Tu lui donneras le nom de Jésus

  

 

               Tu lui donneras

        le nom de Jésus

                                  ou

         un sauveur nous est né

              Luc 1 : 31 ; 2 : 21

 

Introduction :

 

L’histoire de Zacharie et d’Elisabeth, aussi extraordinaire soit-elle, annonce un autre évènement encore plus grand : la naissance du sauveur de l’humanité. L’ange Gabriel, certainement le même qui était apparu  au sacrificateur Zacharie (cf. Luc 1 : 19), est envoyé cette fois à Nazareth. De Jérusalem, cet ange, spécialiste dans l’annonce des naissances, se déplace au Nord-Ouest du pays d’Israël. Ce n’est plus à un vieillard que l’ange s’adresse, mais à une toute jeune femme : Marie. Elle est fiancée à un homme d’âge mûr nommé Joseph. Il est descendant de la maison de David. Le lien avec la prophétie passe par lui et non par Marie (cf. Luc 1 : 27). Pourquoi ce choix ?

Certainement pour attirer notre attention sur l’enfant qui va naître. En effet, si avec Zacharie nous étions mis en rapport avec le sacerdoce, cette fois avec Joseph, nous sommes en contact avec la descendance de la royauté de David. Ainsi, la révélation divine met à l’honneur les deux piliers de l’histoire d’Israël : le sacerdoce et la royauté.

 

Développement :

 

Certes, nous comprenons la référence à l’histoire passionnante de ce peuple, mais on peut toutefois être surpris par le choix divin. Pour un évènement aussi considérable, on s’attendait à ce que l’ange Gabriel visite un jeune couple sympa comme il en existe tant dans le monde. Mais au lieu de cela et plus conforme aux coutumes du Moyen Orient, le couple qui va recevoir la visite de l’ange est composé d’une jeune adolescente et d’un homme d’un âge certain (on estime à près de 40 ans l’âge de Joseph. Comme la durée de vie n’excédait pas environ 70 ans, Joseph n’aura jamais la joie de connaître le ministère fabuleux de son fils. Après les années de jeunesse de Jésus, il disparaît complètement des radars des évangiles).  Joseph et Marie sont fiancés. Ce qui veut dire dans le langage biblique que deux familles sont engagées. Cette fois, l’ange s’adresse à la jeune femme. Le récit met en avant la virginité de Marie avant que l’on connaisse son nom :

« au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie. »  Luc 1 : 26-27, version N.E.Genève.

Il faut dire que la question de la virginité faisait référence à la pureté et à l’innocence. La coutume était très prégnante à cette époque. Mais si le texte insiste sur ce point, c’est encore plus pour faire ressortir  le miracle qui va suivre et ce dont l’enfant qui va naître va être porteur.

« L'ange entra auprès d'elle et lui dit: « Sois joyeuse, toi qui as la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi. À ces mots, elle fut très troublée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L'ange lui dit: « sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père; il régnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n'aura pas de fin. »  Luc 1 : 28-33, version TOB.

 

Que nous dit ce récit ?

 

Il nous apprend que l’ange Gabriel vient lui annoncer une bonne nouvelle, tout comme il l’avait fait précédemment avec Zacharie (cf. Luc 1 : 19). Ce n’est pas une salutation ordinaire que lui adresse cet ange ! Il l’invite, dès à présent, à se réjouir (χαίρω = se réjouir, être joyeux, avoir de la joie, cf. Matthieu 2 : 10 ; Marc 14 : 11 ; Jean 8 : 56 ; 16 : 20 etc.). Oui ! Elle doit être dans la joie, car elle va bénéficier d’une faveur (cf. χαριτόω = accorder une faveur, faire la grâce, gratifier, de χαρις = la grâce). Une grâce lui est accordée. L’ange, pressentant son trouble, lui dit pour la rassurer : « le Seigneur (cf. ὁ κύριος = le Seigneur, appellation qui appartiendra désormais au Christ) est avec toi ». Marie ne comprend pas ce qui lui arrive… Elle est saisie de crainte, de peur (cf. le verbe  φοβέω est fort. Le même verbe est utilisé quand Jésus marche sur les eaux du lac de Galilée et que ses disciples croient voir un fantôme. Ils sont paniqués). L’ange continue à l’apaiser. Elle a trouvé grâce auprès de Dieu. Marie est créditée d’une grâce en vue d’une mission : mettre au monde un enfant. Elle devra l’appeler Jésus (cf. Ἰησοῦς = Jésus est le nom correspondant à Yehoshua ou Yeshoua = L’Eternel est salut ou l’Eternel sauve= Josué en français, successeur de Moïse). Mais Marie doit intégrer cette vérité, difficile sûrement à accueillir : cet enfant ne sera pas son fils, il sera le Fils du Très-haut, (autant dire de Dieu lui-même). Son père ne sera pas Joseph, mais symboliquement David. Il sera donc roi et régnera sur la famille de Jacob dont le nom fut changé en celui d’Israël (cf. Pourquoi ce changement ? Jacob a lutté avec Dieu et avec les hommes, et il en est sorti vainqueur, Genèse 32 : 28). Marie doit comprendre que l’enfant qui va naître est rattaché à une généalogie prestigieuse. C’est un vainqueur (cf. Jacob) qui annonce, par David,  une royauté à venir. Et, en plus de toutes ces annonces bouleversantes, elle doit acter le fait que l’enfant est appelé à un règne éternel.  Pour Marie, cette adolescente, cela faisait  beaucoup, même avec la foi ! Elle a dû être sous le choc. Pourtant,  ces annonces étaient prestigieuses…

 

Aussi, comme beaucoup avant elle (exemple tout proche de Zacharie, cf. Luc 1 : 18), elle éprouve le besoin de questionner l’ange : « mais comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme ? »  Luc 1 : 34, version de Jérusalem. Et Gabriel répond : « L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre; c'est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Elisabeth, ta parente, est elle aussi enceinte d'un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, elle qu'on appelait la stérile, car rien n'est impossible à Dieu. Marie dit alors: « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu me l'as dit! Et l'ange la quitta. » Luc 1 : 35-38, version TOB.

L’ange lui avait annoncé qu’elle serait enceinte, mais sans lui dire comment. Maintenant, il précise que le fait est l’œuvre de Dieu lui-même. De plus, l’ange Gabriel lui rappelle qu’il sera appelé Fils de Dieu (cf. Emmanuel = Dieu avec nous, Matthieu 1 : 23).  Ce fils ne lui appartiendra pas, elle s’en apercevra au fil des ans. Jamais conception semblable ne s’était produite. Elle relevait du miracle. Pour encourager la jeune Marie à entrer dans le plan divin, l’ange va l’informer d’un autre miracle qui a eu lieu il y a 6 mois. Il  concerne Elisabeth sa parente. Observons que  tout le programme est habilement présenté pour entraîner l’adhésion de Marie. Pourtant, à la suite de toutes ces informations qui relèvent du merveilleux, on aurait bien aimé connaître ses sentiments… En fait, Marie a saisi par la foi l’affirmation extraordinaire que « rien n’est impossible à Dieu.» C’est à la suite de cette déclaration, véritable révélation d’amour, que Marie accueille dans son cœur le plan de Dieu pour elle ( il en est de même pour nous quand nous ne comprenons pas tout…).

 

Le récit se contente de nous dire deux choses : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu me l'as dit ! ». Et, « Marie partit en hâte pour se rendre dans le haut pays, dans une ville de Juda. » Elle partit rejoindre Elisabeth et Zacharie. Luc 1 : 39-40, version TOB. 

Marie, comme tous les êtres spirituellement confiants, a manifesté son désir profond d’accepter la volonté de Dieu. Elle se positionne comme une esclave au service d’un maître (cf. Le mot grec δούλη = femme esclave au service de quelqu’un.). Cette jeune Marie est habitée par une humilité remarquable. Cette noble attitude tranche avec tous les titres extravagants que lui ont décernés les religieux au cours des siècles : Marie mère de Dieu, déesse ou reine des cieux, Co-rédemptrice, les gloires de Marie etc… (Le fait de déifier une femme dans la religion chrétienne s’est imposé comme pour combler un manque avec bon nombre de religions païennes. Ce n’est qu’au Concile d’Ephèse en juin 431 que Marie a été appelée Mère de Dieu.  Mais on est loin des évidences qui ressortent de l’étude du Nouveau Testament. Marie est totalement absente dans la construction des premières communautés. Par contre son témoignage spirituel est exceptionnel. Il invite à être suivi en toute humilité).

Notons encore que le fait de partir en hâte rejoindre sa parente Elisabeth peut aussi révéler un besoin humain d’avoir une confirmation de cette volonté divine. La foi humaine a sans cesse besoin d’être soutenue par le divin (cf. Luc 17 : 4) et Marie n’a pas échappé à cette réalité. Sa foi a été étayée par la belle déclaration d’Elisabeth : « Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement. » Luc 1 : 45 , version Louis Segond.

A l’ouïe de ces paroles, Marie laisse son cœur traduire la profondeur de ses sentiments pour son Dieu. Son témoignage, éloquent de simplicité, a laissé s’éventer un parfum de grand prix qui embaume encore aujourd’hui l’atmosphère de nos vies :

« Marie dit: mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur, parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Car voici, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, parce que le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses. Son nom est saint, et sa miséricorde s'étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Il a déployé la force de son bras; il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses. Il a renversé les puissants de leurs trônes, et il a élevé les humbles. Il a rassasié de biens les affamés, et il a renvoyé les riches à vide. Il a secouru Israël, son serviteur, et il s'est souvenu de sa miséricorde, comme il l'avait dit à nos pères, envers Abraham et sa postérité pour toujours. » Luc 1 : 46-55, version Louis Segond.

 

La beauté du témoignage de Marie est en phase avec le sublime.

Relevons ce qui édifie notre foi.

  • D’abord et en premier la joie. Son amour pour Dieu a embrasé son cœur et son esprit (l’amour et la joie sont les deux premiers fruits de L’Esprit, cf. Galates 5 : 23).
  • Pour Marie, Dieu est son sauveur personnel. Marie a été touchée par la tendresse divine. Elle a été sensible à l’attention que ce Père des cieux lui a apportée.
  • Son humilité est telle qu’elle parle de « bassesse de sa servante » (lit. L’humiliation de ton esclave). Pour atteindre ce degré de conscience de sa véritable condition humaine devant Dieu, il faut assurément être visité par l’Esprit divin. C’est cette humilité qui aurait dû être reconnue en elle au travers des siècles, afin de la reconnaître comme bienheureuse (bienheureuse = appelée et considérée comme bénie. μακαρίζω= proclamer heureux ; cf. Jacques 5 : 11).
  • Si elle affirme que le Seigneur a fait pour elle de grandes choses, c’est qu’elle a déjà expérimenté les bienfaits du Tout-Puissant. Cela sous-entend un parcours spirituel profond dès son plus jeune âge.
  • Quand on a, comme elle, une telle qualité de relation à Dieu, le respect et la reconnaissance se conjuguent avec des faits précis. C’est au travers d’une expérience concrète qu’elle peut mesurer la force d’intervention de Dieu dans sa vie et dans le cœur des humains. Au-delà du récit, Nous sommes tous concernés, y compris les puissants et les gueux, les repus et les faméliques. Dieu peut déposséder les riches de leurs biens nous dira l’apôtre… (cf. Jacques 5 : 1-6).
  • Marie s’inscrit dans la lignée des Pères de sa nation : celle d’Israël avec Jacob (dont le nom fut changé en Israël), puis, celle plus large, de toutes les nations et de tous les croyants de la terre avec Abraham (cf. Genèse 17 : 5 ; Romains 4 : 13 ;  Matthieu 8 : 11 ; 22 : 32 ; Luc 3 : 8 ; Galates 3 : 9).
  • Marie affirme enfin que les promesses de Dieu sont certaines. La grâce qu’elle a reçue n’est que l’accomplissement des prophéties. Dieu réalise ce qu’il avait promis à ses ancêtres et à leur postérité pour toujours (lit. εἰς τὸν αἰῶνα = pour l’éternité).
  •  

Quel témoignage éloquent ! Heureusement que Luc, qui est le seul à nous le rapporter sous cette forme, s’est bien documenté. Il n’est d’ailleurs pas déraisonnable de penser que ses renseignements lui ont été fournis par Marie elle-même. Marie passa donc ses trois premiers  mois de grossesse chez Elisabeth, puis elle s’en retourna chez elle. Luc passe sous silence la grosse discussion qui a dû avoir lieu quand Joseph constata que Marie était enceinte, alors qu’ils ne partageaient pas encore une vie commune. Mais Matthieu nous apporte des précisions :

« voici quelle fut l'origine de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph; or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement. Il avait formé ce projet, et voici que l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit: « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse: ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint, et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ».Tout cela arriva pour que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d'Emmanuel, ce qui se traduit: «Dieu avec nous». À son réveil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit: il prit chez lui son épouse, mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus. »  Matthieu 1 : 18-25, version TOB.

 

Que veut nous dire le récit de Matthieu ?

 

  • Les fiançailles ne signifiaient pas une vie commune.
  • Marie est enceinte sans intervention humaine, c’est le fait de Dieu.
  • Pour Joseph cette constatation est inacceptable. Dans un premier temps, il pense faire d’elle un exemple. Le verbe est fort. Il exprime toute l’immense déception de Joseph (cf. δειγματίζω = Donner en spectacle, en exemple, d’où se moquer, Colossiens 2 : 15). En homme amoureux, Joseph, comme tous les hommes de son temps, avait raison d’être indigné par la trahison de sa fiancée. Le fait n’était pas anodin. Il est important de le prendre en considération quand on lit cette histoire (en parlant cru : être cocu a toujours été perçu comme une atteinte à sa dignité…).
  • C’est tellement vrai que sans l’intervention de l’ange, la rupture entre eux aurait été consommée. Seulement Joseph est un homme raisonnable, plein de sagesse…
  • Il réalise peut-être que tout ce qui leur arrive est conforme aux prophéties.
  • Il a fallu autant de foi à Joseph qu’à Marie. Joseph accueille certainement la recommandation de l’ange avec bonheur.
  • Elle va vivre avec lui. Pourtant, rien ne nous dit qu’il y a eu mariage. Ce qui signe la réalité d’une union est donc l’engagement d’amour dans un vivre ensemble au vu de toutes les familles. La relation intime viendra plus tard (l’amour sait être patient, pour Paul c’est ce qui le caractérise en premier cf. 1 Corinthiens 13 : 4).
  • Joseph donne le nom de Jésus à l’enfant, suivant les directives reçues.

Conclusion :

 

La naissance du sauveur du monde (cf. Jean 4 : 42) nous révèle l’amour d’un Dieu qui vient traverser l’humain. Il nous dit son besoin de relation à l’humain et le projet grandiose qu’il a conçu pour son bien. Tout respire le parfum de l’espérance. Marie et Joseph sont les acteurs privilégiés d’une grande histoire d’amour qui n’est pas encore totalement achevée. Si Dieu est Amour et Vie, c’est dire que la projection de ce qu’il est aura un prolongement dans le temps. Ce récit nous dit que la Vie et l’Amour seront éternels et nous sommes tous concernés individuellement si nous le désirons. A chacun d’en prendre conscience.

                                                                                  

                                                                       Jacques Eychenne

 

 

 

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