|
Le plus grand de tous les prophètes ou Jean Baptise Jésus Jean 1 : 15-33 Marc 1 : 11 (Deuxième partie)
|
Introduction :
Introduction:
Nous avons dit la fois dernière que Jean Baptiste a associé à sa prédication tonitruante un acte singulier, original et marquant : le baptême. Essayons maintenant de comprendre pourquoi Jésus venant de Nazareth a voulu se faire baptiser. Quel sens donner à son geste ? Avait-il besoin de confesser ses péchés ?
Après avoir lu les deux textes liminaires, de nombreuses questions se posent à nous. Essayons de trouver des explications plausibles. Jésus devait avoir entre 33 et 35 ans, en l’an 28, quand il décida de quitter son village pour aller rejoindre Jean Baptiste (ce calcul est fait en rapport avec la mort d’Hérode le Grand en -4 av. J.C), à Béthanie (ou Bethabara ou Beth-bara, à ne pas confondre avec le Béthanie près de Jérusalem) en bordure du Jourdain, c’est-à-dire sur sa rive Est (actuellement à la frontière du côté Jordanien). L’apôtre affirme que malgré le lien de parenté qui unissait Jean le Baptiste et Jésus de Nazareth par la famille de Marie sa mère, ils ne se connaissaient pas de vue (cf. Jean 1 : 33). Toutefois, cette rencontre était prophétiquement programmée : « Et je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, c'est lui qui m'a dit : ‹ Celui sur lequel tu verras l'Esprit descendre et demeurer sur lui, c'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint. » Jean. 1 : 33, version TOB.
Ainsi, eut lieu cette mémorable rencontre…Que nous apprend-elle ?
Développement :
Quand Jésus a-t-il réellement quitté Nazareth pour se rendre auprès de Jean le Baptiste ? Avait-il eu connaissance de l’action puissance de Jean sur les rives du Jourdain ? Jésus était-il déjà accompagné de disciples lorsqu’il est descendu vers le Sud ? Toutes les supputations exégétiques foisonnent. Disons simplement, (sans être simpliste) que le temps de cette rencontre était venu. L’esprit divin qui animait le Seigneur l’a conduit (cf. Luc 4 : 1) tout naturellement vers Jean le Baptiste. D’un côté nous voyons le Christ venir spontanément vers Jean (cf. Marc 1 : 9 ; Matthieu 3 : 13), de l’autre, Jean annonce déjà sa venue (cf. Marc 1 : 7- 8 ; Matthieu 3 : 11-12). La conclusion qui s’impose est la suivante : la rencontre était programmée par l’Esprit divin (d’ailleurs, Jean avait été lui-même préparé à cette rencontre, cf. Luc 3 : 16).
Ce moment charnière, ce passage entre deux temps de l’alliance, devait prophétiquement être accompli. Même le peuple ressentait que quelque chose d’important allait se produire. Luc nous dit « Le peuple était dans l'attente et tous se posaient en eux-mêmes des questions au sujet de Jean : ne serait-il pas le Messie ? » Luc 3 : 15, version TOB.
Jean le Baptiste devait préparer la venue du Seigneur. Il devait aplanir son chemin. L’image est suggestive (cf. Jean 3 : 23). Pour raboter toutes les aspérités de ce chemin, il fallait un bulldozer. C’est la raison pour laquelle sa proclamation fut un cri déchirant dans le silence du désert de Judée.
Ce qui nous paraît extrêmement clair, c’est que le ministère de Jésus devait se greffer sur celui de Jean. Un peu comme si le Seigneur prenait le relai. Le mouvement puissant que le Christ va initier prend son élan avec Jean. Il est très important de l’affirmer. Nous verrons pourquoi la fois prochaine.
Venons-en au baptême de Jésus lui-même. Rappelons que Jean pratiquait un baptême de repentance pour le pardon des péchés (cf. Marc 1 : 4 ; Matthieu 3 : 6). Il faut rappeler que non seulement la pratique du baptême, mais plus encore sa signification a généré une vive opposition de la part d’une délégation envoyée de Jérusalem. Elle était composée de sacrificateurs et de Lévites (cf. Jean 1 : 19). En toute logique, il faut bien reconnaître que l’annonce du pardon des péchés annihilait toute leurs actions médiatrices. C’est tous les services sacrificiels qui étaient appelés à disparaître. On peut comprendre leur émoi !
En s’arrogeant le pouvoir de pardonner les péchés, Jean était en porte-à-faux de l’enseignement officiel, et ce n’était pas rien. De plus, comment comprendre que le Sauveur lui-même ait eu besoin de confesser ses propres péchés ?
En cette année 28 de notre ère dans ce coin perdu, au bord d’un cours d’eau, une page de l’histoire de l’humanité allait se tourner. Alors, sans ambages, posons-nous la question : Quel est donc le sens du baptême de Jésus ?
D’abord, il y a le refus de Jean de procéder au baptême de Jésus. Pourquoi cette opposition ? Elle est compréhensible en fonction des révélations antérieures qu’il avait reçues (cf. Marc 1 : 7-8). Quoi qu’il en soit, cela va permettre à Jésus de préciser le pourquoi son baptême est nécessaire. Il répond à Jean : « Laisse faire pour l'instant : car c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir toute justice. " Alors il le laisse faire. » Matthieu. 3 : 15, version FBJ. Notons que le Christ associe Jean à l’accomplissement de la volonté divine, en le plaçant à égalité dans la révélation de la justice. De plus, si nous considérons que l’évangile de Matthieu a pour destinataire le peuple Juif avant tout, l’expression « accomplir toute justice », renvoie à des concepts connus. La justice dans l’ancienne alliance s’obtient par un sacrifice, précédé du pardon de ses fautes : « presque tout, d’après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang il n’y a pas de pardon » Hébreux 9 : 22, Version LSG. Cette dispensation devait être provisoire, dans l’attente de la promesse de l’envoi de « l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » Jean 1 : 29, version LSG.
De ce fait, la remarque du Seigneur non seulement est pertinente, mais elle annonce tout un programme spirituel. Voyons et examinons ce que Jésus dit :
Le baptême de Jésus annonce une vérité d’une portée intemporelle et universelle : Christ est notre justice (cf. 1 corinthiens 5 : 7 ; Romains 8 : 1-4).
2) Le ciel s’ouvre, L’Esprit Saint descend, une voix venue du ciel parle (cf. Luc 3 : 22). L’instant est solennel. Il est tellement prégnant que Luc l’identifie comme l’accomplissement de la prophétie dévoilée à David (cf. Luc 3 : 22 // Psaume 2 : 7). Que nous dit cette parole, sinon que Jésus de Nazareth est le Fils de Dieu. La descente de l’Esprit Saint fait aussi écho à l’onction symbolique dans l’intronisation des rois d’Israël, en particulier celle de David (cf. 1 Samuel 16 : 10-13). Ainsi, tout le symbolisme de cet instantané nous affirme que Jésus, le fils de Dieu, est bien le Messie promis et attendu. Pour qu’il y ait pas de confusion avec Jean, une précision est donnée sur la personne de Jésus de Nazareth : « Tu es mon Fils » Marc 1 : 11.
3) Ce fils est déclaré « bien-aimé ». Ce baptême n’est pas la création d’un simple rite. Il nous parle d’amour. Cette histoire d’amour va se dérouler concrètement sur notre terre. Elle nous dévoile les motivations de ce Père admirable. Là encore, un parallèle peut être établi avec Isaac, le fils unique chéri (cf. Genèse 22 : 1-11). A cette occasion, rappelons-nous, Dieu avait déployé son amour pour Abraham. Abraham l’avait accueilli comme tel, au point qu’il prophétisa en baptisant le lieu : « Yahvé-Jiré », c’est-à-dire, l’Eternel pourvoira. Le texte ancien poursuit en disant : « C’est pourquoi l’on dit aujourd’hui : à la montagne de l’Eternel il sera pourvu » Genèse 22 : 14. Dieu accomplira sa promesse au mont Golgotha. Par contre, Il ne retiendra pas sa main. Cette fois, son Fils mourra à notre place.
4) Et enfin, ces derniers mots de la voix : « En toi j’ai mis toute mon affection » Marc 1 : 11, version LSG. Cette phrase a été diversement traduite. Exemples : « en toi j’ai trouvé mon plaisir » version Darby ; « je mets en toi toute ma joie », version BFC ; « il m’a plu de te choisir », TOB ; « en toi, je me suis complu » ou « tu as toute ma faveur », versions FBJ… (En fait, le verbe utilisé est : εὐδοκέω = eudokeo = 1) ce qui semble bon à quelqu'un, il est de son bon plaisir ; 1a) penser que ceci est bon, choisir, déterminer, décider ; 1b) faire volontiers ; 1c) être prêt à, préférer, choisir plutôt ; 2) prendre plaisir à, être favorablement incliné envers quelqu'un). Ce verbe riche de sens, permet toute une palette de significations. Cela nous rappelle le serviteur annoncé que dépeint le prophète : « Voici mon serviteur, que je soutiendrai, mon élu, en qui mon âme prend plaisir. J’ai mis mon Esprit sur lui ; Il annoncera la justice aux nations » Esaïe 42 : 1, version LSG. Ce texte sera repris en Matthieu 12 : 18. En Jésus, par son baptême, il trouve son accomplissement.
Ainsi, le baptême du Christ nous apprend encore que ce Fils de Dieu Messie est également le serviteur de Yahvé. Jésus de Nazareth réalisera parfaitement ce service, au point de se faire notre serviteur (cf. Luc 22 : 27). C’est ce qu’annoncera l’apôtre Pierre dans son deuxième discours à la Pentecôte (cf. Actes 3 : 13).
5) Les circonstances de cette théophanie (cf. manifestation de la présence divine) font lien avec les descriptions des prophètes de l’A.T.
Il suffit de relire la vision inaugurale d’Ezéchiel, au bord du fleuve Kebar, à Babylone (cf. Ezéchiel 1 : 1). Là aussi, près d’un fleuve, les cieux s’ouvrent et des visions divines apparaissent. Le prophète Esaïe est certainement celui qui nous rappelle le mieux, que cette façon de procéder de Yahvé n’est pas nouvelle. Elle faisait partie des souhaits du prophète : « Oh ! Si tu déchirais les cieux, et si tu descendais, les montagnes s’ébranleraient devant toi » Esaïe 63 : 19b. D’ailleurs, le contexte de ce chapitre s’harmonise bien avec les éléments du récit du baptême de Jésus :
- le prophète confesse les péchés de son peuple ; - parle de Moïse fendant les eaux – lance un appel à la repentance (cf. Esaïe 63 : 10,11,13,17).
Et que dire de la remarque de Jean le baptiste quand il rend témoignage : « J'ai vu l'Esprit descendre, comme une colombe venant du ciel, et demeurer sur lui » Jean 1 : 32, version FBJ. Ceux qui connaissent l’histoire ancienne se souviendront du récit du déluge avec Noé. La colombe lâchée à deux reprises ramène dans son bec une feuille d’olivier qui annonce que l’épreuve est terminée et que la famille de Noé est sauvée (cf. Genèse 8 : 8-12). Lâchée une troisième fois, elle ne revint plus. Elle deviendra au fil du temps : symbole de paix. Ce baptême annonce que le prince de la paix est venu (cf. Esaïe 9 : 5 ; Ephésiens 2 : 12-17).
Il faut bien admettre, que dans la pensée populaire juive de l’époque, tous les éléments du baptême du Christ pouvaient avoir une valeur symbolique. Ce sujet a pour objectif de démontrer, une fois de plus, le lien étroit qui unit l’ancienne et la nouvelle alliance de Dieu avec son peuple.
Mais revenons encore au sens du baptême de Jésus de Nazareth. On mesure mal qu’il signifiait une rupture fondamentale tant dans sa vie, que dans son message. Pourtant, rien jusque-là, semblait clairement l’annoncer. La demande du seigneur est le repère historique d’un ministère unique et exceptionnel. Il concentrera en lui-même tous les moyens de la révélation divine. Il sera tout à la fois le serviteur et le roi, le berger et l’agneau, le médiateur et le sauveur etc. Comme le dira plus tard l’apôtre Paul :
« En Christ habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Vous avez tout pleinement en lui, qui est le chef de toute domination et de toute autorité » Colossiens 2 : 10, version LSG.
Mais pourquoi un Christ sans péché a-t-il désiré un baptême de repentance ? Ne sous-entendait il pas la confession des péchés ?
Toutes ces tentatives humaines pour expliquer les raisons de son baptême ne sont que des approximations d’une réalité spirituelle à explorer… il appartient à chacun d’y apporter sa compréhension personnelle. Elle est indispensable !
Si Jean le baptiste s’est offusqué de la demande de Jésus d’être baptisé par lui, c’est assurément parce que l’esprit divin l’avait convaincu qu’il était selon son expression « plus puissant que moi » Luc 3 : 16, version LSG. D’autres versions disent « plus fort que moi ». Jean le Baptiste mentionne la différence entre lui et Jésus de Nazareth : lui, il baptise d’eau, mais celui qui vient baptisera du Saint-Esprit et de feu (cf. Marc 1 : 7-8 ; Luc 3 : 16 ; Matthieu 3 : 11).
Conclusion :
Espérons que notre quête du baptême de Jésus, attestée aussi par des historiens de renom, aura contribué à notre édification. Si l’on admet maintenant que la caution apportée par Jésus au message et au baptême pratiqué par Jean est un moment-charnière dans la vie publique du Christ, on aura compris l’essentiel. En marge, il est logique de penser que notre Seigneur ne s’est sûrement pas contenté de se faire baptiser pour repartir tout de suite après. Il a dû rester peut-être quelques jours avec Jean, avant d’être conduit par l’esprit dans le désert qui devait être tout proche. Jésus va rependre ensuite le chemin de la Galilée. Il va porter un message d’espérance. Ce n’est plus la proclamation cinglante de l’imminence d’un jugement par le feu que Jésus va délivrer aux foules, mais l’annonce joyeuse et pleine d’espérance d’un salut éternel. Ce dernier est offert à tous ceux et celles qui sont bien disposés à l’accueillir. Nous quittons les imprécations de Jean pour entrer dans un univers d’amour. Jésus n’a ni critiqué, ni copié Jean, il s’est appuyé sur son message pour le porter vers des sommets spirituels jusque là ignorés. Au terme de cette analyse le rapport entre Jésus et Jean le Baptiste s’est inversé. Jean, qui attirait toute l’attention et qui était dans la lumière de la popularité, a dû détourner les projecteurs sur le Christ. Lui qui avait fait de nombreux disciples va s’humilier en devenant disciple du Messie à son tour. Le meneur de foule s’est mué en suiveur du sauveur. Le dernier grand prophète en Israël s’est tout entier mis au service de celui qu’il considérait comme le Messie promis. Pour autant, il était loin de penser que son combat s’achèverait par une mort salvatrice pour l’humanité tout entière…
Pourquoi Jésus a déclaré que Jean était le plus grand de tous les prophètes, c’est ce que nous approfondirons la fois prochaine…
Jacques Eychenne
PS : TOB, version de la Traduction Œcuménique de la Bible ; FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem ; LSG, version Louis Segond ; BFC, version de la Bible en Français Courant.