Foi et fin du monde

 

 

« Quand le Fils de l’homme viendra trouvera-t-il la            foi sur la terre ? »

         Luc 18 : 8

 

Introduction :

 

Cette parole du Seigneur nous questionne fortement, car elle concerne le point central de notre engagement spirituel. Cette parole est d’autant plus pertinente qu’on s’interroge de surcroît sur la situation actuelle de notre monde. Tous les signaux alarmistes clignotent en rouge. Que l’on regarde du côté du dérèglement climatique, vers la montée en puissance des politiques despotiques, vers la violence au quotidien, on est environné de sujets anxiogènes. Si l’on ajoute la prolifération de virus, la perte des valeurs morales, la difficulté à vivre simplement et dignement, la complexité des relations familiales et sociales, la coupe semble pleine.

Pourquoi donc le Christ a posé cette question, et dans quel contexte est-elle présentée ?

Essayons de ne pas prendre ce texte comme prétexte pour dire ce qui nous vient à l’esprit. Notons que Luc, le médecin bien-aimé, a fait des recherches pour recueillir les paroles importantes du Seigneur. Il est le seul à nous rapporter la question qui nous intéresse. Cela pour dire que le Saint-Esprit a pris soin de rappeler à notre méticuleux médecin, habitué des analyses et des diagnostics précis, ce qui était essentiel à savoir. A nous de considérer avec sérieux la pertinence de cette question.

 

Développement :

 

Suivant notre habitude, dans quel cadre cette phrase a-t-elle été prononcée ? Luc nous dit qu’elle vient en conclusion d’une parabole. Que nous dit-elle ?

 

« Et il leur disait une parabole sur ce qu'il leur fallait prier sans cesse et ne pas se décourager. " Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et n'avait de considération pour personne. Il y avait aussi dans cette ville une veuve qui venait le trouver, en disant : "Rends-moi justice contre mon adversaire ! " Il s'y refusa longtemps. Après quoi il se dit : "J'ai beau ne pas craindre Dieu et n'avoir de considération pour personne, néanmoins, comme cette veuve m'importune, je vais lui rendre justice, pour qu'elle ne vienne pas sans fin me rompre la tête". " Et le Seigneur dit : " Écoutez ce que dit ce juge inique. Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit, tandis qu'il patiente à leur sujet ! Je vous dis qu'il leur fera prompte justice. Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? " Luc 18 : 1-8, version FBJ.

 

Première observation. Cette parabole, comme bien d’autres, s’inscrit dans le registre d’un appel à la vigilance. « Prier sans cesse et ne pas se décourager ». Le sens obvie de cette phrase nous incline à entretenir une relation permanente avec Dieu. Il est plus question d’un état d’esprit, que d’une pratique précise. Cet enseignement a bien été compris des disciples et de ceux qui étaient spirituellement engagés (cf. Actes 10 : 2 ; 1 Thessaloniciens 5 : 17 ; 1 Corinthiens 1 : 4 ; Ephésiens 1 : 16). Le Christ veut diriger notre attention sur l’importance de rester en connexion avec l’Esprit divin, quelles que soient les circonstances. Cela n’exclut pas que nous ayons à cœur de passer du temps en prière, à des moments précis, soit chez nous, soit dans une église, un temple ou une synagogue. Prier sans cesse, c’est orienter nos pensées vers Celui qui comprend toutes nos aspirations, qui répond à toutes nos attentes, qui satisfait nos besoins essentiels. La prière est le cordon ombilical qui donne vie à notre foi, c’est la raison pour laquelle Jésus a posé cette vérité en préambule. Notre Père des cieux connaît parfaitement notre nature humaine. Il sait à quelles sollicitations nous sommes livrés. Il nous exhorte à ne pas nous décourager (ἐκκακέω = ekkakeo = or ἐγκακέω = egkakeo = être absolument sans vigueur, abattu, sans courage, épuisé). Ailleurs, le même verbe est usité par l’apôtre Paul au sujet des épreuves qu’il endure. Il écrira : « je vous prie de ne pas perdre courage à cause de mes afflictions pour vous » Ephésiens 3 : 13, version DRB.

 

Pourquoi ne pas perdre courage ?

 

Parce que par amour, Dieu en Jésus-Christ, utilise le principe de précaution. Il nous prévient toujours des malheurs qui vont advenir (cf. Jean 14 : 29, 13 :19 ; Luc 21 : 28 etc.). En cela la démarche divine est en adéquation avec une pratique ancestrale : « Le Seigneur, l’Eternel, ne fait rien sans avoir révélé son secret à ses serviteurs les prophètes » Amos 3 : 7, version LSG. Nous sommes prévenus : la situation de la fin des temps sera marquée par une intense violence. Au chapitre 21, Luc va brosser un tableau de la situation du monde juste avant la venue glorieuse du Seigneur Jésus. Il écrira : « sur la terre, il y aura de l'angoisse chez les nations qui ne sauront que faire, au bruit de la mer et des flots, les hommes rendant l'âme de terreur dans l'attente de ce qui surviendra pour la terre ; car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l'homme venant sur une nuée avec puissance et une grande gloire » Luc 21 : 25-27, version LSG. Matthieu a aussi été très démonstratif sur le sujet. Il précisera : « La détresse sera si grande qu’il n’y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura jamais. Et, si ces jours n’étaient abrégés personne ne serait sauvé… » Matthieu 24 : 21-22, version LSG. Dans ce contexte, la destruction de Jérusalem en 70 a été une préfiguration des derniers conflits de l’histoire de notre monde…

 

Mais revenons à notre parabole qui a été appelée « le juge inique, ou le juge et la veuve, ou encore la veuve persévérante etc. ».

Le Christ met en scène un juge totalement ignorant des choses de Dieu. Il accomplit sa tâche sans trop prendre en considération les attentes des requérants. Il active le droit sans état d’âme. En face de lui, une veuve l’implore pour qu’il lui rende justice. Il faut se rappeler qu’à cette époque les veuves faisaient partie des personnes les plus démunies. Et si elles n’avaient pas un fils pour pourvoir à leurs besoins quotidiens, elles étaient dans une très grande détresse affective et matérielle.

Devant elle, cette veuve trouve un juge qui a les pleins pouvoirs et qui ne semble s’embarrasser d’aucun scrupule pour exercer sa fonction. Pour cette femme, il est incontournable et son sort dépend de sa décision finale. Il est décrit dans cette parabole comme quelqu’un qui n’a aucun égard pour personne. Sans référence morale et spirituelle, c’est un homme qui se laisserait facilement corrompre. Certains ont interprété ce personnage comme faisant référence à Dieu lui-même. Si l’on veut rester sérieux dans l’analyse, ce n’est pas possible. Sur aucun point, Dieu a les traits caractéristiques de ce juge. Quand on interprète une parabole, il faut être prudent. Il faut dégager le message essentiel et non s’attarder au détail. Quand par exemple le Christ est appelé dans une autre parabole : « la porte des brebis » personne ne prend cette information à la lettre. Il doit en être de même dans la symbolique de ce juge. Tout au plus, il illustre toutes les difficultés auxquelles nous devons faire face…

 

Mais revenons à cette veuve vivant une profonde détresse… Elle se trouve devant une fin de non-recevoir glaçante. Que peut-elle attendre de ce juge ? Rien ! Il ne lui reste plus que le pouvoir de le harceler jusqu’à ce qu’il cède à sa demande pour avoir la paix. En fait, cette veuve a du caractère. Elle a pour elle certainement le droit et surtout la ténacité. Dans sa situation, elle est d’une motivation sans égale. Elle ne veut rien lâcher avant d’avoir obtenu quelque chose. N’ayant plus rien à perdre, elle se dit qu’elle a tout à gagner à l’importuner. Elle pourrait tomber sous le coup de la loi pour harcèlement à magistrat, mais elle n'en a cure (cure au onzième siècle était un souci). Longtemps le juge résista, mais un jour il céda.

 

L’enseignement premier de cette parabole nous invite à considérer cette femme comme un modèle de foi. J’entends par foi : une confiance en Dieu sans condition, une adhésion sincère à ses messages, une pratique de vie conforme aux valeurs chrétiennes. N’ayant rien à faire valoir, sinon son bon droit devant un adversaire intransigeant, elle a actionné sa persévérance. Comme en droit, elle a utilisé la liberté d’exercer de nombreux et fréquents recours. A vue humaine la partie semblait très mal engagée, car la force du juge était en son pouvoir. Or, ce juge est inique (ἀδικία =adikia = l'injustice d'un juge ; la tortuosité d'un cœur ou d'une vie ; violation volontaire de la loi et de la justice). Comme nous le constatons ce juge avait la mainmise sur tous les dossiers, il violait la loi effrontément. Il desservait la justice en se servant d’abord, c’est ce que recouvre le sens du qualificatif : inique.

 

Et Pourtant ! Cette veuve totalement démunie triomphe grâce à sa résilience inspirée. Cette parabole nous conduit à aller au-delà des apparences. Il nous faut investir dans la force de nos motivations de cœur. Les forces d’adversité sont, dans notre monde moderne, nombreuses et variées. Soit, nous adoptons une attitude de soumission, soit nous concentrons notre énergie afin de résister. Dans notre région du Sud de la France, nous avons une figure emblématique de la résistance à caractère spirituel. Marie Durand, sœur du pasteur Pierre Durand, a été emprisonnée 38 ans pour avoir refusé d’abjurer sa foi protestante. Sa résilience a fait l’admiration de toutes les femmes qui ont été emprisonnées avec elle. Sa ténacité et sa persévérance sont restées gravées dans les mémoires. Quand je dis graver, c’est bien le verbe à employer, car Marie Durand a, avec ses ongles, gravé sur la paroi d’un mur de la forteresse ce verbe légendaire : résister. Chacun est appelé à imiter cet exemple à son niveau…

La veuve de notre récit fait partie de cette longue liste de personnes qui ont fait un choix engageant et responsable. Ils ont lutté avec leur propre arme contre toute forme de tyrannie et d’oppression. Cette parabole nous dit que c’est ce combat spirituel qu’il nous faut mener avec le potentiel de résistance propre à chacun.

Mais attention ! Ne nous trompons pas de combat ! L’apôtre Paul, ce grand combattant, a été clair sur le sujet. Il écrira aux chrétiens d’Ephèse :

 

« nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. C'est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté » Ephésiens 6 : 12-13, version LSG.

 

Le combat est avant tout un combat d’idées, c’est-à-dire ce qui anime l’action au plus profond de soi. Pour le croyant, c’est sa foi. Pour le non-croyant ce sont d’autres valeurs morales. Ce ne sont pas les personnes qu’il faut viser, mais les idées dont ils sont porteurs. Nous n’avons pas à attenter à la vie des personnes, c’est-à-dire à lutter contre la chair et le sang. Plus fortes que les personnes sont les idées qu’elles professent. Le Christ en est le parfait exemple. Il est mort il y a près de deux mille ans et son message bouleversant continue à faire des disciples. En synthèse, disons sur ce point que l’évangile nous enjoint de respecter les personnes et de combattre toutes idées contraires aux valeurs chrétiennes. Il est vrai que la distinction n’est pas toujours aussi aisée à faire, mais c’est vers ce combat que le Christ oriente nos vies. L’apôtre a acté cette réalité dans la sienne (cf. 1 Timothée 6 : 12 ; 2 Timothée 4 : 7).

La parabole nous révèle que si un juge inique est capable de donner une suite heureuse à une demande légitime d’une veuve, à combien plus forte raison, « Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit, tandis qu'il patiente à leur sujet ! Je vous dis qu'il leur fera prompte justice » Luc 18 : 7-8, version LSG. Ainsi, l’accent est mis sur Celui qui rendra en dernier la justice. Si la justice humaine est entachée d’imperfections, il n’en sera pas de même de Dieu que nous appelons notre Père. La raison en est limpide, Dieu est l’essence même de l’amour.

En Lui Amour et justice se confondent. « Nous avons connu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour ; et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui Pour nous, nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier » 1 Jean 4 : 16,19, version LSG.  

La conjugaison de l’amour et de la justice se manifeste concrètement par une attention bienveillante en faveur de l’humain. L’apôtre Pierre en a été le témoin privilégié quand Jésus lui a déclaré avec beaucoup d’affection : « Simon, Simon, Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ; et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères » Luc 22 : 31-32, version LSG.

 

Le combat de cette veuve transpirait le bon droit. Il n’avait rien d’agressif. Sa démarche légitime devait être empreinte de bons sentiments. Cette attitude relève du don de la grâce. Dieu est bienveillant pour le pécheur tout en dénonçant son péché. Cette énergie qui procède de l’amour est plus puissante que l’arme nucléaire, et elle est moins désastreuse ! Cette veuve ne revendiquait rien d’exceptionnel, seulement une réponse en adéquation avec sa triste situation. Le fait qu’elle ait fini par avoir gain de cause est un puissant encouragement pour nous tous. C’est la morale de cette parabole.

 

Arrivons maintenant à la grande question que nous nous posions en introduction. Observons qu’elle est introduite par une conjonction de coordination (cf. πλήν = plein =

de plus, en outre, mais, néanmoins,  seulement, toutefois. En français, elle établit un lien entre ce qui est dit avant, et ce qui va suivre). Il faut donc comprendre la question avec « il leur fera prompt justice ». De qui est-il question ?  Il s’agit de tous ceux qui adhèrent aux promesses de Dieu et qui sont considérés comme ses élus. Si Dieu, notre Père veut leur rendre justice promptement (en vitesse dans l’original), c’est que quelque part il y a danger.

C’est donc dans ce sens qu’il faut lire la phrase suivante :

« Mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Luc 18 : 8

Soit on peut comprendre qu’il s’agit de la foi personnelle, soit on peut l’entendre faisant partie, comme la justice divine, des vérités divines.

Soit la question attend une réponse oui, c’est-à-dire, que la foi aura disparue au retour du Christ, soit on peut la comprendre par un non, c’est-à-dire que Dieu ne permettra pas que ceux qui crient à lui jour et nuit, perdent la foi. La formulation inclinerait à avoir une réponse négative or le message central de la parabole nous prouve le contraire par le biais de la foi de cette veuve.  Cela nous conduit à une question subsidiaire : les épreuves des derniers jours éradiqueront-elles la foi ? La réponse est non. Observons que dans toute la Bible, les difficultés non seulement n’ont jamais supprimé la foi, mieux, elles l’ont facilitée. Le cas d’Abraham prêt à sacrifier son fils unique, le cas de Moïse face à la mer des roseaux, le cas de Jésus à Gethsémané en sont une démonstration évidente (cf. Lire la liste des héros de la foi dans Hébreux 11).

 

La question du Christ est donc une invitation pressante à la vigilance. Ainsi la cohérence entre l’introduction de la parabole et sa conclusion se trouve vérifier. Pour les combattants de la dernière heure, le relâchement n’est pas au programme. La ténacité de la veuve doit être la caractéristique des derniers témoins de la foi en Celui qui vient pour juger les vivants et les morts (cf. Romains14 : 9). Nous sommes prévenus, à nous de savoir quel combat nous voulons mener.

 

Conclusion :

 

Cette parabole nous redit d’une manière originale que nous n’avons rien à craindre de l’avenir. Comme pour cette veuve démunie, notre cause spirituelle a la justice divine de son côté. Seulement, c’est une chose de le savoir, c’en est une autre de vivre en adéquation avec son engagement de foi. Le mot d’ordre de l’apôtre Jacques (cf. Jacques 4 : 7) repris par l’apôtre Pierre (cf. 1 Pierre 5 : 9) doit être présent dans notre esprit. Il a été gravé dans la pierre de la tour de Constance à Aigues Mortes, dans le midi de la France, par Marie Durand : Résister.

Il ne faut jamais oublier que c’est quand il n’y a plus d’espoir à vue humaine que tout devient possible pour celui qui actionne sa foi en Dieu. En Lui, rien n’est impossible (cf. Luc 1 : 37). Appuyons notre foi sur les promesses divines, et faisons confiance en celui qui est à la fois notre Sauveur et notre juge.

Cette parabole a la singularité de réveiller notre motivation spirituelle et pratique. Notre monde a grandement besoin de gens engagés qui défendent avec ardeur les valeurs cardinales de la pensée du Christ. Soyons au rendez-vous de l’histoire. Cette veuve apparemment démunie de tout avait gardé l’essentiel dans son cœur, et elle a obtenu ce qu’elle était maintes fois venue chercher. Merci au médecin Luc de nous avoir conservé cette parole vivante !

Le bon combat, c’est celui qui est engagé au nom de notre foi au Seigneur Jésus-Christ. Il nous enseigne à aller au-delà de ce que l’on voit, pour ne jamais oublier ce que le Christ Jésus nous a dit.

Alors, continuons à prier. Persévérons à être en relation intime avec notre Père, car c’est lui qui stimule notre volonté et la mobilise pour le bien, le bon et le beau. D’après les évangiles, une chose est absolument certaine : celui ou celle qui se confie en Dieu parviendra toujours à destination. Les temps difficiles n’effaceront jamais les promesses du Père, du Fils et du Saint-Esprit. 

 

« Le temps décide qui tu rencontres dans ta vie. Le cœur décide qui tu veux dans ta vie. Le comportement décide qui reste dans ta vie » auteur inconnu.

                                                                             

                                                                          Jacques Eychenne

 

 

PS : FBJ, version française de la Bible de Jérusalem ; LSG, version Louis Segond ; DRB, version Darby.

 

 

 

 

 

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