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Ma volonté ou celle de Dieu ? 1 Jean 2 : 17 |
Introduction : Marc 3 : 31-35
A la lecture du texte de l’évangéliste Marc, on peut demeurer circonspect devant la réplique de Jésus à l’adresse de ceux qui venaient l’informer que sa mère et ses frères le demandaient. Jésus enseigne dans une maison, quand la demande de sa famille de sang lui parvient. Alors, il saisit cette occasion pour requalifier la nouvelle famille spirituelle qu’il est en train d’appeler de ses vœux.
En fait, son intervention n’a pas la portée méprisante qu’on voudrait lui donner. Le Christ est totalement investi dans son projet, en harmonie avec son Père céleste. Il est venu s’incarner pour former une nouvelle famille. Désormais, ce n’est plus le lien du sang qui va primer, mais la relation spirituelle, relation avec l’auteur de la vie. Il n’y a rien d’irrespectueux de sa part dans l’instant où il poursuit sa mission, car elle submerge notre humanité. Il ne cessera de dire qu’il est venu pour que le plus grand nombre adhère à son message. L’invitation à faire partie d’un royaume céleste est toujours présente dans cette situation.
Ainsi, ce texte apparemment abrupt, met en évidence deux principaux niveaux de relation : La notion humaine dans le lien du sang, et la notion spirituelle dans le lien avec Dieu. Ainsi, le Christ établit une distinction entre la famille humaine et la famille spirituelle.
Mais soyons clairs, Il a bien précisé que la famille humaine était digne d’attention. Lui-même dans sa relation avec ses parents, Joseph et Marie, a montré beaucoup de respect et d’amour, depuis sa plus tendre enfance…
Cependant là, dans ce texte de Marc, Jésus a voulu marquer la différence entre ce qui relevait de l’humain, et ce qui était du registre spirituel. Sans discréditer sa famille humaine, le Seigneur a montré la suprématie du spirituel.
L’évangéliste Luc met en relief les 2 aspects que nous avons mentionnés en introduction.
« Or, l’enfant croissait et se fortifiait. Il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui » Luc 2 : 40. Autrement dit, Jésus a vécu au travers de son incarnation les deux niveaux de relation : solidaire de la race humaine et en lien étroit avec son Père (en complète harmonie avec la mission reçue de son Père des cieux).
Très tôt, à l’âge de 12 ans, Jésus va clarifier les enjeux de sa présence sur terre. Il va mettre l’accent sur sa vraie filiation spirituelle : « Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? Voici, ton père et moi, nous te cherchions avec angoisse. Il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père » Luc 2 : 48-49, version LSG. Joseph et même Marie comprendront plus tard la portée de ses paroles…
Si le Seigneur a voulu établir une nette démarcation entre le lien du sang et celui de la relation spirituelle à Dieu, n’est-ce pas pour nous aider à porter un regard plus profond et plus visionnaire sur notre présente humanité ?
Sommes-nous, nous aussi concernés par les affaires de son Père ? Y a-t-il quelque chose d’important à découvrir ?
Développement :
L’apôtre Paul a repris la pensée du Christ en la reformulant de la manière suivante :
« De fait, chose impossible à la Loi, impuissante du fait de la chair, Dieu, en envoyant son propre Fils avec une chair semblable à celle du péché et en vue du péché, a condamné le péché dans la chair, afin que le précepte de la Loi fût accompli en nous dont la conduite n'obéit pas à la chair mais à l'esprit. En effet, ceux qui vivent selon la chair désirent ce qui est charnel ; ceux qui vivent selon l'esprit, ce qui est spirituel. Car le désir de la chair, c'est la mort, tandis que le désir de l'esprit, c'est la vie et la paix » Romains 8 : 3-6, version FBJ.
Faut-il dès lors mépriser les liens du sang ? Pas du tout, bien au contraire ! L’acte créateur du Père a voulu qu’il en soit ainsi.
Les relations avec nos parents, nos proches, et notre prochain sont le lieu le plus propice à vivre notre spiritualité (pour autant que l’amour soit au rendez-vous). Notre humanité et notre spiritualité sont appelées à cohabiter harmonieusement ensemble. Il est impensable de les opposer, comme certains chrétiens l’ont fait dans le passé (cf. Les Cathares par exemple). Méprisant tout ce qui était proprement charnel, certains croyants sont parvenus à considérer tout désir comme le péché. On oublie trop facilement que le corps humain est le couronnement de la création de Dieu ! Les lois qui régissent notre corps sont bonnes, à moins qu’elles soient perverties.
Mais revenons à la notion de parenté. Le Christ a toujours eu présent à l’esprit ce que son Père avait gravé lui-même dans la pierre. Dans le décalogue nous trouvons ces paroles :
« Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l’Eternel, ton Dieu, te donne » Exode 20 : 12.
C’est la seule indication, parmi les dix Paroles données au Sinaï à Moïse, qui soit porteuse d’une promesse ! C’est dire l’attention que nous devons accorder à nos parents ! Jésus venant parfaire ce commandement de son Père a été irréprochable sur ce point. N’allons pas chercher dans le texte de Marc (cf. Marc 3 :35), une quelconque parole de rejet à l’encontre de sa propre mère et de ses frères !
Toutefois, le Christ a saisi cette occasion pour souligner une différence importante entre l’aspect humain et l’aspect spirituel. Certes, Il définit une grande responsabilité envers nos parents, mais la vraie parenté, celle qui est source de vie éternelle, est définie comme étant d’ordre spirituel.
Pour le Seigneur, faire la volonté de Dieu devient la référence pour devenir frères, sœurs, mères. Seule la grâce accomplit ce miracle. Faire la volonté de Dieu traduit un état d’esprit d’ouverture à la transcendance divine.
Le Christ dans son message a repositionné l’objectif suprême de Dieu. La création humaine n’est qu’une étape. L’éternité sera la destination finale de tous ceux et celles qui auront accueilli cette merveilleuse bonne nouvelle. Réintégrer la famille céleste, telle est la finalité divine. Elle donne du sens et de la cohérence à sa création. Les bienfaits de cette vérité sont immenses. Concrètement, elle valorise la vie de chacun de nous (cf. Matthieu 10 : 30). Prenons donc conscience que nous sommes l’objet d’une grande attention ! De plus, elle procède de l’amour parfait (cf. Jean 3 : 16). Ainsi, elle révèle la nature profonde des motivations divines.
Mon frère, ma sœur, ma mère sont ceux qui font la volonté de Dieu. La voilà la révélation essentielle portée par le Christ parmi nous !
Jean, le disciple de l’amour, traduira dans sa lettre pastorale :
« Le monde passe et sa convoitise aussi ; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement » 1 Jean 2 : 17, version LSG.
Notre quête permanente doit s’orienter vers la recherche de cette volonté. Certes, c’est la démarche la plus difficile de notre existence. Connaître la volonté de Dieu pour soi, dans le détail, relève du parcours du combattant. Toutefois, Dieu met tout en œuvre pour nous aider dans cette marche. « Dieu met en œuvre en vous et le vouloir et la mise en action, selon sa bienveillance » Philippiens 2 : 13 (traduction libre).
Soyons donc tous encouragés ! Le bon plaisir de Dieu, son bienveillant dessein pour chacun de nous, est de nous aider à cheminer paisiblement dans notre désir de faire sa volonté. Et cette volonté est d’accéder à la vraie vie, celle qu’on qualifie d’éternelle.
David avait raison de présenter cette priorité pour lui-même :
« Enseigne-moi à faire ta volonté ! Car tu es mon Dieu, que ton bon esprit me conduise sur la voie droite ! » Psaume 143 :10.
En fait, comment peut être définie la volonté de Dieu ? Jean 6 : 38-40.
La compréhension de la volonté de Dieu intègre plusieurs aspects :
Cette volonté part d’une affirmation que l’on oublie trop souvent, à savoir que
Dieu veut par-dessus tout que l’on vive, c’est la finalité de son œuvre d’amour. Yaweh-Adonaï, notre Père a été clair, dès le départ, avec Adam et Eve et par la suite avec le peuple hébreu. Lors de sa pérégrination vers la terre promise, l’Eternel s’adressa au peuple, par l’intermédiaire de Moïse, et lui dit ces paroles pleines d’affection et de tendresse :
« Dieu ne veut ni t’abandonner, ni te perdre… » Deutéronome 4 : 31 (dans l’original hébreu, il est question de ne pas délaisser et de ne pas détruire).
En toute cohérence avec le projet de son Père, le Christ est venu nous donner une vie d’une autre nature. Cette vie d’essence spirituelle est qualifiée de surabondante (lire Jean 10 : 10 ; en grec, περισσός = perissos= qui dépasse, en quantité et en valeur, extraordinaire, surabondant, superflu).
Sommes-nous bien conscients de la beauté et de la profondeur du don de cette vie ?
De même, dans la nouvelle alliance, Jean rapporte les paroles de Jésus : « Or, la volonté de celui qui m’a envoyé, c’est que je ne perde aucun de tous ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour » Jean 10 : 39, version LSG.
Matthieu n’est pas en reste lorsqu’il nous restitue d’autres propos du Christ :
« Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu... De même, ce n’est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux qu’il se perde un seul de ces petits » Matthieu 18 : 11 et 14, version LSG.
En fait, toute l’attention de Dieu pour l’humain est résumée dans une toute petite parabole :
La brebis perdue (cf. Luc 15 : 3-7)
Soyons clairs, nous avons du prix aux yeux de Dieu. Il nous a créés par amour, et il tient infiniment à nous. Il nous désire, il nous veut en proximité de relation. Il nous intègre dans son intimité. Nous sommes précieux pour Lui. Nous n’avons qu’une très, très, faible idée de ce que Dieu réserve à ceux qui lui font totalement confiance !
En actant cette réalité, nous activons du même coup notre motivation à rechercher sa volonté.
En effet, si notre Père céleste a un plan heureux et positif pour nous, ce serait regrettable de ne pas rechercher à le connaître !
Cela dit la recherche de sa volonté est une affaire personnelle. Les directeurs de conscience sont souvent impuissants à nous faire découvrir finement les modalités de cette volonté. C’est heureux que ce parcours nous appartienne, car il engage notre présent et notre avenir.
Déjà dans sa relation avec le peuple hébreu, Yaweh-Adonaï avait indiqué un préalable à la recherche de sa volonté bienfaisante. Par l’intermédiaire de Moïse, il indiqua à chaque membre du peuple la marche à suivre :
« tu chercheras l’Eternel, ton Dieu, et tu le trouveras, si tu le cherches de tout ton cœur et de toute ton âme » Deutéronome 4 : 29.
Toutes proportions gardées, Dieu nous invite à l’imiter, dans notre engagement de foi. Ce n’est pas une recherche au rabais qu’il sollicite de notre part ; il veut que nous nous engagions totalement dans un processus relationnel. Il nous rappelle que nous avons un Père et que nous devons nous positionner en tant que ses fils et filles.
Plus près de nous, dans le modèle de prière que le Seigneur nous a laissé, nous trouvons cette phrase bien connue : « Que ta volonté soit faite, comme dans le ciel aussi sur la terre » Matthieu 6 : 10 (traduction libre qui respecte l’ordre des mots ; dans l’original grec : qu’arrive ta volonté). Autrement dit, cette volonté divine est empreinte d’une invitation solennelle à intégrer la grande famille céleste. Cette pensée est accessible à ceux et celles qui ouvert d’esprit, ont fait un bout de chemin avec « Notre Père qui est dans les cieux ». Notons que l’introduction de cette merveilleuse prière nous parle aussi de l’endroit où se trouve le Père. Il n’est pas dit au ciel, mais aux cieux.
Ainsi, l’infini majestueux des cieux nous parle de Dieu. Il nous révèle qui est Dieu. Cette voûte céleste impressionnante force notre admiration. Ces milliards d’années-lumière n’épuisent pas son immensité. Les astronomes découvrent en permanence. Ils cherchent à comprendre l’origine de la vie. Force est de constater qu’un grand architecte doit être derrière ce projet fabuleux ! A la mesure du temps cosmique, nous ne sommes qu’une faible étincelle…
Le roi David disait déjà en son temps : « les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’étendue manifeste l’œuvre de ses mains » Psaume 19 : 2, version LSG.
Notre émerveillement est une chose, la recherche de sa volonté en est une autre. Dans la parabole des deux fils le Seigneur stimule notre compréhension sur ce sujet.
Lire Matthieu 21 : 28-32.
Le texte met en évidence deux comportements : Celui qui répond à son père « je ne veux pas aller » dans ta vigne, et finit par y aller, et celui qui dit : « je veux bien » et qui n’y va pas. Jésus pose alors la question : lequel des deux a fait la volonté du père ? Les auditeurs ayant donné la bonne réponse, le Seigneur rajoute :
« Je vous le dis en vérité, les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n’avez pas cru en lui. Mais les publicains et les prostituées ont cru en lui ; et vous qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas repentis pour croire en lui ».
La recherche de la volonté de Dieu ne se fonde pas sur de bonnes et pieuses intentions, mais sur des actes. Pour prendre la décision d’agir, il faut prendre conscience que nous sommes incapables, par nous-mêmes, d’accomplir la volonté de Dieu. C’est la raison pour laquelle le texte parle de repentir. Une fois actée, cette prise de conscience doit conduire à un choix : croire en la parole du Père ; en d’autres termes, avoir la foi pour engager une action en réponse à sa parole.
Ainsi libellé, nous sommes orientés vers la bonne piste dans notre quête de Dieu. Mais de là à savoir ce qu’il convient de faire dans des circonstances précises, c’est une autre étape plus intimiste (cf. Romains 8 : 26).
Quand tout va bien dans nos vies, il est relativement aisé d’imiter l’exemple du Christ. Mais cela se complique sérieusement quand l’épreuve arrive, quand la souffrance est récurrente, quand l’espoir de vie devient ténu. Pour les uns, c’est la révolte, pour d’autres l’incompréhension et l’amertume. Comment accepter que Dieu veuille notre bien, quand nous souffrons et que tout va mal ?
Le Christ a connu cet état d’âme. Comme lui, nous voudrions que la coupe des douleurs s’éloigne de nous (cf. Luc 22 : 42). Survient alors, le sursaut de la foi : « non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » Marc 14 : 36, version LSG. Ou encore ailleurs « il s’éloigna une seconde fois, et pria ainsi : Mon Père, s’il n’est pas possible que cette coupe s’éloigne de moi sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » Matthieu 26 : 42, version LSG. Juste avant le Seigneur avait énoncé cette évidence : « l’esprit est bien disposé mais la chair est faible » Matthieu 26 : 41, version LSG.
Il faut oser le dire, face à la souffrance et à nos incompréhensions, il ne reste qu’une seule issue positive, si on ne veut pas tomber de charybde en scylla : faire acte de foi, c’est-à-dire, déployer une confiance indéfectible en celui que nous avons identifié et reconnu comme notre Père des cieux.
Le Christ a eu cette humilité de reconnaître qu’il ne pouvait rien faire de lui-même. Il n’a pas recherché à imprimer sa propre volonté. Il s’est soumis à celle de son Père (cf. Jean 5 : 30 ; 6 : 38).
C’est dans le sens positif d’une soumission volontaire qu’il nous demande d’apprécier son message :
« Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il saura si cet enseignement vient de Dieu ou si je parle de moi-même » Jean 7 : 17, version TOB.
Conclusion :
La compréhension de la volonté de Dieu dans nos vies est comme le parcours d’une eau de source qui parvient jusqu’à nous. Il faut avoir l’humilité de laisser cette volonté arriver jusqu’à nous. C’est avec une disposition d’ouverture spirituelle (nommée repentir dans les évangiles) que l’on y parvient. Reconnaître la souveraineté de notre Père des cieux, et se soumettre de cœur à ce qu’il veut pour nous, est gage de sérénité et de bonheur.
« Qu’arrive la volonté de Dieu jusqu’à nous » c’est avoir le désir d’être solidaire d’un projet baptisé : plan du salut. C’est manifester de le voir se réaliser complètement et durablement en nous. C’est encore prendre conscience que c’est lui qui produit en nous une action bienfaisante, cicatrisante et pérenne. A cet endroit, la célèbre formule de l’apôtre Jacques « si Dieu le veut » a toute sa place (cf. Jacques 4 : 13-15). « Qu’arrive ta volonté » devient accueil spontané de ce que le Père a conçu pour notre bonheur présent et futur. L’apôtre Paul écrira aux chrétiens d’Ephèse : « Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté, selon le bienveillant dessein qu’il avait formé en lui-même » Ephésiens 1 :9, version LSG. L’expérimenté David nous donne son conseil : « Remets ta voie sur l’Eternel, et confie-toi en lui, et lui, il agira » Psaume 37 : 5, version DRB.
« Que nul n’attribue à soi-même les victoires qu’il doit à la grâce. Nous n’avons de force que pour le mal : tout bien est de Dieu en acte ou volonté » Edmund Spencer, dans la Reine des fées (1590-1596).
« Ne vous conformez pas à ce siècle ; mais soyez transformés par le renouvellement de votre entendement, pour que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, bonne et agréable et parfaite » Romains 12 : 2, version DRB.
Jacques Eychenne
PS : LSG, version Louis Segond ; FBJ, version Bible de Jérusalem ; TOB, version Traduction Œcuménique de le Bible ; DRB, version Darby.