Le veau d’or ou La liberté dévoyée Exode 31 à 32 :14 |
Introduction :
Une des caractéristiques de la Parole de Dieu est de nous rapporter des évènements ayant trait à l’expérience humaine. Le plus souvent, ils mettent à mal la gloire de l’homme. Loin de mettre en avant la sagesse humaine, la Bible a pour vocation de nous repositionner dans une relation saine avec notre créateur. Il ne peut y avoir aucune complaisance envers l’homme, quand ce dernier est dans la déviance ou la perte de sens de la vraie liberté.
Le rappel de ces faits peu glorieux accompagnant le périple du peuple d’Israël (cf. Exode 31 à 32 :14), non seulement vient conforter l’inspiration des Saintes Ecritures, mais plus encore pose la question de la vraie liberté. Le texte ci-dessus nous parle et nous renvoie à toutes nos contradictions, nos égarements, nos dévoiements de sens. Il n’est pas seulement un récit historique, sensé nous relater des faits exacts, il traverse le temps et nous projette dans une réalité. Cette dernière met en évidence les limites de notre propre sagesse, en caricaturant nos confusions de sens, et notre compréhension de la liberté. Curieusement, mais pédagogiquement, c’est quand nous sommes dépossédés d’un apparent savoir, que s’ouvrent enfin les portes de notre entendement. Cette prise de conscience, parfois douloureuse, ce sentiment d’être totalement démuni, est un passage obligé vers la vraie liberté. Que nous dit ce texte à ce sujet ? Quels enseignements pouvons-nous en tirer ?
Développement :
Observons le contexte dans lequel il est présenté. Dieu délivre le peuple hébreu de l’esclavage sévère qu’il subissait en Egypte. Ce choix de Dieu avait valeur d’exemple pour démontrer à tous les autres peuples de la terre sa bienveillance et ses compassionnelles intentions (cf. Dieu n’a pas créé le genre humain pour le détruire, ce serait la suprême aberration !). L’objectif était clairement défini :
« Ils connaîtront que je suis l’Eternel, leur Dieu, qui les fait sortir du pays d’Egypte, pour habiter au milieu d’eux. Je suis l’Eternel, leur Dieu. » Exode 29 :46
Les enfants d’Israël devaient franchir le seuil de la connaissance de la volonté salvatrice d’YHWH Adonaï. Or, quelle situation décrit notre récit ? Moïse, leur chef charismatique est absent. Il est allé sur la montagne du Sinaï à la rencontre de Dieu (cf. Exode 32 : 1) Du coup, les hébreux sont comme perdus, en perte de repères visuels. Jusqu’à présent, ils ne se sont pas tellement sentis responsables, ils ont suivi. Ils obéissaient tant bien que mal, à leur leader. Ne le voyant plus, ils sont comme orphelins, privés de guide. Dès lors, comment poursuivre la marche en avant ?
Le peuple désemparé s’est alors rassemblé autour du frère de Moïse, Aaron, et a réclamé de se remettre en mode visuel. Il avait besoin d’un repère visible. Il s’est donné les moyens d’en construire un. Sa liberté s’est élaborée à partir d’un repère visuel. Par tous les moyens, il fallait en avoir un pour avancer.
« Le peuple se rassembla autour d’Aaron et lui dit : Fais-nous des dieux qui marchent devant nous ! Car ce Moïse, cet homme qui nous a fait monter d’Egypte, nous ne savons pas ce qui est advenu de lui» Exode 32 : 1 (Version Nouvelle Bible Segond). C’est ainsi que fut construit le veau d’or en plein désert.
A la lecture de ce récit on peut être perplexe, voire même indigné, et pourtant, que de similitudes avec nos quotidiens ! L’humain a peur du vide. Il se rassure en construisant des idoles. Il comble ses manques. Ces idoles sont construites sur mesure, tant sur un plan personnel, que collectif. Jamais le monde n’a connu autant de gourous, de charlatans, d’utilisateurs du nom de Dieu pour asservir, voire détruire. (Même dans l’actualité de notre propre pays, il y a de quoi s’interroger. Il aura fallu que l’on porte atteinte à des caricatures pour que « la révolte » s’éveille. Mais quelle liberté avons-nous construite ? Cette liberté tant chérie est plus que relative. On a du mal à en définir les limites. Les exceptions et les inégalités sont légion. Cette liberté, paradoxalement, a même des effets pervers. L’égalité qu’elle proclame n’est que pieux mensonge. Quant à la fraternité, elle a été remisée au placard de l’oubli. Ce réveil civique peut paraître sympathique, et il l’est sous certains aspects, mais la réalité laisse transparaître la même construction d’un veau d’or. Son nom : la laïcité. Eh ! Oui ! Les citoyens aussi ont peur du vide).
Mais revenons au texte biblique…
Dieu voulait être au cœur des siens, dans l’espoir que lui aussi soit reconnu et accepté dans leur cœur. Dieu a laissé l’homme libre, mais il voulait aussi lui expliciter le contenu de ce cadeau, ainsi que les modalités de sa bonne utilisation. Etant réfractaires, les humains ont dû apprendre au travers d’expériences douloureuses. Dans notre récit, ils ont décidé de remplacer Dieu par des dieux. (c’est bien un pluriel dans l’original).
Quand l’humain veut marginaliser Dieu, et construire sa propre marche, il se donne une foule d’idoles. Il se façonne des dieux de pacotille, des dieux sourds et aveugles, mais pas si inoffensifs que cela, car la confiance se détourne de Dieu, le créateur, pour se reporter sur l’homme. Il devient son commencement et sa propre fin. En s’octroyant le pouvoir d’être sa seule référence, il se dit que tout lui est permis. Tous les espoirs reposent désormais sur lui … Le résultat est édifiant dans presque tous les domaines. Le constat est objectivement décevant. Prenons l’exemple de notre pays. Il s’est positionné dans le refus d’être animé par les conseils de la transcendance divine. La laïcité s’est arrogée de dire le droit et de permettre toutes les expressions de pensée. Vox populi vox dei. Cet adage populaire confond la volonté du peuple avec celle de Dieu. On laisse entendre que les hommes sont capables de dire la vérité d’un fait, et la justice dans les relations humaines. De plus, on sous-entend que la sagesse est dans le plus grand nombre. Malheureusement l’histoire des hommes infirme cette apparente vérité. La Vérité est rarement dans la majorité. Il est facile de faire chorus avec la foule. Croire qu’elle détient le pouvoir d’être la référence suprême est une utopie. Ne serait-il pas plus opportun de reconnaître ses limites et de s’ajuster à une autorité qui transcende l’humain ?
Du coup, le veau d’or devient le symbole de la perte de sens du sacré (cf. J’entends par sacré : « à qui ou à quoi l’on doit un respect absolu ; qui s’impose par sa haute valeur. » Larousse) Si la fraternité n’a pas été vidée de sa vraie substance, alors le respect de l’autre devrait nous conduire à refuser toute agression, car l’on peut tout aussi bien blesser avec des mots, avec des dessins, qu’avec des balles. C’est bien la peur du vide, la peur de perdre son identité, qui nous conduit à réclamer la construction d’un veau d’or. Cette démarche réactive et émotionnelle déplace le sens de la véritable autorité. Cette angoisse entraîne souvent une démission de la raison. Le danger est de laisser place à des systèmes d’autorité qui n’ont pour objectif que de nous dominer, même démocratiquement. On commence par la liberté et on finit par la censure. Le débat n’est pas clos… Mais revenons au texte de l’Exode.
Dans le contexte de notre récit biblique, ce déplacement remplace la présence de Dieu, par la présence d’un objet en or. Il dénote une incompréhension de la part de ce peuple. Pourtant, Moïse avait porté une parole divine. Le vivre ensemble n’était vraiment complet qu’avec la présence de Dieu. (Au départ, n’oublions pas que le régime le plus bénéfique à l’homme était théocratique…)
Le veau d’or est aussi le symbole de l’illusion qui consiste à croire que l’on peut, seul, tracer sa route. (Vivant près d’un port, permettez-moi d’emprunter une image maritime) Tel un commandant de navire, bien sûr nous sommes maître à bord et nous pouvons aller où bon nous semble. Toutefois, dès lors que nous voulons entrer dans un port, il nous faut laisser le commandement à quelqu’un d’autre, afin qu’il nous pilote pour accoster en toute sécurité. Il en va de même, si l’on veut franchir des passes dangereuses ou passer par des endroits réglementés de par le monde. Croire que l’on peut tout faire, aller où l’on veut, dire tout et son contraire, est dangereux pour soi et pour la société.
Le récit nous apprend encore qu’un homme seul s’est insurgé contre tout le peuple. Moïse a pu dénoncer la déviance et la corruption du peuple, parce qu’il a rencontré Dieu et que Dieu lui a parlé (cf. Exode 24 : 15-25 :1 ; 32 : 7-10). Il a marqué sa résilience face aux contrefaçons de la liberté. Tout change dans la vie d’un humain lorsqu’il accepte ce face-à-face avec Dieu. Ses certitudes ne peuvent soutenir l’éclat de la gloire de l’absolu divin. Dès lors, oui ! Tout change et les mots retrouvent des sens cachés. Nos convictions ne sont plus en fonction des préjugés ambiants, des phénomènes de masse, du politiquement correct, de ce que pense la majorité, elles s’étalonnent en acceptant la parole de la transcendance divine. Comprenant par une illumination intérieure qu’il nous est impossible de marcher sans idoles, notre confiance en Dieu se construit progressivement. La foi s’éveille. La lumière éclaire notre chemin. Nous sommes dès lors libres, affranchis de toute crainte, de toute peur. Le dialogue s’installe, la prière jaillit spontanément. Elle est la nôtre et non point celle d’un autre. Cette démarche est l’antidote de la liberté trahie et dévoyée.
La liberté est trahie quand on ne se souvient plus de la genèse de l’histoire de l’humanité. Il faut de même se souvenir de son passé. Il nourrit le présent. Il élabore le futur. Rappelons-nous qu’en grec la Vérité est άλήθεια = littéralement, le non-oubli. Le souvenir ravive la vérité, comme l’oxygène entretient la flamme. Une vie sans le souvenir de ses origines, est comme un arbre sans racines. En nous remémorant les paroles de Dieu, nous donnons à notre histoire des repères ; ils sont autant de panneaux indicatifs du bon sens de la marche. Cela n’indique nullement que nous serons meilleurs que les autres, que nous ne nous tromperons jamais, ou que nous aurons la sagesse de suivre les recommandations divines. Mais cette reconnaissance est déjà un acte libérateur. Prenons en compte le conseil de Salomon
« La sagesse de l’homme avisé est de discerner sa voie, mais la folie des sots est tromperie. » Proverbes 14 :8 Ce parcours est un chemin d’humilité.
Moïse a expérimenté cette découverte. En conséquence positive, il s’est fait le défenseur de ses frères (Elle est ici la vraie notion de fraternité !). Le peuple s’était pourtant fourvoyé. Moïse a intercédé en sa faveur, devenant par là même un type de Christ(cf. Exode 32 : 11-14 ; Esaïe 19 :20 ; Romains 8 : 31-34).
Le peuple d’Israël a agi comme si sa mémoire avait subi un lavage de cerveau. D’un coup, il a tout oublié : La sortie glorieuse d’Egypte, la colonne de nuée qui précédait sa marche pendant le jour, la colonne de feu qui le sécurisait pendant la nuit (cf. Exode 14 :19-24), Les chants glorieux qu’il composa et entonna en marchant (cf. le cantique des rachetés Exode 15 :1-21). Pourtant, Dieu étancha sa soif dans le désert (cf. Exode 15 :22-27 ; 17 :1-7) et il le nourrit de la manne (cf. Exode 16 : 1-22). Il intervint pour que ses vêtements et ses souliers ne s’usent pas (cf. Deutéronome 29 :5). Il lui donna un code de bonne conduite au travers de 10 Paroles ou décalogue (cf. Exode 20 : 1-17)...
Il aura suffi que Moïse disparaisse quelques jours pour que tout ce passé glorieux s’évapore, comme brume au soleil. Est-ce que ce récit nous parle ? Certes oui ! Il suffit parfois que quelques évènements surgissent dans nos vies, pour que tout soit remis en question. On oublie comment Dieu nous a conduits dans le passé. Les bienfaits dont il nous a comblés passent à la trappe, et on ne retient plus que le moment douloureux insupportable, intolérable. La fixation annihile le souvenir, la réflexion, la raison. L’encéphalogramme de notre foi redevient plat.
Pourtant, comme un bon Père, Dieu avait prévenu le peuple hébreu, et Moïse comme un bon serviteur, considérant le passé avant d’aborder l’avenir, avait rapporté ces paroles :
« Prends garde que ton cœur ne s’enfle, et que tu n’oublies l’Eternel, ton Dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude… Garde-toi de dire en ton cœur : Ma force et la puissance de ma main m’ont acquis ces richesses. Souviens-toi de l’Eternel, ton Dieu, car c’est lui qui te donnera de la force pour les acquérir, afin de confirmer, comme il le fait aujourd’hui, son alliance qu’il a jurée à tes pères ». Deutéronome 8 : 14,17-18.
Le côté positif du récit, nous le trouvons dans le comportement de Moïse. Il est le seul à avoir gardé le contact avec Dieu. Cette force empathique qui l’habite, l’amène à intercéder en faveur de ceux qui se sont égarés. Son plaidoyer est entendu par YHWH Adonaï. Il repart dans le Sinaï, refaçonne deux tables de pierre et se présente à nouveau devant Dieu
« L’Eternel descendit dans une nuée, se tint auprès de lui, et proclama le nom de L’Eternel. Et l’Eternel passa devant lui, et s’écria : L’Eternel, l’Eternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu’à mille générations, qui pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient pas le coupable pour innocent…Moïse s’inclina à terre et adora. Il dit : Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, que le Seigneur marche au milieu de nous… » Exode 34 : 5-7b, 8-9a. puis, une nouvelle alliance entre Dieu et le peuple fut édifiée (cf. Exode 34 : 10-35)
La vraie liberté se découvre quand Dieu marche avec nous (cf. Matthieu 28 :20) De même, la vraie fraternité comprend l’intercession en faveur de ceux qui se sont égarés. Certes, ce n’est pas le chemin le plus facile… Le Christ a ouvert la voie royale de la liberté (cf. Jacques 2 :8,12), mais en donnant sa vie (cf. Jean 3 :16,15 :11-14).
Conclusion :
La marche du peuple hébreu vers la liberté est riche d’enseignements. En harmonie avec l’ensemble de la révélation écrite, elle souligne que l’homme livré à lui-même ne peut faire de cette liberté qu’une caricature. Salomon dit par deux fois dans les Proverbes : « Telle voie paraît droite à un homme, mais son issue, c’est la voie de la mort. » Proverbes 14 :12 et 16 :25. David, son père, avait déjà dit : « Fais-moi connaître tes voies, ô Eternel enseigne-moi tes sentiers. Fais-moi marcher dans ta vérité, et enseigne-moi, car tu es le Dieu de mon salut, c’est à toi que je m’attends tout le jour. » Psaume 25 : 4-4 (version Darby). La grandeur de l’homme est de reconnaître ses limites (cf. Proverbes 10 :23) et de demander l’assistance de celui qui est à l’origine de toute vie. « Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec amour, vous efforçant de conserver l'unité de l'Esprit par le lien de la paix. Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation. » Ephésiens 4:1-4 (version N.E.G)
Adhérons au conseil de Salomon : « Confie-toi en l'Éternel de tout ton cœur, et ne t'appuie pas sur ta sagesse; Reconnais-le dans toutes tes voies, Et il aplanira tes sentiers. Ne sois point sage à tes propres yeux, Crains l'Éternel, et détourne-toi du mal: Ce sera la santé pour tes muscles, et un rafraîchissement pour tes os. Proverbes 3:5-8 (version N.E.G)
Jacques Eychenne