Job 14 ème partie

 

 

 

Job

ou  

le bonheur retrouvé

    Job 42 : 7-17

 

Introduction :


Après avoir tant espéré une réponse personnelle de son Dieu, Job est saisi par l’initiative délicate du Tout-Puissant qui exauce sa prière. Apparemment, YHWH paraissait inaccessible… Mais, dans sa grande miséricorde, YHWH Adonaï révèle à Job sa bonté et sa justice. Job reconnait alors que ses perceptions n’étaient pas bonnes, que son appréciation était fausse. Il n’accuse plus Dieu, il s’accuse. Ainsi, Job entre dans le champ de découverte de la repentance. Il renoue avec une réalité plus intimiste de sa relation à Dieu. Est-ce que cette prise de conscience va le guérir de tous ses maux ? Va-t-il enfin avoir l’explication secrète du pourquoi de sa tragédie ? Voyons ce qu’exprime l’épilogue du livre.


Développement :


Avant de reconsidérer le cas de Job, l’Eternel s’adresse à Eliphaz de Théman, le premier intervenant, et certainement le plus âgé. Il lui dit :

« Ma colère flambe contre toi et contre tes deux amis, parce que vous n’avez pas parlé de moi avec droiture comme l’a fait mon serviteur Job. » Job 42 : 7 (version T.O.B.)

Première observation : Pourquoi le jeune Elihu n’est-il pas concerné ? Est-ce à cause de son jeune âge ? A cause de ses propos plus mesurés ? A cause de ses motivations de cœur ? On ne le sait pas…

Donc, revenons aux griefs que Dieu prononce contre les 3 compères. La désapprobation divine est forte, le courroux céleste est explicite. Mais pour quelle raison ? Les diverses traductions disent : « Vous n’avez pas parlé de moi correctement » (v. N.B.S.) «  Vous n’avez pas parlé de moi avec exactitude » (version Chouraqui). D’autres versions mettent l’accent sur le mot certitude, d’autres sur le mot vérité. L’idée première semble mettre l’accent sur une méprise inacceptable de la part de ceux qui pensaient parler de la part de Dieu. Ils ont réprimandé Job en pensant que Dieu leur donnerait raison, et voici que se sont eux qui sont tancés vertement. C’est le principe de l’arroseur arrosé.

Voilà une bonne raison pour se garder de tout jugement sur les motivations d’autrui, même quand les faits semblent confirmer notre bonne intime conviction. Qui a la prétention de pouvoir lire dans les cœurs ? Les soi-disant amis se sont érigés en juges sévères et implacables. Pourtant Job lui-même avait parlé ainsi : « A celui qui est défaillant est due la miséricorde de la part de son ami » Job 6 :14 (Version la Bonne semence) Les amis de Job ont appliqué à tort les principes d’une loi de la rétribution. Ils croyaient être dans le bon droit légal, sans état d’âme. Leur conviction s’est forgée sur une perception toute extérieure des maux de Job. Pour eux, cette situation ne pouvait qu’être le marqueur d’une sanction divine… Cette usurpation de pouvoir spirituel a été sévèrement sanctionnée par Dieu. Nous ferions bien de nous en rappeler !!!


Par contraste, Dieu justifie Job. Il l’appelle : « Mon serviteur ». Le pronom possessif associé au nom de serviteur est une marque d’intimité, de proximité. (Cf. avec Moïse, Nombres 12 :7 ; avec le Messie, Esaïe 42 :1,19 ; 49 :6 ; 52 :13) Quel bel hommage de la part de Dieu. Tout au long de l’épreuve, Job n’a cessé d’être le digne serviteur, malgré ses égarements. Il l’a été, non dans la forme par ses déraisons et ses conceptions erronées de la justice divine, mais dans le fond de son cœur. La grande vérité qui jaillit de ce final est la suivante : Dieu regarde le cœur des hommes. Cette observation est réconfortante. Dieu semble moins considérer les incompréhensions, les inévitables égarements de la pensée, les incontournables faux pas de la marche, que la motivation profonde du cœur.


Pourquoi cette attitude Divine est réconfortante ?


Parce que, tout comme pour Job, l’humain est la cible du tentateur. Dieu sait très bien qu’il n’y a pas égalité dans la lutte. Il prend en considération cette situation, même s’il a pourvu à son remède. L’apôtre Paul traduit bien cet enjeu :

« Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. » Romains 7 :19

Souvenons-nous aussi des paroles de Jésus au plus fort de son combat. Au jardin de Gethsémané, venant vers ses disciples, il leur dit : « Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation ; l’esprit est bien disposé, mais la chair est faible » Matthieu 26 :41.


Ces propos nous ouvrent une nouvelle fenêtre vers le ciel, une nouvelle conception du combat spirituel. Nous avons moins à rechercher la perfection de nos actes, qu’à nous recentrer sur la bonne motivation de cœur. Autant dire, privilégier le vrai et l’authentique, plutôt que le consensuel ou le spirituellement correct.

Les soi-disant amis de job n’ont pas été de véritables témoins d’Adonaï. Afin qu’ils réalisent leur mauvais comportement, la sentence  divine tombe :

 

« Maintenant donc allez prendre sept taureaux et sept béliers, puis venez trouver mon serviteur Job, et offrez-les en holocauste à votre intention. Mon serviteur Job priera pour vous. Ce n’est que par égard pour lui que je ne vous infligerai pas d’humiliation, car vous n’avez point parlé de moi avec rectitude comme mon serviteur Job. Eliphaz de têmân, Bildad de Chouha et Cofar de Naama allèrent donc et firent comme l’Eternel leur avait dit, et l’Eternel eut égard à l’intervention de Job. » Job 42 : 8-10 (Version du Rabbinat Français) La sanction divine atteste l’erreur des 3 compères. Seul Elihu semble échapper. Là encore, la démarche de Dieu est pédagogiquement exceptionnelle. C’est par l’intercession de Job, (qu’ils n’ont jamais cessé d’accuser) que les 3 compères vont échapper à un verdict plus lourd.

 

La loi sacrificielle, par le biais de la mort d’animaux innocents, avait pour objectif de faire prendre conscience de la gravité des fautes commises. De plus, cet instantané fait aussi référence à un autre vécu historique, au temps ou Balaam était prophète de Dieu. Il fut sollicité et soudoyé par Balak, roi de Moab, ennemi d’Israël, pour maudire le peuple de Dieu. Balaam devait sacrifier 7 taureaux et 7 béliers. Or la malédiction attendue par Balak se transforma en bénédiction pour Israël. (Cf. Nombres 23 :1-12) Job intercesseur pour ses amis, est source de bénédiction pour eux, tout comme Balaam le fut pour Israël. Job aurait pu saisir cette occasion pour savourer sa revanche, il n’en fut rien. Son rôle d’intercesseur le range historiquement aux cotés de personnages illustres, comme Abraham, Isaac, Jacob, Moise, David…


« Le Seigneur rétablit la situation de Job, quand celui-ci eut prié pour ses amis ; le Seigneur lui accorda le double de tout ce qu’il avait eu. » Job 42 : 10 (Version N.B.S)


La priorité de Job a été d’accomplir la volonté de Dieu pour le bien de ses amis, pourtant témoins à charge. Il a intercédé pour eux afin qu’ils échappent à la sanction divine. Cette démarche, pleine de bonté, est une mise en pratique de l’évangile avant la lettre. Cette disposition de cœur est de la même veine que les propos de Jésus lors de son sermon sur la montagne : 

«  Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent… » Matthieu 5 : 44 Dans le même esprit, Jésus entré dans la maison de Simon le Pharisien lui dit, en rapport avec la femme pécheresse qui lui avait lavé les pieds :

« C’est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés ont été pardonnés, car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu. » Luc 7 : 47-48

 

Notons le fait extraordinaire suivant : la guérison de Job se situe chronologiquement d’après diverses traductions, pendant ou après l’intercession pour ses amis. Certains traduisent même : parce qu’il priait. (Cf. Note Version N.B.S. p. 687) Ils laissent entendre qu’il y aurait un lien de cause à effet entre la prière et la guérison. Reconnaissons toutefois, qu’il est osé de pouvoir l’affirmer.


Job reçoit le double de tout ce qu’il avait eu. Comme il était déjà le plus grand parmi les fils d’Orient, on peut se demander pourquoi Dieu a agi de la sorte. Et les pauvres diront certains ! On ne donne qu’aux riches ! Si on reste sur l’aspect de la prospérité matérielle, nous passons à côté de l’enseignement de ce récit. Comme le texte lui-même fait référence à un avant et un après l’épreuve, il est plus juste de traduire cette situation en bienfait relationnel. La plus grande bénédiction est la renaissance spirituelle de Job. Celle qui triomphe du malheur, et lui permet de grandir dans une relation plus intimiste avec Dieu. Les bienfaits matériels sont secondaires, même s’ils ne sont pas insignifiants. Souvenons-nous que nous n’emportons rien à la mort… 

Mais revenons à l’épilogue du livre de Job.


« Tous ses frères, toutes ses sœurs et toutes ses connaissances d’autrefois vinrent vers lui et mangèrent avec lui, dans sa maison. Ils le plaignirent et le consolèrent de tous les malheurs que le Seigneur avait fait venir sur lui, et ils lui donnèrent chacun une qesita et un anneau d’or. » Job 42 : 11


Observons que le premier temps fort, après la guérison de Job, a été le rétablissement de ses liens familiaux.Cet épilogue classent donc les derniers événements dans l’ordre suivant : Job, sa famille, ses biens, Job.

Après sa guérison, Job reçoit toute sa famille et ses connaissances. Notons qu’il n’y a aucun reproche dans sa bouche. Pourtant la réalité fut cruelle, et difficilement acceptable. Tous ne l’ont-ils pas abandonné ? Job n’a fait qu’acter les faits. Malheureusement, ils font partie du caractère humain. Cette duplicité est dans nos gènes. Seul Dieu peut transformer le mauvais en bon, le mal en bien. De plus, constatons que la famille n’a pas tellement compris l’enjeu des souffrances de son Patriarche. On vient le plaindre. La version du Rabbinat Français est même plus explicite :

 

« Tous,… lui exprimèrent leurs condoléances et le consolèrent » v. 11 Là encore aucun reproche de la part de Job, et pourtant il y avait matière à réaction. (Nombreux sont ceux qui auraient saisi cette occasion pour remettre les pendules à l’heure !) Comme pour bien montrer le décalage entre les sentiments de Job, et ceux de sa famille et de ses proches, le texte précise :

 

« Ils le plaignirent et le consolèrent de tous les malheurs que l’Eternel avait fait venir sur lui… » Job 42 : 11 D’une manière quelque peu triviale nous dirions : Ils n’ont rien compris ! Décidément la théologie de la rétribution a la peau dure ! Pourquoi est-elle si ancrée en l’homme ! Ne serait-ce pas, parce qu’elle correspond davantage à ses penchants ? Comme pour se dédouaner, chacun donne un késita et un anneau d’or. (Késita=monnaie en argent ou en or d’une valeur inconnue Cf. Genèse 33 :19 ; 23 :13,15)

La force d’amour et de caractère de Job est touchante. Il me fait penser au silence de Jésus pendant son procès (Cf. Matthieu 27 : 12) Autre détail troublant : Le texte parle des frères et sœurs et des anciens amis de Job, mais où est passée sa femme ? Est-elle morte ? A-t-elle été répudiée ?

Après avoir rétabli Job dans sa prospérité première, les bénédictions de Dieu accompagnent Job.

 

« Pendant ses dernières années, Job reçut de l’Eternel plus de bénédictions qu’il n’en avait reçu dans les premièresIl eut 7 fils et trois filles. » Job 42 : 12

 

Remarquons qu’il s’agit de bénédictions, non de récompense. Nous ne sommes pas dans la logique de la rétribution. Ce n’est pas du donnant-donnant. La bénédiction est manifestation de la grâce. Elle ne se mérite pas. Elle se donne, ou ne se donne pas. Le bonheur semble revenir aussi vite que le malheur s’est abattu sur Job. Mais le sens profond de la bénédiction est l’officialisation d’une relation harmonieuse retrouvée avec l’Eternel.Notons encore, que le récit passe sous silence la guérison physique, pour s’attarder aux bienfaits extérieurs des bénédictions : 14000 brebis, 6000 chameaux, 1000 paires de bœufs, 1000 ânesses et 7 fils et 3 filles. Les fils et les filles après les chameaux, les bœufs et les ânesses, cela fait sourire !Il y vrai que nous sommes au moyen Orient !

D’après le texte, il semble que tout cela arrive comme par enchantement, d’un coup de baguette magique. Mais cela soulève plein de questions. Combien de temps a-t-il fallu pour avoir de tels troupeaux ? Certes, Job a eu des fils et des filles, mais où est la mère ? Job a-t-il repris sa femme ? En a-t-il épousé une autre ? Les commentaires sont loquaces sur ce point. Notons que le cheptel a doublé, mais pas les enfants. Pourquoi ? Pour revenir à la (nouvelle ?) femme de Job, les Septante, dans leur addition, disent que Job a épousé une femme arabe. (Cf. Note version N.B.S. p. 687) En suivant, le texte s’attarde sur la désignation du nom des filles. Probablement, parce qu’ils traduisent la beauté de leur charme. (Jemina= colombe ou tourterelle ; Ketsia= Cannelle ou plante aromatique ; Kéren-Happuc= ce qui utile pour se farder)

 

« Il n’y avait pas dans tout le pays d’aussi belles femmes que les filles de Job. Leur père leur accorda une part d’héritage parmi leurs frères. » Job 42 :15


Cette précision apparemment banale, est cependant révolutionnaire pour l’époque. Nous ne parlons pas de leur beauté, mais de l’accession à la part d’héritage. D’après les écrits de Moïse, une fille ne pouvait hériter qu’en l’absence d’un frère. « Tu parleras aux enfants d’Israël, et tu diras : lorsqu’un homme mourra sans laisser de fils, vous ferez passer l’héritage à sa fille. » Nombres 27 :8 Cette ouverture vers plus d’équité allait au-delà des prescriptions de la Torah. Job met en place une coutume différente. S’inspire-t-elle d’une autre source propre à son peuple ? Qu’importe ! Job annonce déjà une ouverture vers plus d’équité, il annonce l’Evangile. Il fait office de prophète.« Job vécut après cela 140 ans, et il vit ses fils et les fils de ses fils jusqu’à la 4ème génération. Et Job mourut âgé et rassasié de jours » Job 42 : 16-17La longévité de Job nous renvoie à celle des Patriarches. Il vécut moins longtemps qu’Abraham (175 ans) mais le même temps qu’Isaac (140ans) et plus longtemps que Joseph (110 ans) et Moïse (120 ans). Il fut, comme eux, rassasié de jours. (Cf. Genèse 25 :8) (Pour l’anecdote, les XXL font vivre encore plus longtemps Job. 170 après sa maladie et 240 ans en tout.)


Conclusion :


La morale de cette histoire a l’ironie de démontrer, que ce ne sont pas toujours ceux qui se croient le plus près de Dieu, qui le sont en réalité. Job, lui qui se croyait maudit, abandonné et durement éprouvé, Job, qui à vue humaine ne faisait que recueillir les fruits de ses agissements, était pourtant celui qui incarnait le Serviteur par excellence. Nous touchons là un aspect symbolique qui nous conduit au ministère parfait du Seigneur Jésus. Il est à la fois victime innocente, et intercesseur irremplaçable et incontournable, pour chaque citoyen du monde des humains.

Le personnage de Job, bien que ne faisant pas partie du peuple d’Israël, est haussé au rang de référent patriarcal. Sa stature de résistant déterminé, a toujours été source d’encouragement pour tous les croyants. L’histoire moderne d’Israël se confond symboliquement avec les malheurs de Job. Il fut le repère des souffrants innocents, lors de la dernière guerre. De nombreux historiens et écrivains juifs ont puisé leur réflexion dans ce récit. Job a eu raison d’espérer contre toute espérance. Il a démontré à la face de l’univers qu’un Dieu neutre ou absent, cela n’existait pas. Le Dieu des Saintes Ecritures n’est pas une construction métaphysique jaillissant de la pensée humaine. Le Dieu transcendant de Job est un Dieu qui accompagne tous les parcours des hommes, même si ceux-ci sont aveugles et sourds. Ce Dieu ne s’achète pas par des mérites, il se rejoint par le cœur. La certitude de son amour, manifestée par la restauration de Job, est le meilleur marqueur d’un destin qui aura pour finalité le bonheur. C’est dans l’harmonie de la relation confiante et paisible que se trouve le vrai sens d’une vie appelée à être éternelle.        

                                                          

                                                                                            Jacques Eychenne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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