Les trois repas exceptionnels d'Elie

 

 

 

              Les trois repas

  exceptionnels d’Elie

                            ou

            Dieu agit en temps voulu

             1 Rois 17 : 5-6 ,

   1 Rois : 10-16 ; 19 : 5-7

 

 

Introduction :

 

Les récits bibliques ont cette admirable faculté à dérouler des histoires qui à leur tour construisent notre propre histoire. La parole de Dieu, consignée par les écrivains inspirés, a la particularité de nous ramener constamment au présent. Son action demeure mystérieuse, car sa force de pénétration n’a pas son égal. Ainsi il est dit : « la parole de Dieu est vivante et opérante plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants » Hébreux 4 : 12, version Darby. Que de vies transformées, que de cheminements laborieux mais éclairés par cette lumière divine ! Alors que certains ne voient que récits uniquement mythiques et symboliques, d’autres trouvent des trésors de bienfaits. Pourquoi la Bible (en grec biblios = le Livre) produit-elle de tels effets et suscite-t-il autant de réactions contraires ?  A chacun d’expérimenter son contenu !

Pour l’heure, nous allons analyser un pan d’histoire de la vie d’un des plus grands prophètes de l’Ancien Testament : le prophète Elie. En pleine maturité, Elie, inspiré par Dieu lui-même, va connaître en peu de temps trois expériences différentes, toutes trois mentionnant un repas peu ordinaire dans sa réalisation.

 

  1. Premier repas : Elie près du torrent de Kérith.

Le récit s’inscrit dans un contexte historico-spirituel difficile. Nous sommes au temps du roi d’Israël Achab (cf. environ 850 ans av. J.C.). Achab a succédé à Omri son père et il siège dans la capitale de Samarie. Il va régner 22 ans sur son peuple. En ce temps-là deux royaumes sont positionnés, l’un est à Samarie, l’autre à Jérusalem. Le royaume d’Israël et celui de Juda, l’un au Nord, l’autre au Sud, sont concurrents depuis le schisme entre les fils du roi Salomon (cf. vers 930, av. J.C, Jéroboam 1 régna sur Israël et son frère Roboam sur Juda). Achab a subi la mauvaise influence de son père. Il va avoir un comportement pire que lui. Non content de poursuivre l’adoration des idoles, il se livra à de graves infidélités envers Dieu. Et comme si ce n’était pas assez, il prit pour femme, la terrible Jézabel, une Sidonienne corrompue. Elle l’incita à se prostituer dans l’adoration de  divinités (Baal et Astarté, cf. 1 Rois 16 : 31-33). C’est donc dans ce contexte précis que l’Eternel mandate son serviteur pour interpeler Achab. Le propos du prophète est sévère et sans appel : « Élie, le Thischbite, l'un des habitants de Galaad, dit à Achab : L'Éternel est vivant, le Dieu d'Israël, dont je suis le serviteur ! Il n'y aura ces années-ci ni rosée ni pluie, sinon à ma parole »  1 Rois 17 : 1, version LSG. En écho à cette prophétie dramatique, Yahvé-Adonaï s’adresse à son serviteur en ces termes : «  Pars d'ici, dirige-toi vers l'orient, et cache-toi près du torrent de Kérith, qui est en face du Jourdain. Tu boiras de l'eau du torrent, et j'ai ordonné aux corbeaux de te nourrir là. Il partit et fit selon la parole de l'Éternel, et il alla s'établir près du torrent de Kérith, qui est en face du Jourdain. Les corbeaux lui apportaient du pain et de la viande le matin, et du pain et de la viande le soir, et il buvait de l'eau du torrent. Mais au bout d'un certain temps le torrent fut à sec, car il n'était point tombé de pluie dans le pays » 1 Rois 17 : 3-7, version LSG.

Premier repas exceptionnel : C’est Dieu lui-même qui compose le menu pour secourir son serviteur dans cette épreuve infligée au peuple d’Israël.  Elie  aura deux repas : un le matin et un autre le soir. La composition des menus est identique : pain et viande seront servis par des corbeaux. L’eau du torrent étanchera sa soif.

On se croirait dans le monde de Walt Disney ! Et pourtant ! Quoi de plus naturel que de fournir à son prophète les moyens d’accomplir sa mission. Dieu prend soin d’Elie en utilisant un des éléments de sa création : le volatil corbeau, connu pour être un charognard notoire. Cette fois, il a pour consigne de transmettre la viande et non de s’en nourrir. Les ornithologues parlent d’un oiseau exceptionnel, capable de manger tout ce qui bouge : insectes, vers de terre, araignées, souris, rats, lapins (morts ou vivants), mais encore des céréales, des baies, des fruits secs. Ils peuvent même consommer les parties non-digérées des déjections animales, du placenta du bétail et les résidus alimentaires des humains… Autant dire que contrarier l’instinct de cet animal était un véritable miracle !

Quant au menu, il aurait de quoi choquer les diététiciens modernes ! Des protéines animales deux fois par jour, ça fait beaucoup pour quelqu’un dont l’activité est confinée dans un endroit désertique. Mais d’un autre côté, nous sommes loin d’une restauration à plusieurs étoiles ! Dieu donne simplement à son serviteur l’indispensable vital… Symboliquement ce récit est parlant car spirituellement, il peut en être de même pour nous : « donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour »  Luc 11 : 3, version TOB. Ce tableau allégorique nous invite à citer ce passage de Jésus : « l'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » Matthieu 4 : 4, version LSG. Ailleurs, le Seigneur Jésus se définira comme le pain descendu du ciel : « c'est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point »  Jean 6 : 50, version LSG. En ce qui concerne les protéines animales, le raisonnement peut être le même. Il n’y a pas de viande sans sacrifice et sans mort d’un animal. Pour faire écho aux pratiques ancestrales d’Israël, surtout en regard de ses pratiques sacrificielles, le Christ a été présenté comme un agneau. De même que la réconciliation d’un pécheur passait par le sacrifice d’un animal, le Christ a accepté d’être le moyen substitutif de notre réconciliation avec Dieu. Il osera prononcer ces paroles insoutenables en dehors de tout symbolisme : « en vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas en vous la vie. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraie nourriture, et mon sang vraie boisson » Jean 6 : 53-55, version TOB. Sans une lecture au deuxième degré, nous approchons du cannibalisme !

Ainsi le symbolisme de cette histoire nous conduit à Christ, l’envoyé du Père, lui aussi dans un premier temps  au désert. Non seulement le Christ est le pain de vie, mais il est aussi la chair qui nourrit et rassasie. Le Seigneur Jésus synthétise les éléments simples et indispensables à tout humain. Une métaphore semblable a été utilisée par l’apôtre Pierre quand il déclare : « comme des enfants nouveau-nés, désirez le lait pur de la parole afin que, par lui, vous grandissiez pour le salut, si vous avez goûté que le Seigneur est bon » 1 Pierre 2 : 2-3, version TOB.

 

  1. Repas : Elie  et la veuve de Sarepta.

Cette fois, le récit est plus connu. Cette femme habitant le territoire de Sidon est veuve. La famine annoncée par Elie à Achab la touche aussi. Elie reçoit l’ordre d’aller à Sarepta : « il se leva, et il alla à Sarepta. Comme il arrivait à l'entrée de la ville, voici, il y avait là une femme veuve qui ramassait du bois. Il l'appela, et dit : va me chercher, je te prie, un peu d'eau dans un vase, afin que je boive. Et elle alla en chercher. Il l'appela de nouveau, et dit : Apporte-moi, je te prie, un morceau de pain dans ta main. Et elle répondit: L'Éternel, ton Dieu, est vivant ! Je n'ai rien de cuit, je n'ai qu'une poignée de farine dans un pot et un peu d'huile dans une cruche. Et voici, je ramasse deux morceaux de bois, puis je rentrerai et je préparerai cela pour moi et pour mon fils; nous mangerons, après quoi nous mourrons »  1 Rois 17 : 10-12, version LSG.

Maintenant l’action se situe en dehors du territoire d’Israël. Le texte veut donc mettre en évidence que l’action de Dieu se porte là où elle peut être entendue et reçue. Cette femme dans un premier temps cache son dénuement, puis devant la demande insistante d’Elie révèle sa grande précarité. Elle n’a plus aucune subsistance. Elle déclare aller préparer son dernier repas avant d’attendre la mort. Elle ignore que sa détresse a été vue et entendue par Dieu. Elie, habité par la foi, lui présente sa demande. Elle paraît incongrue quand il précise : « ne crains point, rentre, fais comme tu as dit. Seulement, prépare-moi d'abord avec cela un petit gâteau, et tu me l'apporteras; tu en feras ensuite pour toi et pour ton fils »  1 Rois 17 : 13, version LSG. L’original hébreu précise que cette veuve devait servir en premier (בָרִאשֹׁנָה֙) le prophète. Etait-ce pour éprouver sa foi ? Il est vrai qu’Elie venait de vivre une expérience unique (cf. 1 Rois 17 : 2-7). Quand on est nourri par les corbeaux matin et soir, la foi peut avoir des ailes !

En fait, cette veuve et Elie sont dans une même situation : Ils sont tous les deux au terme de ce qu’ils peuvent faire. Cette femme est à l’extrémité de son possible et Elie l’est aussi par sa double demande, avec à l’arrière-plan la pensée de la faillite spirituelle de son peuple. La suite appartient à Dieu, et seule la foi va faire la différence. Quand l’humain touche l’extrémité de son possible, quand il est à bout de ses ressources et le reconnaît, alors la foi peut être efficace. Jésus n’a-t-il pas prédit : « Tout est possible à celui qui croit »  Marc 9:23, version LSG. Notre Père céleste peut répondre à tous les besoins de ceux qui se tournent vers lui (cf. Marc 9 : 23). Mais cela  sollicite la foi (cf. Philippiens 4:19). Elie ne s’arrête donc pas à cette situation dramatique... Alors que cette pauvre veuve parle de mort, lui pense à la vie. Car Dieu a parlé, et c’est elle qui doit le nourrir, or la nourriture dans ce contexte fort, est la vie. (Pour comprendre la symbolique de la nourriture lirez Jean 6 : 30-58).  C’est pourquoi Elie dit à la veuve : «  ne crains rien, rentre et fais comme tu l’as dit... » Face à l’angoisse existentielle de cette femme, le prophète inspiré, rassure, apaise, tranquillise. Aucune remarque désobligeante, aucun reproche, aucune injonction sévère, mais parole de grâce (cf. Proverbes 15 : 23).  Les ingrédients simples qui composent ce repas sont essentiels au maintien de la vie. En marge de l’ouverture spirituelle de cette veuve, nous pouvons noter la symbolique de l’eau et du pain. Jésus n’a-t-il pas dit : « celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de son sein »  Jean 7 : 38, version LSG. Oui ! Cette veuve a été comblée. Non seulement elle eut de quoi traverser cette période critique, mais elle eut suffisamment pour son fils, et le texte rajoute : « sa famille ». La bénédiction de Dieu déborde ; elle va toujours au-delà de nous-même, elle contamine aussi nos proches, ceux qui n’ont rien demandé. Ils reçoivent aussi. Ce récit nous permet d’en prendre d’avantage conscience. Quand Dieu donne, c’est toujours au-delà de nos espérances. Sa générosité n’est-elle pas proclamée dans toute sa création ? Ce repas symbolise l’universalité du salut… Mais il peut être accompagné d’une mise en garde, en un temps ou notre monde connaît lui aussi famine et sècheresse spirituelle : « voici, des jours vont venir, dit le Seigneur Dieu, où j’enverrai de la famine dans le pays : ce ne sera ni la faim demandant du pain ni la soif de l’eau, mais le besoin d’entendre les paroles de l’Eternel... » Amos 8 : 11.

 

  1. Repas : Elie et l’ange.

Elie le prophète de Dieu vient de faire face courageusement à l’apostasie représentée par 400 prophètes de Baal et 400 d’Astarté (cf. 1 Rois17 : 19). Il a remporté une éclatante victoire au mont Carmel, en éliminant radicalement cette infidélité  dont Jézabel, la femme d’Achab était l’instigatrice. Le récit nous apprend que la main de l’Eternel fut sur Elie dans toute cette entreprise (cf. 1 Rois 18 : 46)… et puis patatras ! Jézabel furieuse promet de le faire mourir le lendemain (cf. 1 Rois 19 : 1-2). Elie prend peur et se sauve. Il oublie comment Dieu l’a conduit jusqu’à présent. Lui qui a fait face à ces 800 faux prophètes de Jézabel, le voilà en pleine déroute devant sa terrible menace. Il déprime et demande à Dieu rien de moins que la mort (cf. 1 Rois 19 : 4). Il se couche et s’endort sous un genêt. C’est là qu’intervint un ange : « et voici, un ange le toucha, et lui dit: Lève-toi, mange. Il regarda, et il y avait à son chevet un gâteau cuit sur des pierres chauffées et une cruche d'eau. Il mangea et but, puis se recoucha. L'ange de l'Éternel vint une seconde fois, le toucha, et dit: Lève-toi, mange, car le chemin est trop long pour toi. Il se leva, mangea et but; et avec la force que lui donna cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu'à la montagne de Dieu, à Horeb » 1 Rois 19 : 5-8, version LSG. Là aussi il y a un repas. Pour remettre sur pied son serviteur, Elie est réveillé pour se mettre à table. Il est servi par un ange qui l’encourage par deux fois à se nourrir. Elie n’a plus qu’à consommer. Tout est prêt. La galette de pain est cuite et l’eau fraîche est à portée de main. Qui dit mieux ! Le fait significatif du récit repose sur la bienveillance divine. Dieu a tout préparé pour que son serviteur poursuivre sa route en lui faisant confiance. Tout était prêt pour lui. Cet épisode nous renvoie à la parabole du grand souper énoncée par le Seigneur Jésus : « venez car tout est déjà prêt » Luc 14 : 17, version LSG. Cela nous renvoie encore à la dernière pêche où Jésus interpela ses disciples. Après avoir réalisé le miracle, Jésus les invita à consommer ce qu’il avait déjà lui-même préparé : du poisson et du pain. Il leur dit : « venez manger » Jean 21 : 12, 9, version LSG.

Elie obéit et poursuivit sa route jusqu’à la montagne de Dieu, à Horeb. N’était-ce pas le lieu où Dieu avait solennellement exprimé sa volonté pour toute l’humanité ? Quand on est en déprime et que l’on a perdu tout repère, il est bon de se laisser conduire à Horeb !

 

Conclusion :

 

Dans les trois chapitres du livre des Rois (que nous avons survolés), nous actons 3 situations distinctes de crise.  La première est en rapport avec l’infidélité du peuple, la deuxième est en lien avec une personne, en l’occurrence une veuve vivant dans une extrême précarité, la troisième nous relate l’état déprimant d’un serviteur mandaté par Dieu. Ces trois épisodes mettent en évidence des vérités essentielles. La famine a été une conséquence de l’infidélité du peuple élu, elle illustre la position de l’homme sans Dieu qui veut agir à sa guise, sans avoir de compte à rendre. Notre monde est dans cette disette spirituelle. La démarche d’Elie en faveur de la veuve de Sarepta met en évidence l’aide, voire le secours à porter aux personnes en grande précarité (cf. la veuve et l’orphelin ; Jacques 1 : 27). Enfin, la déprime du prophète Elie nous renvoie à tous nos creux de vague, nos déprimes, nos envies de baisser les bras devant l’adversité. Dans ces trois situations Dieu répond par un repas symbolisant les éléments de vie. Il désire ardemment que nous lui fassions confiance. Le Christ est venu pour que nous ayons, comme dans la parabole du bon berger, la vie en abondance (cf. Jean 10 : 10). Dieu n’est jamais resté inactif dans l’histoire des humains, même si nous ne comprenons pas toujours ses longs silences. Il agit d’une façon visible et invisible. Le symbolisme de ces récits nous en convainc. L’eau du torrent, l’eau d’un vase, l’eau dans la cruche sont un des points communs de ces récits. Cette eau symbolise aussi dans la Bible l’action du Saint-Esprit. Assurément Dieu étanche notre soif et nous nourrit ! La parole de Paul et de Barnabas à Derbe et Lystre est explicite sur ce point : « ce Dieu, dans les âges passés, a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies, quoiqu'il n'ait cessé de rendre témoignage de ce qu'il est, en faisant du bien, en vous dispensant du ciel les pluies et les saisons fertiles, en vous donnant la nourriture avec abondance et en remplissant vos cœurs de joie »  Actes 14 : 16-17, version LSG. Le psaume 23 de David témoigne en faveur de cette vérité. Ailleurs, il nous prodigue son conseil : « fais de l'Éternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire. Recommande ton sort à l'Éternel, mets en lui ta confiance, et il agira » Psaume 37 : 4-5, version LSG.

 

                                                                              Jacques Eychenne

 

PS : LSG = version Louis Segond ; TOB = traduction œcuménique de la Bible.

 

 

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