Le désir, malédiction ou bénédiction?  

 

             Le désir,

 une malédiction

                     ou

une bénédiction ?

     Luc 22 : 15

 

Introduction :

 

La notion du désir a passionné les philosophes depuis la nuit des temps. Il est vrai que le sujet fait partie des grandes questions existentielles qui traversent l’humain. Quoiqu’on en pense, le désir fait partie intégrante de la pensée. Elle met en évidence un espace de liberté individuelle dans lequel chacun peut s’exprimer. Le désir peut répondre à un besoin, mais il se distingue par sa nature. Cela va au-delà du fonctionnel. Il visite l’intimité de la personne. De même, le désir peut aussi se traduire par un souhait, mais il ne peut en aucun cas se limiter à lui. Il semble échapper à la raison, sans que l’on puisse avec précision définir ses limites. Un point cependant semble incontestable : le désir révèle ce que l’humain est vraiment. Un être sans désir est un être sans vie. Mais est-ce une chance ? ou est-ce un piège destructeur ?

La réflexion peut nous conduire à la notion de manque. Puis-je avoir un désir si au préalable je suis comblé en tout. L’autosuffisance n’annihile-t-elle pas le désir ? La conscience serait la prise en compte de nos manques qui permettrait au désir de se projeter. Si cette conscience n’est pas bien étalonnée à des valeurs morales et spirituelles, elle peut induire des mauvais ou des bons désirs. A la source, on parlera d’une bonne ou d’une mauvaise conscience. Dans le Nouveau Testament, les apôtres ont pointé l’importance du sujet. Le désir est-il l’expression d’une motivation qui le précède. Cela peut être l’amour, la volonté de nuire ou de détruire ?

Allons voir ce que disent les Saintes Ecritures sur notre sujet.

 

 Développement :

 

Commençons par essayer de définir ce qu’est le désir. Certains dictionnaires le rapporte à un sentiment. D’autres, à une émotion. En latin desideratio serait de cette nature. Les philosophes disent que le mot concerne trois domaines. – Le désir primaire, naturel (cf. le fait de se nourrir) -- Le désir émanation de la pensée (cf. en lien avec tous les aspects psychiques) – Le désir relationnel (cf. besoin de rencontres comprenant l’aspect spirituel au sens large).

Le spectre d’investigation étant immensément large, c’est le désir relationnel que nous allons aborder en interpelant la Bible sur ce sujet.

Pour que naisse et s’épanouisse le désir de relation, Dieu a doté l’humain de la capacité de répondre à sa voix. En termes techniques de communication, on parle d’un émetteur, d’un canal et d’un récepteur. Comme un parfait ingénieur Yaweh-Adonaï a construit l’humain avec cette capacité de recevoir et de répondre à ses messages.

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L’apôtre Paul précise : « celui qui nous affermit avec vous en Christ, et qui nous a oints, c'est Dieu, lequel nous a aussi marqués d'un sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l'Esprit » 2 Corinthiens 1 : 21-22, version LSG.

L’apôtre va même donner des précisions sur la façon dont Dieu (l’émetteur) a conçu sa communication avec l’humain : « l'espérance ne trompe point, parce que l'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné » Romains 5 : 5, version LSG.

Il est renaissant pour nous d’acter le fait que Yaweh-Adonaï a pris l’initiative de créer des êtres libres avec lesquels il a voulu partager un projet de vie. L’apôtre Jean écrira clairement aux chrétiens dispersés : « Dieu est amour…Nous l’aimons parce qu’il nous a aimés le premier » 1 Jean 4 : 16,19, version LSG.

Le canal que notre Père a utilisé est une parole transmise à des humains choisis :

« Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par lequel il a aussi créé le monde » Hébreux 1 : 1-2, versions LSG. Ainsi, l’apôtre Paul expliquera que « la foi vient de ce que l’on entend, et ce que l’on entend vient de la Parole de Christ » Romains 10 : 17, versions LSG.

Le processus de communication étant clairement établi par Dieu (Yaweh-Adonaï, notre Père) revenons à la notion du désir.

Il est difficile de mettre en doute l’affirmation selon laquelle « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » 1 Timothée 2 : 4, version TOB. Ce grand désir divin procède de la nature intrinsèque de sa personne. C’est parce qu’il incarne l’amour parfait, que son désir bienveillant couvre notre humanité. « C'est ainsi qu'Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l'amour, déterminant d'avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ. Tel fut le bon plaisir de sa volonté » Ephésiens 1 : 4, version FBJ.

Le désir prégnant de notre Père ne pouvait être que conforme à ce qu’il est vraiment. Et, comme un bon Père voulant le bonheur de ses enfants, Il nous a parlés pour nous décrire un chemin de vie sécurisé et balisé. L’apôtre Jacques l’appellera : la loi royale, la loi de la liberté (cf. Jacques 2 : 8-13). Ce que Dieu a voulu inscrire dans le cœur des hommes et des femmes a été reproduit dans toute sa création, y compris dans la nature terrestre (cf. Romains 8 : 19-22). Ainsi ne pas la respecter, c’est porter atteinte à ce que Dieu a voulu, et l’apôtre Jean nous dit qu’il faudra que chacun assume (aussi sur ce point), les conséquences de ses choix (cf. Apocalypse 11 : 18).  

En exprimant son désir pour nous (cf. Jean 3 : 16), notre Père l’a accompagné d’un espace de liberté. Les pédagogues le savent bien. Il ne peut y avoir de vraie communication relationnelle sans un espace de liberté. Le propre de la démarche divine est de nous avoir responsabilisés dans un contexte de liberté (cf. Deutéronome 30 :15,19-20). Ainsi, de tout temps, l’humain a eu le privilège, soit de répondre au désir de relation avec notre Père, soit de ne pas le reconnaître.

Tout au long de l’histoire biblique, nous trouvons des hommes et des femmes ayant été sensibles à la parole d’un Père attentionné. Ils ont répondu à ses avances chaleureuses avec un profond désir de cheminer avec Lui. Moïse est dans la lignée de ceux qui ont eu ce bonheur. Dieu conversait avec lui, comme un homme parle à son ami (cf. Exode 33 : 11). Dans cette lignée, David incarne bien notre humanité désireuse de créer du lien avec ce Père céleste. Il traduira son désir profond avec émotion : « Je demande à l’éternel une chose, que je désire ardemment : je voudrais habiter toute ma vie dans la maison de l’Eternel, pour contempler la magnificence de l’Eternel » Psaumes 27 : 4, version LSG. David s’épanchera auprès de Dieu comme à un confident. Il nous révélera les désirs de son âme, sans pudeur « Je t’aime, ô Eternel, ma force ! » Psaume 18 : 2, version LSG (cf. lire encore, Psaumes 9, 11, 18, 27, 23, etc.).

Son fils Salomon aura l’inspiration d’écrire : « L'espoir différé rend le cœur malade, le désir comblé, c'est un arbre de vie !  Un désir réalisé est agréable à l’âme » Proverbes 13 : 12, version TOB.

Pour d’autres serviteurs de L’Eternel, le désir se concrétisera par le service. Ainsi, l’apôtre Paul écrira aux chrétiens de Rome : « j’ai un vif désir d’aller chez vous » Romains 15 : 23, version TOB. Le mot grec utilisé est intéressant à décortiquer : ἐπιποθία = epipothia peut aussi être traduit par désir ardent. (De même racine, le verbe ἐπιθυμἐῷ = épithumao = désirer, désirer s’attacher à quelqu’un. Ce verbe composé fait référence à une racine d’un autre mot grec, qui lui décrit l’offrande de l’encens (cf. Luc 1 : 10,11// Deutéronome 18 : 6). Le désir dans ce contexte serait d’offrir le bien que l’on peut faire à ses semblables, comme une offrande agréable à Dieu. Cette bonne disposition de cœur exprimerait le désir d’une relation vivante et heureuse avec Dieu.

Cet ardent désir de l’apôtre Paul illustre à merveille ce que nous venons de dire. Elle éclaire sa vision d’un ministère de service au prochain. C’est dans ce bon état d’esprit qu’il dira aux chrétiens de la ville de Philippe (qui avaient l’honneur de jouir du statut de citoyens romains) : « pour moi, vivre, c’est Christ, et mourir m’est un gain » Philippiens 1 : 21, version TOB. Bien d’autres, avant lui, avaient ouvert cette voie du cœur. David résume bien ce rapport spirituel à Dieu, quand il déclare : « Fais de l’Eternel tes délices. Et il te donnera ce que ton cœur désire » Psaume 37 : 4, version NEG.

Cela nous enjoint à penser que l’état d’esprit avec lequel on vit, est plus déterminant que ce que l’on fait. C’est ce que notre Seigneur s’est évertué à nous faire comprendre. Tout en voulant servir le Christ, les apôtres ont eu parfois des pensées contraires à sa volonté (cf. Matthieu 16 : 23). C’est toujours avec des mots justes que le Seigneur a recadré leur état d’esprit.

 

Maintenant, est-ce que le désir est bénédiction ou malédiction, don ou prédation, épanouissement ou destruction ?

Quand on parle de désirs, les chausse-trapes se présentent là où on ne les attend pas. En effet si le désir n’est pas canalisé, il peut être destructeur.  L’ambivalence de nos comportements peut nous pourrir la vie. On peut même avoir un GPS spirituel et se fourvoyer en chemin. Il est clairvoyant de s’interroger sur l’origine de nos désirs et analyser les motivations qui les portent.

Bibliquement, un désir mal conçu entraîne des convoitises. Or l’apôtre Jacques nous dit expressément que « la convoitise, lorsqu’elle est conçue, enfante le péché ; et le péché, étant consommé, produit la mort » Jacques 1 : 15, version LSG. Convoiter dans le décalogue peut être traduit comme un désir interdit.

Donc, un désir mal orienté peut être destructeur. Salomon dira par exemple : « Le désir du paresseux cause sa mort, car ses mains refusent le travail » Proverbes 21 : 25, version FBJ.  

L’apôtre Paul nous propose un repère pour sonder nos désirs. Il écrira aux chrétiens de Rome : « Se préoccuper des désirs de sa propre nature mène à la mort, mais se préoccuper des désirs de l’Esprit Saint mène à la vie et à la paix » Romains 8 : 6, version BFC.

C’est le point nodal de notre sujet ! Le désir lorsqu’il est bien orienté est synonyme de don d’amour (don de soi sans exigence de retour). Un instinct prédateur sommeille en chacun de nous, même à notre insu (les nuances de pensées prédatrices sont légion). Un désir non sanctifié peut considérer son semblable comme un objet à posséder (le corps et l’esprit par narcissisme). De là naissent toutes les perversions qui sont de plus en plus présentes dans notre vingtième siècle. Assurément, les désirs peuvent être des pièges, s’ils nous enferment dans des voies sans issue. L’apôtre Jacques écrira à ce propos : « Vous convoitez et ne possédez pas ; vous êtes meurtriers et jaloux, et ne pouvez réussir ; vous combattez et bataillez. Vous ne possédez pas parce que vous n'êtes pas demandeurs » Jacques 4 : 2, version TOB. 

 

Mais, attardons-nous maintenant sur les bienfaits du désir. Principalement parce qu’ils révèlent qui nous sommes vraiment. Assurément, le témoignage du Christ est référent à ce propos. Au soir de sa mort, au moment de prendre la dernière Pâque avec ses apôtres, il aura ces mots forts qui ont traversé l’histoire des peuples : « J'ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir » Luc 22 : 15, version FBJ. (C’est le verbe ἐπιθυμέω, dont nous avons déjà parlé qui est employé à dessein). Ce vif désir du Christ a traduit la sublime intention du Sauveur de faire corps avec ceux qui l’avaient accompagné. En prophétisant des souffrances à venir, le Seigneur a voulu signifier à ses compagnons de route, son désir ardent d’être solidaire de l’humain en toute circonstance. Cet élan sublime, langage incomparable d’amour, nous dit sa motivation de nous accompagner dans nos parcours chaotiques. Son désir s’est traduit par le don de sa personne. Ailleurs, il dira : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » Jean 15 : 13, version NEG. Quand on prend le temps de méditer le contexte dans lequel le Seigneur a exprimé son ardent désir, on se dit qu’il faut être habité par les bonnes dispositions divines pour se dessaisir à ce point de soi. Cette construction de l’amour (agapé) qui anime le désir est bénédiction pour ceux qui le vivent. Bibliquement, c’est un fruit de l’Esprit (cf. Galates 5 : 22 // 1 Corinthiens 13 : 1-8).

Afin de nous aider à faire vivre en nous ces désirs nourriciers, l’apôtre Pierre osera cette comparaison : « Rejetez donc toute malice et toute fourberie, hypocrisies, jalousies et toute sorte de médisances. Comme des enfants nouveau-nés désirez le lait non frelaté de la parole, afin que, par lui, vous croissiez pour le salut, si du moins vous avez goûté combien le Seigneur est excellent » 1 Pierre 2 : 1-3, version FBJ.

 

Conclusion :

 

Les désirs naissent au plus profond de notre être. Ils révèlent qui nous sommes vraiment. C’est la raison pour laquelle seul Yaweh-Adonaï peut les connaître. Certes, nous avons tous la liberté intérieure qui permet au désir de s’éveiller ! Mais, même s’il prend naissance souvent lors d’une prise de conscience d’une situation, il véhicule une part de mystère. Notre Père des cieux détient seul la clef qui lui permet de décoder ce que nous pensons. Son désir, (émanation de son amour pour nous) s’est exprimé clairement. Dans ce contexte la mort est une anomalie. Dieu ne veut pas que le méchant meure, mais seulement qu’il change de conduite pour vivre (cf. Ezéchiel 18 : 23). Toute son action bienveillante est aussi préventive. Par le canal de son serviteur Ezéchiel, Dieu dira au peuple d’Israël (symbole de notre humanité) : « Rejetez loin de vous toutes les transgressions par lesquelles vous avez péché ; faites -vous un cœur nouveau et un esprit nouveau. Pourquoi mourriez -vous, maison d'Israël ? Car je ne désire pas la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur, l'Éternel. Convertissez -vous donc, et vivez » Ezéchiel 18 : 31-32, version LSG. En raccourci, soyez vigilants dans l’analyse de vos désirs…

Les enseignements bibliques ne cessent de nous alerter sur l’entretien de désirs malsains, non pour brider notre liberté, mais bien au contraire pour nous orienter vers le chemin de la vraie vie. Le désir peut être malédiction, quand il nous détourne de la voie de la vie, celle qui enseigne à nous respecter et à respecter notre prochain. Il est bénédiction quand l’amour, d’inspiration céleste, nous motive et nous anime. Dans ce cas la recherche du bien pour soi, pour nos proches, pour nos amis, pour le prochain, devient source de bonheur.

Mais pour que nos désirs soient sanctifiés, il est indispensable de prendre conscience que nous avons besoin d’être visités par le Saint Esprit. Cette démarche d’humilité ne peut que nous élever pour accéder à la vraie vie. Le Christ a eu pour projet d’inscrire ce bienfait dans le présent de chacun. Il a traduit le cœur de son désir par des messages simples. Il s’est par exemple présenté comme un bon berger qui donne sa vie pour ses brebis (cf. Jean 10 : 11). Dans la nuit, en conversation avec Nicodème, ce maître en Israël, Jésus lui fera comprendre la nécessite de naître d’en haut (ou de nouveau) par l’Esprit (cf. Jean 3 : 3,5,7-8).

L'apôtre Paul, suivant cet enseignement, écrira aux chrétiens de Rome :

 

« Soyez transformés par le renouvellement de l'intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait » Romains 12 : 2, version LSG. Autrement dit : Laissons Dieu scanner nos désirs pour voir si rien de malin ne s’y niche… David priait ainsi son Seigneur : « Regarde si je suis sur une mauvaise voie, Et conduis-moi sur la voie de l'éternité ! Psaume 139 : 24, version LSG. L’apôtre Jacques nous conseille aussi : « Si vous demandez, vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de pouvoir dépenser pour vos plaisirs » Jacques 4 : 3, version TOB.

Soyons de ceux qui actionnent leur libre arbitre pour orienter nos désirs vers une relation bienveillante pour nous et notre prochain par la pratique du bien, du beau, du bon (en bref ! la vraie vie tout simplement).

 

Osons nous associer à tous ceux qui ont déjà fait ce choix et disons :

 

« " Viens ! " Que celui qui entend dise : " Viens ! " Et que l'homme assoiffé s'approche, que l'homme de désir reçoive l'eau de la vie, gratuitement » Apocalypse 22 : 17, version FBJ.

 

                                                                              Jacques Eychenne

 

 

 

PS : LSG, version Louis Segond ; FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem ; TOB, version de la Traduction Œcuménique de la Bible ; NEG, version Nouvelles Editions de Genève ; BFC, version de la Bible en Français Courant.

 

 

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