Vanité de vanités

 

 

        Vanité de vanités

                ou

  la vie a-t-elle un sens ?

     Ecclésiaste 1 : 2

 

Introduction :

 

Le livre de l’Ecclésiaste, (mot tiré de la version grecque des Septante qui vient du mot Ekkésiastès de ekklésia désignant l’Eglise ou l’assemblée. En hébreu Koheleth.) qui appartient au registre des écrits de sagesse, a été rédigé par Salomon, l’ancêtre des sages. La tradition juive confirme unanimement le fait. Cet ouvrage exprime la vision réaliste d’un homme qui a tout vécu et qui se penche sur son passé. Ce fidèle serviteur de Dieu s’interroge sur les contours en clair-obscur d’un parcours de vie. Il semble désabusé face à sa soif d’absolu. Une maxime revient comme un leitmotiv tout au long de son livre. Elle concentre toutes ses interrogations : « vanité des vanités, tout est vanité » Ecclésiaste 1 : 2 ; 12 10, version LSG. Le mot vanité revient plus de trente-cinq fois en douze chapitres. On perçoit comme une sorte de mélancolie. Insidieusement, elle risque de nous gagner au fil de la lecture du livre. En fait, cette expression feutrée du mal-être pose directement la question : à quoi bon vivre ?

 

Développement :

 

Engageons-nous dans la compréhension de ce que Salomon, digne fils de David, a voulu nous dire. Entendons-nous d’abord sur le sens du mot vanité. « Vanité de vanités » est une formule superlative qui serait poursuite du vent. (Le mot vanité = הֶבֶל hebel  ou  הַבֵל  habel = vapeur, souffle). « De la fumée, dit le Sage, tout n’est que fumée, tout part en fumée » version BFC. Ou encore « futilité complète, dit Qohèleth, futilité complète, tout n’est que futilité » version NBS. Salomon fait le constat évident que tout n’est que vent ou vapeur qui se dissipe en très peu de temps. Assurément, tout est passager et très éphémère, le bonheur comme le malheur, la santé comme la maladie, la vie comme la mort.

Salomon a analysé toutes les situations du monde des humains (cf. Ecclésiaste 1 : 13) et il en a conclu que tout n’est que poursuite du vent. Pourtant, il a tout vécu : « Je me suis dit : « Voyons ce que valent les joies de la vie, découvrons ce qu'est le bonheur. » Eh bien, cela aussi part en fumée ! Le rire est insensé et la joie ne mène à rien. J'ai décidé de goûter au plaisir du vin et d'imiter la vie des gens stupides tout en restant maître de moi-même. Je voulais comprendre ce que les humains ont de mieux à faire pendant le temps de leur vie ici-bas. J'ai entrepris de grands travaux. Je me suis construit des maisons et j'ai planté des vignes. Je me suis aménagé des jardins et des vergers avec toutes sortes d'arbres fruitiers. Je me suis creusé des réservoirs d'eau pour arroser une forêt de jeunes arbres. Je me suis procuré des esclaves, hommes et femmes, en plus de ceux que j'avais déjà. J'ai eu du gros et du petit bétail en plus grand nombre que tous ceux qui ont vécu à Jérusalem avant moi. J'ai amassé de l'argent et de l'or, trésors provenant des rois et des provinces qui m'étaient soumis. Des chanteurs et des chanteuses venaient me divertir, et j'ai été comblé autant qu'un homme peut le désirer en ayant quantité de femmes. Je devins quelqu'un de considérable, bien plus considérable que tous ceux qui ont vécu avant moi à Jérusalem. Mais pendant tout ce temps je restais lucide. Je ne me suis rien refusé de ce que je souhaitais. Je ne me suis privé d'aucun plaisir…Eh bien ! tout cela n'est que fumée, course après le vent. Les humains ne tirent aucun profit véritable de leur vie ici-bas » Ecclésiaste 2 : 1-11, version BFC.

 

A première vue on a l’impression que Salomon a vécu une profonde dépression morale. Au summum de son apparemment délire, il écrira : « Moi, je déclare les morts qui sont déjà morts plus heureux que les vivants qui sont en vie » Ecclésiaste 4 : 2, version NBS. Avec de telles paroles, on se dit que le roi Salomon dans toute sa gloire a vraiment touché le fond du fond. Mais est-ce vraiment le cas ?

Du coup, on s’interroge : comment un tel message a pu être retenu par le Judaïsme et le Christianisme pour faire partie du recueil des Ecritures saintes… passé un premier ressenti qui nous met peut-être mal à l’aise, essayons de percer le sens profond de son discours.

 

Mais surprise ! Traversant les ténèbres arrive un rayon lumineux : à y réfléchir à deux fois, on se dit que le Christ a été, lui aussi, l’auteur de paroles qui font écho à celles de Salomon. Ainsi, quand on lit la parabole des ouvriers de la onzième heure (cf. Matthieu 20 : 1-16), on se dit à quoi bon venir travailler dur dès le matin, quand celui qui vient au dernier moment touche la même solde. On pourrait conclure à l’injustice et dire comme Salomon : le travail ne sert à rien si les efforts fournis ne sont pas pris en compte !

De même quand Jésus dit « Dieu fait lever son soleil sur les méchants comme sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes comme sur les injustes » Matthieu 5 : 45. On peut se poser la question : à quoi bon être juste et généreux ?

 

Mais poussons notre réflexion plus avant !

 

C’est alors que nous découvrons dans le discours de Salomon une pensée lumineuse.  Par le biais d’un déroulé d’une existence ténébreuse (qui est loin d’être un hymne à la vie), Salomon dirige le lecteur vers la lumière d’une découverte qui annonce en filigrane l’évangile. C’est un peu comme dans un labyrinthe. Les multiples impasses forcent le marcheur à trouver la sortie. Certes, pour Salomon tout est vanité, mais c’est très souvent « sous le soleil » Ecclésiaste 1 : 3,9 ; 2 : 11,17-22 ; 3 : 16 etc. Plus de trente fois, la référence au soleil fait écho au côté sombre du tableau qu’il dépeint. Faut-il dès lors lever la tête pour voir la lumière ?

 

Nous avons peut-être là un indice qui nous dirige vers l’évangile de Christ. Si la prise de conscience de toutes les futilités de l’existence nous conduit à cette découverte, n’est-ce pas pour nous aider à atteindre le Saint Graal ?

 

La conversion spirituelle part d’un constat sur nous-même qui rejoint la pensée de Salomon. Nos prises de conscience mènent au même résultat, quand nous ressentons un grand vide dans notre for intérieur. Cela nous renvoie à la bonne nouvelle annoncée par Jésus, dès le départ de son ministère : « Il disait : Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle » Marc 1 : 15, version LSG.

Jacques, le frère du Seigneur, écrira : « Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous. Nettoyez vos mains, pécheurs ; purifiez vos cœurs, hommes irrésolus. Sentez votre misère ; soyez dans le deuil et dans les larmes ; que votre rire se change en deuil, et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le Seigneur, et il vous élèvera » Jacques 4 : 8-10, version LSG.

La foi se déploie quand un retour sur nous-même a laissé pénétrer la lumière.

 

Alors oui ! Salomon a eu raison d’insister sur toutes les futilités de nos existences. Il a eu raison de dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil depuis la création du monde. La sagesse humaine peut être vaine. La jouissance de tous les plaisirs peut laisser le cœur vide. Le travail ne peut être une fin en soi. Le pouvoir politique n’est que déception. Mieux vaut être seul qu’à deux. Se prendre pour un personnage important est le comble de la dérision. L’abondance des richesses n’est que fuite en avant. Les insatisfactions sont permanentes. Peu de gens acquierent la sagesse. L’œuvre de Dieu est insondable. Les malheurs surgissent de toute part. Les êtres humains sont stupides. Un même sort attend tous les vivants. Ils savent que la mort est un passage obligé…

Tous ces sujets sont abordés par Salomon, sans complaisance, parfois même avec un brin de poésie. « L’être humain s’en va vers ce qui sera pour toujours sa demeure, et le cortège de lamentations passe dans la rue ; avant que le cordon d’argent se détache, que le réservoir d’or se casse, que la jarre se brise à la fontaine, que la poulie se casse et tombe dans la citerne ; avant que la poussière retourne à la terre, selon ce qu’elle était, et que le souffle retourne à Dieu qui l’a donné. Futilité complète, dit Qohèleth, tout n’est que futilité » Ecclésiaste 12 : 5-8, version NBS.

 

Mais la fin de livre de Salomon nous entrouvre la fenêtre vers la lumière. Il dit dans son dernier chapitre : « Souviens-toi de ton créateur pendant les jours de ta jeunesse, avant que viennent les jours de malheur et qu’arrivent les années dont tu diras : je n’y trouve aucun plaisir » Ecclésiaste 12 : 1, version NBS.

Souviens-toi de ton créateur aux jours de ton adolescence    וּזְכֹר֙ אֶת־בּ֣וֹרְאֶ֔יךָ בִּימֵ֖י=

Ce texte contient deux paroles importantes : celle qui fait référence au souvenir qui indirectement dans l’évangile a donné naissance au mot vérité (cf. ἀλήθεια = aletheia =

le non-oubli) et celle qui nous parle d’un Dieu créateur (référence absolue à nos origines).

Salomon relie le souvenir au créateur de l’univers. Or, si le souvenir est l’opposé de l’oubli, la vérité incarnée par le Christ nous redit qu’il est le Fils envoyé par le Père et donc que nous sommes fils et filles de Dieu (cf. 2 Corinthiens 6 : 18 ; Matthieu 5 : 9). La vérité biblique n’est autre que le rappel d’une réalité qui donne sens à la vie. Cette lumière éclaire les questions d’où venons-nous ? et où allons-nous ? Autrement dit la lumière est faite sur notre passé et notre avenir. Assurément cette vérité s’accueille par la foi.

La conclusion du livre de Salomon est marquée par le sceau de la cohérence. Si Dieu est notre créateur, donc notre père, il convient d’être obéissant et respectueux de sa parole : « Fin du discours : Tout a été entendu. Crains Dieu et observe ses commandements, car c’est là tout homme : Dieu fera venir toute œuvre en jugement sur tout ce qu’elle recèle de bon ou de mauvais » Ecclésiaste 12 : 13-14, version TOB.

 

Après avoir pris en compte tous les sujets qui peuvent traverser la vie des humains, Salomon nous recentre sur l’essentiel : la Parole du Père gravée dans la roche du Sinaï est celle qu’Il veut placer sur notre cœur. Il nous met en garde indirectement en nous disant : si vous oubliez d’écouter mes paroles, si vous ne me considérez pas comme votre père, alors votre vie peut être que du vent, de la vapeur, de la fumée.

En cela Salomon annonce l’évangile de Christ. Pourquoi est-il venu sur terre ?

Il est venu nous révéler le Père et nous remettre en connexion avec lui.

« Toutes choses m 'ont été données par mon Père, et personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père ; personne non plus ne connaît le Père, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler » Matthieu 11 : 27, version NEG.

L’apôtre Jean, le disciple de l’amour insiste sur le lien qui unit le Père et le Fils. Il écrira : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il ne fait que ce qu'il voit faire au Père … le Père … lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci » Jean 5 : 19-20. Jésus a dit « Je ne puis rien faire de moi-même … je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé » Jean 5 : 30. Il dira à ses disciples : « c'est le Père qui m'a envoyé » Jean 5 : 36. « Nul ne vient au Père que par moi » Jean 14 : 6. Et enfin : « je m'en vais au Père » Jean 14 : 12. Toutefois, sa parole la plus forte fut « Moi et le Père nous sommes un » Jean 10 : 30.

Ce lien puissant qui unit le Père et le Fils va donner une autre approche de l’observance des commandements divins gravés dans la pierre. Désormais, c’est l’amour qui doit conduire à l’obéissance et non l’inverse. Le légalisme n’a plus sa place. L’observance volontaire, heureuse et joyeuse devient la référence. Le Christ a été très clair à ce sujet :

« Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui-là qui m'aime ; or celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; et je l'aimerai et je me manifesterai à lui » Jean 14 : 21, version FBJ.

« Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme, en observant les commandements de mon Père, je demeure dans son amour » Jean 15 :10, version TOB.

 

Salomon nous a invités à être attentif à la fin de son discours qui présente la crainte des commandements de Dieu comme un devoir. Cette première étape annonçait la révolution spirituelle du Christ. Désormais la relation à Dieu ne se vit plus dans la crainte mais dans la joie de l’amour.

Pourquoi Salomon arrive à cette conclusion ? Il veut rafraîchir notre mémoire en nous rappelant que les 10 paroles de Dieu ont une portée intemporelle et universelle. D’ailleurs tout ce que Dieu a fait et continue à faire est parfait. C’est le seul document écrit par Dieu lui-même qui a été remis à Moïse, porte-parole des humains en la circonstance. Beaucoup de peuples se sont inspirés de ce code de bonne conduite. Ils l’ont intégré dans leur constitution d’état.

Salomon a eu la lumineuse inspiration de replacer l’expression la plus forte de la volonté divine au cœur de nos existences. Notre Seigneur Jésus a eu pour mission d’expliciter au monde les motivations qui ont présidé au don de cette loi royale (cf. Jacques 2 : 8). Il l’a synthétisée par ces mots prégnants : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C 'est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes » Matthieu 22 : 37-40, version LSG.

En agissant de la sorte, le Seigneur n’a fait que remettre à l’honneur ce qui avait été déjà dit à Moïse : « Tu aimeras l’Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Et ces commandements que je te donne aujourd’hui, seront dans ton cœur » Deutéronome 6 : 5-6, version LSG.

Salomon a remis à l’honneur l’autorité bienfaisante de Dieu au centre des débats. Qu’en est-il aujourd’hui ? Pourquoi ceux qui veulent rester fidèles aux dix Paroles divines sont taxés de légalisme ? Certes, personne n’est clean dans l’observation de la volonté divine, mais il y a ceux qui la reconnaissent et ceux qui s’en accommodent.

 

A ce propos, la vérité peut être dérangeante. Au cours de l’histoire la chrétienté a apporté des modifications au texte original divin. Déjà en soii la démarche était suspecte. Comment des êtres humains pouvaient-ils s’arroger le droit de corriger ce que Dieu avait édicté ? Dieu avait-il mal fait les choses ?

Rappelons à cet endroit et par souci de vérité historique, que c’est pour des questions politico-religieuses que ces modifications ont été faites. A l’arrière-plan on ne peut nier des pensées antisémites. Sans entrer dans les détails (1), disons qu’à partir du 4è siècle, le transfert s’est fait du sabbat au dimanche. Depuis plus de 16 siècles cette tradition s’est imposée à presque toute la chrétienté. Les arguments énoncés sont pourtant fallacieux. La réalité est que le Christ est toujours resté fidèle à ce que son père avait dit. Le jour Seigneurial pour lui était le sabbat (cf. « Le fils de l’homme est Seigneur aussi du sabbat » Marc 2 : 28, version DRB. Observons que si le Christ avait apporté sur ce commandement la moindre modification, il en aurait parlé à ses fidèles proches. Or, tous ses proches continuent à observer le sabbat même après sa mort (cf. Luc 23 : 56). De plus, Jésus a prophétisé sur la destruction de Jérusalem en 70 de notre ère en disant : « Priez pour que votre fuite ne tombe pas en hiver, ni un jour de sabbat » Matthieu 24 : 20, version FBJ.

D’autres communautés ont cru bon supprimer le deuxième commandement parce qu’il devenait gênant et ont dédoublé le dixième pour respecter le nombre 10.

Précisons que ces faits historiques apportés ici n’entrent pas dans un débat polémiste. Chacun est libre de ses choix. Le respect s’impose. Toutefois observons une divergence d’appréciation dans la conception de l’amour, tel que le Christ l’a vécu. Pour nous, il est inconcevable qu’il se vive en dehors de la fidélité à une parole donnée par Dieu et reprise par son Fils.

 

Conclusion :

 

La vie a-t-elle un sens ? Par tous les temps, dans les bourrasques, par vents et marées, vaille que vaille, la quête de la lumière peut éclairer notre être intérieur.

A la manière d’un Rembrandt, un des plus grands peintres du XXVII è siècle qui a su admirablement marier les jeux d’ombre et de lumière (grand maître du clair-obscur), Salomon a lui aussi utilisé la part sombre de la tragédie humaine pour mettre en pleine lumière le sens profond de la vie. Cette réflexion n’est qu’une invitation à approfondir le puits de lumière que Dieu, notre Père, a placé dans chacun de nous, afin que jamais notre passage ici-bas ne soit que vent, vapeur ou fumée.

 

« Une conscience sans Dieu, c’est un tribunal sans juge » Lamartine, artiste, écrivain, homme politique français (1790-1869).

 

                                                                                     Jacques Eychenne

 

PS : (1) Je reste ouvert à un débat non-polémiste sur le sujet.

  • L’image qui accompagne le titre de cette réflexion est un tableau de Rembrandt qui s’intitule : « Les yeux crevés de Samson » Les jeux d’ombre et de lumière sont d’une beauté rare.
  • BFC, version Bible en Français Courant ; LSG, version Louis Segond ; NBS, version Nouvelle Bible Segond ; TOB, version Traduction Œcuménique de la Bible ; NEG, version Nouvelles Editions de Genève ; FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem ; DRB, version Darby.

 

 

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