Pour une marche de service

 

 

 Pour une marche

    de service

       Luc 9 : 46-62

Introduction :

 

Les erreurs du christianisme ont nourri le rejet de Dieu. Cette évidence historique a-t-elle dénaturé les propos révolutionnaires de Jésus de Nazareth ? En d’autres termes, est-ce que les difficultés d’application du message chrétien ont été de nature à remettre en question l’essence même de son enseignement ? Quelles recommandations de service le Seigneur a-t-il données à ses disciples ? Examinons le contenu de son enseignement, lui qui fut en son temps, reconnu comme un maître.

 

Développement :

 

Les erreurs regrettables des chrétiens peuvent-elles justifier le rejet de son message ? Objectons, à tous ceux qui dénigrent tout ce qui vient de Dieu, que la meilleure des lois ne garantit pas sa bonne application. Il y a même de très bonnes lois qui n’ont jamais eu de décret d’application. Etablissons donc une différence entre le contenu d’un enseignement, et sa mise en pratique. Quels sont les grands principes révolutionnaires que le Seigneur a mis en exergue. Qu’a-t-il enseigné concernant les vraies dispositions de service vis-à-vis d’autrui. En d’autres termes, examinons les caractéristiques du vrai service chrétien préconisé par le Christ lui-même. La première énoncée, dans le chapitre neuf de Luc, est l’humilité. Elle s’oppose à toutes les prétentions multiples des hommes de notre temps, y compris à celles des chrétiens qui prêchent la pureté absolue. En fait, l’humilité nous fait nous regarder, certes avec bienveillance, mais aussi avec des exigences responsables, sans excès, sans mysticisme et ascétisme. Si le chrétien ne peut être parfait, par contre il prend la vie parfaite du Christ pour modèle, et son message comme référence suprême. Pourquoi l’humilité est la notion première du service chrétien ?

En chemin, en direction de Jérusalem, Jésus a surpris une discussion de ses disciples sur un sujet polémique. Que disaient-ils en particulier ? « Ils eurent une discussion entre eux pour savoir lequel parmi eux était le plus grand. » Luc 9 : 46, version NBS et Segond 21. Il est vrai que faire partie du clan d’un personnage si charismatique et si brillant, devait être gratifiant. La compréhension d’un Messie rebutant les romains hors de Palestine était commune. Il était donc facile d’épouser cet état d’esprit. Dans l’éventualité d’une montée en puissance du Christ s’emparant du pouvoir, ses disciples se voyaient déjà ministrables. Du coup, s’interpeler entre eux pour reconnaître qui était le plus apte à occuper le poste de premier ministre, paraissait logique. Que fit alors le Christ : « Jésus connaissait la pensée de leur cœur ; il prit un petit enfant, le plaça près de lui et leur dit : « Celui qui accueille en mon nom ce petit enfant, c’est moi-même qu’il accueille, et celui qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé. En effet, celui qui est le plus petit parmi vous tous, c’est celui-là qui est le plus grand. » Luc 9 : 47-48, version NBS, Segond 21.

La première idée révolutionnaire du Christ a été de recadrer les prétentions humaines sur un terrain pratique, à vocation spirituelle. La première caractéristique d’un service pour Dieu, soulignée en gras par le Seigneur est l’humilité. Sur ce point, le Christ lui-même a donné l’exemple (cf. Jean 13). Jean le baptiste avait déjà intégré cette vérité, quand il déclara publiquement : « Il faut qu’il croisse et que moi je diminue » Jean 3 :30

Pourquoi l’humilité (qui n’a rien à voir avec une dévalorisation de soi) est-elle si importante ? Parce qu’elle qualifie le vrai service. Ce qui le caractérise est en fait la préoccupation première de notre profond intérêt pour les autres. La grandeur du service se mesure à notre amour désintéressé pour autrui (cf. Marc 10 : 42-45). Sur un plan personnel, l’autre facette, fait référence à un dessaisissement de notre moi. Si dans le bouddhisme le moi est une illusion, dans le christianisme il est une réalité à éroder, à polir, à façonner.  L’humilité est la capacité à se laisser façonner par l’esprit saint si du moins il nous habite, afin que nous trouvions notre place dans la société. L’humilité nous fait sortir de soi. Il est embryon de la foi. L’important n’est donc pas de savoir qui est le plus grand, mais où est notre place dans cette humanité. Le Christ a montré que la véritable grandeur revient à celui qui se dit serviteur des autres. « Quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur… Car le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon de beaucoup. » Marc 10 : 45 C’est assurément la raison pour laquelle l’apôtre Pierre nous conseille en disant : « Revêtez-vous d’humilité, car Dieu s’oppose aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles. » 1 Pierre 5 : 5.

L’autre écueil du vrai service consiste à vouloir éliminer tout ce qui nous dérange et à évincer toute personne gênante. Toujours dans L’évangile de Luc (cf. Chapitre 9) Jésus cheminant vers Jérusalem avec ses disciples, désira s’arrêter dans une bourgade de Samarie. Il dépêcha quelques disciples pour trouver un logement pour la nuit. Mais malheureusement, les habitants de ce petit village ne voulurent pas les recevoir, parce qu’ils étaient juifs. Constatant ce refus incompréhensible, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions au feu de descendre du ciel et de les consumer ?  Jésus se tourna vers eux et leur adressa des reproches en disant : vous ne savez pas de quel esprit vous êtes animés. En effet, le Fils de l’homme n’est pas venu pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver. Et ils allèrent dans un autre village » Luc 9 : 54-56.

L’antagonisme entre Juifs et Samaritains, vieux de plusieurs siècles, remontant aux descendants de Salomon, ne pouvait en aucun cas justifier pareil comportement. La vengeance étant un sentiment humain très fort, il fallait une force spirituelle supérieure pour l’endiguer. Cette force n’a rien de commun avec les mesures radicales et violentes prises par les extrémistes fanatiques. Vouloir utiliser la force pour faire triompher ses idées est une aberration. Cette pratique est aveu de faiblesse, manque d’intelligence, incapacité à dialoguer posément. Citons les désastreuses croisades, les inquisitions, les tortures, les déportations, les génocides etc… L’antidote préconisé par le Christ est l’amour du prochain, même si c’est l’ennemi (cf. Matthieu 5 :38-41 ; 43-45). Le vrai service est celui qui ne se laisse pas envahir par des sentiments négatifs relayés par les autorités, la foule ou les médias (il est vrai que sans une aide divine, il est difficile de faire taire les tendances de notre nature humaine, surtout si on s’en prend aux siens). Faire référence à Dieu pour justifier des propos d’exclusion ne relève pas de notre autorité. Le Christ nous a enseignés une démarche bienveillante…

Elle a pour corollaire la tolérance. Pourquoi l’intolérance est-elle devenue l’arme des puissants ? Est-ce le sectarisme qui nourrit l’intolérance, ou l’intolérance qui alimente le sectarisme ? Un fait est certain, l’intolérance se nourrit d’amertume, d’hostilité ou d’agressivité vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas les mêmes opinions ou croyances. La démarche systématique de rejet alimente le sectarisme. Notre monde est menacé par une folie spirituellement sectaire. Le conditionnement qui revendique la possession d’une vérité exclusive -qui ne peut en aucun cas être remise en question en Christ- conduit au fanatisme. C’est l’intolérance à l’extrême. Ce comportement est le plus dangereux, car aucune concession n’est possible. Dans ce contexte, la vérité spirituelle ne se discute pas, elle s’impose par tous les moyens, y compris la force.

Sur la route de Jérusalem, les disciples ont, en une certaine occasion, fait preuve de sectarisme. L’apôtre Jean prit la parole et dit : « Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des démons en ton nom, et nous l’en avons empêché, parce qu’il ne nous suit pas. Ne l’en empêchez pas, lui répondit Jésus, car celui qui n’est pas contre nous est pour nous » Luc 9 : 49-50. Pour comprendre ces paroles, il nous faut prendre en considération le contexte dans lequel ces propos ont été rapportés. De ce fait, on s’aperçoit qu’un peu en amont, le texte de Luc nous signale l’échec cuisant des disciples sur un sujet analogue, à savoir le pouvoir de chasser les démons.  Ils ont été incapables de guérir un fils unique, possédé par un esprit impur (cf. Luc 9 : 38-40). La vérité est que les disciples n’ont pas pu supporter de voir d’autres réussir, là où ils avaient échoué. L’intolérance est alimentée (entre autres) par la jalousie. Le sectarisme est dans ce contexte un phénomène de groupe. C’est parce qu’il n’appartenait pas au groupe des disciples du Christ, que cet homme a été frappé d’exclusion (Reconnaissons qu’il est toujours vexant de voir quelqu’un réussir là où nous avons échoué !). Toute exclusion est un échec, méfions-nous de la pensée unique qui n’entrevoit qu’une seule vérité ! Ce comportement radical porte en lui toutes les formes de rejets.

Mais Jésus va mettre en avant un autre principe : Il n’appartient pas à l’humain d’établir une sélection pour déterminer qui est apte ou pas à définir le mot glorieux de la vérité.  Cela n’appartient qu’à Dieu seul, car cela fait partie intrinsèque de ce qu’il est. Par extension cette vérité nous a été révélée par le Christ, identifié comme incarnant cette vérité. Dans ce contexte posséder la vérité est un abus de langage. L’humilité nous conduit à dire que c’est l’inverse qui est vrai (dire que l’on possède le Christ-Vérité est une ambition qui n’a pas sa place dans l’univers chrétien). C’est notre Seigneur qui prend possession de nous par son esprit. L’apôtre Paul dira « J'ai été crucifié avec Christ ; et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi »   Galates 2 : 20, version LSG.

Dans la parabole de l’ivraie et du bon grain, Jésus dira qu’il faut laisser croître ensemble l’ivraie et le bon grain jusqu’à la moisson. Pourquoi ne pas ôter l’ivraie du champ ? Sa réponse : En voulant enlever le mauvais, on risque d’arracher aussi les bons épis de blé (cf. Matthieu 13 :

24-30).

  Apprenons à nous réjouir du succès d’autres communautés religieuses quand leur témoignage chrétien trouve le chemin des cœurs. Les querelles de clocher n’ont pas leur place. Dieu saura reconnaître ses combattants de la foi, au service du bien… Les chemins de la foi sont multiples. Personne ne peut revendiquer le monopole de la prédication de l’Evangile du Seigneur Jésus. Dans ce même chapitre 9 de Luc, d’autres écueils sont pointés par le Christ. Ils sont en regard des motivations qui nous habitent. Le Seigneur procède à une petite récapitulation des excuses que nous avançons pour refuser de suivre ses enseignements.

Un jour, sur la route de Jérusalem, le Seigneur est approché par un scribe (cf. Matthieu 8 : 18).  Il fait partie de la classe intelligente de la société. Il interpelle le Seigneur en disant : « Je te suivrai partout où tu iras » Luc 9 : 57 Apparemment, la démarche est volontaire, elle a même un petit côté sympa. Et pourtant, la réponse du Christ est vraiment déconcertante : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l’homme n’a pas un endroit où il puisse reposer sa tête. » Luc 9 :58 La réplique de Jésus ne pose pas sur cet homme une forme de rejet. Elle l’invite à la réflexion. Cet homme a agi très spontanément, mais a-t-il mesuré les conséquences de ses paroles ? La réplique prouve que non ! Or, Jésus ne veut pas être entouré de disciples inconscients des défis à relever. Il met l’accent sur les motivations de nos décisions. Lui seul peut savoir si elles ne sont que l’œuvre d’un moment, d’une l’émotion dans un instantané. Apparemment, la décision de ce scribe n’était pas assez mûre. Cela nous renvoie à toutes ces situations où nous avons ressenti la nécessité d’un engagement plus profond sur le plan chrétien… Repensons à ces moments, où sous le coup d’une forte émotion, nous avons promis des choses que nous n’avons pu tenir. Nous avons laissé parler nos sentiments sans trop réfléchir aux conséquences de notre engagement… Jésus essaie de dire à ce scribe, certainement sincère, que le suivre, c’est renoncer au confort d’une situation stable, c’est aller vers l’inconnu au gré du besoin des hommes, c’est connaître l’insécurité, assumer les rejets, les mauvais traitements… Le Christ est dans le registre de l’amour, et se faisant, il ne peut accepter un engagement au rabais. Jésus fait le choix d’être clair dans une relation qui a pour vocation le service. Le texte ne nous dit pas ce que le scribe fit par la suite…

Le texte poursuit : « Il dit à un autre : suis-moi. » Il répondit : « Seigneur permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. » Mais Jésus lui dit : « Laisse les morts enterrer leurs morts et toi, va annoncer le royaume de Dieu » Luc 9 : 59-60. Cette fois, c’est le Maître qui prend l’initiative d’appeler un inconnu au service. Pourquoi lui ? Qu’a-t-il fait de particulier ? A-t-il décelé en lui une aptitude spéciale au service ? Cet homme, sûrement jeune, ne dit pas non, mais il formule au préalable une demande. Elle paraît tout à fait légitime. (N’oublions pas qu’en ce temps-là, l’ensevelissement suivait de très près la mort). Alors, pourquoi la réponse du Christ nous apparaît-elle surprenante ? N’est-ce pas parce que cet homme émet une condition et ne donne pas la priorité à l’appel du Prince de la vie ? La réponse de Jésus nous oriente vers une redéfinition des priorités. Le contraste est posé entre la vie et la mort. Où est l’urgence ? Dans la vie, ou dans la mort ? Ce qui nous semble légitime, ne l’est peut-être pas pour Dieu, et la condition peut masquer un manque de motivation. C’est peut-être un refus déguisé. Même si la justification peut être qualifiée de bonne, elle n’était peut-être que prétexte, pour le Christ. Ne sont-elles pas nombreuses nos fausses bonnes excuses pour refuser de suivre le Christ ?

Le texte poursuit : « Un autre dit : « Je te suivrai, Seigneur, mais permets-moi d’aller d’abord faire mes adieux à ceux de ma maison. » Jésus lui répondit : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu ». Luc 9 : 61-62 Là encore, la réponse paraît sévère. Cet inconnu n’a-t-il pas de lui-même, exprimé le désir de suivre le Maître ? Informer les siens de sa décision, n’est-ce pas légitime ? La réaction du Christ n’est-elle pas excessive ? Essayons de découvrir les motivations secrètes de cet homme. Prendre congé des siens, suivant les habitudes occidentales ne prend que quelques minutes, mais n’oublions pas que nous sommes au Moyen-Orient. Les adieux peuvent s’étaler sur plusieurs jours, un peu comme des festivités. En fait, cet homme veut suivre Jésus, après avoir régler ses affaires familiales et fait ses « adieux à ceux de sa maison » (Expression large qui peut inclure les amis). Là encore, la démarche ne nous apparaît pas malsaine. Et pourtant, Jésus va la considérer comme étant incompatible avec le service pour Dieu. Pourquoi ?  Dans la phrase de cet inconnu, n’est-ce pas le : « d’abord » qui pose problème ? Puis ensuite, le fait de revenir en arrière ? Ce qui nous semble légitime, ne l’est plus, dès lors que la motivation est encombrée par le : « d’abord ». Là encore, une priorité est posée par le Christ : On ne peut pas vouloir aller de l’avant et retourner en arrière à la fois. La réponse de Jésus renvoie à un choix clair. Celui qui a décidé de conduire la charrue ne peut que regarder devant. C’est devant que s’ouvre le sillon, c’est devant que se construit le chemin, c’est devant que se vit l’aventure de la foi. Aujourd’hui, il en est de même. On peut suivre Jésus, tout en faisant son travail, mais on ne peut pas le suivre sans s’être positionné différemment pour orienter sa vie autrement. Au lieu de penser à ce que l’on quitte, la foi nous aide à regarder vers ce que l’on va découvrir. Le choix de suivre Christ est un choix libérateur. C’est par l’expérience qu’on le mesure.

 

Conclusion :

 

Ce chapitre neuf de Luc nous fait prendre conscience des multiples excuses qui jalonnent nos refus à servir Dieu. La priorité d’aimer Dieu ne semble plus en adéquation avec nos quotidiens. Pourtant, le Christ (notre exemple) a dû, lui aussi, se libérer (entre autres) de l’empreinte familiale, parce qu’elle était dans l’incompréhension totale de sa vocation (cf. Jean 7 : 1-10 ; Matthieu 12 : 46-50 ; Marc 3 : 31-55 ; Luc 8 : 19-21). Faire le choix de servir Dieu, là où il nous a placés, c’est, opter pour une vraie libération. Pour connaître ce bonheur, il est important de prendre en considération toutes les fausses excuses, tous les faux semblants, tous les pièges qui altèrent nos bons choix de vie. Si le chapitre suivant parle de la mission que le Christ confie à ses 70 disciples, c’est pour nous encourager à voir l’avenir positivement. Même si le parcours chrétien est un chemin étroit et caillouteux, n’oublions jamais la promesse du Sauveur : « Et moi, Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » Matthieu 28 : 20.

                                                                                   Jacques Eychenne

PS : NBS, version Nouvelle Bible Segond ; LSG, version Louis Segond.

 

 

 

 

 

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