Samson: sa déroutante aventure de foi - 2ème partie

Des ténèbres à la lumière

Juges 15-16:3

2ème partie

 

 

Introduction :

 

Nous avons terminé notre première approche du récit de l’histoire de Samson par une question ouverte centrée sur sa solitude. Elle semblait avoir du sens en regard de son objectif. Mais était-ce vraiment son désir ? N’était-il pas porté, malgré lui, vers sa mission ? Est-il vraiment libre d’agir à sa guise ?

Développement :

Après les derniers évènements pointés précédemment, on s’attendait à ce que Samson reste sur sa colère et déclare la guerre aux philistins, d’une manière ou d’une autre. Et puis, c’est l’inattendu qui surgit, pour ne pas dire l’imprévisible et l’impensable. Retournement de situation !

Le texte nous renvoie apparemment à la réalité de vrais sentiments de Samson pour cette femme, sa femme. Celle précisément que l’on a donnée, un peu trop rapidement peut-être, à un autre (Cf. Juges 14 :20). Avec le chapitre 15 du livre des Juges, on s’aperçoit que Samson semble avoir eu de vrais sentiments pour sa belle philistine. Quels sont les indices qui nous permettent de le penser.

-         Il revient la voir quelques temps après, à l’époque de la moisson des blés et lui apporte un chevreau (v.1a)

-         Il veut entrer dans sa chambre, celle de sa femme, mais le père s’y oppose. (v. 1b)

-         La remarque du père de sa femme laisse entendre qu’il s’était complètement trompé sur les sentiments de son gendre pour sa fille. (v.2)

-         Quand le père propose à Samson de prendre pour femme la sœur cadette (sous entendue être plus belle et plus jeune), Samson ne donne pas suite. Il semble même offusqué. Le choix de Samson n’était donc pas motivé uniquement par l’apparence physique … (v. 3,4)

 

Samson ne semble pas avoir compris pourquoi on a agi ainsi avec sa femme. Mieux encore, le verset trois nous laisse penser que jusqu’à présent sa conduite n’était pas répréhensible. Mais comment concilier ce fait, alors que le choix de cette femme semble avoir été motivé par un esprit de dispute, une envie d’en découdre avec les Philistins ? (Cf. Juges 14 :4). Dès lors, fallait-il penser que l’histoire de cette énigme n’était qu’une initiative pour mettre de l’ambiance lors de ce repas en l’honneur de son mariage ? Certes, il était reparti furieux, mais c’était sur le moment. Il ne semble pas comprendre pourquoi on a donné tant d’importance à son départ, alors qu’il semblait ne pas remettre en cause son union à sa femme.

Du coup, il justifie par avance son désir de vengeance. Il va faire subir aux Philistins les conséquences de leur soi-disant méprise. (Mais on peut tout aussi bien considérer que Samson est revenu pour en découdre avec eux, sachant très bien ce que sa colère avait provoqué chez ses ennemis)

Cette circonstance ouvre la question des analyses de comportements. Il semble difficile de démêler l’écheveau des sentiments de Samson. On croit que l’on comprend ses intentions, et puis on s’aperçoit que le doute nous gagne peu à peu. Soyons donc prudents quant à l’interprétation des analyses des comportements d’autrui ! Ce qui semble évident ne l’est pas toujours ! Voilà pourquoi les psychologues travaillent sur tous les pièges sous-jacents au problème des évidences…

Mais revenons au récit… Ce qui est clair, c’est que sa stratégie de vengeance est démesurée. Obéit-elle à une injonction supérieure ? Difficile à dire !

Après avoir énoncé qu’il ne se sent pas coupable des actes qu’il va commettre, Samson attrape 300 cents renards, attache des torches à leur queue et les lâche dans les champs de blé philistins. Tout est brûlé, même les plans d’olivier... Autant dire que Samson prive les Philistins de toute nourriture. C’est plus efficace que les longs sièges antiques de cité. Mais quand même, qu’avaient fait ces pauvres renards ! La méthode de la terre brûlée est-elle une bonne démarche ?

La réaction des philistins est terrible... Dès qu’ils apprennent que c’est Samson qui a commis cet acte irréparable, ils brûlent sa femme et son père. (v. 6)

La violence engendre la violence. Samson furieux s’en prend de nouveau aux philistins et  «  les bat à plate couture ; puis il descendit, et se retira dans la caverne du rocher d’ Etam ». (v. 8)

Alors, les philistins allèrent cerner le camp de Juda pour bien montrer leur détermination et leur volonté de domination. Les hommes de Juda acceptèrent de négocier, et une délégation de 3000 hommes de la tribu de Juda accompagna les philistins à la caverne du rocher où se trouvait Samson.

Le dialogue fut assez court : Samson accéda à leur demande sous condition d’avoir la vie sauve. Les hommes de Juda lièrent Samson et le livrèrent aux philistins qui triomphant retournèrent dans leur ville de Léchi. (v .9-13)

Mais soudain, rebondissement : arrivant triomphalement au camp des Philistins, « l’Esprit de l’Eternel le saisit (Samson) » v.14 il enlève ses liens, saisit une mâchoire d’âne et tue mille hommes. Puis pressé par la soif, il invoque désespérément l’Eternel qui lui répond : « C’est toi qui a permis par la main de ton serviteur cette grande délivrance ; et maintenant mourrai-je de soif, tomberai-je entre les mains des incirconcis ? Dieu fendit la cavité du rocher qui est à Léchi, et il en sortit de l’eau. Samson but, son esprit se ranima, et il reprit vie... Samson fut juge en Israël, pendant 20 ans ». v. 18-20 Fin de la première séquence.

 

Redisons-le encore une fois, si on ne prend pas soin de resituer ces évènements sur un plan général, intégrant la volonté de libération de ce peuple par son Dieu, cette histoire est insupportable et inacceptable. Pourquoi ?

 

-         Parce que Samson ne se sent pas coupable de tous ces massacres... A-t-il le sentiment d’avoir été le bras exécutant du Tout-Puissant ? (il est vrai qu’en temps de guerre, abattre un ennemi est légitime, c’est même héroïque. Il faut s’opposer coûte que coûte à l’occupant. On est même décoré pour ces faits d’armes, et personne ne parle de meurtre dans ce contexte ! )

-         Les sentiments amoureux, que l’on avait un moment supposés chez Samson, ne sont pas confirmés par les faits, bien au contraire. Tout semble avoir été prétexte pour arriver à la destruction des philistins. Ou alors les sentiments amoureux de Samson ont été subordonnés à sa vocation. Cela pose la question des priorités. Plus encore, était-il possible de concilier la volonté de Dieu avec son désir d’avoir cette femme ? Du coup, cela nous interpelle. Comment concilier dans nos vies nos désirs légitimes avec la volonté de Dieu ?

-         Cette politique de la terre brûlée trouve-t-elle sa justification ? Peut-on justifier dès lors les croisades et tous les meurtres commis au nom de Dieu ?

-         Pourtant c’est bien l’Esprit de l’Eternel qui l’a saisit ! N’était-ce pas une incitation à penser que Samson est l’exécutant du plan de Dieu ? Quelle est la part de responsabilité de Samson dans ce massacre si il a été habité par l’esprit divin malgré lui ?

-         Les mots de sa prière ne traduisent-ils pas la réalité d’être dans le plan de Dieu ? (Cf. Juges 15 :18)

 

Vous serez d’accord avec moi pour dire que ce récit soulève beaucoup de questions. Elles ont l’avantage de nous aider à mieux comprendre pourquoi, dans l’histoire de notre humanité, les conquérants se sont très souvent autoproclamés : Les ambassadeurs de Dieu (Yaweh ou Allah).

Là encore, si on ne voit que le détail, on a du mal rationnellement à voir clair : En effet, où et comment Samson arrive à capturer 300 renards ? (Essayons d’attacher les queues de 2 d’entre eux, et laissons les partir avec une torche entre eux, si ils partent dans la même direction sans cramer, cela relève du miracle.) Comment a-t-il pu confectionner 150 torches ? Avec quels matériaux ? Comment peut-on tuer 1000 hommes avec une mâchoire d’âne, sans que ces gens ne réagissent et sans que Samson soit au moins blessé ? Pourquoi des chiffres ronds comme 1000, 300, 30 ? On pourrait continuer ainsi, mais justement les moyens utilisés importent peu, l’essentiel est ailleurs...

 

Par contre l’aspect positif se situe, pour ma part, dans la foi de Samson. Contre l’avis de ses parents, et de ceux de sa nation, seul contre tous, il a dû cultiver chaque jour cette pensée qu’il faisait simplement la volonté de Dieu.

Si l’on comprend bien le plan de Dieu sur un plan général, reconnaissons que dans le détail, nous aurions été de ceux qui n’auraient rien compris à cette situation (Surtout si nous avions été membres de sa famille ou membres du peuple d’Israël). Au lieu de lui apporter la délivrance, Samson n’a fait apparemment, que compliquer dans un premier temps, la situation de son peuple.

Si l’on devait actualiser, je pense qu’il en serait de même aujourd’hui. Dieu emploie des moyens et des hommes que nous n’aurions jamais choisis tellement leur comportement est à l’opposé de ce que l’on croit être la volonté de Dieu. C’est la raison pour laquelle, au lieu de regarder ce que font les autres, nous devrions d’abord nous préoccuper de nous. C’est déjà suffisamment difficile de discerner ce qui est bon pour nous… En fait, il n’y a rien de plus difficile que de discerner la volonté de Dieu pour sa vie, dans le détail, et au quotidien. C’est une quête perpétuelle. Elle réclame beaucoup d’humilité et de confiance.

 

Après ces évènements, une période de calme semble avoir régné. Le texte le laisse supposer, d’autant que la même expression sera utilisée au dernier épisode de sa vie, mais la forme du verbe sera au passé. (Cf. Juges 16 : 31) Ainsi Samson fut juge en Israël pendant 20ans, et cela rend partiellement son bilan positif, à cet endroit du récit. Pour 20 ans de tranquillité que ferions-nous pas ?

De ce fait, nous pouvons aussi être éveillés à une autre compréhension de l’action du Tout-Puissant pour notre temps.

Si nous regardons la situation de notre monde, et même en tenant compte des prophéties annonçant des temps difficiles, les réponses à donner à l’homme de la rue, sur le plan de la volonté de Dieu pour notre humanité, ne sont plus évidentes à présenter.

Les gens ne voient que la violence dans les familles, dans les régions, dans les états... L’injustice dans la répartition des richesses... Citons les fameux parachutes dorés, les paradis fiscaux, les niches à planquer son magot, les pompes à fric sur le dos des plus modestes etc. Et que dire des libertés individuelles... Devant l’escalade du n’importe quoi, on multiplie les interdictions, la réglementation, les barrières soi-disant de protection. Ces libertés individuelles se réduisent, et encore, nous sommes privilégiés en France ! Et maintenant est venue se rajouter la peur du lendemain, pour nous et nos enfants... Les pollutions ont détérioré la qualité de vie, et l’horizon ne se présente plus du tout réjouissant pour eux. Plus rien n’est stable, le système économique mondial doit refondre ses règles du jeu, sinon le pire est à craindre ! Comme le dit une vieille chanson : «  tout fou le camps ».

Dès lors, comment répondre à l’homme de la rue qui nous dit : «  mais il est où votre Dieu, dans tout ce foutoir ? »   Comme pour l’histoire de Samson, une des pistes à privilégier, est de sortir de l’énoncé des détails catastrophiques, pour voir le plan général et la finalité de l’histoire humaine, telle qu’elle est décrite dans la Bible. Pour Samson ce fut 20 ans de repos. Pour ceux qui regardent plus loin, et font confiance à Dieu, ce sera un repos éternel.

Certains répliqueront : «  c’est bien joli, mais moi ce qui compte, c’est le présent ! »

A ceux-là, on peut répondre que sans une perspective de vue, le quotidien est très limité, voire même frustrant. En fait, pour bien assumer son quotidien, il nous faut trouver un sens pour le lendemain. Matériellement ou spirituellement, tout le monde a besoin d’espérance.

L’espérance fait partie de la vie de l’incrédule, tout comme la foi fait partie de celui qui a confiance en Dieu.

Samson a assumé sa foi, seul contre tous. Incompris par ceux de sa nation, par ses proches, il a dû puiser dans sa relation à Dieu pour aller jusqu’au terme de son action, au point d’en mourir (de soif pour le moment…v. 18)

Au lieu de suspecter le détail des moyens utilisés, regardons la finalité de ce qu’il a fait, et qui a permis à Israël d’être un temps dans le calme et la tranquillité.

Mais voilà, l’histoire va se répéter. Combien de temps après ? Difficile de le dire même si le verset d’avant parle de 20 ans. Samson va retourner en territoire philistin. A-t-il considéré que sa mission n’était pas encore terminée ? A-t-il laissé plus simplement son penchant pour les femmes s’exprimer ?

Le texte dit d’une façon laconique qu’il voit une prostituée et entre chez elle. Chouraqui traduit : «  va vers elle » Juges 16 :1. Est-ce pour bien s’informer ou par besoin de rencontrer une femme ? Là encore les apparences ne nous permettent pas d’avoir une appréciation juste, même si nous ne sommes pas à ce point naïfs. Les gens de la ville apprenant cela, veulent lui tendre une embuscade au petit matin, mais il surprend tout le monde en sortant à minuit. (Cf. Juges 16 : 2)

Et là, le texte rebascule dans l’extraordinaire, comme tout à l’heure avec la mâchoire d’âne et les renards. Samson, menacé de mort par les gens de Gaza, se lève en pleine nuit, arrache les battants de la porte de la ville, les met sur ses épaules et grimpe sur le sommet d’une montagne qui est en face d’Hébron. C’est incroyable ! (Cf.v.3) Ayant fait 5 voyages en Israël, je puis vous dire qu’entre gaza et Hébron il y a au moins 60 Kms à vol d’oiseau. Une montagne en face d’Hébron ça fait une sacrée distance. De nouveau les questions se bousculent : Pourquoi Samson s’est-il levé vers minuit ? Qui l’a prévenu ? Pourquoi cette démonstration de force, ce coup d’éclat ? Quand l’archéologie nous fournit des détails sur les portes des villes anciennes, on se demande comment Samson a pu les mettre sur son dos ! Il n’y pas seulement le poids, il y a aussi la distance !   Est-ce pour dire : « ne m’oubliez pas, je suis toujours là ! » Mais, Après 20 ans de calme, cela peut paraître curieux. Est-ce parce qu’il ressent que sa mission n’est pas encore terminée et qu’il veut que les projecteurs de l’actualité se focalisent sur la dernière séquence de sa vie ? Ce qui est certain, c’est que le final douloureux, tragique et intense, va ranger Samson dans la grande galerie des héros de la foi. Mais cela nous le verrons la prochaine fois…

Conclusion partielle :

Cette histoire nous renvoie à la complexité des choix de la vie. Samson a dû être très tiraillé, humainement parlant, entre ses sentiments pour celle qu’il avait prise pour femme, et sa vocation. Quand les sentiments interfèrent dans nos choix importants, il est raisonnable de penser que cela peut être compliqué. Mais peut-on faire autrement ? Une autre question plus problématique peut se poser. Comment définir notre priorité entre Dieu et notre famille ? Choisir n’est-ce pas évaluer une différence ? Choisir n’est-ce pas classer inconsciemment par ordre d’importance ? Qui doit être plus important, Dieu ou ceux qu’on aime ? (Voire ce qu’a déclaré Jésus à ce sujet : Cf. Matthieu 10 :37) Ne répondons pas rapidement ? Ne soyons pas si sûrs de nous ? Les évènements de la vie se chargent parfois de nous renvoyer à nos incohérences.

Et puis, que penser de la stratégie de vengeance de Samson ? Là encore la confusion peut s’établir entre la volonté toute humaine, et celle de Dieu. Le nouveau testament qui présente un évangile de liberté, n’a–t-il pas solutionné la difficulté quand il dit : « Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère ; car il est écrit : A moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur ; Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; si il a soif, donne-lui à boire ; car en agissant ainsi, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais surmonte le mal par le bien ». Romains 12 : 19-21

Que Dieu nous donne la force de sortir de tous les schémas de violence pour être des ouvriers de paix et de réconciliation. Samson a trouvé une bonne justification pour le massacre des philistins parce qu’il était saisi par l’Esprit de Dieu. Gardons-nous de justifier trop facilement nos actes insensés par des raisonnements tendancieux ! Que de méprises ont marqué l’histoire des hommes et nos histoires !

Encore une fois, dans ce récit, il convient de sortir des détails qui tiennent compte d’un contexte très particulier dans une époque donnée, pour avoir une vision globale du plan de Dieu pour Samson et pour son peuple.

Toutes proportions gardées, est-ce que nous ne nous enlisons pas dans notre quotidien avec des questions secondaires ? Ne masquent-elles pas notre nécessaire réflexion sur les choses essentielles ? Terminons par un aspect plus tonique du parcours de Samson : Sa foi. Ce que nous pouvons dire sans nous tromper, est que la réalité de la foi se construit dans une relation unique et personnelle avec Dieu. La foi n’est pas un cadeau que les uns reçoivent et d’autres pas. Elle procède du désir, comme l’amour. Ce désir conduit à une recherche, et cette recherche va se transformer en acquis de connaissance. Ainsi «  La foi vient de ce que l’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ » Romains 10 :17

Autrement dit, la foi procède d’une connaissance. Que ce soit par un témoignage humain, ou par un écrit biblique, la foi prend sa source dans une réalité qui nous est, au départ, extérieure. Viennent ensuite nos sentiments, notre adhésion, notre volonté... La foi, imperceptiblement, s’ancre dans une relation personnelle avec Dieu. Elle apporte joie et espoir dans l’avenir. « La foi, c’est la réalité de ce qu’on espère, l’attestation de choses qu’on ne voit pas » Hébreux 11 : 1 (Nouvelle Bible Segond, 2002)

Si il y a bien quelque chose que nous pouvons consommer sans modération, mais avec intelligence, n’est-ce pas la foi  en Dieu ? N’est-ce pas la denrée rare ? La valeur sûre ?

A suivre pour aborder le final...

                                     Jacques Eychenne

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