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La Sentinelle Ou Un message pour notre temps
Ezéchiel 33 : 1-20 |
Introduction :
Ezéchiel est un prophète de Dieu. Il fait partie de la classe sacerdotale. Son nom peut être traduit par Dieu est fort ou Dieu réconforte. Il fait partie de la classe aristocratique déportée à Babylone. Il prophétise entre la deuxième et la troisième déportation comme s’il vivait encore à Jérusalem. D’ après certains indices, il avait environ trente ans. Cinq ans s’était écoulés depuis sa déportation à Babylone lorsqu’il fut saisi par le ministère prophétique. Il l’exerça une bonne vingtaine d’années dans un contexte désastreux pour la nation juive humiliée. Il mourut en terre étrangère sans avoir eu le bonheur de revoir la gloire de Dieu dans le sanctuaire de Jérusalem.
Le contexte du chapitre 33 nous montre Jérusalem conquise par ses ennemis. Le peuple d’Israël est dispersé. L’actualité de cette période est dramatique, et pourtant, c’est le moment choisi par Dieu pour mandater son jeune serviteur Ezéchiel. Il lui confie la proclamation de la résurrection d’Israël. Jusqu’ici Ezéchiel n’avait fait que publier les malheurs de son peuple à cause de ses infidélités. (Pourtant Dieu lui avait promis un bel avenir. Il lui suffisait d’accepter sa direction, autant dire, un régime théocratique. Suivre ses conseils librement avec son cœur, sans contrainte…)
Développement :
Le chapitre 33, dans les premiers versets, confirme la parole prophétique adressée à Ezéchiel. Il ouvre la voie à une publication chargée d’espérance pour le peuple. Mais avant, Ezéchiel doit comprendre qu’il est, comme une sentinelle, veillant sur son peuple. Son devoir est solennel. Il doit avertir les déportés de Jérusalem avec des paroles claires et fortes. C’est dans un contexte de guerre et donc de dangers permanents que ce message prend toute sa force.
Avant d’analyser le détail de ce chapitre, disons que l’application spirituelle de cette révélation renvoie à la permanence d’un combat spirituel. Dieu a en effet permis certains évènements douloureux pour réduire à néant toutes les illusions humaines de ce peuple très centré sur lui-même. Les israélites s’étaient habitués aux bénédictions divines et pensaient pouvoir agir à leur guise. Il fallait mettre un terme à cet état d’esprit pour réformer le peuple. C’est pourquoi les merveilleuses promesses ont suivi la ruine de l’unité du peuple dans ses diasporas. Malheureusement l’histoire d’Israël ne sera que perpétuel recommencement.
Donc Ezéchiel reprend du service après un long silence qui lui avait été imposé. Cela nous conduit à faire cette observation suivante : Les hommes d’état et de pouvoir agissent dans le monde, mais Dieu garde la maîtrise de la marche générale de l’histoire. Même si le peuple croyant est dispersé, Dieu continue d’annoncer la fin prochaine du monde pour inaugurer un nouvel ordre spirituel.
Le thème de la sentinelle est utilisé pour souligner la coresponsabilité de chacun. Cette allégorie a pour objet de démontrer qu’en période de danger imminent, la sentinelle joue un rôle déterminant dans la sauvegarde des intérêts communs. Deux hypothèses peuvent se présenter.
1) Soit la sentinelle prévient suffisamment à l’ avance le danger qui guette la population, et alors, elle est dégagée de toute responsabilité. (Ceux qui se laisseront surprendre ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes. Ne dit-on pas un homme averti en vaut deux !)
2) Soit la sentinelle se laisse surprendre et manque à son devoir ; sa responsabilité totale et entière est alors sans appel.
Ces hypothèses sont confirmées dans notre texte par le conditionnel. « Si cet homme voit venir l’épée sur le pays, sonne de la trompette, et avertit le peuple ; et si celui qui entend le son de la trompette ne se laisse pas avertir, et que l’épée vienne le surprendre, son sang sera sur sa tête. Il a entendu le son de la trompette, et il ne s’est pas laissé avertir, son sang sera sur lui ; s’il se laisse avertir, il sauvera son âme. Si la sentinelle voit venir l’épée, et ne sonne pas de la trompette ; si le peuple n’est pas averti, et que l’épée vienne enlever à quelqu’un la vie, celui-ci périra à cause de son iniquité, mais je redemanderai son sang à la sentinelle. Et toi, fils de l’homme, je t’ai établi comme sentinelle sur la maison d’Israël. Tu dois écouter la parole qui sort de ma bouche, et les avertir de ma part. » Ezéchiel 33 : 4-7
Essayons d’analyser le contenu de ce message.
Première observation : en période de danger, il est nécessaire de poster une ou des sentinelles pour veiller sur l’ensemble du peuple. Ezéchiel est établi comme sentinelle. C’est donc Dieu qui choisit ses sentinelles. « Dieu a établi dans l’ Eglise premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs… » 1 Corinthiens 12 : 28 Tous ne sont pas sentinelles. Il est donc de première importance de savoir qui Dieu a choisi comme sentinelle, même si par extension tous sont appelés à entrer dans cette responsabilité. Mais quand on est en groupe, il est important de savoir qui fait quoi ? Et au nom de qui ?
La caractéristique de la sentinelle est avant tout d’être elle-même à l’écoute de ce que Dieu veut lui dire afin de pouvoir correctement transmettre. Le problème de l’écoute est récurrent à la nature humaine. Dès la Genèse Dieu reproche à Adam de ne pas l’avoir écouté :
« Il dit à l’homme : puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre : tu n’en mangeras point ! le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie… » Genèse 3 :17
Pourtant Dieu ne s’est pas arrêté à ce constat désolant. Il a continué de parler. Face à cette réalité, l’humain a voulu mettre de la distance avec son Dieu, comme pour assumer son indépendance. Le résultat fut consternant. Non seulement la communication ne s’est pas faite avec le Créateur, mais de surcroit les humains, entre eux, ont été en échec de communication… (Cette situation est magistralement dépeinte dans l’épisode de la tour de Babel. Cf. Genèse 11 : 1-9) Dieu parle mais pourquoi l’humain n’écoute pas ?Dans l’histoire du peuple d’Israël, Dieu a posé une parole pérenne : « Ecoute Israël ! L’Eternel ton Dieu, est le seul Eternel. » Deutéronome 6 :4 Ces mots introduisent la confession de foi de la religion juive. Elle devait être prononcée au moins deux fois par jour « quand tu te coucheras et quand tu te lèveras » Idem, v. 7 Et cependant, à de multiples reprises le peuple et ses dirigeants n’ont pas écouté les conseils de Dieu. (Cf. Exode 6 :12 ; Deutéronome 8 :20 ; Josué 5 :6 ; juges 6 :10 ; 2 Rois 18 :12 ; Psaume 81 :12 ; Esaïe 65 :12 ; Jérémie 3 :25 ; Daniel 9 :10 ; Zacharie 7 :13) Le Nouveau Testament atteste la même difficulté (‘Cf. Jean 9 :27). Le Christ, l’envoyé du Père a déclaré clairement à Pilate : « Quiconque est de la vérité écoute ma voix » Jean 18 :37
Pourquoi avons-nous cette difficulté d’écoute ? Ce qui est clair, c’est que l’écoute nécessite un investissement en temps et en concentration.
Après l’écoute, il y a la transmission fidèle du message reçu. Là encore, pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons, on observe des distorsions dans la transmission des messages. Il faut toujours que l’humain transforme, mette à sa convenance, se construise ses propres messages pour assouvir son besoin d’indépendance et plus souvent sa soif de pouvoir. Pourtant les Evangiles et le témoignage des apôtres transmettent un message simple. Le référent disciple Pierre qui se définit comme serviteur et apôtre de Jésus-Christ (Cf. 2 Pierre 1 :1), et non comme chef de l’Eglise chrétienne, dit d’une façon très limpide : « Christ a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces » 1 Pierre 2 : 21 Pourquoi donc, en toutes circonstances, ne prenons-nous pas pour référence l’exemple du Christ ? Pourquoi tant de falsifications à propos des commandements de Dieu, du baptême, du lavement des pieds, de la sainte Cène, etc… Pourquoi les fidèles que nous voulons être ne se préoccupent-ils pas de vérifier si les messages sont en harmonie avec les Saintes Ecritures ? Pourquoi préférons-nous suivre des traditions, des courants religieux, plutôt que le message du Christ ? (Cf. Matthieu 15 : 1-15)
La sentinelle n’a pas pour vocation de plaire au plus grand nombre. Elle n’est pas là pour parader. Elle doit prévenir du danger sans improviser elle-même. Elle doit transmettre ce qu’elle entend et ce qu’elle voit. Sommes-nous prêts à remonter le courant de la facilité et du confort spirituel ? Sommes-nous prêts à imiter l’exemple des Béréens ? (Cf. Actes 19 :11) Dieu rappelle à Ezéchiel le comportement qu’il doit adopter : « Tu dois écouter la parole qui sort de ma bouche, et les avertir de ma part. » Ezéchiel 33 : 7
Puis, Dieu rappelle à Ezéchiel sa responsabilité. Le choix de Dieu est assorti d’une condition : se reconnaître responsable. En général les humains voient tous les effets positifs du fait d’ avoir été choisi pour délivrer un message de la part de Dieu. Ils en oublient parfois, pour ne pas dire souvent, qu’il leur sera demandé quitus de leurs comptes de diffusion de ces messages…
Puis, Dieu explique à Ezéchiel le pourquoi de l’avertissement. La mise en garde démontre l’attention d’un Père vis-à-vis de son enfant. Elle a pour objectif de détourner l’individu de sa mauvaise voie. Dans notre contexte, il s’agit des infidélités de la maison d’Israël. (Cf. Ezéchiel 33 : 10)
Les avertissements de Dieu ont pour objet de nous recentrer sur son projet de Vie. Ils s’adressent aussi à chacun de nous… Tout l’amour de Dieu éclate, on imagine même avec quelle tendresse l’avertissement est donné : « Dis-leur : Je suis vivant ! dit le Seigneur l’Eternel, ce que je désire ce n’est pas que le méchant meure, c’est qu’il change de conduite et qu’il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie ; et pourquoi mourriez-vous maison d’Israël ? » Ezéchiel 33 : 11 (Voire encore 1 Timothée 2 : 3-4) Nous n’écoutons pas un Dieu absent, lointain ou même mort. Dieu est vivant. Il est Vie et donne vie. C’est lui qui donne un sens à la Vie. C’est un Dieu de relation. C’est ce qui explique son désir d’être Avec nous comme il a voulu l’être avec le peuple d’Israël (Cf. Exode 25 : 8). Sa présence annoncée, s’est poursuivie avec Emmanuel (Cf. Esaïe 7 : 14, Matthieu 1 : 23). Ce nom du Christ signifie Dieu avec nous. En correspondance avec le verset 7 où Dieu interpelle Ezéchiel en tant que fils de l’homme, Jésus s’est aussi présenté comme Fils de l’homme (Cf. Matthieu 8 :20,16 :28,19 :28,25 :31,26 :64). Il a ainsi démontré sa solidarité avec notre condition humaine. Rappelons pour mémoire que cette expression tire son origine des prophéties messianiques révélées par Daniel (Cf. Daniel 7 : 13, 9 :24-26), très certainement contemporain d’Ezéchiel. Ainsi, il est aisé de comprendre que le Christ est la sentinelle par excellence. Le message central d’Ezéchiel nous parle de Justice (Cf. Ezéchiel 33 : 12-20). Pour lui aucune justice venant de l’humain ne peut le sauver. « La justice du juste ne peut le sauver… » Ezéchiel 33 :12 Il y a même danger à se confier dans sa justice. « S’il se confie dans sa justice… toute sa justice sera oubliée ». Idem, v. 13. L’apôtre Paul confirmera que personne ne peut se prévaloir d’être juste ici-bas. « Il n’y a point de juste, pas même un seul ; Nul n’est intelligent, nul ne cherche Dieu, tous sont égarés, tous sont pervertis ; il en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul » Romains 3 : 10-12 Le Seigneur avait déjà pointé les défaillances humaines. Il avait dénoncé les comportements de ses auditeurs (Cf. Matthieu 13 : 14-16). Son message prend à contre-pied toute la vision bien-pensante de l’homme. Jésus dit : « Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. » Marc 2 : 17
La justice que présente Ezéchiel ne se gagne pas, ne s’achète pas, ne se mérite pas, elle est don de Dieu. Le signe de l’acceptation de ce cadeau de vie doit se concrétiser par un désir de revenir vers Dieu. « Revenez, revenez de votre mauvaise voie… » Ezéchiel 33 : 11 Et ensuite, par un acte volitif : vouloir réparer autant que cela est possible, les erreurs que l’on a commises. « S’il rend le gage, s’il restitue ce qu’il a ravi, s’il suit les préceptes qui donnent la vie… tous les péchés qu’il a commis seront oubliés… » Ezéchiel 33 :15-16.
Chacun est libre d’agir à sa guise, de faire de sa vie ce qu’il veut, mais au bout du bout, personne ne pourra esquiver le rendez-vous avec Dieu : « Je vous jugerai chacun selon ses voies, maison d’Israël ! » Ezéchiel 33 :20 Avant Ezéchiel, Salomon avait déjà averti ses contemporains : « Jeune homme, réjouis-toi dans ta jeunesse, livre ton cœur à la joie pendant les jours de ta jeunesse, marche dans les voies de ton cœur et selon le regard de tes yeux ; mais sache que pour tout cela Dieu t’appellera en jugement » et plus loin « Crains Dieu et observe ses commandements. C’est là ce que doit faire tout homme. Car Dieu amènera toute œuvre en jugement, au sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit mal. » Ecclésiaste 12 : 1 , 15-16.
Conclusion :
Le thème de la sentinelle est particulièrement approprié à la situation de notre temps. Temps de confusion, de contestation, de violence, de dangers de toutes sortes. Dans ce contexte de guerre des idées, des comportements et des conceptions spirituelles, il est bon de se pénétrer de cette conviction que Dieu a la maîtrise du cours de l’histoire des hommes. A cette fin il a mandaté des sentinelles. Mais au-delà des choix de Dieu, l’important est que chacun se sente responsable de lui-même et de ceux qu’il aime. Pour le reste nous n’avons pas à craindre le jugement dernier car « la miséricorde triomphe du jugement » Jacques 2 :13
« Veillons les uns sur les autres, pour nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres » Hébreux 10 :2
Jacques Eychenne