Le chef de l'armée syrienne

 

 

  Le chef de l’armée syrienne         

                       OU

       Au-delà du visible

         2 Rois 5 : 1-19

 

 

Introduction :

 

Le deuxième livre des Rois nous plonge dans une période qui nous ramène au milieu du neuvième siècle avant Jésus-Christ. Nous sommes près d’un siècle et demi après le grand schisme qui éclata en Israël après la mort du roi Salomon. Jéroboam revendiqua la royauté du peuple d’Israël, et Roboam celle de la tribu de Juda. Le récit qui nous intéresse concerne le peuple d’Israël avec à sa tête le roi Joram. Il régna une dizaine d’années sur Israël (huitième descendant après le schisme entre les fils de Salomon). Cette histoire surprenante met en scène le chef de l’armée syrienne Naaman et sa petite servante, avec le roi d’Israël Joram et le prophète Elisée. La jeune fille (dont on ne connaît pas le nom) fut prisonnière lors des incursions victorieuses de Naaman contre Israël. Elle va être l’instrument choisi par Dieu. Les défaites militaires d’Israël vont se transformer en une victoire spirituelle avec Elisée. Car, c’est le vainqueur qui va devoir présenter une demande au vaincu…

 

Développement :

 

(Relire 2 Rois 5 : 1-8). Nous sommes en présence d’un texte surprenant. Naaman, chef des armées du roi syrien Ben Hadad, est le moyen par lequel Dieu a accordé la victoire aux syriens au détriment du peuple élu. (Il en sera de même quelques siècles plus tard avec Cyrus roi des Perses ; il sera déclaré l’oint de l’Eternel !) Certes, Naaman était un courageux guerrier, mais il était aussi au service d’une nation aux pratiques idolâtres...

 

Première surprise dans ce récit : Dieu a des choix déroutants. Cela nous rappelle le texte d’Esaïe : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l’Eternel. » Esaïe 55 : 8,9. Saisissons l’occasion pour dire que les choix insolites de Dieu devraient nous conduire à beaucoup de prudence et d’humilité lorsque nous parlons de tous ceux qui ont des attitudes et des convictions étrangères aux nôtres.

 

Mais que savons-nous de Naaman ? Le texte nous apprend qu’il était le chef de l’armée et qu’il jouissait d’une grande considération auprès de son roi Ben-Hadad. C’était aussi un vaillant guerrier, mais il était lépreux. Or, à cet endroit du récit, on apprend que parmi les captifs d’Israël, il y avait une petite fille appartenant à ce peuple. Elle était au service de la femme de ce dignitaire. Elle n’hésita à lui donner son avis. Malgré son statut social, elle témoigna auprès de sa maîtresse d’une possible guérison par le biais du ministère d’un prophète qui habitait la ville de Samarie (capitale du royaume d’Israël).

 

 Quelles sont les caractéristiques de son comportement :

 

- Elle est bienveillante pour ce couple, malgré sa déportation. Au lieu de cultiver des

sentiments de haine ou de vengeance, elle veut le bien de Naaman, elle vit par anticipation la parole de Jésus : « Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent... » Matthieu 5 : 44, version LSG. Ces paroles du Seigneur étaient déjà en germe dans les textes anciens (cf. Exode 23 : 4,5).

- Elle donne un témoignage simple, sincère et convaincant.

Dieu aime ceux qui agissent avec un cœur d’enfant (David était tout jeune quand il affirma sa confiance en Dieu. Cf. Matthieu 18 : 3).

Quel contraste entre le témoignage confiant de cette petite fille, et l’attitude suspicieuse du roi d’Israël ! (Cf. 2 Rois 5 : 7).  Heureusement le prophète Elisée va intervenir pour calmer la situation et amener le roi à la raison.

 

Mais revenons maintenant à l’attitude de Naaman (cf. 2 Rois 5 : 9-14). Il donne du crédit à la parole d’une gamine issue d’un peuple ennemi. Le rôle de sa femme est passé sous silence, mais c’est certainement elle qui a convaincu son mari. Certes, il est directement intéressé - il veut être guéri - mais il va falloir faire le voyage en territoire dévasté par son armée.

Prenant certainement son courage à deux mains, Naaman veut bien concéder à mettre en forme sa demande auprès du prophète, mais pas n’importe comment ! (Il est vrai que la démarche n’était pas aussi simple qu’on peut le supposer). Il arrive donc en grande pompe, comme un conquérant sur son char, devant la porte d’Elisée, et il donne des ordres. Mais Elisée ne sort pas à sa rencontre et lui dicte par un messager ce qu’il doit faire. Quelle terrible déception pour Naaman !

Il voulait bien bénéficier des bontés divines, mais en édictant ses règles. Il n’est pas prêt à s’humilier, donc en l’occurrence à descendre de son char, et à entreprendre une démarche personnelle pour rencontrer Elisée. Lui, le personnage de haut rang, lui le vainqueur ne doit pas s’abaisser devant le vaincu ! On l’entend presque dire : « je veux bien être guéri, mais pas à n’importe quel prix !  Mon honneur et mon rang, ne m’autorisent pas une telle humiliation ». Son orgueil est sur le point de bloquer sa démarche d’espérance… Il faut rajouter qu’à l’arrière-plan, il y avait le geste apparemment généreux de son roi. En effet, Ben-Hadad avait donné à Naaman une lettre pour le roi d’Israël et des présents, afin de négocier sa guérison (Dix talents d’argent : environ 450 kg ; cf. Exode 38 : 25-26, et six mille sicles d’or : environ 100 kg, cf. Genèse 24 : 22). Tout semblait bien orchestré pour un deal de guérison…

 

Ne pensez-vous que nos comportements ont parfois une ressemblance avec les démarches du roi et de son chef des armées ! N’y-a-t-il pas dans nos prières le secret espoir que la finalité sera conforme à notre attente ? Et même si nous ne marchandons pas dans les mêmes conditions, dans l’exaucement de nos demandes, n’y a-t-il jamais l’énoncé d’une contrepartie ? Apprenons donc à faire simple dans l’amour, la confiance et le respect des autres. David avait raison de dire : « Mets en l’Eternel ta confiance et il agira » Psaumes 37 : 5, version LSG. Mais revenons au récit. Nous passons sous silence la réaction incongrue et stupide du roi Joram et arrivons à la réaction d’Elisée…

 

Le prophète, inspiré par Dieu, transmet à Naaman un message clair et facile d’exécution. Sa pédagogie s’est adaptée à ce personnage trop fier de son statut de chef. Rappelons qu’Elisée n’est pas sorti se présenter devant Naaman, peut-être parce que Naaman n’a pas voulu descendre de son char. La rencontre n’était certainement pas mûre !

De plus, il attendait un miracle spectaculaire, devant tout le monde. Mais ô surprise ! Elisée le renvoie dans la solitude de la nature, dans un face à face avec lui-même. Il l’invite à vivre une démarche personnelle de foi. Aller prendre un simple bain, cela pouvait paraître incongru et déshonorant ! Seulement, c’était la seule condition du guérisseur.

 

Mais, que renfermait au juste le message d’Elisée ? (Examinons ses verbes d’action).

 

1) « Va ». Il y a là, clairement énoncée, la nécessité d’une démarche personnelle. Il en va de même pour toute guérison totale (appelée salut), de chacun d’entre nous. On ne peut pas être guéri physiquement et spirituellement par procuration. Depuis l’Eden, cet appel ne cesse d’être lancé à chaque individu de ce monde. Va, induit l’incontournable aventure personnelle dans la confiance en un Dieu qui accompagne, conduit, corrige et mène à bonne destination.

2) « Lave-toi 7 fois dans le Jourdain » : Certes Naaman est demandeur, mais il n’a pas fait tout ce parcours pour s’entendre dire ces paroles ! Alors, il s’emporte avec fureur (le mot est dans l’original hébreux) et repart. Ses serviteurs vont très justement lui faire remarquer que si le prophète avait demandé quelque chose de difficile, il l’aurait fait. Alors... pourquoi refuser la simplicité ! Ils lui conseillent : « Fais ce qu’il t’a dit ».

Effectivement : si la demande avait été difficile (Rabbinat français) (extraordinaire ; TOB ; une grande parole ; Chouraqui), une grande chose ; dans l’original hébreu) ne l’aurait-il pas faite ?

Le travers de l’humain est de rechercher le compliqué et le spectaculaire au détriment du simple. Ce comportement traduit au second degré un besoin de faire pour que cela soit valorisé. Donner du prix, du poids à nos actions pour qu’elles se présentent méritoires aux yeux de Dieu et des hommes, c’est encore une question d’orgueil ! Répétons-le, en amour, il n’y a pas de mérites, seulement du partage !

C’est Jésus qui disait à ses disciples : « Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire. » Luc 17 :10, version LSG.

 

3) Fais ce qu’il t’a dit : Tel est le conseil des serviteurs de Naaman.

Lave-toi 7 fois, et tu seras pur ! Baigne-toi 7 fois (Rabbinat Français et Chouraqui).

Ce message d’Elisée était tout à fait approprié à Naaman. Mais nous parle-t-il encore aujourd’hui ? Faire simple ne devient-il pas compliqué ! Supportons-nous d’être amenés à changer de conduite facilement ? Spirituellement, accueillons-nous les simples conseils prodigués par le Christ ? Avons-nous analysé nos résiliences orgueilleuses ? Plus une démarche est simple, plus elle sollicite notre foi, car elle dépossède l’humain de ses réserves et de ses résistances.

De même que Naaman devait aller tout simplement se plonger 7 fois dans le Jourdain pour être pur de sa lèpre, de même, il nous faut accepter d’aller à Jésus tel que nous sommes. C’est la condition du guérisseur pour entrer en nouveauté de vie, dans la joie d’une renaissance. Jésus a dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez le repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger. »  Matthieu 11 : 28-30, version LSG. Au-delà de ses nombreuses guérisons, le Seigneur visait avant tout le salut des personnes, parce qu’il les aimait.

Dans notre récit, Naaman descendit et se plongea 7 fois dans le Jourdain. Soulignons au passage que la notion d’être plongé dans l’eau était un signe de purification. Quand Jean, appelé le Baptiste, reprit ce rite, il ne fit que reprendre ce qui était déjà inscrit dans la mémoire collective du peuple d’Israël, mais il lui donna une autre signification (Cela dément ceux qui pensent que Jésus et ses disciples ont été influencés par un rite essénien). Cette symbolique n’était d’ailleurs pas propre qu’à Israël. Le passage d’une purification physique

 

à une signification plus spirituelle pouvait être facilement entendue...

 

Pourquoi y avait-il cette obligation de se plonger 7 fois ?

La symbolique du chiffre indique ce qui est parfait, complet, entier (cf. Lévitique 14 :8). Il y avait peut-être aussi d’autres raisons que nous ignorons.

Le miracle pour Naaman fut le résultat d’un acte de foi simple, mais précis. Si Naaman avait pris la liberté de ne se plonger qu’une fois, rien ne se serait réalisé.

Ceci m’amène à comprendre et dire ceci : Ce n’est pas parce que Dieu nous propose une démarche simple, que nous pouvons faire ce que nous voulons et en modifier l’énoncé à notre convenance ! Il existe malheureusement trop de prêt-à-porter spirituel à bon marché. Nous devons obéir à Dieu, comme Christ a obéi à son père. D’ailleurs lui-même n’a-t-il pas dit : « Je vous donne un exemple afin que vous fassiez comme je vous ai faits » cf. Jean 13 : 15 ; Jean 15 : 10-14. Avons-nous cette rectitude ?

 

Après avoir agi conformément à la parole du prophète, Naaman sortit de l’eau et le texte précise : « sa chair redevint comme la chair d’un jeune enfant et il fut pur. » v.14.  La foi est la meilleure cure de jeunesse ! L’acte de foi, suivi d’une obéissance volontaire, heureuse et joyeuse vaut mieux que tous les produits antirides et antivieillissement !

 

Heureusement, Naaman avait des serviteurs intelligents. Notons leur réaction pleine de bon sens et d’à-propos.

« Mon père, si le prophète t’avait demandé quelque chose de difficile, ne l’aurais-tu pas fait ? Combien plus dois-tu faire ce qu’il t’a dit : lave-toi, et tu seras pur ! » v. 13. La sagesse n’est pas toujours là où on la croit. Sans l’intervention d’une toute jeune servante, et maintenant celle de ses serviteurs, Naaman serait passé à côté de l’occasion de sa vie. Sachons donc à notre tour réfléchir, et accueillir les conseils de ces humbles serviteurs et servantes, que Dieu place sur notre chemin pour nous interpeller, et nous repositionner sur l’essentiel (Acceptons d’être visités par ceux et celles que nous aurions naturellement négligé ou écarté).

 

Tout le comportement du prophète Elisée sous l’inspiration divine a eu pour objectif de conduire Naaman à la découverte de Dieu. Pour atteindre ce but, il fallait qu’il accepte les modalités de cette cure de jouvence (Tout comme le protocole dans les cures thermales). Mais, on se rend bien compte que cela allait bien au-delà d’une simple guérison. Le projet divin était invisible aux yeux Naaman. Il était venu chercher la guérison. Il n’imaginait pas qu’il puisse découvrir et connaître plus important que sa propre santé. Pour atteindre cette finalité, il devait revêtir des sentiments d’humilité en renonçant à toutes les vanités liées à sa grandeur. Le Jourdain, le cours d’eau national d’Israël allait devenir pour lui, comme pour d’autres au temps du Christ, le symbole de la renaissance.

Le récit se poursuit avec une conclusion intéressante : Lire 2 Rois 5 : 15-19.  Cette dernière appelle plusieurs observations :

 

1) Naaman « retourne » vers Elisée. Cette démarche est le propre de la conversion : un retour à Dieu. (C’est le sens du mot grec μετανοϊα=métanoïa=dans le nouveau testament, traduit par la repentance. μετα= méta= au milieu, au cœur. Νοϊα=noia= de νουσ=nous= intelligence, volonté). C’est une vraie transformation intérieure qui n’a rien toutefois rien de magique.

 2) « Je reconnais » : Naaman a fait une expérience personnelle, il est descendu de son char. Maintenant, il peut rencontrer sans problème Elisée, maintenant la relation édifiante peut s’établir... Assurément l’orgueil bloque plein de prometteuses espérances. Naaman a désormais de nouvelles priorités qui conduisent sa vie. Il peut à son tour témoigner de l’amour que Dieu a pour lui. Il ne craint pas de le dire à haute voix devant ses serviteurs. Quel témoignage ! Venant d’un syrien, c’est puissant ! Ce fait a traversé les siècles. Il a été cité par le Seigneur, et nous le méditons aujourd’hui.

 

3) Naaman demande à Elisée d’accepter un présent. Quand le cœur est touché, on a envie de donner, de se donner. Mais la délivrance du message d’espérance devait rester gratuite (cf. Matthieu 10 : 8). Il est impossible de marchander avec l’Eternel !

 

4)  Désormais, Naaman n’adorera que Dieu seul (v.17b).

 La dernière requête touchante de Naaman : 2 rois 5 : 18,19.

Il a maintenant un problème de conscience. Son roi adore le dieu de l’orage : Rimmôn. A chaque fois, il doit l’accompagner dans les cérémonies. Or, ce n’est plus son choix, mais peut-il agir autrement ? Alors que faire ? Cette situation lui pose problème. Comment concilier sa découverte du vrai Dieu, avec le choix différent de son souverain ? (//complexité de notre engagement de foi dans certaines circonstances). La réponse du prophète est merveilleuse de sagesse : « Va en paix. » Parole d’intelligence spirituelle qui déculpabilise et renvoie à une pratique de vie intérieure. Dieu regarde au cœur ! Alors, même si nous sommes dans ce cas, allons en paix !

 

Conclusion :

 

Cette histoire nous apprend :

- Que Dieu regarde avant tout le cœur de l’homme, et non son appartenance à tel peuple ou telle religion.    

- Qu’il nous faut respecter les choix de Dieu, surtout quand on ne les comprend pas (en partie ou complètement).

-  Que Dieu a dans ce monde, des personnes qui l’honorent et le servent.

-  Que Dieu choisit souvent le témoignage de gens simples.

-  Que nous avons à être prudents, certes ! mais pas méfiants comme le roi d’Israël.

-  Qu’il nous faut saisir toutes les occasions pour rendre témoignage de notre foi.

-  Que notre orgueil, comme celui de Naaman, est souvent la cause de nos échecs dans notre bonne relation à Dieu.

-  Que Dieu utilise parfois les réflexions et interpellations de notre voisinage pour nous faire progresser dans la confiance.  

- Que l’appel de Dieu à la guérison totale de l’être complet est clair. Il requiert une réponse simple : celle du cœur.

- Que nous avons à suivre ce que Dieu nous demande sans amender son exigence.       L’amour porte au respect de la parole de l’être aimé.

-  Que le miracle de la conversion est la réponse de Dieu à nos actes de foi et d’amour.

-  Que Dieu, l’acteur de notre vie, doit rester présent dans nos quotidiens…  

-  Que dans des situations complexes qui paraissent être des compromis, Dieu sait lire dans notre cœur. Dieu nous invite à assumer un choix libre, sans crainte du regard des autres. Il nous invite à agir au mieux, compte tenu des contraintes et des circonstances. Dieu intègre notre droit à l’erreur et nous fournit souvent la possibilité de rectifier nos positions, loin de tout sentiment de culpabilité. Dieu est digne de notre adoration.

-  Que sa parole d’amour est toujours d’actualité :

Le prophète Elisée dit à Naaman en conclusion : Va en paix ! Allons en paix !

 

                                                                                Eychenne Jacques

 

PS : LSG, version Louis Segond.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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