ou
Le face à face lumineux
Marc 9 :2-10
Introduction :
Nous sommes dans les derniers jours du ministère de Jésus en Galilée. Le Maître vient d’accomplir la deuxième multiplication des pains. Il a dénoncé la malice des pharisiens, guéri l’aveugle de Bethsaïde… Et surtout, Jésus est entré dans une phase plus intimiste de sa relation avec ses disciples…
Il va leur poser la fameuse question : « Qui dites vous que je suis ? ». Et, plus encore, pour la première fois, il va commencer à leur annoncer sa mort. Malheureusement, cette réalité leur était encore inaccessible. La réaction de Pierre est significative et ne nous surprend guère... (Cf. Marc 8 : 31-33). C’est dans ce contexte, que Jésus va parler de la consécration nécessaire pour le suivre, et nous arrivons à notre récit. Comme nous le constatons, il s’inscrit dans une logique de formation et de relation. D’ailleurs les versets précédents préparent l’évènement grandiose de la transfiguration. (Lire Marc 8 :34-38 ; 9 :1).Pour découvrir que le Christ est Dieu, il y a plusieurs chemins. Certains passent par la réflexion sur les événements, d'autres passent par le fait de vivre l'Evangile. Et puis, il y a son visage, son regard, sa qualité d'être… le plus beau des fils des hommes rayonne de la gloire de Dieu.
Développement :
Marc 9 : 2 Jésus emmène Pierre, Jacques et Jean sur une haute montagne pour être seul, à l’écart avec eux.
Non loin du lac de Galilée et en route vers le sud, il n’y a guère que le mont Thabor qui correspond à cette description. Sinon, il faut remonter très haut vers le Nord pour retrouver le mont enneigé de l’Hermon (hypothèse peut probable).
Bref ! Qu’importe le lieu, cette mise à l’écart bien accentuée, laisse à penser que quelque chose d’important va se passer…
La première raison évoquée par Luc (Cf. Luc 9 : 28-29) est la prière.
Il est touchant de penser que le Christ, avant de monter à Jérusalem, ait ressenti en présence de ses proches, la nécessité de prier. Cela nous invite à nous poser des questions :
Avant de livrer le dernier assaut de ce combat spirituel, est-ce que le Seigneur a éprouvé le besoin d’un réconfort humain, d’un soutien d’en haut, d’une confirmation divine ? Ou est-ce pour ses disciples qu’il est venu prier ? Peut-être tout à la fois ?
A vrai dire, on retrouve à Gethsémané le même contexte. Cependant l’intensité est différente. Ici, c’est un mini Gethsémané, avec des détails identiques, une sorte de répétition avant l’heure décisive !
Jésus a sûrement dû, d’abord, penser à ses disciples. Pourquoi ?
Ils n’étaient pas du tout prêts à comprendre le plan de Dieu, et encore moins à être en soutien, ou en relation d’aide au Seigneur. Les remarques précédentes de Pierre sont significatives sur ce point.
Cela nous renvoie à nos lenteurs à assimiler la volonté de Dieu. Reconnaissons que comme les disciples, nous ne sommes pas souvent prêts à affronter telle ou telle réalité, ou tel ou tel évènement.
Le Christ a toujours eu une démarche préventive et formatrice :
Il veut préparer ses disciples à ce qui va arriver... La même démarche demeure aujourd’hui pour nous. (Cf. Jean 13 :19) Voilà pourquoi la confiance en relation est fondamentale…
L’épreuve approche et les douze en sont complètement inconscients ! Ils n’étaient pas en mesure de recevoir sa révélation concernant l’issue de son dernier combat. Entrevoir le triomphe de la vie encore moins. Cela expliquerait en partie que Jésus ait choisi 3 d’entre eux, les plus aptes peut-être, à saisir l’importance des faits qui allaient prochainement se réaliser.
Ce désir profond de Jésus de prier pour ceux qui ont du mal à comprendre l’importance des enjeux spirituels est toujours d’actualité. L’action préventive est dans l’annonce des évènements. En particulier, ceux qui vont ponctuer l’histoire humaine...
Ce désir du Christ n’a pas varié avec le temps, il doit même s’intensifier au fur et à mesure que l’issue finale du conflit, entre le bien et le mal, arrive à son climax (c'est-à-dire à son point culminant).
Il est réconfortant pour nous, qui sommes très souvent mal préparés face aux épreuves, de savoir que Christ prie pour nous et qu’Il nous accompagne dans nos histoires.
Mais il nous appartient aussi, en retour, de prendre en considération tous ses avertissements et recommandations.
D’autre part, il était tout aussi normal que Jésus soit fortifié avant le dernier assaut face à l’ennemi, car il fallait qu’il fasse le choix de la gloire humaine ou de la croix.
Sa foi avait besoin de rencontrer l’approbation et le soutien du Père. La double prière du Christ fut exaucée : Pour lui et pour ses disciples.
La transfiguration du Christ révèle son témoignage. Sa mission est bien d’origine divine. Les 3 disciples vont en être témoins. Et d’autre part, elle révèle que tout converge vers un objectif précis : la réalisation d’un merveilleux plan de salut pour notre humanité. Lire Luc 9 :29-32.
Mais qu’est-ce, en fait, que la transfiguration ?
Le verbe grec μεταμορφοω (métamorphoau) a donné en français métamorphose. C’est un changement de forme. Ici ce serait plus précisément d’aspect.
Matthieu dit :
« son visage brilla comme le soleil, mais ces vêtements devinrent blancs comme la lumière. » Matthieu 17 :2
Marc précise :
« ses vêtements devinrent resplendissants, très blancs, tels qu’un foulon sur la terre ne peut ainsi blanchir. » Marc 9 :3.
Luc parle de :
« l’aspect de son visage devint autre et sa vêture, fulgurante. » Luc 9 :29.
La Nouvelle Bible Segond traduit :
« Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle qu’il n’est pas de teinturier sur terre qui puisse blanchir ainsi. » idem
Tout cela se passe devant Pierre, Jacques et Jean. Cela a dû être très impressionnant !
Ainsi la prière de Jésus a été exaucée. Pour repartir dans la dernière ligne droite de son combat, le Christ a certainement ressenti le besoin de s’imprégner de l’atmosphère céleste, de se reconcentrer sur l’essentiel...
Et Dieu répond à son attente : Moïse et Elie apparaissent en gloire et s’entretiennent avec lui. Ce choix de Dieu est intéressant, car il aurait pu envoyer des anges, c'est-à-dire des êtres célestes ! Non…
Il choisit deux anciens de la terre et pas n’importe lesquels !
Deux personnages qui symbolisent, par anticipation, la victoire du Christ sur le mal.
D’abord Moïse, qui selon le disciple Jude, a occasionné contestation et dispute avec le diable en rapport avec la résurrection de son corps. (Cf. Jude 1 :9)
Moïse est un type de Christ. Il a été l’instrument de la libération d’un peuple. Les oracles divins lui ont été transmis pour qu’il conduise ce peuple en Canaan, pays promis, pays sécurisé, pays de prospérité.
Le Christ a le même projet avec son peuple spirituel dispersé parmi les peuples. Il veut le conduire aussi en Canaan, mais le royaume qu’il veut inaugurer n’est pas de ce monde, c’est un royaume qui ne passera point et subsistera éternellement. (Cf. Jean 18 :36 ; Daniel 2 : 44)
Moïse a été un grand législateur, il a reçu l’expression la plus précise de la volonté de Dieu pour le bien et le bonheur des humains. Toute son attention d’amour s’est déployée pour protéger et faire grandir ce peuple dans la joie et l’harmonie, càd aussi, le respect de la loi.
Jésus a été le rénovateur de la loi. Il l’a explicitée, développée, commentée. Il l’a surtout ancrée dans un savoir vivre. Il a de surcroît démontré, qu’elle était langage de relation dans la fidélité à ce Dieu qui donne tout.
Quant à Elie, il est le symbole du prophétisme annonçant le triomphe de Dieu. Il est aussi un type de Christ. Christ a révélé tout le projet de Dieu. Il est venu le réaliser. Il annonce que lui-même reviendra pour son accomplissement final et parfait. Cette réalité acte les faits suivants :
- Il y aura la résurrection des fidèles et,
- Il y aura la transformation de ceux qui seront vivants quand le Christ reviendra. Paul l’explique clairement dans sa deuxième lettre aux Thessaloniciens. (Cf. 2 Thessaloniciens 4 :13-18.)
Le choix de Dieu comme toujours est donc bien judicieux ! De même celui de Pierre, Jacques et Jean. Ils seront les principaux animateurs de la nouvelle alliance, au moment de la naissance du Christianisme. On peut donc dire que les personnages cités résument les deux alliances. L’A.T et le N.T ne forment qu’un.
Mais qu’ont entendu les 3 apôtres ? Seul Luc nous apporte la réponse :
« Ils parlaient de son départ qu’il allait accomplir à Jérusalem.» Luc 9 :31.
Dans l’original, il est question de son exode. Le mot grec εξοδος (ekzodos= exode), qu’on retrouve dans hébreux 11 :22 est en rapport avec la sortie du peuple d’Israël. La version de Jérusalem traduit : « Moïse et Elie… parlaient de son exode qu’il allait accomplir à Jérusalem. » Pierre fait de même quand il parle de son départ, le mot exode est employé. (Cf. 2 Pierre 1 : 15)
L’exode, c’est l’évocation d’une sortie libératrice vers un avenir heureux. Mais pour le Seigneur l’aboutissement sera différent. Ce sera la mort de la croix. Une autre libération par le haut…
Cet entretien démontre que l’action de foi du Christ était sans faille… Il savait où il allait…
Pierre propose de construire trois tentes : la référence à la fête des tentes est implicite. Elle rappelle la marche au désert et l’espérance de voir naître un peuple nouveau. Cette fête messianique nous parle symboliquement du rassemblement du peuple de Dieu (Cf. Zacharie 9-14) Elle répond au désir humain de s’installer là où il fait bon vivre…
Mais, revenons au dialogue. Cette conversation oh ! Combien j’aurai aimé qu’on l’enregistre ! Le Christ a dû expliquer son objectif, et décrire sa réalisation… Ce moment a dû être fabuleux. Et pourtant ? Pendant ce moment historique, exceptionnel, que font nos 3 disciples ?
Ils tombent de sommeil, ils n’en peuvent plus, ils ont du mal à rester éveillés…
Décidément la condition humaine a bien du mal à soutenir la révélation glorieuse des merveilles du ciel ! Quel dommage ! Cela leur aurait fait économiser bien des tourments… Ils auraient eu, avec cette connaissance des détails dans les évènements à venir, une foi solide.
On retrouvera ce problème récurrent, bientôt, à Gethsémané…
Mais là, à moitié éveillés, ils ont quand même vu la gloire de Jésus. Ils étaient invités à voir au travers de ce corps connu du Seigneur, la lumière d’une gloire inconnue. Ils ne virent que Jésus seul. C’est donc bien ce Jésus seul qu’il nous faut écouter, et suivre, de la gloire à la croix. C’est vers cette vision que notre foi est dirigée. Encore faut-il prendre le temps de voir, plutôt que de s’endormir !
Nous arrivent-ils aussi de passer à coté de quelque chose d’important dans le domaine spirituel, uniquement parce que l’on est trop fatigué ou épuisé ?
Pierre, Jacques et Jean ont certes entendu la conversation, mais leur esprit n’a pas capté l’importance de son contenu. Quel dommage !
Mais revenons à cette vision extraordinaire de la gloire céleste. Cela a dû être majestueux et paisible à la fois. Ce qui est sympathique, c’est que Pierre (même ensuqué) n’est pas pris au dépourvu. Il prend l’initiative d’une proposition : Luc 9 :33. Mais sa réaction est en parfait décalage. Il ne comprend pas ce qu’il voit. Ce Pierre, c’est bien nous dans notre cécité…
Luc précise :
« Il ne savait pas ce qu’il disait. » Et Marc dit aussi : « Il ne savait pas que répondre car il était saisi de peur » Marc 9 :6
Nous dirions aujourd’hui que sous le coup de l’émotion, il a parlé. C’était trop fort, il fallait qu’il parle pour évacuer un trop plein de tout (saisi par la gloire, par la peur, par la félicité du moment !). Sa demande part dans les nuages, car à ce moment Matthieu parle « d’une nuée lumineuse qui les mit sous son ombre. » Matthieu 17 :5
Et Luc de nous préciser :
« Ils eurent peur quand ils entrèrent dans la nuée » v. 34.
Quel mélange de sentiments ! Assurément cela relève bien de l’humain ! Combien de nos prières partent dans les nuages ?
Couvert par la nuée, cela nous reporte au temps où Dieu conduisait son peuple en direction de Canaan, le pays promis. Cela nous rappelle aussi les expériences de Moïse et de Salomon avec Dieu... (Cf. Exode 24 :15-18 ; 1 Rois 8 : 10-12)
Mais voyons la suite… Une voix claire et précise se fait entendre :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez le. » // Les Psaumes, Psaumes 2 :7
Matthieu apporte une précision :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me suis complu : écoutez le. » // Les Prophètes, Esaïe 42 :1
Luc de son coté déclare :
« Celui-ci est mon Fils élu : écoutez-le ! » Luc 9 :36 // La Loi, Deutéronome 18 :15
Moment solennel où la divinité du Christ est attestée :
1) Le Christ est bien le Fils de Dieu par le lien de l’amour.
2) Le Christ est bien le Fils de Dieu par le lien de sa volonté.
3) Le Christ est bien le Fils de Dieu par élection souveraine de Dieu.
Son origine aura été une première fois attestée au baptême du Christ, au départ de son ministère (Cf. Matthieu 3 :16-17), elle l’est maintenant à la fin de son parcours.
Voilà pourquoi il fallait l’écouter ! Voilà pourquoi il nous faut l’écouter ! Jésus-christ est bien le Messie promis et attendu. Que nous apprend cette histoire ?
Il est essentiel, voire vital pour nous, de faire une expérience personnelle avec Christ, d’avoir en quelque sorte cette vision du divin, qui dépassant la simple écoute, nous plonge dans le concret de la foi agissante dans l’amour.
Mais aussi pour la première fois, la recommandation du silence a un terme : Celui de la résurrection. Cette invitation au silence, n’était-elle pas approfondissement de la densité de l’instant vécu par les apôtres ? Quelle signification a-t-elle aujourd’hui pour nous ?
Ils ne parleront qu’à la Pentecôte, après avoir été mandaté par l’Esprit Saint. Que peut-on en penser ? Est-ce à dire que l’approfondissement intérieur et la visite de l’Esprit Saint sont incontournables ?
Témoin de la transfiguration, Pierre, Jacques et Jean ont été les défenseurs les plus ardents de la divinité du Christ après sa résurrection. Ces moments sur cette montagne sont restés gravés à tout jamais. Pour s’en convaincre, lisons ce qu’en dit Pierre lui-même :
2 Pierre 1 :15-18 ; et aussi Jean. 1 Jean 1 :1-3.
Oh ! Que la descente vers la plaine a dû être difficile !!!
Difficile, parce qu’ils sont encore sous l’influence de cette atmosphère céleste, mais aussi parce qu’ils ne comprennent pas tout, comme par exemple la résurrection des morts.
Difficile par le choc des contrastes. A peine en bas, ils sont confrontés au triste spectacle d’un enfant épileptique. Quand on a connu une contemplation spirituelle aussi glorieuse, qu’il est difficile de reprendre le combat dans la plaine !
Comme Pierre on a envie de rester en haut, de s’installer, de planter sa tente. Il fait si bon…
Mais voilà, il faut redescendre ! A nous de faire des provisions par la prière et la contemplation, pour fortifier notre foi et aborder avec courage le combat de la plaine, au quotidien. Il faut recoller à la dure réalité de la vie, et accepter quelle soit faite de contrastes : Contraste entre la grandeur, la majesté divine et la réalité humaine. Contraste entre la gloire, la félicité lumineuse, et la misère et la souffrance des humains.
Contraste entre ce que Dieu veut pour nous et ce que l’adversaire réussit à semer dans nos coeurs. Contraste entre le bien et le mal, entre des disciples privilégiés, et un enfant qui se tord par terre de douleur. Oui ! Le Christ a quitté les parvis célestes avec cette gloire inaltérable pour nous relever, nous remettre en marche vers son royaume. Il est aussi affectivement venu nous rendre un Père, comme cet enfant libéré a été rendu au sien (récit qui suit). C’est cela la force du Christianisme !
Conclusion :
En nous restituant cette parole, le Seigneur nous invite à une ascension personnelle, une mise à l’écart, afin que nous soyons les témoins de sa gloire et que nous ressentions le parfum du ciel… Il veut que cette vision céleste reste gravée dans notre mémoire, afin qu’à l’heure de l’épreuve, nous soyons soutenus, confiants, et déterminés à lui rester fidèles…
Il veut que cette vision de sa gloire soit le gage de sa victoire finale sur le mal… Il veut que nous nous appropriions par la foi Sa Victoire. Il veut attiser notre désir de faire partie de ce royaume de gloire, où il n’y aura plus de combat, mais la paix et la sérénité bienheureuse… La nuée devient signe de protection et d’accompagnement dans nos vies, malgré et avec nos erreurs, nos tâtonnements, nos incompréhensions...
« JE SUIS avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » Matthieu 28 :20
Jacques Eychenne