inverse, encore une fois, la logique humaine. Si le plus grand est celui qui est servi, pourquoi moi suis-je au milieu de vous comme celui qui vous sert ?

D’un point de vue chronologique les théologiens s’accordent à placer cette intervention du Christ peu après sa participation aux lavements des pieds des disciples (cf. Jean 13) au dernier repas, celui qu’il prit avec eux, la veille de la fête de Pâque.

 

Le Christ établit donc un renversement exceptionnel des valeurs :

Le plus grand doit être le serviteur. Le plus grand doit servir parce que le Seigneur a montré la vraie voie royale.

 

Si cette règle de conduite était bien vécue par les chrétiens et les grands de ce monde, notre monde en serait transformé. Le point fort de la puissante démonstration du Seigneur demeure son témoignage personnel. Il a donné l’exemple en ouvrant une autre piste dans les relations entre les humains. Il serait bon qu’à l’occasion nous puissions nous en souvenir, ne pensez-vous pas ? Ne l’oublions jamais aucun discours, si passionnant soit-il, ne remplacera le témoignage personnel. Ce dernier est censé harmoniser le dire et le faire. Pour y parvenir, nous avons besoin de l’aide du Saint-Esprit.

 

C’est à ce service-là que nous sommes tous appelés. La littérature française riche en pensées édifiantes nous rappelle par l’écriture d’Antoine de Saint-Exupéry la vérité suivante : « Et si l’on peut te prendre ce que tu possèdes, qui peut te prendre ce que tu donnes » (cf. dans le petit prince).

La meilleure façon de corriger cette peur viscérale de perdre nos chers biens matériels est d’apprendre à donner, puis à se donner. Le don, la générosité, la bonne intention, la délicate attention, toutes nos gratuités en tous genres sont autant de vaccins qui nous protègent des maux de ce monde. Si les plus grandes fortunes mondiales sont classées en fonction de leur richesse matérielle, l’esprit chrétien nous invite à rétablir une autre hiérarchie des vraies valeurs. On parlera alors du don de soi, de l’esprit de service, de la notion du partage, du lien de fraternité, du souci et du respect de l’autre et de la nature. Au panthéon céleste siègeront de célèbres inconnus (cf. Matthieu 25 : 45) ; ils auront consacré leur vie à servir en toute simplicité et amour. Redisons-le l’important est moins de réussir dans la vie, que de réussir sa vie.

 

En cela, la voie royale que le Seigneur Jésus a ouverte est porteuse d’une grande espérance. Certes, il s’en est allé à l’ascension, mais il nous a transmis le plus gros capital qui soit. Cet héritage comprend avant tout le service volontaire et désintéressé. Oui ! Jésus-Christ nous a laissé un trésor d’amour à partager.  Vous ne trouverez dans les cotations des bourses mondiales aucune ligne faisant référence à ces valeurs, car l’essentiel est invisible à ce monde capitaliste.

 

L’humain a cette incurable indigence à procéder par comparaison. Le Christ a désamorcé cette tendance en repositionnant la compréhension de ses disciples.

« À ce moment les disciples s'approchèrent de Jésus et dirent : " Qui donc est le plus grand dans le Royaume des Cieux ? " Il appela à lui un petit enfant, le plaça au milieu d'eux et dit : " En vérité je vous le dis, si vous ne retournez à l'état des enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux. Qui donc se fera petit comme ce petit enfant-là, celui-là est le plus grand dans le Royaume des Cieux. Quiconque accueille un petit enfant tel que lui à cause de mon nom, c'est moi qu'il accueille. » Matthieu 18 : 1-5, version bible de Jérusalem.

 

Non seulement les disciples ont cherché à savoir lequel parmi eux devait être considéré comme le plus grand, mais encore, ils ont voulu connaître la hiérarchie céleste dans le futur royaume de Dieu. Là encore, fidèle à sa pédagogie, le Seigneur illustra son propos avec l’aide d’un enfant. Là encore sa parole est forte. L’introduction par le terme grec  Αμὴν = amen, traduit la solennité de son intervention.  Le Christ énonce une condition que l’on trouve peu dans les questions posées aux néophytes, candidat au baptême : « si vous ne retournez à l'état des enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux »  (Le verbe  utilisé par Matthieu  est  στρέφω). Il fait référence à un changement radical d’orientation (cf. Jean 12 : 40). Plusieurs versions ont traduit le verbe par se convertir. Ailleurs, le seigneur dira : « le royaume des cieux est pour ceux (les petits enfants) qui leur ressemblent ». Matthieu 19 : 14.

 

Conclusion :

 

Le christianisme n’est pas une doctrine. Il est avant tout un état d’esprit sanctifié. C’est moins ce que l’on fait qui a de la valeur, que l’esprit spirituel qui anime nos actions (cf. Matthieu 7 : 21-23). Nous sommes tous en marche, personne ne peut prétendre être parvenu à la perfection. Mais visons à plus de probité et d’amour fraternel. C’est ce qu’on comprit les apôtres : «  Rejetez donc toute méchanceté et toute ruse, toute forme d'hypocrisie, d'envie et de médisance. Comme des enfants nouveau-nés, désirez le lait pur de la parole afin que, par lui, vous grandissiez pour le salut, si vous avez goûté que le Seigneur est bon. » 1 Pierre  2 : 1-3, version TOB.

« Que l'amour fraternel vous lie d'une mutuelle affection; rivalisez d'estime réciproque. D'un zèle sans nonchalance, d'un esprit fervent, servez le Seigneur. » Romains  12 : 10-11, version  TOB.

« Au reste, frères, tout ce qu'il y a de vrai, tout ce qui est noble, juste, pur, digne d'être aimé, d'être honoré, ce qui s'appelle vertu, ce qui mérite l'éloge, tout cela, portez-le à votre actif. Ce que vous avez appris, reçu, entendu de moi, observé en moi, tout cela, mettez-le en pratique. »  Philippiens 4 : 8-9, version TOB.

                                                                                 Jacques Eychenne

 

 

 

 

 

 

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