Ou
Un bienfait à savourer
Lamentations
de Jérémie 3 : 26
Introduction :
De nos jours, on parle beaucoup de pollutions. Surtout celles qui contaminent notre quotidien. Elles sont d’ ailleurs très variées. On les mesure. On définit les seuils de tolérance. On lance des appels. On sollicite notre sens civique. Bref, on se démène pas mal pour améliorer notre qualité de vie.
Mais, parmi les pollutions répertoriées, il en est une qui ne retient pas suffisamment notre attention. Je veux parler de celle qui concerne le bruit.
Certes, quelques spécialistes prédisent bien un accroissement de la surdité parmi les générations montantes… Des ingénieurs cherchent bien à limiter le nombre de décibels sur les moteurs d’avions, sur les voitures, sur les appareils ménagers, mais dans l’ensemble la mobilisation reste faible. Bien que les jeunes soient les plus vulnérables, chacun est cependant concerné par ce problème grandissant… Le bruit nous envahit chaque jour un peu plus, et les conséquences vont au-delà du visible et de l’audible.
Développement :
En quoi cela peut-il nous interpeller, chrétiens au cœur de la cité pour la grande majorité ? Quel rapport peut-il y avoir entre ce fléau galopant et notre foi ?
Apparemment, il n’y a pas de rapport direct ! Mais nous savons par contre, que passé un certain seuil de tolérance, le bruit peut être nocif pour notre corps. De surcroît, il favorise une excitation artificielle. Cette agitation peut être un sérieux écueil à la réflexion et à la concentration. Plus fort encore, les spécialistes disent que le bruit a les mêmes effets que les produits dopants. Ils entraînent une dépendance. Non seulement le bruit accélère selon eux le rythme cardiaque et l’irritabilité, mais plus encore il grave et occupe un espace inhospitalier dans notre cerveau. Il crée le besoin de combler un vide, il prend de la place et devient un intrus à notre insu.
Ainsi, se met en mouvement un lien de dépendance, préjudiciable à notre bien-être. Le bruit devient presque une drogue !
On a par exemple observé que les personnes qui supportent mal la solitude supportent aussi très mal le silence. Comme si chacun redoutait de se retrouver seul face à lui-même. Or, ce que beaucoup redoutent est quasiment indispensable à notre équilibre.
Toute la psychologie moderne tend à démontrer le bien fondé d’une démarche où l’être humain est seul, confronté avec lui-même. Même si nous sommes bien entourés, nous devons assumer nos propres choix, nos temps de solitude, nos traversées du désert.
Etre seul et faire silence pour mieux se déterminer dans les options de vie est non seulement souhaitable, mais nécessaire.
Si cela est valable dans notre quotidien profane, cette vérité se présente commeincontournable dans notre vie spirituelle.
L’histoire biblique met en évidence les indispensables moments de silence pour écouter la Parole qui vient de Dieu. Reconnaissons que nous avons du mal à bien écouter !
Rappelons à cet endroit, que tous les grands hommes de foi ont expérimenté la solitude et le silence. Elle a été comme une sorte de passage obligé, pour mieux se situer dans leur relation à Dieu.
Depuis Adam jusqu’aux apôtres, en passant par Jésus lui-même, les exemples ne manquent pas. Moïse, Elie, David, Habakuk, Sophonie etc... Tous ont traduit la nécessité d’être seuls face à l’Eternel. Le silence accompagne cette démarche. On ne peut oublier que c’est dans le calme de la nature, plus particulièrement dans les endroits désertiques et montagneux, que les hommes de Dieu se sont préparés à leur mission. De Moïse à Jean-Baptiste, tous les prophètes ont expérimenté ce besoin de se retrouver face à eux-mêmes et face à Dieu.
Le Christ lui-même a inauguré son ministère par une retraite dans le désert. C’est dans la solitude et le silence, qu’il a puisé les forces spirituelles auprès de son père, pour donner du sens et de la profondeur à sa mission. (Cf. Luc 4 : 1-13 ; Luc 22 :39-46)
Non seulement, le Christ a appliqué ces principes pour lui-même, mais il les a transmis à ses disciples. Il les a invités à se mettre à l’écart de l’agitation, à des moments très précis, à des heures importantes. (Cf. Marc 6 :31 ; Marc 9 :2 ; Luc 9 :18)
Le but avéré était de recréer les conditions d’un vrai repos, d’un vrai ressourcement, d’une vraie réflexion, d’un vrai lien de prière avec Dieu.
Essayons donc ensemble d’approfondir les aspects positifs du silence et de la solitude.
Pourquoi y-a-t-il nécessité à faire silence et à prendre un temps de pose ?
Parce que nous avons de plus en plus de peine à nous recentrer sur nos vrais besoins. Notre temps est absorbé par toutes sortes de préoccupations plus ou moins légitimes. On s’active tout le temps par nécessité diront certains, mais aussi par crainte de se retrouver seul vis-à-vis de soi. On redoute généralement la solitude. Quant au silence, on le supporte mal. Du coup, on ne vit qu’avec un bruit de fond. Il fait partie de nos habitudes.
Prendre soin de revisiter son emploi du temps, de retrouver du calme et du silence, en dehors de l’activité du moment est une décision utile. Une courte pose est souvent salutaire pour enrichir le sens de l’action que l’on mène.
Dieu avait inculqué à son peuple, l’importance de lui consacrer le meilleur de tout, y compris de son temps, mais en priorité il fallait écouter. Faire silence pour enregistrer les conseils de ce Dieu bienveillant. (Cf. Deutéronome 6 :5 ; Marc 12 :30)
(C’est comme dans une relation d’amour : on donne du prix, de l’importance au rendez-vous qui nous fait rencontrer l’être aimé.)
Dieu désirait de son peuple, le meilleur de ses sentiments, de sa pensée, de son énergie, de son travail, bref de l’usage de son temps...
Happés par le tourbillon des activités, sollicités constamment dans l’urgence, avons-nous la sagesse de dire stop ! Bien sûr, il faut assumer sa responsabilité à bien des niveaux, mais en réalité qu’observe-t-on ?
Accaparés par la nécessité du travail, par les tâches ménagères, par toute une multitude de petites sollicitations, nous arrivons en fin de journée, complètementépuisés.
On est parfois à ce point fatigué que l’on a plus envie de faire autre chose que de dormir. La réponse souvent entendue est « je ne peux pas faire autrement, je verrai à la retraite ». Moi qui suis à la retraite, je puis vous dire que si l’habitude de faire des poses de silence et de réflexion, n’est pas prise avant, elle risque de ne pas l’être après. Certes, les sollicitations sont différentes, mais elles sont toutes aussi pressantes et présentes. La sacro sainte urgence du moment commande nos vies, il s’en suit beaucoup de dispersions et souvent une insatisfaction que l’on mesure assez bien rétrospectivement.
Dans un contexte chrétien la réflexion s’impose. Pourquoi ? Parce que les circonstances révèlent le constat : ce n’est plus le meilleur que l’on peut donner à Dieu, mais ce qui reste de notre temps et de notre énergie. Ne courrons-nous pas alors le danger d’oublier l’essentiel et de passer à coté de tout ce qui peut fortifier notre foi ?
Quels moyens nous donnons-nous pour laisser la parole de Dieu, lue ou entendue s’enraciner dans nos vies ? Est-ce une démarche facultative ? Quelles sont nos vraies priorités ? Quelle est la qualité de notre écoute ? Notre capacité de faire silence ?
Afin de nous repositionner dans le bon sens d’un équilibre de vie spirituelle, essayons ensemble de prendre conscience des bienfaits des temps de silence.
Chacun sait qu’il y a 2 types de silence :
- L’un est extérieur, même si dans l’absolu il demeure impossible. (On entend toujours quelque chose, même dans les déserts. Je me souviens avoir été impressionné d’entendre battre mon cœur, dans les dunes du désert, au sud du Maroc.)
- L’autre est intérieur. On dit aussi : il faut faire le vide, prendre le temps d’écouter son être profond, interroger son for intérieur, etc...
Les deux sont nécessaires et complémentaires à notre bien-être. Même si l’on considère le silence intérieur comme fondamental.
Instruisons-nous par la Parole de Dieu : Lisons Exode 14 : 13-16
Ce premier exemple, dans les conditions exceptionnelles que nous connaissons, nous renseigne sur la nécessité du silence. Dieu ne pouvait agir, en entendant les cris du peuple. Ce dernier souhaitait revenir en Egypte. Autrement dit, il refusait la délivrance, il regrettait d’avoir eu confiance en Dieu et en Moïse.
En fait, cette agitation mettait en évidence une situation navrante :
Le peuple préférait la servitude égyptienne, plutôt que la réalité de la liberté avec Dieu.
Cela n’a pas dû être simple pour Moïse de contenir cette multitude incrédule, qui ne prenait en compte que ses besoins physiologiques. Les bruits de l’Egypte idolâtre avaient parasité et occulté toute confiance en Dieu.
Et pourtant, ce Dieu d’Israël déclarait combattre pour eux… En retour, ils n’avaient pas grand-chose à faire. Il suffisait de garder le silence. Dans le récit faire silence équivaut à faire confiance tout simplement.
Bien que tout soit différent, aujourd’hui,nous avons la même difficulté. Faute de faire confiance à Dieu sur tout, nous occupons le terrain en nous évertuant de tout gérer par nous-mêmes, nous nous agitons... Nos cris diffèrent, mais ils sont bien présents : cris d’exaspération, de crainte, d’appréhension du lendemain, et que dire de nos multiples murmures !
Et pourtant, Dieu veut bien combattre pour nous. Mais pour cela, il nous invite à garder le Silence, donc à lui faire confiance.
Cette invitation tend à nous aider à réapprendre les nécessaires temps de pause. Il s’agit de se réapproprier les temps du silence. Un peu comme en musique, ou soupirs et silence donnent du relief et de la respiration à la partition.
« Que toute chair fasse silence devant l’Eternel ! » Zacharie 2 : 13
« Que toute la terre fasse silence devant Dieu » Habakuk 2 :20
Dans un texte prophétique à double accomplissement, Sophonie déclare :
« Silence devant le Seigneur, l’Eternel ! Car le jour de l’Eternel est proche... »
Et plus loin, en conclusion de son livre il dit :
« Il fera de toi sa plus grande joie ; il gardera le silence dans son amour ; il aura pour toi des transports d’allégresse. » Sophonie 1 :7 ; 3 :17 autre traduction :
« Il jubile à ton sujet ; il reste silencieux dans son amour. » interlinéaire Hébreux-français, Alliance Biblique Universelle p. 1941
Dieu garde le silence pour exprimer sa profonde joie de nous aimer ! N’est-ce pas surprenant et touchant à la fois ! Les dernières paroles de Dieu, dans le contexte du temps de la fin et de l’établissement de son royaume, ne sont pas des paroles de jugement, mais d’amour. D’un amour qui exprime une joie débordante dans un temps de silence éloquent. Quelle émotion puissante et incomparable !
Apprenons à faire silence pour réviser et reformuler nos engagements d’amour.
Si Dieu envoyait un prophète de nos jours, il nous pourrait nous dire à peu près ceci :
« Arrêtez, écoutez, réfléchissez, recentrez-vous sur l’essentiel ! Ne foncez pas tête baissée dans la mêlée ! L’agitation fébrile ne facilite pas le développement de votre foi ! »
Pour faire silence devant l’Eternel, il faut s’arrêter, faire une pose, prendre du temps. Une relation authentiquement vraie, nécessite du temps, moins en quantité qu’en qualité. Elle se manifeste par des choix de priorité. Elle s’investit dans la disponibilité. Le silence est la distinction du recueillement.
Mais avant le temps du silence 2 actes sont nécessaires : s’arrêter et se mettre en disponibilité d’écoute.
S’arrêter, car il faut sortir du tourbillon qui nous entraine malgré nous. Et écouter pour déceler cette voix intérieure qui veut nous conduire sur un chemin sécurisé.
Esaïe avait raison de dire :
« C’est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut, c’est dans le calme et la confiance que sera votre force »Esaïe 30 :15
Le silence est un ami, il n’est point à redouter, ni à meubler. On ne tue jamais le temps. De multiples bienfaits peuvent accompagner celui ou celle qui veut en faire l’expérience.
C’est Confucius qui a écrit : « Le silence est un ami qui ne trahit jamais » (Livre des sentences, 12,37 ; 6° S. av.J-C)
Le Talmud dit de son coté : « Le silence est le remède à tous les maux ». (Megillah, 5°s.) C’est Sénèque qui disait : « Les misères de la vie enseignent l’art du silence » (Thiestes, 319, en l’an 60 environ)
Dans une interview le célèbre pianisteDavid Fray a dit ceci :
« Pour Schubert, le silence est un préalable pour écouter sa musique ».
L’expérience spirituelle des hommes de Dieu a intégré cette réalité. David l’a compris et c’est pourquoi il a écrit :
« Fais de l’Eternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire. Recommande ton sort à l’Eternel, mets en lui ta confiance, et il agira. Il fera paraître ta justice comme la lumière, et ton droit comme le soleil à son midi.Garde le silence devant l’Eternel etespère en lui. » Psaume 37 :4-7a
Ce témoignage de David nous incite à expérimenter quelques pistes d’action :
Dépasser les circonstances présentes, parfois empreintes d’incompréhension, d’exaspération, de violence ou d’injustice, pour s’en remettre à Celui qui met tout en lumière. En d’autres termes, entrer dans une complète confiance en l’Eternel, notre Dieu.
Dieu nous demande de traverser un chemin de silence, comme quelque part les israélites lors du passage de la mer rouge. Symboliquement, c’est peut-être la traversée de nos obscurités personnelles, de nos craintes du lendemain, de nos rebellions et murmures. En bref, de nos multiples tentatives à combler nos vides...
Comment ? Par la confiance en la toute-puissance d’un Père qui nous aime.
Dieu se porte garant, si nous le voulons bien, de la traversée de la mer de nos difficultés, multiples et variées. Au lieu d’essuyer la tempête, on peut traverser à sec…
Garder le silence et espérer est souvent la solution à nos problèmes !
C’est aussi entrer dans le sens profond de la prière : Elle est, avant tout et surtout, écoute. Oui ! Ecoute dans le silence de notre cœur. Ecouter pour entendre les convictions que Dieu désire y installer. Nous avons moins à parler qu’à écouter. La prière ne se limite pas à une formulation de nos besoins, elle est avant tout écoute, même si on entend apparemment rien. Ce n’est pas parce que nous n’entendons pas que Dieu ne parle pas.
David a trouvé le secret de cette sagesse dans sa relation à Dieu :
« Eternel ! Je n’ai ni un cœur qui s’enfle, ni des regards hautains ; je ne m’occupe pas de choses trop grandes et trop élevées pour moi. Loin de là, j’ai l’âme calme et tranquille, comme un enfant sevré qui est auprès de sa mère ; j’ai l’âme comme un enfant sevré. Israël, mets ton espoir en l’Eternel, dès maintenant et à jamais. » Psaume 131 :1-3
La version synodale traduit :
« j’impose à mon âme le calme et le silence » v.2
Que ces paroles sont belles !
Il y a donc bien un acte de volonté, pour rechercher la tranquillité et la paix intérieure. Et si nous avons une difficulté importante, ne pensez-vous pas que le Seigneur, qui a redonné le calme à la mer en furie sur le lac de Galilée, (Cf. Marc4 :39) peut rendre à nos cœurs la tranquillité,la sérénité, la paix dont ils ont besoin ?
Si notre corps a besoin de calme et de repos, notre cœur et notre esprit ont eux aussi besoin de silence. Que de tempêtes à faire cesser ! Que de calme à retrouver !
Jérémie, l’homme de Dieu solitaire et silencieux a pu écrire par expérience :
« Il est bon d’attendre en silence le secours de l’Eternel. » La traduction œcuménique de la Bible (T.O.B) traduit : « Il est bon d’espérer en silence le salut du Seigneur. » Lamentations de Jérémie 3 : 25-26.
Conclusion :
Le prophète Elie, en pleine déprime, fuyant la terrible Jézabel, alla se cacher dans une grotte du Sinaï. L’Eternel révéla son amour à son serviteur d’une façon inattendue : L’Eternel n’était pas dans le vent fort et violent.., il n’était pas dans le tremblement de terre.., ni dans le feu.., il était litt. « Dans le son subtil d’un silence ». « Un doux et subtil murmure » dit la traduction du rabbinat français. Quelle approche délicate, attentionnée et pleine d’affection... (Cf.1 Rois 19 : 11, 12,13) soyons en sensibles.
Si Dieu se révèle ainsi, ne devons-nous pas à notre tour, faire silence pour le reconnaître et l’entendre ? Ne souhaitons-nous pas goûter ces bienfaits rares de nos jours ?
Jacques Eychenne