Job 10 ème partie

                    Job

            Ou

           Le père des objecteurs de                 conscience

              Job 22-31

           (10ème partie)

 


Introduction :


Nous venons de laisser Job à la recherche d’une explication venant de Dieu. Son besoin de compréhension reste fort. Il attend de son Dieu une réponse satisfaisante, tandis que ses amis ne cessent de le croire coupable. Job est confronté, d’ autre part, au triste constat que la justice n’est pas de ce monde. Cette situation physique, morale et spirituelle le laisse seul. Sa foi en Dieu va-t-elle vaciller ? Ses amis vont-ils  enfin être empathiques avec lui ? Quelle sera la capacité de résilience de Job ? C’est ce que nous allons tenter de découvrir dans les chapitres qui suivent.


Développement :


Eliphaz reprend une dernière fois la parole. Il ne peut contester objectivement les remarques de Job, même s’il persiste sur sa culpabilité. Il pense que son raisonnement à lui est magistralement pertinent. « Est-ce à Dieu que l’homme rend service ? C’est lui-même que sert le sage. » Job 22 :2 (version du Rabbinat Français).  Puis suivent des questions qui appellent des réponses banalement consensuelles. Il est clair que l’homme n’est d’aucune utilité à Dieu. Le Créateur se suffit à lui-même. C’est n’est donc pas en termes d’intérêts qu’il convient de trouver des solutions ! Seule la qualité de la relation importe. Dieu ne nous a–t-il pas créés pour être en lien avec lui ? Eliphaz voyant qu’il n’a aucune emprise sur Job, va utiliser des accusations ciblées. Sophar s’était contenté d’incriminer Job avec des formules générales. Il décrivait les crimes des méchants. Eliphaz lui, va pointer des faits précis sans être à même de les prouver. « Ta méchanceté n’est-elle pas grande ? Tes iniquités ne sont-elles pas infinies ? Tu enlevais sans motif des gages à tes frères, tu privais de leurs vêtements ceux qui étaient nus ; tu ne donnais point d’eau à l’homme altéré, tu refusais du pain à l’homme affamé…Tu renvoyais les veuves à vide, les bras des orphelins étaient brisés. » Job 22 :5-9 Face à cette  funeste tirade, on comprend dès lors mieux pourquoi Eliphaz pense que Job est coupable. Pour lui, Job devrait comprendre qu’il a tout intérêt à s’humilier plutôt qu’à continuer à se justifier. La démonstration d’Eliphaz tend ensuite à démontrer que Job a une conception complètement fausse de ce Dieu qu’il prétend servir. Il invite Job à sortir de cette catégorie des méchants en décrivant leur fin dernière. Eliphaz conclue : «  Dieu

sauve celui qui baisse les yeux. Il délivre même le coupable, qui devra sa délivrance à la pureté de tes mains » Job 22 :29-30

Devant pareil discours que va répondre Job ? Sa plainte se transforme en révolte (Cf. Job 23 :2)Mais Job comprend qu’il n’a plus rien à attendre de ses amis. Eliphaz, lui qui semblait le plus modéré des trois, vient de l’accuser vertement. Job va arrêter de chercher à se disculper devant eux. Seule importe maintenant sa relation à Dieu. Il aspire de tout son être à un face à face avec Lui. « Oh ! Si je savais où le trouver ? » Job 23 :3 Jobattend que Dieu accepte de répondre à son attente. Il voudrait tellement pouvoir plaider sa cause, et comprendre pourquoi tout cela lui arrive. Mais Dieu semble rester sourd à sa demande. A la mode orientale, Job explicite son désir de rencontrer Dieu : « Si je vais à l’Orient, il n’y est pas ; Si je vais à l’Occident, je ne le trouve pas ; Est-il occupé au Nord, je ne puis le voir ; Se cache-t-il au midi, je ne puis le découvrir. » Job 23 :8-9

La question : Où trouver Dieu garde toute sa pertinence de nos jours. Pourquoi ne répond-t-il pas à toutes nos prières ? Pourquoi, tout comme pour Job, sommes-nous souvent confrontés à son silence ? Pourquoi semble-t-Il apparemment si absent de ce monde ?

Jésus n’a-t-il pas dit : « demandez, et l’on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l’on ouvre à celui qui frappe… Lequel de vous donnera une pierre à son fils, s’il lui demande du pain ? Ou, s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent ? Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent » Matthieu 7 :7-11

Quand on prend connaissance de ces textes, on se demande pourquoi nos prières restent sans réponse. Est-ce notre sincérité qui est en cause ? Est-ce notre condition d’hommes pécheurs ? Apparemment pas ! Alors, comment sortir de cette impasse. La seule piste menant à la sérénité semble être la foi. Pour plusieurs raisons, elle est la voie royale. Pourquoi ? – Ce n’est pas parce que nous n’avons apparemment pas de réponse, que Dieu reste silencieux. Le postulat positif est de se dire que Dieu répond toujours à chaque prière prononcée avec sincérité. – De plus, c’est cette apparente non-réponse qui favorise la foi. Le cas de Job est caractéristique sur ce point. Que deviendrait notre foi, si Dieu répondait à toutes nos contradictions ? La solution est de nous abandonner dans la confiance en notre Père, quelles que soient les circonstances. Nous avons suffisamment de preuves de son amour pour lui remettre toutes choses. Si nous sommes convaincus que Dieu veut notre bien (Cf. 1 Timothée 2 : 3-4), alors notre foi peut s’épanouir, même si nous devons passer par des moments douloureux.

Mais revenons à Job. Il a toujours conscience qu’il est innocent des maux qui le frappent (Cf. Job 23 :10), mais que peut-il faire, face à la souveraineté de Dieu. (Cf. Job 23 :13-14). Dans la suite de sa septième réponse à ses amis, Job est interpelé par la justice de Dieu. Elle semble apparemment absente face aux exactions des méchants. Ils prospèrent en toute impunité. Dieu paraît même leur accorder des faveurs : « Mais (trop souvent) il fait durer les tyrans par sa force : ils se redressent, alors qu’ils n’attendaient plus rien de la vie. Il leur donne de quoi vivre en sécurité et avec une entière confiance… » Job 24 :22-23 (version du Rabbinat Français)Et Job de conclure : si je ne dis pas la vérité, qui peut me contredire ! Qui peut me prouver que j’ai tort ! (Idem, v.25)

La deuxième réplique de Bildad n’apporte rien de très nouveau. Il met en exergue la souveraineté de Dieu (ce que personne ne conteste) et reparle de la fragilité humaine (ce que personne ne dément). En conséquence personne n’est pur devant Dieu (On le savait déjà, mais le propos semble hors sujet).

En réponse à Bildad, Job adopte un ton ironique. (Cf. Job 26 :2-4) Il semble le féliciter pour sa sagesse. Puis, il rend gloire à l’œuvre du Dieu créateur. Notons, que bien avant Galilée, Job parle de la rotondité de la terre (Cf. Job 26 :10) Job va poursuivre sous la forme d’un monologue. Si Dieu ne lui accorde pas la justice, il le déclare cependant bien vivant. Autrement dit : ce n’est pas parce que Dieu ne lui parle pas, qu’il est absent (Cf. Job 27 :1-2) De même, nous pourrions paraphraser et dire à notre tour : ce n’est pas parce que Dieu ne répond pas, apparemment, à nos prières, qu’il ne prend pas soin de nous, en veillant sur nous. (Cf. parabole du bon berger, Jean 10 : 1-15)

Comme à son habitude, Job saisit l’occasion pour rappeler sa conviction à ses amis : « jusqu’à mon dernier soupir je défendrai mon innocence. » Job 27 :5 Suit ensuite la description du sort que Dieu réserve aux méchants (Cette dernière peut être mise en contradiction avec la perception de Job, précédemment exprimée au chapitre 25.) Quoiqu’il en soit, de toute façon, tout le monde semble d’ accord sur ce point (Cf. Job 27 : 11-12). Au chapitre suivant, Job poursuit son monologue. Son expérience humaine l’amène à faire un constat douloureux. L’homme sait faire beaucoup de choses, à l’exception de trouver la sagesse et d’avoir de l’intelligence. « Mais la sagesse, où se trouve-t-elle ? Où est donc le lieu de l’intelligence ? L’homme n’en connaît pas le prix ; elle ne se trouve pas sur la terre des vivants. » Job 28 : 20-21 (version N.B.S.)Pour lui, l’une et l’autre qualité ne peuvent se trouver qu’en Dieu. (Cf. Job 28 :23) Toute la création témoigne de ce fait (Cf. Job 28 :24-27). Voilà pourquoi Job rappelle la définition que Dieu lui-même en a donnée : « La crainte du Seigneur, voilà la sagesse ! S’écarter du mal, c’est là l’intelligence ! » Job 28 :28 (version N.B.S.) David et Salomon avaient déjà intégré ces paroles. (Cf. Psaumes 111 :10 ; Proverbes 1 :7 ; 9 :10)

La notion de crainte a souvent été perçue comme de la peur. Mais l’ensemble des utilisations du mot soulignerait plutôt l’idée de respect. C'est-à-dire, tout ce qui permet et facilite une relation épanouissante. « La crainte de l’Eternel est une source de vie » Proverbes 14 :27 C’est ce respect qui intègre l’amour de l’autre. Job est partisan d’un idéal fondé sur une relation volontaire d’obéissance, de vérité et de fidélité. C’est ce qui fait sa force. Mais on peut aussi comprendre que sa belle assurance, décontenance et déconcerte quelque peu ses amis.

Job va poursuivre son discours sous forme poétique en invoquant les beaux jours d’antan. Ces trois amis, désormais, vont garder le silence. Ce dernier discours va en quelque sorte résumer toute sa pensée. Job expose sa situation comme il la comprend. L’analyse de son exposé peut se synthétiser en 3 idées force :

-      Autrefois il était heureux, honoré et respecté.

-      Aujourd’hui il est malheureux, souffrant et outragé.

-      Ce changement ne peut lui être imputé. Il se reconnait innocent.

Même si l’enchaînement de ses idées est logique, sa démarche de justification semble en opposition avec la vérité, qu’il a au préalable définie lui-même, à savoir que les mobiles de la souveraineté divine sont inaccessibles à l’homme. D’ailleurs, dans la suite du livre, Dieu lui en fera grief. Mais revenons à l’éloge de son bonheur passé. Job a la nostalgie de ces jours où il sentait la présence de Dieu. Il dit « Dieu veillait en ami sur ma tente, quand le Tout-Puissant était encore avec moi et que mes enfants m’entouraient… » Job 29 : 4-5 Tout allait merveilleusement bien pour lui, son témoignage était reconnu et respecté : « L’oreille qui m’entendait me disait heureux, l’œil qui me voyait me rendait témoignage » Idem, v. 11. Job pratiquait le bien : «  J’étais l’œil de l’aveugle et le pied du boiteux, j’étais le père des misérables … J’étais comme un roi au milieu d’une troupe, comme un consolateur auprès des affligés. » Job 29 : 15,25

Quand on a connu de tels jours heureux, il est bien difficile d’accepter l’épreuve soudaine et cruelle, surtout quand on la perçoit comme injuste. Dans la deuxième partie de son monologue, Job se sent maintenant «  la risée des plus jeunes »  Job 30 :1. D’autres versions parlent de moqueries, de rires ironiques... Une autre version souligne le fait qu’il est le jouet des plus jeunes. Dure réalité à affronter !

Elle nous renvoie à toutes ces mauvaises surprises qui jalonnent nos parcours de vie. Quelle est notre capacité de résilience ? Notre force morale intérieure ? Que devient notre confiance en Dieu quand le malheur soudain frappe ? On comprend mieux, dès lors, la complainte de Job. Son humiliation est insupportable.

« Ils ont horreur de moi, ils se détournent, ils me crachent au visage, ils n’ont plus de retenue et ils m’humilient… Mon bonheur a passé comme un nuage » Job 30 : 10-11,15. Dans ce contexte, Job rend Dieu responsable de son malheur : « Dieu m’a jeté dans la boue, et je ressemble à la poussière et à la cendre. Je crie vers toi, et tu ne réponds pas…Tu deviens cruel contre moi » Job 30 : 19-21 Triste condition humaine que celle de Job ! Il espérait le bonheur, c’est le malheur qui est venu. (Cf. Job 30 :26) Job clôt son discours, avec l’assurance d’un homme qui a tout fait pour le bien des autres. Il attend donc, presque avec impatience, le jugement de Dieu.  « Que Dieu me pèse dans des balances justes, et il reconnaîtra mon intégrité ! » Job 31 :6 Il garde intacte sa force intérieure. Il espère que justice lui sera rendue.  « Oh ! Qui me fera trouver quelqu’un qui m’écoute ? Voilà ma défense toute signée : Que le Tout-Puissant me réponde ! » Job 31 :35 « Voici mon thav, que le Tout-Puissant me réponde ». Le thav est la dernière lettre de l’alphabet hébraïque ; dans l’ancienne écriture, comme dans l’alphabet phénicien, il avait la forme d’une croix. » Cf. Atlas archéologique, Fillion, p.52


Conclusion :


Ces quelques chapitres confortent notre opinion sur la valeur de l’expérience de Job. Humilié, moqué, raillé, maltraité, il poursuit inlassablement sa quête de la connaissance de ce Dieu  (le servait-il peut-être par habitude ?). Sa soif de justice a une consistance exceptionnelle. En se présentant seul contre tous, et à contre-courant des idées reçues de son temps, Job peut être considéré comme le père des objecteurs de conscience. Son combat est d’une saisissante actualité. A aucun moment, il remet en question ses convictions. Non seulement Job persiste et signe sa déclaration en se disant innocent, mais encore, il remet en question cette apparente sagesse populaire qui proclame la rétribution. Cette dernière proclame que tout pécheur doit « payer » face au Divin. En laissant entendre que la justice de Dieu est inaccessible, Job s’ouvre à un horizon du possible dans la confiance. Même si Job est physiquement terrassé, moralement affaibli, et spirituellement en questionnement, il campe fermement sur ses convictions et en appelle à la justice divine.

Sa position est en décalage avec les arguments d’autosatisfaction de ses amis. De même de nos jours le chrétien authentique peut être confronté au bon chic bon genre de la fausse sagesse, celle qui croit définir ce qu’il convient de vivre. Osons dire que la sagesse n’est jamais totalement acquise, et qu’une vie ne suffit pas à la cerner. Job remet en cause cette pensée populaire qui veut que les malheurs des hommes sont toujours le fait de leurs égarements. Il a raison de dire que bien des situations échappent à cette vérité. Job est l’illustration d’un enjeu qui le dépasse, tout comme chaque humain subit parfois les conséquences d’un enjeu pour lequel il n’y est pour rien. Il faut oser le dire, même si c’est dérangeant pour certains.

La détermination de Job fondée sur le sentiment d’innocence, nous ouvre un chemin d’espérance. Ce chemin étroit conduit à une compréhension nouvelle de l’action de Dieu dans le monde, mais il nous faut passer par un tréfilage de nos ambitions. A savoir l’abandon de nos sentiments de maîtrise, de nos  prétentions de connaissances même spirituelles, de nos tendances à toujours valoriser nos actions. Job nous ouvre à la compréhension d’une sagesse qui ne relève pas de la connaissance humaine, car elle lui est extérieure en étant don de Dieu. Cette sagesse mute en confiance, elle se vit dans l’accueil de la volonté divine. Elle n’est jamais définitive, tout comme Dieu, elle est vivante et transcende le quotidien.                                                                               

                                                                                 Jacques Eychenne                                      

 

 

 

 

 

 

 

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