|
|
Introduction :
A l’image de notre météo moderne, notre vie se compose de calmes et de tempêtes. Quand la bourrasque nous atteint, quand nous sommes ballotés de tous côtés, il est vital d’avoir le bon réflexe de s’agripper au bastingage et de résister aux assauts du vent et des déferlantes. En général, dans ces cas-là, nous sommes seuls avec nous-mêmes.
La référence à un parcours plus spirituel n’échappe pas à ces grosses turbulences. Notre foi est souvent malmenée par des évènements imprévisibles, alors que tout semblait paisible.
En un instant parfois, les certitudes qui nous habitent deviennent chancelantes. Alors rapidement, les grandes questions qui jalonnent notre passage sur terre, celles qui éliminent le futile et l’encombrant, nous saisissent. En quoi et en qui plaçons-nous notre confiance et notre espérance ? Le récit que nous allons méditer peut répondre à ces questions.
Développement :
Contexte historique : Nous sommes au début du ministère de Jésus, Le Seigneur commence ses prédications en Galilée, au nord du pays ; ses disciples viennent d’être appelés, et il ne les a pas encore envoyés en mission. Nous dirions qu’ils sont dans la phase de préparation… Notre récit nous poste sur la rive occidentale du lac de Tibériade, un endroit paisible et riant, même encore de nos jours…
Jésus avait enseigné et guéri toute la journée, c’est pourquoi Marc précise :
« Le soir de ce même jour, Jésus dit à ses disciples : passons sur l’autre rive. » Marc 4 : 35.
Comme tous les humains, Jésus a éprouvé de la fatigue, la suite du récit en témoigne. Son désir de se retirer avec ses disciples dans un endroit tranquille, n’a donc rien de surprenant. Il veut pouvoir se reposer, tout en désirant, comme un bon formateur, faire le bilan de la journée avec ses disciples.
Jésus monte donc dans la barque de service et se dirige vers la rive opposée. La côte orientale du lac est beaucoup plus austère, moins verdoyante, plus escarpée. Elle est, de loin, la moins fréquentée. C’est donc l’endroit idéal pour faire une pause. Le Christ aspire au calme et au repos.
Marc précise : « d’autres barques étaient avec lui… » v. 36.
Question tranquillité cela semble compromis ! Mais, Jésus laisse faire le mouvement. Il ne donne aucune directive. On peut même trouver cela sympathique et interpellant : Voilà des gens qui ont écouté les paroles du Seigneur une bonne partie de la journée, et le soir arrivant, au lieu de rentrer chez eux, ils décident de le suivre.
Quelle force attractive d’amour devait avoir le Seigneur pour que des familles entières partent à l’aventure ? Où allaient-elles dormir ? Sans parler de la nourriture ? Et surtout de la traversée de ce lac ?
Par vent contraire, il n’y a pas d’endroit de replis, il faut avancer ou revenir. Le lac est dangereux de par sa configuration géographique. (Le Jourdain a creusé un couloir dans lequel les vents du Nord ou du sud s’engouffrent sous pression. C’est une véritable soufflerie naturelle… Les tempêtes sont aussi soudaines que redoutables !)
Il fallait être avide de connaissance et avoir une telle soif d’entendre les paroles du Christ pour oser se risquer sur ce lac à cette heure tardive.
Il fallait une motivation forte… Elle est tout autant indispensable de nos jours, si on veut connaître le bonheur de la foi en Christ. Pour nous aussi n’y a-t-il pas une aventure à vivre ?
Mais revenons au récit. Luc précise : « Tandis qu’ils naviguaient, Jésus s’assoupit. » Luc 8 :23. Cela confirme ce que nous disions tout à l’heure…
Jésus s’est endormi, bercé par le clapotis de l’eau et le bruit régulier des rames fendant les eaux claires de ce lac de montagne.
Marc aussi donne des détails : Jésus est couché à la poupe, c.à.d, à l’arrière de la barque, la tête posée sur un coussin. Jésus s’en remet à ses disciples expérimentés et s’endort. Tout va bien, on avance paisiblement… Et soudain, c’est la catastrophe ! Elle est traduite différemment par les écrivains :
Matthieu parle de grand séisme qui arrive dans la mer. Marc, d’après l’original grec, parle d’un grand tourbillon de vent et Luc, d’une tempête de vent (La bible de Jérusalem traduit par grande bourrasque de vent). Qu’importe ! Le résultat est le même ; la barque couverte par les vagues prend l’eau de partout. Les pêcheurs connaissaient bien ce phénomène, mais cette fois, c’est plus sérieux. Ils sont complètement dépassés par les évènements et ils craignent pour leur vie.
Observons le contraste que marquent Matthieu et Marc dans leur récit :
Le tragique de l’évènement tranche avec l’attitude détachée du Christ :
« La barque était couverte par les flots. Et lui, il dormait. » Mattieu 8 :24 (Version Nouvelle édition de Genève)
On ne sait pas s’il faisait déjà nuit, mais on ne devait pas être très loin de l’obscurité. Toute la journée avait été bien occupée. Une tempête de jour, c’est déjà préoccupant, mais de nuit, c’est carrément angoissant. Le bruit assourdissant des vagues en pleine obscurité a de quoi provoquer la panique… (On a tous lu, ou vu au cinéma des tempêtes la nuit. On ne voit rien, et on ne s’entend plus dans le vacarme des éléments en furie). On peut supposer, car le texte est lapidaire, que les apôtres pêcheurs de métier, ont dû tout mettre en œuvre pour s’en sortir seuls, avant de réveiller le Seigneur.
N’oublions pas qu’ils venaient à peine de faire le choix de tout laisser pour le suivre… Vous imaginez leurs pensées… (Si cela commence comme cela, on est mal barré ! etc.) On sent une pointe d’indignation dans le texte. D’un air de dire : c’est comme cela qu’il prend soin de nous ! (peut-être ont-ils même remis en question leur désir de le suivre…)
Il est vrai que le contraste est violent : Les disciples sont en danger de mort, et lui, il dort.
D’ailleurs, Marc laisse percer cette pointe de suspicion lorsqu’il écrit :
« Maître ne t’inquiètes-tu pas de ce que nous périssons » v. 38.
D’un air de dire : Quand même ! C’est bien toi qui nous as donné l’ordre de passer de l’autre côté ! Tu pourrais faire quelque chose au lieu de dormir ! (Nous sommes à la lisière du reproche… On pourrait construire un roman sur cette aventure).
Mettons de coté le récit, et essayons d’actualiser l’évènement : N’y a-t-il pas quelques points communs avec nos expériences personnelles ?
Croyants ou non-croyants, nous avons tous à assumer notre humanité, c à d, à faire face aux tempêtes de la vie. La grande question est : Comment les gérons-nous ?
Est-ce que nous comptons sur nos seules forces, ou faisons-nous appel à une aide extérieure ?
Notre tendance naturelle est de vouloir tout assumer seul. On se débat de toutes nos forces et inlassablement on s’épuise, quelle que soit notre expérience (En matière de navigation les disciples étaient loin d’être des novices !).
Du coup, c’est Dieu qui est incriminé. Comme les disciples, on peut penser de la même façon : « on est sur le point de périr, et lui il dort. » Autrement formulé, si Dieu existe, comment peut-il rester endormi face aux tempêtes qui menacent notre vie ou celle de nos proches ? Qu’avons-nous fait pour avoir autant de difficultés ?
Pour ceux et celles qui ont intégré de la spiritualité dans leur vie, les questions sont souvent similaires. Ils veulent bien suivre les conseils du Christ, mais ils ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas complètement à l’abri des tempêtes. A quoi bon le suivre pense-t-on, si on est touché comme les autres qui n’ont point d’espérance ! De là fusent nos éternelles questions : Pourquoi Seigneur ? Pourquoi Moi ? Pourquoi toute cette souffrance ? Ces inlassables difficultés ? Ce n’est pourtant pas la bonne volonté qui nous fait défaut. Nous voulons bien mettre en pratique les conseils du Christ, mais si c’est au prix de ramer et d’écoper en permanence, ça fait réfléchir ! Te suivre Seigneur, bien sûr, mais pas comme cela ! Te suivre Seigneur d’accord ! Mais où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?
En bref et en réalité, on veut tout savoir avant de s’engager dans l’aventure de la foi.
Les disciples ont dû penser : « Seigneur nous avons laissé plein de choses pour te suivre, et regarde en retour ce qui nous arrive, regarde où nous en sommes, ne t’inquiètes-tu pas de nous voir dans cette galère ? »
Les croyants ont du mal à intégrer cette même réalité : C’est souvent quand on décide de servir le Christ que les difficultés surgissent, ne devrait-on pas assister au contraire ? (j’ai pu vérifier le fait tout au long de mon ministère pastoral)
Dans notre récit, nous avons observé que Jésus n’adresse aucun reproche à ses disciples. Il dénonce, en premier, les circonstances. Si seulement nous pouvions imiter cet exemple. Ne jamais nous en prendre à l’humain, mais aux circonstances qui le dominent, qui l’asservissent et le paralysent.
Le texte de Marc poursuit en disant : « S’étant réveillé, il menaça le vent et il dit à la mer : Silence ! Tais-toi ! Et le vent cessa, et il y eut un grand calme ». v. 39.
Quelle intervention spectaculaire, puissante et solennelle.
Quel contraste entre l’angoisse existentielle des disciples et la sérénité du Christ !
A l’arrière-plan de ce récit, comme en filigrane, le drame de l’être humain apparaît devant l’adversité.
Les disciples aguerris pour la plupart, ont voulu se sortir seuls de cette mauvaise situation. Ils ont déployé quantité d’efforts afin de trouver une solution par eux-mêmes...
Notre monde de plus en plus sécularisé veut trouver des solutions à tous ses problèmes. On met Dieu entre parenthèses et on veut s’en sortir seul, sans avoir besoin du secours de personne. On prête à André Malraux ces paroles : « Je voudrais que personne, pas même Jésus-Christ, ne fût mort pour moi ».
La vie moderne nous pousse à l’individualisme. On veut y arriver seul, lutter seul, vaincre ou mourir seul. Les athées et libres-penseurs revendiquent le refus de toute référence religieuse. Être seul responsable de ses choix…
Combien de fois ne faisons-nous pas l’expérience des disciples !
Quelque part, nous aussi, tout comme eux, nous avons désiré que Jésus vienne dans notre barque et sur son ordre nous avons quitté la berge.
Puis, les tempêtes de la vie sont arrivées, souvent imprévues, dans le travail, dans la maladie, dans diverses épreuves. Et on s’est débattu tout seul. Parfois même, la violence de la tempête a été telle, que nous avons oublié que Jésus était dans notre barque. Nous avons agi
comme s’il n’était plus là, alors qu’il était tout près de nous. Prêt à intervenir d’une façon ou d’une autre.
Comme les disciples, on oublie aussi que c’est lui qui nous a donné l’ordre de passer sur l’autre rive. Cette traversée dans cette humanité est certes notre fait. Personne ne peut la vivre à notre place. Seulement, spirituellement, il est important de ne pas perdre de vue le Christ. C’est lui qui désire nous conduire au calme de l’autre rive, vers l’éternité. Soyons réalistes, sous de fausses bonnes raisons, nous comptons trop sur nous, et pas assez sur lui…
Comme les apôtres, ce n’est que lorsque nous prenons conscience de notre impuissance et de nos échecs, quand nous n’avons plus d’espoir, quand nous avons épuisé toutes nos ressources, et que nous sommes en grave danger, que nous nous tournons, enfin, vers Jésus notre sauveur pour espérer trouver une issue heureuse à notre malheur.
Nous pensons à Jésus trop souvent au dernier moment de l’épreuve. Est-ce la bonne démarche d’une relation d’amour et de foi ?
Vous ne pensez pas que si les disciples s’étaient adressés à leur maître dès les premières manifestations de danger, ce dernier les aurait rassurés, et délivrés de la peur et de l’angoisse !
Ce qui est merveilleux en Christ, c’est l’absence de reproche.
Par contre s’il n’y a pas de reproche, il y a toujours les pertinentes questions de Jésus :
Luc écrit : « Où est votre foi, ». Luc 8 : 25
Matthieu : « Pourquoi êtes-vous peureux, hommes de peu de foi ? Matthieu 8 :26
Marc : « Pourquoi avez-vous si peur ? Comment n’avez pas de foi ? » Marc 4 :40
Il y a, là encore, plusieurs niveaux de lecture et de compréhension de ces questions.
Il est clair que la peur et l’absence de foi sont liées. Il semblerait que ce qui est évident pour nous, ne le soit pas pour le Seigneur. La peur des disciples nous parait amplement justifiée, et pourtant, si le Christ pose la question, c’est justement parce que cette peur est révélatrice d’un problème de relation : la confiance n’était certainement pas au rendez-vous !
Le sous-entendu du Seigneur est fort : Si vous m’aviez fait confiance, vous ne seriez pas dans cet état-là !
Le Seigneur dans un projet de formation veut leur faire comprendre, que lorsqu’il donne l’ordre de passer de l’autre côté du lac, en même temps, il se porte garant de la traversée, même si des difficultés inattendues surgissent. Cela m’amène à définir une vérité qui transparaît dans toute l’histoire biblique :
Quand Dieu demande quelque chose à l’humain, en même temps, il lui donne les moyens de réaliser l’objectif positif. Dieu ne nous demande rien, qu’il ne nous fournisse déjà en puissance. L’apôtre Paul déclare : « Or Dieu, est digne de confiance : il ne permettra pas que vous soyez mis à l’épreuve au-delà de vos forces ; avec l’épreuve il ménagera aussi une issue, pour que vous puissiez la supporter. » 1 Corinthiens 10 :13 (version N.B.S)
Les apôtres auraient dû comprendre que la présence du Christ avec eux dans cette barque était la suprême garantie. Encore fallait-il en prendre conscience !
Il en est de même pour nous, quand la vie nous entraîne dans des traversées périlleuses. Si nous avons invité le Christ à monter dans notre barque, il faut que nous soyons cohérents. Car chose incroyable, mais vraie : nous pouvons très bien avoir le Christ dans notre embarcation et faire naufrage, si nous agissons comme s’il était absent. En relation, il ne s’agit pas de dire uniquement, mais de vivre ce que l’on dit. Avec le Christ la marche est quotidienne. Elle doit se vivre dans la confiance.
Le Seigneur en leur disant : « Pourquoi avez-vous peur ? » les renvoie à la réalité d’une relation fondée sur l’absence de confiance. Implicitement Jésus veut leur dire simplement que le fait d’être effrayés n’avait pas lieu d’être.
La preuve est résumée par Luc qui pose une seule et vraie question : « Où est votre foi ? »
A quoi sert de vouloir suivre le Christ, si en toutes circonstances, on ne lui fait pas confiance ! Pédagogiquement, le premier niveau de compréhension des questions du Christ,
nous amène à saisir que les apôtres pouvaient eux-mêmes faire face à cette situation. Ils pouvaient s’en remettre à Christ et lui demander d’intervenir...
D’accord ! C’était difficile à intégrer ! Mais le Christ renouvellera une mise en situation similaire plus tard. C’est dire qu’ils devaient intégrer cette réalité (Cf. Marc 6 : 32-39).
Le premier enseignement dans le type de relation souhaitée par Dieu, par Christ, par le Saint-Esprit, est de nous responsabiliser.
Premier niveau de lecture : « où est votre foi ? » = vous aviez les moyens de faire face en mon nom. Ou bien, vous n’aviez qu’à me demander d’intervenir.
Deuxième niveau : J’étais là. Ma seule présence aurait dû dissiper vos craintes et vos peurs.
Si nous intégrons complètement cette vérité fondamentale dans la relation à Christ, alors notre vie en sera totalement transformée. Nous serons formés en vue d’un témoignage puissant, tout à la gloire de Dieu. Que la traversée soit difficile ou facile, tumultueuse ou paisible, n’aura plus d’importance dans notre relation à Dieu. Dans toutes les circonstances, notre vécu dans l’adversité ou la tranquillité, bonifiera notre foi en Dieu notre Père, en Jésus-Christ notre Sauveur, et dans le Saint-Esprit notre accompagnateur.
Il n’y a pas de vraie relation de confiance, quand on reste dans le schéma de la peur et de la perpétuelle inquiétude.
Jésus a déclaré quelques jours avant ou le jour même :
« Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie ?
Ne vous inquiétez pas pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus… Ne vous inquiétez pas du lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même. » Matthieu 6 :27, 25,34.
Notons pour conclure que les disciples n’ont pas répondu aux questions du Christ, ils sont restés bloqués dans leur schéma de peur, et ils se sont posé une autre question : « Quel est donc celui-ci, à qui obéissent même le vent et la mer ? » V 41.
Quel est vraiment cet homme ? Ils le découvriront progressivement tout au long de leur vie au point d’être fiers de mourir pour le message d’amour dont il était porteur. Le Christ ne s’impose pas à nos vies, il se laisse simplement découvrir.
Conclusion :
Osons une relation, avec notre Seigneur et Sauveur, fondée sur la confiance indéfectible, quelles que soient les circonstances ou les obstacles à franchir.
Souvenons-nous qu’il désire nous accompagner dans notre barque, non pour faire partie des gréements de l’embarcation, mais pour nous faire grandir, c.à.d., progresser sans cesse dans la connaissance de nous-mêmes et de lui-même. C’est cela le bonheur de la relation d’amour.
Mais évitons aussi les 2 principaux écueils :
L’important à la limite, n’est pas de savoir que le Seigneur est là, près de nous, dans l’épreuve, mais d’apprendre à l’intégrer dans chaque projet de notre vie.
Jacques Eychenne
.