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Etienne, un héros par la foi Actes 6 et 7 |
Introduction :
Le livre des Actes des apôtres, ou plus précisément des actes du Saint-Esprit, nous relate l’épopée glorieuse des premières communautés chrétiennes. Après le discours courageux et inspiré de l’apôtre Pierre, les autorités religieuses de Jérusalem ont tout fait pour étouffer la voix de ceux qui prêchaient la mort et la résurrection du Christ. Ainsi, plusieurs persécutions furent diligentées contre les apôtres (cf. Actes 4,5). Mais le médecin bien-aimé Luc va s’attarder à nous parler d’un personnage remarquable par sa foi et sa détermination. Il s’agit du diacre Etienne. Deux longs passages lui sont consacrés (cf. Actes 6 et 7). C’est dire qu’en dehors des apôtres, c’est le personnage le plus édifiant de ces jeunes communautés naissantes. On apprend qu’il avait été nommé diacre sur proposition de l’assemblée. Etienne faisait l’unanimité, c’est la raison pour laquelle il est cité en tête de liste des diacres (cf. Actes 6 : 1-6). Consacré par la marque classique de l’imposition des mains, Etienne accomplissait des prodiges et de grands miracles parmi le peuple. De nombreux sacrificateurs adhérèrent à son action (cf. Actes6 : 7). Cela suffisait aux responsables religieux pour attenter une action meurtrière contre lui. Parmi les responsables de la communauté chrétienne de Jérusalem, il sera le premier martyr. Son nom est évocateur : ΣτεΦαηοσ= stéphanos, signifie en grec : couronne (C’est ce même mot qui est employé, lorsque l’on décrit la couronne d’épine que l’on posa sur la tête de Jésus (cf. Marc 15 : 17). Mais, c’est aussi la couronne du vainqueur dans 1 Corinthiens 9 : 25. C’est aussi la marque d’une autorité fraternelle et d’un engagement de service. Et pour l’apôtre Paul, ses frères bien-aimés sont sa joie et sa couronne (cf. Philippiens 4 : 1 ; 1 Thessalonique 2 : 19). Quant à l’apôtre Jacques, Il utilisera ce mot pour désigner le trophée du combattant : « la couronne de vie lui est promise » Jacques 1 : 12. Enfin, Jean dans l’Apocalypse résume bien le sens de ce mot quand il écrit : « Sois fidèle jusqu’à la mort et je te donnerai la couronne de la vie ». Apocalypse 2 : 10).
Développement :
Etienne portait donc bien son nom, lui dont le témoignage a marqué l’histoire d’une manière indélébile. Il semblerait qu’Etienne fasse partie de ces Juifs hellénistes, convertis au christianisme. Son nom grec attesterait ses origines. Il faut rappeler que ces Juifs hellénistes avaient vécu hors de la Palestine…Ils avaient leur propre synagogue à Jérusalem et ils lisaient, chaque sabbat, les rouleaux de la loi et des prophètes, en grec.
Etienne est décrit comme un homme profondément engagé rendant un bon témoignage, et étant rempli de l’Esprit Saint. C’était d’ailleurs la condition pour être mis à part en vue de ce tout nouveau service de diaconat.
Tous ceux qui sont appelés à servir l’Église doivent avoir cette qualité d’engagement. Elle n’a rien à voir avec une quelconque perfection. La motivation première est d’avoir la volonté d’être disponible pour être au service des autres, avec désintéressement, sagesse et humilité, pour que l’Esprit Saint agisse, (pour l’utilité commune, comme dira l’apôtre Paul ; cf. 1 Corinthiens 12 :7). (Les circonstances qui ont amené Etienne à accepter cette charge, nous permettent de dire, que la nomination du diaconat doit correspondre à un besoin de l’assemblée. De plus, il appartient au groupe de fidèles de faire des propositions d’après les critères ci-dessus mentionnés. On ne s’autoproclame pas diacre ou apôtre, évangéliste ou pasteur ! On peut ressentir une aspiration à une responsabilité, mais c’est l’Esprit Saint qui conduit l’assemblée dans les propositions et les décisions…C’est ainsi que fonctionnait la naissante église chrétienne).
Mais revenons aux actions menées par Etienne.
Etienne devint très rapidement un personnage pour le moins dérangeant... Il était soit admiré, soit haï, tellement son témoignage était puissant. Sa grande joie était de servir la personne et l’œuvre du Christ avec application, dévouement, et désintéressement. Il demeure aujourd’hui une référence pour tous ceux qui sont poussés à ce don du service.
Comme on le voit, Etienne déployait une grande activité, proclamant sa foi avec hardiesse. Sa prédication était accompagnée de grands signes venant de Dieu. Avec les autres diacres et apôtres, sa proclamation de foi connut un vif succès. Mais du même coup, elle a cristallisé une farouche opposition. La remise en question de la religion institutionnelle et traditionnelle juive ne pouvait que provoquer des réactions violentes…
Il peut en être de même aujourd’hui, quand la fraîcheur, la force et la beauté du message du Christ, est face à une tradition chrétienne figée et arc-boutée sur une liturgie inamovible. (Rappelons à cet endroit que la tradition des Pères de l’Eglise a, pendant des siècles, été plus importante que la parole même du Christ. En langage théologique, on dit que La Tradition a primé l’Ecriture). L’histoire des jeunes communautés chrétiennes est là pour nous rappeler que le message du Christ a toujours eu un caractère subversif par rapport aux institutions bien établies. D’ailleurs, à l’origine, ces jeunes communautés étaient libres de toute organisation. On se réunissait le plus souvent dans les maisons (cf. Colossiens 4 : 15 ; Philémon 1 : 2 ; 2 Jean 1 : 10).
Le message d’Etienne, comme celui des apôtres était simple et conforme à la pensée de Jésus-Christ. Les chefs religieux de différentes synagogues ont bien essayé de discuter avec Etienne (cf. Actes 6 : 9,10), mais comme le dit le texte des Actes : « Ils n’avaient pas la force de résister à la sagesse et à l’esprit par lequel il (Etienne) parlait ».
Devant cette situation périlleuse pour l’ordre religieux établi, il ne restait plus que l’usage de la force. Il en avait été de même pour le Christ. Etienne était plein de grâce et de puissance. Il était assurément conduit par l’Esprit Saint. Faut-il rappeler que le Saint-Esprit est libre ! On ne peut arrêter son action.
Tout comme lors du procès de Jésus, de faux témoignages ont été instrumentalisés, et on a accusé Etienne de blasphèmes, avec la ferme intention de le supprimer. La démarche consistait à suggérer qu’il y avait danger pour le peuple... Par ce biais, on jouait sur la corde sensible des sentiments populaires et on influait la populace à prendre la décision de passer à l’action (cf. Actes 6 :11-15).
Etienne ne craignait pas les conséquences de son engagement. Il ne redoutait pas que cela puisse le mener à la mort. Peut-être avait-il en mémoire ces paroles de son maître :
« Mettez-vous dans l’esprit de ne pas préméditer votre défense, car je vous donnerai une bouche et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront résister ou contredire » Luc 21 : 15.
Le Seigneur a un urgent besoin aujourd’hui, d’hommes et de femmes, ayant les mêmes convictions et la même détermination. Le monde doit entendre clairement la vraie solution aux problèmes des terriens. Il doit acter le fait que la solution est extérieure à ses capacités humaines. C’est un fait attesté par l’histoire. Le péril n’est pas qu’écologique, il est avant tout spirituel ! Les querelles intestines des religions, ont occulté la pureté du message originel de Jésus-Christ de Nazareth. Il faut donc que des témoins, de la trempe d’Etienne se lèvent, et redisent le contenu de l’enseignement d’un salut gratuit en Jésus-Christ. C’est un message à redire et proclamer avec fidélité et humilité !
Etienne vint facilement à bout d’un débat avec ceux de la synagogue des affranchis, ces descendants Juifs emmenés en esclavage par Pompée, puis libérés par la suite, et il fit de même avec les Cyrénéens, les Alexandrins et les Juifs de Cilicie.
Mais, au lieu de reconnaître le bien fondé de ses arguments, ces Juifs décidèrent de le réduire au silence. Le texte dit : « Ils ameutèrent le peuple, les anciens et les scribes, se saisirent d’Etienne à l’improviste et le conduisirent au Sanhédrin » v 12, version T.O.B.
Si l’on prête bien attention au texte des Actes, on s’aperçoit que deux chefs d’accusation sont prononcés par de faux témoins, payés pour la circonstance. Deux blasphèmes d’après les responsables : Etienne aurait parlé contre Moïse et contre Dieu (cf.v.11). Contre Moïse, le lien est mis avec les coutumes ; contre Dieu, le lien est fait avec le temple.
- Contre Moïse : Car Etienne n’a fait que reproduire une lecture différente de la loi, initiée
par son Seigneur et Sauveur. Notons que le rapport des accusations mentionne les « coutumes de Moïse » v. 14 (ἔθος = ethos= coutume ; usage prescrit par la loi, institution, prescription, rite). Différentes versions ont bien mis en valeur le sens du mot. La T.O.B. parle de : règles ; la FBJ traduit par : usages : Darby par : coutumes).
Etienne n’a fait que reprendre le débat de fond que Jésus avait eu avec les autorités religieuses de Jérusalem. Plus de vingt siècles après, le débat est toujours d’actualité. L’humain a toujours eu de la difficulté à avoir une lecture heureuse de la loi qui ne trahisse pas son auteur. Les premières communautés n’avaient pas de liturgie propre. Le Saint-Esprit donnait une grande liberté. Il transmettait le message opportun aux serviteurs au moment où la communauté était rassemblée.
La loi, dite faussement de Moïse, avait certes son utilité. Il ne s’agissait pas de la jeter aux orties. Mais, il fallait réfléchir pour aller au-delà de la lettre pour en pénétrer l’esprit. Rares sont ceux qui ont expérimenté cette démarche. Le même phénomène se reproduit de nos jours. Les rites peuvent se substituer à une parole personnelle, engageante, et responsable. Or, la vie spirituelle est avant une relation entre Dieu et nous.
- Contre Dieu : Etienne n’a fait certainement que rappeler la prophétie de Jésus concernant le temple. Mais là encore les propos ont été déformés. Jésus avait parlé du temple de son corps et non du bâtiment ! (cf. Jean 2 : 21 ; Matthieu 26 : 61).
Notons que ces accusations sont une copie conforme de celles adressées à Jésus-Christ :
« les juifs cherchaient encore plus à faire mourir Jésus, non seulement parce qu’il violait le sabbat, mais parce qu’il appelait Dieu son propre père, se faisant lui-même égal à Dieu » Jean 5 : 18.
Les deux chefs d’accusations ont été reproduits : non-respect de la loi de Moïse (en particulier du sabbat), et atteinte à la sainteté et à la grandeur du temple de Jérusalem, symbole de la gloire de Dieu (Jean 5 : 14-16 ; 9 :16).
Les attaquent ne diffèrent pas beaucoup avec le temps !
On oppose encore de nos jours Ancien et nouveau testament, Ce qui vient de Moïse et ce qui a été enseigné par Jésus, l’envoyé de Dieu. On oublie que Moïse n’a fait que reproduire ce que Dieu lui avait ordonné et que Jésus, lui l’envoyé du Père, a fait de même.
L’origine divine étant la même pouvait-il y avoir opposition ?
En langage plus théologique, on oppose souvent la grâce à la loi, comme si les sources étaient différentes, comme si l’auteur n’était pas le même… Et pourtant Jésus lui-même a bien déclaré ne pas être venu pour abolir la loi, ou modifier quoique ce soit de cette loi édictée par son Père (cf. Matthieu 5 : 17). Si le fils est l’envoyé du Père, il ne pouvait y avoir qu’un même message ! La loi dite de Moïse est avant tout celle de Dieu. Ces 10 paroles existaient bien avant Moïse, elles sont à verser au patrimoine de notre humanité. Quant au reste du cortex des lois, une relecture actualisée, dégageant des principes n’est pas à écarter. Dieu n’a pas parlé uniquement pour un peuple. Une vision réductrice pervertit l’objectif divin.
Pour ne citer que le décalogue, ceux qui, au cours des siècles, ont pris le risque de modifier son contenu, se sont tout simplement placés dans le non-respect de la volonté de Dieu.
Notre témoignage, à l’exemple d’Etienne, doit se traduire dans le calme et la confiance, sans provocation, mais aussi avec la conviction de rester fidèle à une Parole qui vient de Dieu, et qui de ce fait, ne doit subir aucune retouche, aucune modification. Sinon c’est laisser entendre, que Dieu a mal fait les choses, et qu’elles n’étaient pas parfaites au départ… Par exemple, les preuves de la pérennité de la loi royale, comme l’appellera Paul, sont irrécusables dans le nouveau testament.
Ce fait étant établi, personne malheureusement ne vit l’esprit de cette loi comme il le faudrait, et sous ce rapport, nous sommes tous logés à la même enseigne. En conséquence, personne n’a le droit de donner des leçons à quiconque.
Mais comment Etienne répondit aux graves accusations :
Simplement par l’histoire. C’est d’une simplicité désarmante ! En effet, Etienne, pour sa défense, fit l’historique de la façon dont Dieu a dirigé son peuple à travers les siècles. Il présenta une vision positive de l’influence divine dans la vie du peuple élu. Il récusa les accusations non fondées, car sa prédication se positionnait dans l’esprit d’une continuité historique, et les chefs religieux auraient dû s’en réjouir. De plus, Etienne se reconnaît dès le départ de son exposé, comme un enfant d’Abraham (cf. Notre père Abraham... Actes 7 : 2).
Ce faisant, il se situe dans la même famille que ses accusateurs.
Récapitulant l’histoire, Etienne cita, certes Abraham, mais aussi Isaac, Jacob, Joseph, pour en arriver à Moïse. Non seulement Etienne prouva qu’il reconnaissait l’inspiration divine de Moïse, mais encore, il s’identifia à sa déception lorsque le peuple n’accepta pas la délivrance par sa main (cf. Actes7 : 25). Etienne essaie de faire comprendre habilement que l’histoire se répète… On sait où a conduit l’endurcissement d’Israël ! (Dans un désert, pour tourner en rond, pendant 40 ans, sans trop savoir pourquoi !).
Donc, non seulement Etienne n’a pas été contre l’enseignement de Moïse, mais il a attesté que Moïse a agi d’après les instructions reçues par Dieu lui-même (cf. Actes 7 : 44).
Citant Josué, puis David, il en arriva à Salomon le premier bâtisseur du fameux temple de Jérusalem.
Pour sa défense, Etienne montra qu’il n’était pas contre le temple, mais que sa compréhension du temple était autre. Et citant un passage d’Esaïe (cf. Esaïe 66 : 1,2), il affirma une position révolutionnaire : « Le Très-Haut n’habite pas dans ce qui est fait de main d’homme » Actes 7 : 48 (Le christianisme aurait dû retenir cette précieuse information…).
Pour des responsables très fiers de leur temple, c’était une atteinte à leur amour propre et à leur orgueil national… Cette phrase a dû soulever l’indignation générale, car on sent bien dans le récit, qu’Etienne fut obligé de raccourcir sa défense… Aussi, alla-t-il à l’essentiel sachant maintenant que sa voix serait bientôt réduite, à jamais, au silence.
Qu’aurions-nous fait à sa place ?
Si nous étions convaincus qu’il nous faille rendre un dernier témoignage, qu’aurions-nous dit pour notre défense ?
Etienne sait à cet instant, qu’il rend témoignage à la gloire de Dieu pour la dernière fois.
A-t-il voulu adoucir ses affirmations ?
A-t-il invoqué quelques circonstances atténuantes pour éviter la mort ?
A-t-il pensé à sa famille, ses amis, ses biens ?
A-t-il dénoncé l’illégalité d’une telle convocation, et cette parodie de procès ? (cf. Il était en mise en demeure de s’expliquer sur le champ, comme dans les tribunaux d’exception). NON ! La mort ne lui faisait pas peur… Soutenu par l’Esprit Saint, il poursuivit sa défense en disant : « Hommes au cou raide, incirconcis de cœur et d’oreilles ! Vous vous opposez toujours au Saint -Esprit… » Actes 7 : 51, (cf. relire Actes 7 : 51-60).
Il se dégage d’Etienne, premier martyr, un sentiment de force et de puissance. Son témoignage a animé tous les chrétiens de la première heure.
Comment oublier ce visage qui paraissait comme celui d’un ange ! (cf. Actes 6 :15). Personne ne pouvait rester indifférent en le voyant regarder le ciel et continuer à prier.
Un proverbe latin médiéval dit ceci :
« C’est par la mort, et non par les paroles que les martyrs confessent leur foi ».
Ce martyr fut une semence d’espoir car, au moment même où la voix d’Etienne s’éteignit, une autre plus puissante, allait se faire entendre… Car un homme a assisté à cette mascarade de procès et l’a approuvée. Cet homme s’appelle Saul de Tarse (cf. Actes 8 : 1-4). Saul fut marqué par l’exemple et la détermination d’Etienne.
L’adversaire avait voulu réduire au silence un serviteur de Dieu ! Dieu allait appeler un de ces mêmes accusateurs et meurtriers pour le remplacer...
C’est certainement sans le savoir, ce jour même, que l’appel de Dieu a été lancé dans le cœur de Saul de Tarse… Dieu a commencé à ébranler sa superbe intransigeance, par la démonstration d’amour d’Etienne, pour finalement l’amener à ne plus se tromper de combat. Dieu attendait Saul de Tarse au moment opportun, pour son plus grand bonheur. Il peut en être de même pour nous.
C’est par amour que Dieu nous fait changer de route et de cap, pour nous conduire sur un chemin de joie et de paix. Gloire à son nom et à son amour !
Conclusion :
Ce récit si dur, et si tragique, nous apprend à considérer l’histoire des témoins de la foi en Dieu, avec respect et reconnaissance. Sans eux, aurions-nous pu connaître la profondeur de l’amour de Dieu ? De plus, ne sont-ils pas des exemples à imiter ? A notre tour, nous n’avons rien à craindre de l’avenir, sinon d’oublier comment Dieu a conduit son peuple à travers les siècles, et comment il nous a conduits et continue à nous conduire, pour nous faire connaître notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ.… Et, de savoir qu’Il revient bientôt pour rassembler tous ceux et toutes celles qui auront placé en Lui leur confiance, devrait non seulement nous rassurer, mais plus encore nous enthousiasmer. C’est le choix de vie le plus sûr !
Jacques Eychenne
PS : T.O.B, version Traduction Œcuménique de la Bible ; FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem ; DRB, version Darby.