La parabole du riche et de Lazare

 

             La parabole

         du riche

       et de Lazare

                    ou

           Aimer  pour vivre   

      Luc 16 :19-31

 

 

Introduction :

 

Avant d’aborder le contexte et la signification de cette parabole, il est important de définir ce qu’est une parabole, car ce récit en a toutes les caractéristiques. Le mot grec Пαρρβολη utilisé par Luc dans son évangile (cf. Luc 13 : 6), signifie avant tout une comparaison, un symbole, un discours allégorique. La parabole tire sa substance de faits réels ou imaginaires, inscrits dans la pensée populaire. Elle a pour objectif de mettre en relief un enseignement spirituel. La parabole emprunte donc des images familières de la vie courante, ou des histoires connues, comme c’est certainement le cas dans notre récit. Tout ce que les pharisiens croyaient du temps de Jésus n’était pas forcément en harmonie avec son enseignement (exemple : les sadducéens ne croyaient pas à la résurrection), mais le sauveur s’en est servi pour délivrer une parole de  vérité. On s’accorde à penser que le Seigneur a utilisé dans cette circonstance un récit connu des anciens, émanant de la tradition talmudique (1). Mais on retrouve aussi de fortes analogies avec une légende égyptienne attestée par la découverte de documents du 1ers.apr. J-C. (2). Luc, qui est le seul à nous rapporter ce récit, nous dit bien au début de son évangile, s’être bien documenté. Il était donc au courant des traditions populaires. Ainsi, le Christ a utilisé ce qui était connu pour mettre en avant son enseignement. Notons enfin que l’on retrouve dans les textes apocryphes (2) des traces de cette tradition.

 

2 règles de prudence doivent nous habiter en tant que chercheur pour décoder ce message :

 

1) dégager l’enseignement principal de la parabole. Savoir que l’on ne peut pas considérer tous les éléments de détails comme historiquement vrais.

 

2) Se demander à qui elle s’adresse, et pourquoi ?

 

Développement :

 

Prenons d’abord la deuxième question. Il est clair d’après le contexte de ce récit que Jésus s’adresse à un auditoire fortuné, composé de Publicains (gens sans scrupules) et de Pharisiens avares (cf. Luc 15 : 2 et 16 : 14). De plus, ces derniers sont imbus de leur propre justice, et ils interprètent la loi à leur convenance. (cf. Luc 16 : 16-18). Jésus va donc répondre directement à leurs problèmes par le biais de la parabole. Les disciples sont présents dans cet auditoire (cf. Luc 17 : 1). Cela a valeur d’enseignements pour eux aussi…  

 

De ce fait, nous pouvons dégager une double intentionnalité du Seigneur :

 

1)  Délivrer un message d’espoir, en donnant à son auditoire l’occasion de se libérer de toute pensée de propre justice. Stigmatiser le comportement de ceux qui se prélassent dans la jouissance des biens de ce monde. Démontrer que cette attitude est un handicap à la foi.

2)  Instruire ses disciples sur les valeurs essentielles de la vie.

 

Le Christ étant coutumier de l’utilisation de paraboles visant à délivrer un message d’espérance, nous ne sommes pas surpris par ce procédé. L’utilisation du langage allégorique a une double vertu : décourager l’auditeur superficiel, et pédagogiquement inscrire plus durablement dans la mémoire l’enseignement transmis.

 

Cela dit, reprenons maintenant, notre première question : Quel est le principal enseignement de cette parabole ?

Le message caché de cette parabole repose sur le deuxième grand principe de la loi : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. En conséquence, la responsabilité individuelle de chacun est engagée. Notre destinée future dépend de cet engagement dans cette présente vie. Après, selon le Seigneur, il y aura un jugement. Ceux qui n’auront pas vécu cette réalité n’entreront pas dans le programme du royaume éternel. Leur volonté sera respectée.

 

Voyons maintenant l’analyse du texte qui corrobore ce que nous venons de dire…

 

Luc 16 : 19,  Lit. « Un homme était riche et il se revêtait de pourpre et de fin lin faisant bombance chaque jour somptueusement ».

Le premier homme à entrer en scène n’a curieusement pas de nom. Est-ce à dire que c’est un sacrificateur ou un roi ? Eux seuls pouvaient porter ce type de vêtement (cf. Exode 28 : 5, 6, 8, 15, 33 ; Juges 8 : 26, Daniel 5 : 7, 16 ; Marc 15 : 17).

Cet humain sans nom est présenté ainsi, peut-être parce qu’il est étranger aux valeurs spirituelles. Ce serait un homme sans consistance morale. Pour cet homme, seul l’amour de l’argent, les honneurs et les plaisirs de la table comptent. Son comportement, uniquement centré sur l’apparence et la jouissance, le rend transparent. Il est insignifiant d’humanité. Il ne vit que pour lui-même en faisant ripaille. Pour le Christ, Il serait en dehors de la vraie vie.

 

Luc 16 : 20 « Un pauvre, nommé Lazare, gisait devant son porche, couvert d’ulcères. Il aurait bien désiré se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; au lieu de cela les chiens venaient lécher ses ulcères  ».

Le texte, en opposition à l’homme riche sans nom, présente un autre homme, en mettant en avant, qu’il est pauvre. Mais surtout il a un nom : Lazare. (Ce nom grec serait la traduction du nom hébreu d’Eléazar. Il signifie : Dieu aide ou Dieu porte secours ; annotation Nouvelle Bible Segond p. 1370).

Curieusement, ce nom, donné intentionnellement, est (dans l’Ancien Testament)  lié à la vocation de sacrificateur. Le premier Eléazar mentionné est fils d’Aaron, famille de Lévi  ayant eu la charge d’officier dans la tente d’assignation ou sanctuaire. (cf. Exode 6 : 23 ; Lévitique 10 : 6 ; nombres 3 : 4 ; 4 : 16). 

Lazare est certes un être humain, mais il a un comportement de chien (couché sur le paillasson !), il mange comme un chien (cherchant à se rassasier des miettes qui tombent de la table du maître), et se trouve en compagnie de chiens (qui lui lèchent ses ulcères). Autant dire qu’il a, selon la formule populaire : une vie de chien.

Comme à son habitude, le Christ va prendre à revers notre réflexion en montrant que la vraie vie n’est pas là où on l’aurait pensé : la bombance et la luxure masquent une non-vie, tandis que la non-vie du pauvre la révèle.

Le texte repart, (de ce fait peut-être), sur le devenir du pauvre :

« Le pauvre mourut et fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche aussi mourut et fut enseveli » Luc 16 : 22.  

Le Christ procède encore par opposition des extrêmes :

Lazare est porté par les anges vers le haut, dans le sein d’Abraham ; le riche descend dans la terre, dans  l’ Hadès, le séjour des morts (3).

Avant d’aller plus loin, redisons ici que le Christ utilise une tradition populaire juive, connue de ses auditeurs. Celle-ci décrivait le sein d’Abraham comme le paradis. Elle aimait se représenter les justes, accueillis par le père des croyants. D’où l’importance d’Abraham dans le récit. En plus, l’historien Flavius Joseph (1er s.apr. J-C) rapporte que les Juifs croyaient à l’existence de 2 chambres voisines dans le séjour des morts, l’une pour les justes, l’autre pour les méchants (On peut trouver une documentation similaire dans le midrash sur Ruth 1 : 1 ; la sagesse de Salomon 3 : 1 ; le livre d’Enoch 22 : 9-13).

Le Père Denis Buzy a écrit : « les rabbins qui dissertaient du monde futur postérieur au jugement universel, se représentaient le jardin d’Eden à proximité de la géhenne ; de la sorte les élus pouvaient apercevoir les tourments des réprouvés et en concevoir un accroissement de béatitude ; les réprouvés voyaient aussi le bonheur des élus et leurs tourments en étaient augmentés ». 

 

Pourquoi cette illustration présentant Abraham au ciel et accueillant les justes sur son sein ne peut être qu’allégorique ?

 

D’abord par l’emploi du terme grec κολПον. Ce mot désigne le pli, la sinuosité. Chouraqui traduit d’ailleurs : « les plis d’Abraham ». Dans Luc 6 : 38, il s’agit du pan ou de la poche du vêtement. Mais plus intéressant encore, chez les Grecs ce mot signifie le sein de la mère ou de la nourrice, et au pluriel cela devient les entrailles, le ventre, le sein de la terre (cf. dictionnaire Grec Bailly p. 1115). La psychanalyse nous expliquerait qu’Abraham est la référence matricielle des ayant foi de notre monde ...

Cela relève bien de l’allégorie, d’autant que d’après le Nouveau Testament Abraham n’est pas au ciel, mais tout simplement dans l’attente de la résurrection. (cf. Hébreux 11 : 13, 39-40). Relevons aussi l’affirmation du Seigneur : « Nul n'est monté au ciel, hormis celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme » Jean 3 : 13, version de Jérusalem. (La Bible mentionne trois exceptions : Hénoch, Elie, Moïse, Genèse 5 : 24 et hébreux 11 : 5 ; 2 Rois 2 : 11, Luc 9 : 30, Jude 1 : 9 ).

 

Mais, revenons au texte : «  dans le séjour des morts, le riche lève les yeux ; et, en proie aux tourments, il vit de loin Abraham et Lazare sur son sein ». Luc 16 : 23.

Dans le Hadès, le riche lève les yeux... Là encore nous sommes dans la symbolique, car dans le texte grec, il s’agit bien de l’œil physique (Οφθαλμος= œil physique, dont on a tiré le mot ophtalmologie en français). Le sage roi Salomon a écrit : « Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, fais-le; car il n'y a ni œuvre, ni pensée, ni science, ni sagesse, dans le séjour des morts, où tu vas »  Ecclésiaste 9 : 10, version Nouvelles Editions de Genève.

Et même si nous prenons à la lettre le récit : un mort, mis sous terre (comme c’était la coutume), qui voit le ciel, et reconnaît Lazare, est une sacrée prouesse ! D’autant que le texte précise qu’un grand abîme les sépare. On est en pleine science-fiction si on sort du langage symbolique ! On a même l’impression qu’ils se parlent face à face. Pris au sens littéral ce texte prêt à sourire !

Plus fort encore, cette soi-disant réalité, décryptée par certains, serait en contradiction flagrante avec la révélation divine qui interdit formellement l’interrogation des morts, l’invocation et le dialogue avec l’esprit des morts (cf. Deutéronome 18 : 10-14). Un tel dialogue entre les élus et les damnés ne pouvait relever que de l’imaginaire dans la pensée populaire de l’époque. Le docteur Wilbert Kreiss, de l’Eglise luthérienne de Chicago, écrit à ce sujet : « le dialogue relaté par notre parabole ne correspond certainement pas à une réalité » (Site internet, paraboles du Seigneur, le mauvais riche et le pauvre Lazare, p.1).

Réaffirmons que ce dialogue, surréaliste, ne peut correspondre à une quelconque réalité. Soutenir le contraire fait contresens au message de ce récit.

Voulez-vous en être convaincu ? Avez-vous déjà essayé de soulager quelqu’un qui est dans les flammes, en humectant sa langue avec un doigt mouillé ?

Le docteur Kreiss le reconnaît bien quand il précise :

 «  quant à la flamme qui fait souffrir le riche, elle n’est sans doute pas celle d’un feu physique. Un tel feu ne pourrait pas tourmenter les démons qui sont de purs esprits, ni les damnés qui sont sans corps avant la résurrection. D’autre part, un feu physique consumerait les corps et les réduirait à néant. Il n’y a pas non plus dans le ciel d’eau dans laquelle Lazare pourrait tremper son doigt pour soulager le riche. Ce sont des images dont le Christ se sert pour illustrer son enseignement...  »  (Idem. p. 2).

 

La conception d’une damnation dans les flammes d’un feu éternel (4) reposant sur une mauvaise interprétation de quelques très rares textes, ne s’harmonise vraiment pas avec l’ensemble de la révélation biblique qui parle surtout du sommeil des morts (cf. Jean 11 : 11,14). Le séjour des morts, le Schéol-Hadès (association d’un mot hébreu et grec) désigne un lieu d’épaisses ténèbres (cf. Job 10 : 21-22). Il est comparé à une prison par l’apôtre (cf. 1 Pierre 3 : 19). D’après le Seigneur, ce séjour a des portes (cf. Matthieu 16 : 18). A la Pentecôte, l’apôtre Pierre dira : « c'est la résurrection du Christ qu’il a prévue et annoncée, en disant qu'il ne serait pas abandonné dans le séjour des morts et que sa chair ne verrait pas la corruption »  Actes 2 : 31, version Nouvelles Editions de Genève.

 

Raisonnablement, comment concilier « une rôtissoire céleste » avec l’Amour de Dieu ?

Quelle vérité est alors décrite dans ce dialogue fictif ?

 

L’enseignement est pour nous, ici et maintenant. Ceux qui seront restés insensibles, voire sans pitié à la souffrance d’autrui, ne doivent pas s’attendre à la clémence de Dieu. Ce n’est qu’une question de pure justice. Comme le dit si bien Paul : «  Chacun de nous rendra compte pour lui-même... » Romains 14 : 12. De même Matthieu déclare : «  car le fils de l’homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges ; et alors il rendra à chacun selon ses œuvres » Matthieu 16 : 27 (ou encore : « celui qui sait faire ce qui est bien, et qui ne le fait pas, commet un péché » Jacques 4 : 17).

 

L’injustice, subie sur cette terre par ce pauvre Lazare, trouvera sa réparation. L’amour et la justice de Dieu étant inséparables, tout apparaîtra en pleine lumière devant  le Christ « parce que Dieu a fixé un jour où il jugera le monde selon sa justice, par l’homme qu’il a désigné, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant des morts... » Actes 17 : 31.

 

Cette réalité nous invite à un double sentiment :

 

  • un sentiment de reconnaissance et d’apaisement. Toutes les souffrances injustes ont été, sont, et seront entendues par Dieu, et elles auront une réponse totalement satisfaisante (Il est manifeste qu’aujourd’hui la justice n’est pas de ce monde !).
  • Un sentiment de responsabilité. Nous avons pour modèle la vie du Christ, soyons concentrés sur la qualité de nos rapports les uns aux autres. Jésus a été clair : « Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites » Matthieu 25 : 40, (voire aussi contexte v. 31-39).

 

Mais, revenons au texte de notre récit...Les versets 25 et 26 mettent en lumière une grande vérité : Chacun sera jugé en fonction de son vécu et de son rapport aux autres.  Autrement dit, Dieu ne fera qu’appliquer une sentence que nous aurons délibérément et personnellement choisie. La justice de Dieu respectera nos choix. Un homme l’a très bien saisi sur la croix, face au Christ. Il s’est écrié en s’adressant à son compère, brigand comme lui : «  pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos crimes, mais celui-ci (Christ) n’a rien fait de mal » Luc 23 : 41.

Disons ici que Dieu ne nous a pas créés pour nous détruire, ce serait absurde ! Il veut notre bonheur et a tout disposé à cet effet. (cf. Deutéronome 30 : 19-20 ; Jérémie 29 : 11-13 ) Seulement, notre liberté est d’adhérer à sa relation d’amour ou de la refuser. Ce choix libre qui est le nôtre, aura de justes conséquences. La plus évidente démonstration de l’amour de Dieu est ici en filigrane : Il  nous traite en adultes responsables. Nous pouvons mépriser ou même ne pas reconnaître son amour, personne ne nous contraindra à avoir la foi... Mais comme Paul le précise : « ne vous y trompez pas : on ne se moque pas de Dieu. Ce qu’un homme aura semé, il le moissonnera aussi. » Galates 6 : 7. Réaffirmons solennellement : Nous sommes les auteurs de nos propres jugements. Dieu nous renverra à nos propres motivations et à nos choix. Ce sera la minute de vérité. Selon l’expression familière : Aujourd’hui on peut tromper tout son monde, mais ce jour-là, ce ne sera plus possible (Il n’y aura pas de non-lieu pour faute  de procédure, ni de remise de peine. On ne pourra plus faire appel...).

Voilà pourquoi Dieu déploie tant de prévenance pour que nous acceptions d’Aimer pour VIVRE, tel que le Christ l’a vécu parmi nous.

 

Le texte poursuit : « je te prie donc, père Abraham, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père ; car j’ai 5 frères. C’est pour qu’il leur atteste ces choses, afin qu’ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. » v. 27-28.

Le riche, voyant qu’il ne peut plus rien changer à son sort, pense tout à coup à ses frères ! S’il le fait, c’est qu’il sait maintenant qu’il y a danger pour eux. Ce faisant, il traduit bien les sentiments humains de solidarité vis-à-vis des siens, face à un danger certain. Seulement, il ignore que la conversion qui engage la foi, est une démarche personnelle. On ne peut agir par procuration ou à la place des autres. Alors, dans une demande quelque peu désespérée, il propose la médiation de Lazare. Mais aucune médiation humaine n’est possible dans le contexte du salut, seule la médiation du Christ est efficiente, unique et parfaite (cf. 1 Timothée 2 : 5). Cette situation met en évidence l’erreur des perceptions humaines sur ce point. Car cet homme laisse entendre que s’il avait bénéficié des mêmes avertissements, il n’en serait pas là... Indirectement, il accuse Dieu de ne pas avoir fait le nécessaire pour son salut. Ce type de réaction bien humaine, décrit l’attitude de ceux qui, selon la formule populaire,  « veulent le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière ». On retrouve dans la Bible le même procédé : on veut des miracles pour croire en Dieu ! Mais si Dieu s’imposait avec évidence, où serait le choix de la foi ?

La foi se construit dans l’expérience d’une relation de confiance et d’amour avec Dieu, loin de tout esprit de revendication ou de provocation. Souvenons-nous du spectacle de Golgotha. Que disaient les passants, les principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens du peuple de Jérusalem : « Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même ! S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix, et nous croirons en lui ». Matthieu 27 : 42.

Dieu n’est point homme à répondre à nos caprices. Il ne nous propose pas non plus une relation à bon marché. L’exigence spirituelle qu’il requiert est à la mesure de la qualité de son engagement pour notre humanité. Il nous a tout donné au travers de Jésus-Christ. C’est la raison pour laquelle, seule son intercession est agréée par Dieu. « Si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste. Il est lui-même la victime expiatoire pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier »   Jean 2 : 1-2 (voir aussi 1 Jean 5 : 10-13, 20).

 

Voilà pourquoi le message central de la Bible repose sur le don d’amour de Dieu, révélé en Jésus-Christ  (cf. Jean 3 : 16).

 

Le texte de notre récit conclut : « Abraham répondit : ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent. Et il dit : non, père Abraham, mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils se repentiront. Et Abraham lui dit : s’ils n’écoutent pas  Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader même si quelqu’un des morts ressuscitait. » v. 29-31

Nous touchons là le « climax » de l’enseignement révélé dans cette parabole. Rappelons-nous que les auditeurs étaient juifs. Le contexte parle même de pharisiens avares qui se moquaient de Jésus (cf. Luc 16 : 14-17). Pourtant, Dieu avait confié à ce peuple, sa loi et ses enseignements (cf. Romains 3 : 1-3). Ce choix de Dieu reposait sur une alliance d’amour, mais elle fut collectivement rejetée par ce peuple (cf. Luc 13 : 34-35).

Cette parabole met aussi l’accent sur l’échec d’Israël, comme porte-parole des messages de Dieu. Le choix des personnes citées est éclairant : Abraham est le référent de la démarche de foi et Moïse est le référent dans celle de  la  loi. Or Israël  n’a pas su faire confiance à Dieu comme Abraham, et s’est barricadé dans une attitude légaliste en croyant être fidèle à Moïse. Or, le  comportement de ce peuple était à l’opposé de celui proposé par Moïse... La relation des Juifs envers leur Dieu  était malheureusement réductrice en lien d’amour ; seule l’obéissance stricte et légale importait (relire Esaïe 29 : 13 et Marc 7 : 6).

Ainsi, ce mauvais riche demande une intervention pour que ses frères se convertissent, tout comme Israël voulait un miracle convaincant pour croire que le Christ était bien l’envoyé de Dieu, le Messie pourtant tant attendu.

Cependant dans cette parabole, Dieu renvoie à la révélation antérieure de Moïse et des prophètes. Il estime qu’elle est suffisante et complète pour accueillir son plan. Il contenait l’envoi de son Messie. Et quand bien même Dieu agirait en leur envoyant un ressuscité, le texte précise qu’ils ne se laisseront pas persuader. L’histoire a confirmé cette vérité avec la résurrection du Christ ! En présentant cette parabole, Jésus annonçait prophétiquement ce qui allait arriver.

Une autre vérité se dégage de ce récit : Dieu n’utilise aucun intermédiaire venant du séjour des morts pour révéler un quelconque message d’avertissement ou de repentance aux hommes. Il faut avoir en mémoire que le spiritisme et la divination sont expressément interdits par Dieu  (cf. Deutéronome 18 : 9-14 ; Esaïe 8 : 19,20).

Que celui ou celle qui veut répondre à l’amour de Dieu, révélé en Jésus-Christ son fils, prenne seulement le temps de lire, de réfléchir et de méditer la Parole divinement inspirée de Dieu (cf. 2 Timothée 3 : 14-17). Alors, son présent, et son avenir auront une autre couleur : celle de l’espérance. Nos amis protestants ont raison de mettre en lumière cette vérité : « seule la parole de Dieu est moyen de grâce et de salut. Seule, elle fait naître la foi dans le cœur. Rien de ce qu’on cherche à lui substituer ne peut la produire » (cf. Petite dogmatique luthérienne, chapitre sur la doctrine des moyens de grâce, p. 94 ss).

 

Conclusion :

 

Cette parabole n’a donc pas, comme beaucoup le pensent, pour objectif de nous dire ce qui va se passer après la mort. C’est même tout l’inverse. Elle nous recadre dans le présent, en insistant sur la nécessaire prise de conscience, que notre avenir sera déterminé par nos actions. Autrement dit, que notre avenir aura pour référence la responsabilité que nous aurons assumée ici-bas, en regard de la révélation de Dieu. Comme l’exprime si bien la prière de Moïse : « enseigne-nous à bien compter nos jours afin que nous appliquions nos cœurs à la sagesse » Psaume 90 : 12 (voir aussi Ecclésiaste 12 : 3-9, 15).

 

Cette parabole a pour principal objectif de nous repositionner dans l’importance de nos choix de vie. Au jour du jugement, Dieu ne fera que nous rappeler nos choix. Si nous ne sommes pas dans le désir d’une relation d’amour à son encontre et vis-à-vis du prochain, ne nous attendons pas au miracle !

Pour être ouvert à l’action salvatrice de Dieu, point n’est besoin d’aller chercher ailleurs que dans sa Parole. Elle est suffisamment complète pour nous instruire et faire germer en nous, avec l’aide du Saint-Esprit, le désir d’accueillir son amour pour nous. (cf. 1 Timothée 2 : 3-5).

Le récit ne condamne pas la richesse et ne prend pas pour référence la pauvreté. Ce serait un mauvais raccourci... Le riche n’est pas mauvais parce qu’il est riche, mais plutôt parce qu’il a mal géré ses richesses. Est-il besoin de rappeler que nous n’emporterons rien dans la tombe ! A nous d’être aujourd’hui et demain plus solidaires de la détresse des indigents, avec intelligence.

 

Cette parabole est aussi une mise en garde contre tous les procédés de rattrapage après la mort (il n’y a pas de plan B !). Michel  Polnareff peut bien chanter : « On ira tous au paradis... ». Ce n’est pas pour autant qu’il nous faille être dupe ! Un Dieu (bonasse) qui passe l’éponge sur tout, ne se trouve pas dans la Bible. Il ferait de nous des irresponsables ; autant dire que nous n’aurions rien appris de notre passage sur terre. A nous de ne pas nous laisser séduire par toutes les sirènes qui promettent de pouvoir corriger toutes nos erreurs après la mort... (5).

Cette parabole fustige la propre justice des pharisiens avares, tout comme elle le fait à notre endroit. Veillons pour que ce danger ne soit pas nôtre. Sachons être reconnaissants pour ce que nous avons, et vivons simplement dans la confiance en Dieu. Ce qu’il nous prépare sera en fonction de notre espérance. « L’espérance ne trompe point, parce  que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné » Romains 5 : 5. Cette espérance consiste, ici et maintenant, à prendre acte et à accueillir avec joie le salut gratuit en Jésus-Christ et à avoir le désir de faire partie de son royaume éternel. Quelle que soit la noirceur de notre passé, marchons vers la lumière de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Le brigand sur la croix démontre que l’on peut, à chaque instant, se remettre en question...

Enfin, cette parabole nous redit que Dieu attend avec impatience, tous ceux et celles qui auront répondu à son invitation d’amour à l’instar d’Abraham. L’étalon de nos vies restera l’amour de Dieu et du prochain. C’est cette référence qui servira la justice divine. Point n’est besoin pour celui ou celle qui vit dans le registre de la confiance et de l’amour, d’avoir besoin de miracle, de démonstration spectaculaire ou d’envoi d’émissaires d’outre-tombe. Une fois de plus, cette parabole nous recentre sur l’association indissociable de l’amour et de la justice divine. Il faut vivre pour aimer mais  surtout aimer pour vivre éternellement.     

                                                                                    

                                                                                  Jacques Eychenne

                                                                                             

 

  1. On retrouve des histoires analogues dans le Talmud de Jérusalem, notamment sous une forme ou le riche est un collecteur des taxes et le pauvre un spécialiste de la loi. (Commentaire  Nouvelle Bible Segond, p. 1370).
  2. Cette parabole propre à Luc présente des analogies avec une légende égyptienne attestée par un document du 1er s. apr. J .C. Il y  est question d’un riche, qui après un enterrement solennel, souffre au royaume des morts, et d’un pauvre qui, après avoir été jeté dans la fosse commune, se retrouve auprès d’Osiris, vêtu des habits somptueux du riche.
  3. Apocryphes : mot venant du grec signifiant ce qui est caché, soustrait aux regards. Ecrits ressemblants aux livres canoniques, mais n’appartenant pas au canon des Ecritures. Les chrétiens protestants les dénomment « pseudépigraphes » (du gr. Graphé : « écrit » et pseudès : « menteur ») : « écrits dont le titre est mensonger ». Ils reflètent les courants de pensée et les espérances du peuple juif durant les deux siècles qui précèdent et le siècle qui suivit le début de l’ère chrétienne, ainsi que les déviations de la foi chrétienne aux premiers siècles. (Dict. du Nouveau testament de Léon-Dufour, éd. du Seuil, p.120). Ces écrits ont une valeur historique, mais ne peuvent engager la démarche de foi, la source d’inspiration étant douteuse.
  4. Le séjour des morts, en grec : hadès. Terme utilisé comme équivalent de l’hébreu sche’ol, également traduit par séjours des morts dans l’A.T. (Commentaire N.B.S., p. 1370).
  5. La Bible ne mentionne jamais le mot enfer et le paradis est mentionné à 3 reprises (Luc 23 : 43 ; 2 Corinthiens 12 : 4 ; Apocalypse 2 : 7 ).
  6.  Après la mort, c’est l’attente de la résurrection et du jugement. La notion d’immortalité de l’âme est un emprunt à la pensée païenne. Elle n’a pas de fondement biblique contrairement à la croyance populaire. Cette conception élaborée par l’homme (Platon etc.) avait pour effet de masquer la peur du néant, l’angoisse du vide.  La peur existentielle de la mort n’a pas lieu d’être, quand on est dans la sereine confiance en Dieu. (cf. Mort d’Etienne, Actes 7 : 55-60, et de tous les héros bibliques de la foi, Hébreux 11 : 13-16, 39-40).

 

 

 

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