ou
la marche vers la lumière
Jean 9: 19-27
(3ème partie)
Introduction :
La fois dernière, nous avons vu que le texte élargissait le profil des sceptiques en ne parlant plus des pharisiens, mais des juifs. Autant dire du peuple dans son entier.(au verset 24, le texte
original dit : ils, et non pas les pharisiens. Ils s'agit des juifs) Malgré l’évidence, tous ces gens ont refusé de croire au miracle, jusqu’à ce que les propres parents de l’aveugle, le
reconnaissent et l’identifient bien comme leur fils.
A partir de ce moment, notre voyant clair, va devoir faire face à une adversité ouvertement déclarée. Ne pouvant plus nier le miracle, ces juifs, certainement voisins et curieux, vont aussi se
tourner vers les parents pour qu’ils fournissent des explications. Nous sommes toujours loin d’une liesse populaire en faveur d’un homme heureux et libéré ! Qu’il est difficile de se réjouir du
bonheur d’autrui !
Développement :
Et nous arrivons au troisième interrogatoire : Celui des parents.
Le texte nous donne l’impression que les parents n’ont pas encore revu leur fils voyant, puisque le fils est là attendant que ses parents arrivent et le reconnaissent. On passe sous silence tout
rapport émotionnel, mais il faut aussi essayer d’imaginer la rencontre...
V.19 « Et ils les interrogèrent en disant :
Celui-ci est-il votre fils dont vous dites qu’il est né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ? »
Deux questions qui attendent deux réponses pas si faciles à donner. Pourquoi ? Parce que cette convocation semble publique et que ces questionneurs étaient craints.
Le texte suivant va le confirmer.
Et puis la formulation est soupçonneuse. Elle traduit leur état d’esprit. Ils veulent trouver des éléments à charge contre Jésus.
Dans l’original la question est formulée de telle sorte qu’elle laisse supposer que le dire des parents est douteux, qu’il a besoin d’être confirmé. « Votre fils dont vous dites qu’il est né aveugle
». C’est le dire des parents qui semble remis en question. C’est un peu fort !
Comment voit-il maintenant ? Vu la première question, il fallait faire attention à cette deuxième réponse. Elle pouvait être redoutable, voire catastrophique au moment même où ces parents auraient dû
sauter de joie et embrasser leur enfant.
Coincés par ces inquisiteurs, il valait mieux botter en touche comme dirait un sportif. Et c’est ce qu’ils ont fait, mais pas n’importe comment...
V. 20-21 « Ses parents répondirent alors et dirent : Nous savons que celui-ci est notre fils, et qu’il est né aveugle. Mais comment il voit maintenant, nous ne le savons pas ; ou qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas. Il a de l’âge, interrogez le lui-même, il parlera de lui-même ».
Les parents assument, mais sans plus. Ils reconnaissent leur fils et attestent bien qu’il est né aveugle. Malgré la pression, ils sont restés dignes. Mais quant à la guérison, qui l’a accomplie et comment cela s’est passé, ils sont dans l’impossibilité de répondre. Alors responsabilisent-ils et valorisent-ils leur fils, laissant entendre qu’il est suffisamment adulte pour que l’on prenne sa réponse au sérieux ? Ou est-ce pour se dédouaner devant les conséquences de leur affirmation ? La répétition du « lui-même » dans l’original grec est significative. Tout repose désormais sur le témoignage du fils. Pouvaient-ils faire moins qu’attester le miracle indubitable vécu par leur fils ?
La suite du récit confirme ce que nous supposions quant aux agissements de ces services secrets juifs (mais pas discrets) de l’époque.
V. 22-23 « Ses parents dirent cela, parce qu’ils craignaient les juifs ; en effet les juifs avaient déjà convenu que si quelqu’un confessait Christ, il serait exclu de la synagogue. C’est pour cela que ses parents répondirent : Il a de l’âge, interrogez-le lui-même ».
Voilà ! La situation est plus claire maintenant. Le texte lui-même apporte des éléments d’appréciation que nous avions déjà
pointés. Les parents se sont défaussés de leur responsabilité par peur d’être exclus et rejetés. Du coup le fils habitué à la solitude, se retrouve de nouveau livré à lui-même sans
soutien.
Quelle sinistre cabale ! Tout est orchestré pour mettre hors d’état de nuire Jésus-Christ, le Messie qu’ils attendaient ; Celui qui pouvait leur apporter la lumière dont ils avaient besoin. Si ce
peuple avait eu des dirigeants à la hauteur, leur témoignage aujourd’hui dans le monde, serait d’une force séduisante et attractive.
Cela nous enseigne sur le type de résistance qu’il nous faut mener, contre toute autorité qui porte atteinte à l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.
Soyons suffisamment adultes, pour nous insurger contre toute domination même spirituelle qui s’arroge des droits qui n’appartiennent qu’à Dieu seul.
L’homme a toujours voulu utiliser Dieu pour asseoir son pouvoir et son désir de domination. Sous couvert d’exigence spirituelle, le mode institutionnel a une grosse tendance à inféoder ses
sujets plutôt qu’à leur donner les outils de leur liberté et le sens de leur responsabilité. Il est plus facile de dicter ce qu’il faut croire, que de tout mettre en œuvre pour que chacun se fasse sa
propre conviction. C’est pourquoi nous avons une multiplicité d’enclos spirituels sécurisés ! Voire même des formatages sécurisés !
Confesser que Jésus est le Christ demeure toujours le point central de l’enjeu
Confesser(V22) : omologuéau en grec est le parler en accord avec celui que l’on cite, avouer l’avoir accepté, reconnaître son autorité, convenir de consentir à accepter son enseignement...
Dont on a tiré homologuer en français. (Lire à ce sujet Matthieu 10 : 32-33 où le même verbe est usité)
La menace de l’exclusion de la synagogue, comme celle de l’excommunication, de la mise à l’indexe ou de la radiation, démontrent l’insupportable prétention des humains à cerner le plan de Dieu.
N’avons-nous pas tendance à rejeter ce que nous ne comprenons pas ? C’est la méconnaissance de l’œuvre de Dieu, de son action multiple et variée, qui entraîne ces montées d’autorité. Les temps et les
méthodes n’ont guère changé, hélas au cours des siècles !
Quand la pression d’un groupe met en péril la liberté individuelle, il dénature la cause qu’il prétend servir.
Quand la peur des autres ou de l’autre bloque nos choix, comme pour ces parents, peut-il y avoir libre expression par une vraie réponse ?
Alors, on botte en touche, il a de l’âge, interrogez-le ...
La suite du récit confirme.
V. 24 « Ils appelèrent l’homme qui était aveugle une seconde fois et lui dirent : Donne gloire à Dieu ; nous savons que cet homme est pécheur ».
Ils appellent l’homme qui était aveugle. C’est incroyable ! Le verbe correspond à notre imparfait. Ils s’adressent à lui, comme
s’il était encore aveugle.Et même si on considère que le texte ne fait que rappeler la situation antérieure, le fait de reprendre le mot aveugle dénote l'état d'esprit. Ce déni de parler
à un voyant clair est fort. Ils ne peuvent voir la réalité. Face à l’évidence, il leur est impossible d’accueillir et d’acter le fait établi avec certitude par les
parents.
Cela parait énorme et pourtant nous avons parfois les mêmes comportements absurdes, fruits de nos ambitions, de nos complexes de supériorité, ou plus simplement de notre orgueil.
Il faut dire qu’en soubassement est posé le problème de l’autorité. Il était important devant tous, que cet homme se rétracte, et même condamne celui qui avait réalisé le prodige.
Cette guérison miraculeuse mettait en péril leur enseignement qui ne souffrait aucun compromis. Aux yeux des juifs, Jésus était un imposteur.
Pour ce troisième interrogatoire, ils n’attendaient qu’une seule position : sa rétractation. Ces censeurs étaient enfermés dans leur logique, et ils leur
étaient impossible de sortir de leur cadre de référence.
Curieusement de nos jours cette posture est loin d’être marginale.
Pour avoir la force mentale de sortir de son cadre de référence, de remettre en cause ses acquis et ses certitudes, d’avoir cette humilité là, il faut toute la puissance de la grâce, l’humain en est
incapable.
C’est cette puissance secrète et mystérieuse de la vraie conversion au Seigneur Jésus-Christ qui témoigne en faveur de la lumière divine. Pour oser aller au-delà du visible et de l’apparent, il faut
assurément l’aide de l’Esprit de Dieu.
Notre homme est sommé d’abjurer non plus les faits le concernant, mais l’intervention de son bienfaiteur, son porteur de lumière : « Donne gloire à
Dieu ».
Autrement dit, tu n’as pas dit la vérité, tu as été influencé, maintenant parle, c’est le moment. Pour t’aider rappelle-toi que cet homme Jésus est un pêcheur, en aucun cas, il ne peut-être prophète.
Alors rejoins nous, rallie-toi à nous, tu as dû te tromper, autrement dit, dis-nous ce que nous voulons entendre... (La menace était à peine voilée).
Tout ce qui relève de l’analyse psychologique dans la relation d’autorité (mari- épouse; parents-enfants; employeur-employé ; responsable religieux-membres) met en évidence une volonté de
domination. Quand le pouvoir (ici celui des Pharisiens), est menacé, les menaces et les violences deviennent inévitables.
Aux 2 alternatives, celles de la violence ou de la fuite, le Christ a prôné par sa vie une troisième voie : Celle de la foi en l’amour de Dieu. Elle est porteuse
d’espérance.
V.25 « Il répondit : Si il est pêcheur, je ne le sais pas ; je sais une chose : J’étais aveugle, maintenant je vois ».
La réaction de notre homme est sublime, elle indique la direction de cette troisième voie : Ni violence, ni fuite, mais rester
bien présent, debout, faisant face et témoignant avec courage et vérité. (Je sais, le verbe savoir et voir ont
en grec la même racine. ^de même en français, dans savoir, il y a voir)
La lumière qui a rempli les yeux et le cœur de notre homme a banni les ténèbres de la peur et de la
menace. Son assurance est apparue comme un phare dans la tempête, quand les éléments déchaînés menaçaient sa vie. Ne nous y trompons pas : cette force et ce courage viennent de Dieu.
(Voire Luc 21 :12-20)
La philosophie profonde de cette troisième voie vers la lumière, met aussi le doigt là où cela fait mal dans nos parcours. Par exemple elle soutend cette vérité : A chaque fois que nous acceptons d’être dépossédé de nos choix, cela équivaut à une mutilation de notre être. C’est une démission qui nous entraîne dans une phase régressive. Elle est à l’opposé du bonheur.
Même si il y a des choix plus difficiles que d’autres, il faut oser les assumer. Dieu a complètement intégré nos droits à l’erreur. Alors, osons un choix (après réflexion bien entendu). Cette
voie vers la lumière, cette marche vers l’avant, nous dit aussi que notre bien le plus précieux, le plus fondamental, jaillit de la qualité de relation que nous entretenons avec nous-même, avec Dieu
et avec nos semblables. C’est là où l’amour a toute sa place…
Ainsi en réalité, notre bonheur dans un bien vivre ne vient pas de ce que nous possédons, mais de que nous sommes en qualité de présence à soi et aux autres. Cette intelligence éclairée par l’esprit
de Christ ouvre le cœur, les bras, les mains sans qu’on s’en attribue quelques honneurs.
Le Seigneur nous dit que pour bien prendre soin des autres, il faut s’occuper de soi et non se couper de soi. (« Tu aimeras ton prochain comme toi-même », Marc 12 : 31)
Rien ne pourra remplacer l’expérience personnelle et la valeur d’un témoignage simple, ferme et digne. Ce que l’on sait vraiment, ne relève pas le plus souvent d’une simple transmission de savoir, mais plutôt d’une découverte sur soi et en relation à l’autre. Nous ne retenons profondément que ce que nous avons découvert par nous-même : Je sais une chose dit notre voyant clair :
« j’étais aveugle, maintenant je vois »
Quiconque peut parler ainsi de sa vie n’a plus rien à craindre du regard ou du jugement des autres. Les menaces et pressions de toute nature n’ont plus d’emprise. Il est en marche vers cette
troisième voie...
Notre homme, très certainement sûr maintenant de ce qui l’habite, va prendre l’initiative de l’interrogatoire. La situation s’inverse.
V.26-27 « Ils lui dirent : que t-il fait ? Comment t-il ouvert les yeux ? Il leur répondit : Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté : Pourquoi voulez-vous l’entendre à nouveau ? Est-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? »
En général dans la vie, quand nous décidons de ne plus subir, et que nous prenons l’initiative de nos choix, les choses
changent... Et nous grandissons. La parole dite jadis, et qui n’a pas été entendue, est maintenant prise en considération.
Face à ce quatrième interrogatoire, notre homme prend l’initiative d’une parole libre et audacieuse, caractéristique de la foi authentique. Il a refusé d’être encore sur la défensive, il passe à
l’offensive en interpellant ces responsables, ces magistrats, ces docteurs de la loi, qui ne cessaient de l’accuser plus ou moins ouvertement.
Notre homme est même capable d’humour teinté d’un soupçon d’ironie : Vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? Autrement dit : Est-ce que vous voulez changer d’opinion ?
Suprême dérision pour ces pharisiens trop sûrs de leur bon droit !
Devant tous ces badauds spectateurs, le constat de leur impuissance est publié !
Quel affront ! Que pouvaient-ils faire ? Utiliser l’injure et le mépris, ces 2 joyaux de l’impuissance ?
A ce moment du récit, l’intérêt repose sur le clivage qui s’établit d’un coup : c’est l’interrogé qui interroge ! Cela veut dire beaucoup...
La caractéristique de la troisième voie de la foi rayonnante et attractive met, à mon sens en évidence, la capacité de dire non. Non à l’agression, non aux accusations, non à tout ce qui s’oppose à
notre foi, fruit de la vraie rencontre avec Christ. En quoi cela est-il important ?
Apprendre à dire non révèle en relation des valeurs essentielles :
- Le respect de soi, l’estime de soi. Nous ne pouvons agir en cohérence avec notre prochain que si nous vivons déjà pour nous cette réalité.
- La volonté de grandir en se donnant les outils de sa propre autonomie. Quand nous vivons dans le mimétisme du comportement des autres, notre vie est-ce bien la notre ? Nous n’avons
pas à être façonnés, conditionnés par la pensée même de nos proches.
La maturité est une revendication positive de notre marche vers l’autonomie.
Plus nous serons autonomes dans nos convictions essentielles, plus nous serons un enrichissement pour notre entourage, nos amis, nos contacts divers.
C’est ainsi que je comprends la parole de Jésus : « Ce sont les violents qui s’emparent du royaume des cieux ». Matthieu 11 :12
Le verbe grec (βιάζω) ne laisse planer aucune équivoque. Il fait référence à une force non destructrice certes, mais une force de
caractère. L’apocalypse renforce cette idée en parlant de ceux qui seront vomis parce que tièdes (Apocalypse 3 :15-16). Là encore, le mot grec
(χλιαροϛ) met en évidence, non seulement ce qui relève de la température, mais aussi ce qui est de l’ordre de la consistance, de la densité.
Le choix est d’être froid ou bouillant, autrement dit, d’être bien dans ses choix, consistant dans ses pensées, dense dans ses convictions.
La force de caractère, qui éclaire le témoignage de notre homme face à l’appareil institutionnel, démontre le vrai sens de la responsabilité. Cette force n’est point coercitive, mais pacifique. Elle
favorise les débats clairs dans le respect des différences. Plus simplement, elle donne du sens au mot responsable.
La prise d’initiative de notre voyant clair est une véritable libération et il veut qu’elle soit entendue comme telle. Qu’importe le prix à payer, la force qui l’habite est
tellement du registre du bonheur, qu’il ne craint plus rien, ni personne. (La Samaritaine aussi a fait cette expérience...) D’où son audace et son ironie.
Quand on dit non avec force, c’est qu’au-dedans de soi, on sait pourquoi et à quoi on peut dire oui clairement.
La vraie conversion en est la plus irréfutable démonstration.
Conclusion:
Ce récit est riche en instructions. Ce n’est donc pas un hasard si nous le trouvons au cœur de l’ Evangile de Jean et si tout un chapitre lui est consacré.
Notre voyant clair nous ouvre la voie de la foi. Elle traverse toutes les épreuves avec force. Notre homme a surmonté la déception de l’incrédulité de ses voisins,
le manque d’empressement de ses parents, l’adversité de la populace et des responsables. Notre voyant clair a vu de ses propres yeux la sinistre réalité de ceux qui sont habités et installés dans le
doute et le pouvoir.
Il a avancé dans la lumière de la libération en Jésus-Christ, ne craignant rien, ni personne. Il s’est ouvert à la vraie lumière plus intérieure et plus intense,
celle qui repositionne dans la marche en dignité et en épanouissement. A nous de suivre son exemple et d’entrer dans
cette lumière d’essence divine…
Jacques eychenne