Des ténèbres àla lumière
Juges 16 :3-31
( 3ème et dernière partie)
Introduction :
Nous avons laissé Samson en haut d’une montagne, réalisant un acte extraordinaire de force, après avoir rencontré une prostituée de gaza en territoire Philistin... Nous le retrouvons dans la vallée de Sorek ou Soreq (Nom qui désigne une vigne réputée pour son vin (Cf. Esaïe 5 : 2). Cette vallée, riche en cépage de grande qualité, se trouvait à l’ouest de Tsoréa, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Jérusalem. Rappelons-nous que le père de Samson était originaire de cette ville. (Cf. Juges 13 :2)
Et là, dans cette vallée, Samson tombe amoureux d’une certaine Delila ou Dalila. (Cf. Juges 16 : 4) On ignore tout de cette femme, et l’étymologie de son nom est difficile à cerner. (On dit qu’en hébreux on trouverait l’idée de faiblesse et qu’en arabe se serait plutôt la traîtrise). Etait-elle d’origine Israélienne ou Philistinne ? L’histoire nous inclinerait à choisir la deuxième option, mais nous n’avons aucune certitude.
Actons le fait : Samson aime cette femme... et voyons la suite.
Développement :
Est-ce que cette fois, c’est une vraie histoire d’amour ou encore une manigance ? Ou les deux ? L’ambiguïté risque de demeurer jusqu’au terme de notre récit !
Ce qui est sûr, c’est que l’endroit où se trouve Samson n’est guère loin du territoire Philistin. Les princes de cette région, bien informés, ont très vite compris qu’il y avait un bon coup à jouer. Connaissant la faiblesse de Samson (C.I.Scofield dans ses notes explicatives de la Bible, version Segond 1975, parle de ses appétits charnels, p.309), ils se sont dits qu’en soudoyant la belle Dalila, ils avaient de grandes chances d’en finir avec ce personnage dérangeant. Les princes Philistins (au nombre de 5 d’après Josué 13 :3) se déplacent donc eux-mêmes pour la rencontrer en secret, et lui proposent un marché. (Cf. Juges 16 : 5)
Ce marché juteux porte sur 1100 sicles d’argent pour chaque prince ... Les experts en monnaie ancienne parlent d’une somme considérable. De quoi passer le reste de sa vie à l’ombre et se laisser vivre tranquille !
Tacitement le texte laisse entendre qu’elle accepte le défi pour ne pas dire le deal. L’enjeu est clairement énoncé et les princes suggèrent eux-mêmes la stratégie : « Flatte-le ( ou dupe le ) pour savoir d’où lui vient sa grande force et comment nous pourrions nous rendre maîtres de lui ; nous le lierons pour le dompter... » Juges 16 :5
Assurément cette femme n’est point amoureuse ! Elle accepte l’enjeu et se met de suite, (d’après le texte) au travail (en cuisinant son chéri).
Sa première question trahit déjà ses intentions « Dis-moi, je te prie, d’où te vient ta grande force, et avec quoi il faudrait te lier pour te dompter » v. 6
La réponse de Samson témoigne de sa lucidité « Si on me liait avec 7 cordes fraîches, qui ne soient pas encore sèches, je deviendrais comme un autre homme ». v. 7
Je ne sais quelle est votre première impression, mais disons que notre belle Dalila n’est pas très experte en psychologie ! La ficelle est une peu grosse !
La réponse de Samson montre à l’évidence, que malgré son amour pour sa belle, il n’est pas dupe. Il sait ce qu’elle veut. Le mensonge en est une preuve, mais c’est un jeu dangereux…
Enfin ! Le jeu dangereux du chat et de la souris peut commencer.
Les Philistins fournissent le matériel, Dalila le lie, sous-entendu dans son sommeil. Lui semble ne rien sentir, ou dort d’un œil ! (Son absence de sensibilité est douteuse !)
Dalila crie : « Samson ! Les Philistins sont sur toi ! » Et aussitôt, Samson rompt les cordes avec une facilité déconcertante. (Cf. v. 8,9)
Normalement, on s’attendrait à une réaction verbale de Samson, eh ! bien, c’est Madame qui n’est pas contente ! Ce qui renforce l’idée, à mon avis, que Samson était plus clairvoyant qu’on ne le pense généralement...
Cette appréciation est encore renforcée par la redondance des questions de Dalila. En effet, après avoir manifesté son dépit, elle réitère sa demande insolite : « Maintenant, je te prie, indique-moi avec quoi il faut te lier ». v. 10
A cette deuxième question, on s’attendrait de la part de Samson à une série de questions. Du genre : Mais qu’est-ce que tu veux faire ? Où veux-tu en venir ? En quoi consiste ton petit jeu ? Eh bien non ! Rien de tout cela. Samson continue à répondre tranquillement, en laissant entendre qu’avec des cordes neuves n’ayant jamais servi, il serait sans force. Autrement dit, il continue à mentir sans vergogne. Et ça marche...
Dalila se fournit auprès de ses mêmes intermédiaires, et elle recommence l’opération. Comme à son habitude, elle ponctue la mise en scène par son fameux cri : « Samson ! Les Philistins sont sur toi » v. 12
Le résultat est identique au premier assaut : les cordes sont brisées comme si on coupait un simple fil. Samson semble s’habituer à ce petit jeu, tandis que le ton monte chez Madame. Le montant du pactole semble s’éloigner quelque peu pour elle, aussi augmente-t-elle la pression face à son beau Samson. On imagine le crescendo dans le ton de sa voix, soit en intensité, soit en douceur mielleuse. Elle est toute entière dans la séduction.
Et ça marche ! Samson est d’accord pour continuer à lui dire n’importe quoi !
Il lui parle donc de faire 7 tresses de ses cheveux et de les rattacher avec du tissu comme une chaîne. Cette fois, le procédé est un peu plus élaboré.
La version des Septante ajoute que cela fut rattaché à un piquet. D’autres pensent que cela fut rattaché au peigne d’un métier à tisser. Qu’importe !
Même si la mise en scène est un peu plus soignée, le résultat est le même. Dalila pousse son cri et Samson arrache tout, et se défait avec une facilité encore déconcertante.
Dalila va enfin changer de tactique et utiliser un brin de psychologie, en s’appuyant sur les affirmations de son compagnon :
« Comment peux-tu dire : Je t’aime ! Puisque ton cœur n’est pas avec moi ? Voilà 3 fois que tu t’es joué de moi, et tu ne m’as pas déclaré d’où vient ta grande force » v. 15
A cet endroit, c’est nous qui décidons de réagir en nous posant ces questions: Pourquoi Samson n’a-t-il pas arrêté le jeu ? Pourquoi n’a-t-il pas réagi face à la machination grossière de celle qu’il aimait ? Pourquoi ne lui a-t-il pas renvoyé la question : Et toi, est-ce que tu crois m’aimer en me demandant cela ? Pourquoi n’a-t-il rien dit ?
Est-ce par faiblesse ? Par dépit de ne pas avoir réussi à être aimé ? Par intuition concernant la finalité de sa mission ? Par excès de confiance dans sa force et son Dieu ? Ou un peu de tout cela ?
La suite du récit nous fournit un détail pertinent. Il ne peut être que le résultat du harcèlement quotidien de Dalila. Le texte dit « son âme s’impatienta à la mort » v. 16 La version du rabbinat français dit : « Il en fut enfin excédé à la mort » Le jeu a fait place au désespoir, certainement au travers d’une prise de conscience tragique. Son amour pour cette femme est sans retour. Pire, elle veut sa perte. Elle est déterminée et sa traîtrise le frappe en plein cœur. Être trahi par celle que l’on aime est toujours douloureux...
Samson s’est trouvé subitement très seul face à son échec... Est-ce qu’il n’a pas pu supporter le fait de ne pas avoir été vraiment aimé ? Est-ce que comme Juda Iscariote, il a été meurtri de s’être à ce point trompé sur lui-même et sur elle ?
Le fait qu’il accède à son désir, révèle-t-il qu’il entre dans un processus suicidaire bien connu des psychiatres ? Après une forte déception amoureuse, les cas sont assez fréquents. Les personnes se sentent inutiles et incapables. Plus rien n’a d’importance. Seule la mort peut arrêter leur intense et insupportable douleur... Pourtant la suite va démentir cette piste de réflexion. Quoiqu’il en soit, le moment est émouvant... Nous avions déjà pointé le dilemme entre son besoin d’être aimé et sa vocation, il trouve là, son paroxysme.
Dalila sent que cette fois il lui a ouvert son cœur... Les mots sonnent justes, le langage est vérité... On aimerait qu’à cet endroit l’histoire bifurque vers une authentique et merveilleuse histoire d’amour, comme dans les contes de fée...
Mais Dalila est déterminée : Elle va l’endormir sur ses genoux et couper ce qui faisait sa force. (Trahison perverse) « Elle rasa les 7 tresses de la tête de Samson et commença ainsi à le dompter. Il perdit sa force ». v. 19 (c’est moi qui souligne)
La traîtrise serait-elle doublée d’une notion de pouvoir ? Je ne sais si elle lui donné un profond somnifère, mais assurément il faut un sommeil comateux pour ne pas sentir le rasoir sur sa tête ! (Idem d’ailleurs pour les autres fois)
Les Philistins viennent et lui apportent l’argent, comme si le fait était déjà acquis. Il semble que cette fois soit la bonne. Dalila pousse son cri. Samson se réveille. Il croit pouvoir s’en tirer comme les autres fois, mais il n’a plus de force, et surtout il ne sait pas que Dieu s’est retiré volontairement et momentanément de lui. (Cf. v. 20c)
Les Philistins se saisirent de lui, lui crevèrent les yeux, l’amenèrent à Gaza, le lièrent avec des chaînes d’airain et le firent tourner en rond en poussant le levier d’une meule dans sa prison. (Cf. v.21)
Il serait bon, à cet endroit, de réfléchir sur ce retrait de Dieu.
Pourquoi Dieu s’est-il retiré de son serviteur, le laissant seul, livré à lui-même et en plein désarroi ? (Notons au passage l’équivalence suivante : Sans cheveux=sans Dieu. C’est dire que sa chevelure, certainement abondante, était symbole de la présence de Dieu en lui.)
Est-ce parce que Samson ne croyait plus à sa mission ? Ou parce qu’il s’était positionné sur un registre trop humain, dans une recherche de bonheur sans Dieu? Est-ce parce qu’il était sur la pente de la compromission, ne mettant en œuvre que sa volonté ?
Le détail du texte est éclairant à ce sujet : « Il se réveilla de son sommeil, et dit : je m’en tirerai comme les autres fois, et je me dégagerai... » v. 20 (C’est moi qui souligne) D’autres versions disent : « je m’en sortirai » (La Nouvelle Bible Segond)
Ou « j’en sortirai comme toujours et me débarrasserai » (Rabbinat Français).
Quand le JE est à ce point omniprésent, Dieu n’a guère d’espace dans notre relation. Le JE de Samson repose sur sa force, comme le JE de Judas Iscariote reposait sur son intelligence. L’un veut se passer de Dieu, l’autre veut lui rendre service en livrant l’innocent Jésus. Le résultat pour l’un, comme pour l’autre est l’échec. Pouvait-il en être autrement ?
Que ce soit avec sa force comme Samson, ou avec son intelligence comme judas Iscariote, le résultat est le même. C’est le JE qui cherche à s’imposer.
Dieu respecte nos choix à chaque fois que nous avons le désir et la volonté de nous en sortir tout seul. Samson était investi d’une mission. Insensiblement, il a perdu de vue l’objectif qui lui était assigné. Il a voulu agir à sa guise, donnant la priorité à ses sentiments et il s’est piègé. Centré sur lui-même, et uniquement sur son besoin (au demeurant légitime) d’être heureux, il a perdu son objectif en cours de route.
Tel un Père, Dieu va lui permettre de retrouver son chemin de vie, par une marche forcée dans l’obscurité, afin d’accéder à la vraie lumière intérieure. (Cf. Juges 16 :21)
C’est cette traversée du désert, dans l’humiliation la plus complète, qui a permis à Samson d’entrer dans la plénitude de sa foi en Dieu.
Samson était sur un terrain dangereux, et Dieu aurait pu le laisser assumer son choix jusqu’au bout. Mais Dieu va utiliser cette situation pour aider son serviteur à voir clair dans son obscurité. Il va transformer son malheur en victoire...
Ainsi, chaque jour, Samson va cheminer des ténèbres vers la lumière, en poussant cette meule.
Cette progression est illustrée par la repousse de ses cheveux. Il va reprendre des forces. Il convient peut-être ici d’imaginer le parcours intérieur de Samson. Pendant tous ces jours d’obscurité, où il fut réduit à l’état d’esclave ou de bête de somme, il dut réfléchir à sa triste condition, tout en faisant tourner la meule. Situation paradoxale : C’est quand Samson pouvait voir clair qu’il n’a rien vu et c’est quand il n’a plus pu voir, que la vraie lumière s’est révélée dans son cœur.
Et puis un jour (on ignore le temps passé), lors d’une festivité en l’honneur du dieu Dagon (dieu cananéen de l’agriculture, particulièrement du blé), pour divertir les princes Philistins réunis, Samson fut appelé au milieu d’eux... (Les Philistins étaient tout heureux de fêter la supériorité de leur dieu. Ne les avait-il pas délivré de la main de Samson !).
Pendant que Samson jouait devant eux (Cf. Juges 16 :25) son esprit était ailleurs. Il réalisait certainement par la foi la possibilité d’achever sa mission (et inconsciemment peut-être de rattraper ses erreurs). Elle s’identifiait aussi curieusement à son désir de vengeance. Il demanda qu’on le place entre les principales colonnes de l’édifice afin de les toucher et de s’appuyer contre elles. (Cf. v. 26)
Et là, il pria solennellement de tout son cœur : « Seigneur Eternel ! Souviens-toi de moi, je te prie ; ô Dieu ! Donne-moi de la force seulement cette fois, et que d’un coup je tire vengeance des Philistins pour mes deux yeux » v.28 (c’est moi qui souligne)
A mon avis, cette prière est la preuve que Samson a expérimenté une vraie conversion, même si la formulation laisse encore à désirer. (Car au lieu de penser à ses yeux, il aurait pu exprimer le désir de voir la cause de Dieu triompher).
Mais, la réflexion dans le temps a porté ses fruits. Il s’est repenti d’avoir agi seul, et il en appelle maintenant à son Seigneur Dieu (YHWH/ Adonaï en hébreux). Le souviens-toi de moi nous rappelle la prière du Larron sur la croix. J’y vois l’expression de sentiments similaires. Le JE n’est plus premier. Le Je se positionne en second, à sa vraie place, après le célèbre YHWH-Adonaï.
Nous pouvons être choqué par l’expression : « tirer vengeance » mais dans l’Ancien Testament, cette expression se confond souvent avec la réalisation de la volonté de Dieu. Comme nous l’avons déjà signalé, le Nouveau testament apportera une autre signification, une autre lecture, une autre compréhension. Il n’y aura plus d’ennemi, donc plus besoin de vengeance. Le Christ substituera à ce concept, la nécessité d’aimer...
C’est ainsi que Samson entra dans le Panthéon des hommes de foi. Dans un dépassement de soi allant jusqu’au don total, il embrassa les 2 colonnes centrales de l’édifice, et il s’y appuya de toute cette puissante force que Dieu lui communiqua... il offrit ainsi sa vie, il sublima sa vie par la mort. (« Que je meure avec les Philistins » v. 30).
Tous les princes philistins périrent en un seul jour, et le peuple d’Israël fut délivré de leur oppression. Sa famille vint chercher son corps et on l’enterra dans le sépulcre de Manoach, son père. Le solitaire réintègre la famille dans la mort, sur la terre de ces ancêtres.
Conclusion :
Cette histoire de Samson présente plusieurs difficultés. En effet, si on prend le texte à la lettre, notre intelligence est placée en constat d’échec. Qui peut accepter que 300 renards soient rassemblés deux à deux et envoyés avec une torche dans toutes les directions pour brûler toutes les récoltes des philistins ? Qui peut accepter que les 2 portes massives de la ville de Gaza soient à dos d’homme transportées sur plus de 60 Kms ? Qui peut admettre scientifiquement que la force de Samson était concentrée dans ses cheveux ? qui peut penser que ces Philistins aient été assez sots pour ne pas tenir compte de la repousse des cheveux de Samson, alors qu'ils avaient eu tant de mal à savoir que sa force étaient précisément dans ses cheveux? Qui peut admettre que les deux colonnes d’un édifice pouvant contenir plus de 3000 personnes puissent plier par une force humaine ? Est-ce alors un conte légendaire épique inspiré des récits légendaires sumériens du roi Gilgamesh ? Un feuilleton rocambolesque ? Est-ce une allégorie ou un langage métaphorique ? Ou est-ce un récit rapportant des faits réels ?
Pour ne pas verser dans une interprétation fantaisiste, il nous faut une grille de lecture.
La plus facile proposition, celle qui résout en partie les difficultés, est peut-être tout simplement de prendre acte du prodige, pour ne pas dire du miracle. Elle a l’avantage d’être en cohérence avec l’ensemble de la révélation biblique. Ainsi l’entendement humain serait contraint de prendre acte à son tour, de son impuissance à tout vouloir expliquer. Peut-être alors découvrirons-nous que le but de ce récit est de mettre notre raison en constat d’échec pour que naissent la confiance et la foi en un Dieu transcendant.
De ce fait, ce ne sont pas les détails surprenants de cette histoire qui devraient retenir notre attention, mais la philosophie générale qui s’en dégage. A savoir que Dieu compose avec l’humain. Il utilise à la fois les faiblesses et les points forts de la personnalité de Samson. Ainsi, Dieu ferait concourir toutes choses (Cf. Romains 8 : 28) en harmonie avec sa volonté par rapport au plan général de l’histoire des hommes. Cette harmonie prendrait aussi en compte le salut individuel. Dans le cas de Samson, Dieu a composé avec lui pour favoriser son passage des ténèbres à la lumière. Sa conversion lui a permis de réaliser la finalité de sa vocation.
Maintenant, si la vie de Samson nous laisse avec beaucoup de questions, elle nous remplie tout autant de bonnes réflexions. Nous pouvons nous retrouver dans ce parcours plein d’humanité, de sentiments, d’extravagance, de contradictions, de mise entre parenthèse de Dieu, de besoin d’aimer et d’être aimé. (La liste n’est point exhaustive !)
Il y aura toute notre vie une tension entre ce que nous devons et voulons assumer par nous-mêmes, et ce que Dieu veut faire pour nous et avec nous.
La vraie sagesse, celle qui nous fait défaut, consiste à discerner les situations où le JE éclipse tout le reste. Car, c’est bien là que nous sommes vraiment en danger. A chaque fois que nous nous positionnons en terrain découvert et seul, nous devenons une cible facile pour l’ennemi, comme en temps de guerre. A fortiori, quand nous comptons que sur nos forces !
Le besoin d’aimer et d’être aimé est non seulement légitime, mais il fait partie de notre expérience humaine et contribue à notre bien-être. Seulement, quand d’une façon incontrôlée, nous nous laissons submerger par des sentiments amoureux, nous risquons d’être dans la confusion de nos priorités. Le piège tout comme pour Samson, peut se révéler subtil et redoutable. Samson a peut-être fini par penser que cette force lui appartenait, qu’elle était son fait à lui, il a oublié qu’elle était don, en vue d’un service, d’une mission.
A chaque fois que nous nous accaparons nos dons et talents (pour en tirer vanité) en les déconnectant de la finalité du service au prochain, (sans parler de la prise en compte qu’ils ne sont que dons de Dieu) nous allons à contre-courant de la vie, langage de partage...
Mais la trajectoire de Samson nous révèle aussi deux aspects très importants.
- Dieu n’abandonne jamais ceux et celles qui ont la plus petite aspiration à le rencontrer, à le connaître, et à faire sa volonté. Dieu accueille toujours et même jusqu’au dernier moment. Il ne cesse de créer les conditions pour que l’humain rentre en lui-même. Cette inlassable action de Dieu m’émeut toujours.
- Dieu nous laisse libre de faire n’importe quoi, mais dans nos obscurités, quand nous poussons nos meules, dans nos traversées du désert, il est toujours là pour nous conduire vers la lumière. Autrement dit, Dieu a la capacité de transformer le mal en bien, et il le fait par amour et pour notre salut éternel.
La prière de Samson, à l’instar du larron sur la croix, témoigne d’une vraie conversion. (Cf. Luc 23 : 42) L’exaucement de sa prière par Dieu en est la preuve indéniable. Lui qui aspirait à connaître le langage de l’amour, le voilà dans ce registre pour Dieu, et pour son peuple. Il se donne comme une offrande en sacrifice pour son peuple. En cela, il est à cet instant, un type de Christ, qui donne sa vie pour le monde. Samson meurt et sa mort délivre le peuple d’Israël de l’oppression, tout comme la mort du Christ apporte délivrance à tous ceux et celles qui la reçoivent. De même que Dieu s’est retiré de Samson, le Christ a été abandonné du Père pour être renvoyé à sa propre responsabilité. On peut aussi penser que Samson, en aimant Dalila, représente le Christ aimant notre humanité. De même que Samson se donne par amour à celle qui va le tromper et le trahir, de même le Christ se donne à ceux qui vont le trahir et le crucifier. Aimer devient ainsi un acte de libération. De ce fait, le peuple d’Israël est libéré de l’oppression des Philistins par la mort de Samson. De même la libération totale et définitive du peuple de Dieu passe par la mort du Christ. Chacun peut désormais par la foi s’approprier ce nouvel espace de liberté. La mort du Christ révèle un processus de libération au travers d’un don d’amour complet et parfait.
Samson a été juge en Israël pendant 20 ans...
Il est entré au Panthéon des héros de la foi. (Cf. Hébreux 11 : 32) Il fera partie de cette immense foule qui accueillera le Seigneur lors de son retour en gloire. A nous de tirer grand profit de son expérience de vie.
Jacques Eychenne