Jean est son nom

 

      Jean est son nom

                              ou

           l’annonce

   d’une autre naissance

    Luc 1 : 5-25,57-80

 

Introduction :

 

Luc, le médecin bien-aimé (cf. Colossiens 4 :14) nous apprend, dès les premières lignes de son évangile, que plusieurs ont entrepris une rédaction des évènements marquants de la vie de Jésus-Christ. Suivant sa méthode, il nous dit avoir fait des recherches exactes. Il a recueilli et rassemblé tous les faits patents, attestés par des témoins oculaires, concernant cette période (cf. Luc 1 : 1-3). Alors, que nous apprend le premier chapitre de son ouvrage ? En synthèse, Luc veut nous montrer que tout ce qui s’est passé, et qui annonçait la venue d’un sauveur, s’est inscrit dans un contexte d’attente messianique. Le peuple d’Israël souffrait de la domination romaine. Il aspirait à en être délivré. Le Messie annoncé par les prophètes devait avoir pour mission la libération d’Israël. Alors, suivant son habitude « Dieu ne fait rien sans révéler son secret à ses serviteurs les prophètes » Amos 3 : 7. Dieu a préparé la venue extraordinaire de la naissance de Jésus par une autre naissance tout aussi miraculeuse : celle de Jean (qu’on appellera le baptiste).

 

Développement :

 

Pour attirer l’attention de tout le peuple sur l’évènement qui marquera le point zéro de la chronologie de l’histoire d’une grande partie de notre monde (cf. il y aura désormais un avant et un après la naissance de J.C), Dieu intervient au cœur d’Israël, à Jérusalem, la ville sainte, dans le temple. Le lieu n’est pas anodin. Le temple est le haut lieu spirituel de la vie communautaire. C’est donc là que Dieu va se révéler, et il choisit pour se manifester un couple âgé. Pour annoncer une naissance on s’attendrait à un autre choix, mais la surprise n’en est pas une, quand on découvre le sens profond de la réalité de l’action divine.

 

L’Eternel choisit un couple avancé en âge. Zacharie est d’une descendance de sacrificateurs (celle d’Abia ou Abija, cf. Néhémie 12 :4) ainsi que son épouse Elisabeth, descendante de la prestigieuse famille sacerdotale d’Aaron. Ainsi, Dieu répond à l’attente du peuple en mettant en scène d’abord Zacharie, puis son épouse Elisabeth. Zacharie est au cœur de la cité, dans le temple, et il officie suivant la règle du sacerdoce. Quel enseignement exprime ce décorum ?

 

- Dieu choisit un couple engagé dans sa relation à Yhwh. C’est un foyer qui respire la consécration au service de Dieu et du peuple (cf. Luc 1 : 6). Dieu confie des missions à ceux et celles qui ont les bonnes dispositions pour les porter.

- Ce couple au témoignage éloquent vit un drame. Elisabeth est stérile. A cette époque, le fait est considéré comme une malédiction (cf. Genèse 16 : 2 ; 20 : 18 ; 1 Samuel 1 : 5-7). La loi mosaïque prédisait la stérilité comme châtiment à des mariages consanguins interdits (cf. Lévitique 20 : 20-21). La stérilité de l’épouse était une raison de honte, car dans la perspective de la venue d’un libérateur, chaque femme espérait donnait le jour au Messie. Une femme stérile était considérée comme ignorée de Dieu. C’est la raison pour laquelle elle était mise à l’ écart de la société. Souvenons-nous de la détresse de Rachel, l’épouse de Jacob : « donne-moi des enfants ou je meurs ! La colère de Jacob s’enflamma contre Rachel et il dit : suis-je à la place de Dieu, qui t’empêche d’être féconde ?  » Genèse 30 : 1,2. Comme nous le constatons la stérilité restait un sujet grave. Il pouvait conduire à la répudiation (cf. Deutéronome 24 : 1). Dieu accueille toujours les rejetés de la société humaine.

- Le couple de Zacharie et d’Elisabeth est solide. Le lien qui les unit est spirituel. Au lieu de s’en prendre à sa femme (à cette époque on ignorait que les hommes pouvaient être stériles), le récit nous apprend que Zacharie a préféré s’en remettre à Dieu. Sa prière persévérante a été exaucée. Alors qu’il brûle des parfums devant l’autel, un ange du Seigneur apparaît et lui dit : « ne crains point, Zacharie ; car ta prière a été exaucée. Ta femme Elisabeth t’enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean ». Luc 1 : 13.

 

Que nous apprend le choix divin ?

  1.  Pour réaliser son grand projet (appelé communément le plan du salut de l’humanité), Dieu choisit des personnes engagées, c’est-à-dire, des humains à la maturité bien affirmée et qui lui font totalement confiance. Zacharie a peut-être prié des années avant de voir l’exaucement de sa prière, qui sait ? Son témoignage est éloquent pour tous ceux et celles qui portent dans leur cœur des prières secrètes. Que de drames cachés et de blessures profondes !
  2.  La spiritualité ne fait pas l’impasse des drames. Tout le monde peut être touché et ce n’est que justice. Seule la confiance en Dieu construit la résilience au mal, alors que la colère active sa douleur. Si pour une raison ou une autre, on est rejeté de la société des humains, ce récit nous apprend que nous ne le sommes pas pour Dieu et cela quel que soit notre âge. Nos drames sont connus même si nous ignorons le fait…
  3.  La prière est le moyen que l’Eternel nous a donné pour communiquer avec lui. Ce récit nous apprend que non seulement il l’entend, mais aussi qu’il peut l’exaucer (cf. Proverbes 15 : 8, 29).
  4.  Le miracle qu’Elisabeth va vivre annonce celui encore plus grandiose qui va suivre… Marie va être enceinte par fécondation divine. Le message devient clair. Il est exprimé plus loin dans le récit : « rien n’est impossible à Dieu » Luc 1 : 37.

Ainsi, rien n’est laissé au hasard. Ce couple fidèle est appelé à vivre une expérience unique : mettre au monde un enfant. Il aura pour mission de préparer le chemin du Messie Yéshoua. Leur impossible histoire est annonciatrice d’une autre histoire qui fera date. Désormais, plus rien ne sera comme avant : l’impossible a ouvert tous les chemins du possible et du merveilleux.

Dans un contexte d’attente messianique, l’histoire de ce couple avancé en âge nous parle d’espérance. Dieu est fidèle à sa parole. Ce qu’il a promis se réalise avec certitude. Seuls les doutes tenaillent toujours l’humain. Zacharie ne va pas échapper à cette réalité. Le message que lui délivre l’ange est trop merveilleux pour être vrai :

« il sera pour toi un sujet de joie et d’allégresse, et plusieurs se réjouiront de sa naissance ; car il sera grand devant le Seigneur, et il ne boira ni vin ni cervoise; et il sera rempli de l'Esprit Saint déjà dès le ventre de sa mère. Et il fera retourner plusieurs des fils d'Israël au Seigneur leur Dieu. Et il ira devant lui dans l'esprit et la puissance d'Élie, pour faire retourner les cœurs des pères vers les enfants, et les désobéissants à la pensée des justes, pour préparer au Seigneur un peuple bien disposé. »  Luc 1 : 15-17, version Darby. Ce merveilleux se présente comme inaccessible à l’intelligence de Zacharie.

 

Zacharie campe sur le questionnement. Comment est-ce  possible, se demande–t-il ? L’ ange est obligé de lui rappeler qu’il est venu lui annoncer une bonne nouvelle, mais sa foi n’est pas assez grande pour l’entendre. Alors la sentence tombe : « tu seras muet et tu ne pourras point parler jusqu'au jour où ces choses arriveront, parce que tu n'as pas cru mes paroles qui s'accompliront en leur temps. »  Luc 1 : 20, version Darby.

Zacharie sera privé de parole pendant 9 mois. Pour un officiant qui remplissait son service dans le temple, imaginons tous les commentaires que cela a dû susciter ! Et puis, il aura suffi de neuf petits mois pour que Zacharie oublie le nom qu’il fallait donner à son enfant selon les instructions qu’il avait reçues (cf. Luc 1 : 13).  Et c’est Elisabeth qui fut sa mémoire (cf. Luc 1 : 59-63). Les difficultés pointées chez Zacharie sont souvent nôtres. Nous mésestimons la puissance de l’Eternel et nous sommes de caractère oublieux. Les disciples n’ont pas dérogé à cette observation. Jésus dénonça souvent leur comportement : « gens de peu de foi » Matthieu 6 : 30 ; 8 : 26 ; 14 : 31 ; 16 : 8. Quant à nous, sommes-nous allergiques aux bonnes nouvelles spirituelles et tout aussi oublieux des promesses divines ?

 

L’exemple de Zacharie est parlant. Réalisons-nous que nous pouvons être irréprochables dans l’observance des commandements de Dieu et passer à côté de ce qui est plus important que la loi : la foi (lien de confiance, d’espérance et de joie) ? Dieu a repositionné Zacharie dans une indéfectible confiance dans son projet. Ainsi revigoré, il annonça la venue d’un sauveur avec force et reformula la mission de son fils Jean. Rempli du Saint-Esprit, il prophétisa en ces mots : 

« Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité et délivré son peuple, et nous a suscité une puissance de salut dans la maison de David, son serviteur, selon qu'il l'avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens, pour nous sauver de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent. Ainsi fait-il miséricorde à nos pères, ainsi se souvient-il de son alliance sainte, du serment qu'il a juré à Abraham, notre père, de nous accorder que, sans crainte, délivrés de la main de nos ennemis, nous le servions en sainteté et justice devant lui, tout au long de nos jours. Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut ; car tu marcheras devant le Seigneur, pour lui préparer les voies, pour donner à son peuple la connaissance du salut par la rémission de ses péchés ; grâce aux sentiments de miséricorde de notre Dieu, dans lesquels nous a visités l'Astre d'en haut, pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l'ombre de la mort, afin de guider nos pas dans le chemin de la paix. »  Luc 1 : 68-79, version de Jérusalem.

 

Cette prophétie souligne la métamorphose spirituelle de Zacharie. Sa foi s’est ouverte à la dimension du projet divin. L’horizon de sa compréhension des promesses divines s’est élargi.

 

Par l’Esprit, Zacharie nous révèle des merveilles. Citons-en quelques-unes !

 

- Dieu a visité et racheté son peuple.

- De la maison de David, une corne de salut va sortir. L’annonce d’un sauveur est proclamée avant que l’évènement se produise.

- Pour Zacharie cette naissance du Christ est conforme à la prédication  des prophètes des temps anciens. Dieu est fidèle dans ses promesses…

- Ce Sauveur annoncé s’inscrit dans la sainte alliance. On parle de délivrance comme lors de la sortie d’Egypte. Pour aimer et servir Dieu, il faut sortir de « toute domination ». C’est cette liberté qui valorise le service pour Yahvé-Adonaï.

- Zacharie prédit que son fils sera appelé prophète du Très-Haut. Il marchera devant le Seigneur. Il ouvrira ses voies afin que Jésus-Christ nous donne la connaissance du salut. Le pardon des péchés est annoncé comme démonstration de la miséricorde divine. La lumière céleste va chasser l’ombre de la mort et elle nous dirigera vers un chemin de paix. Tout le message chrétien est là synthétisé.

 

Jean sera grand devant le Seigneur. Le Seigneur Jésus confirmera : « car je vous dis: Parmi ceux qui sont nés de femme, il n'y a aucun prophète plus grand que Jean le baptiseur; mais le moindre dans le royaume de Dieu est plus grand que lui. »  Luc 7 : 28, version Darby.

Comment comprendre qu’il fut le plus grand ? Au vu et au su de tout le monde, il était loin d’être représentatif de la pratique spirituelle de son temps. On dirait aujourd’hui qu’il était pour le moins marginal. Il vivait dans le désert. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il avait pour seul habit, un vêtement fait de poils de chameau et un pagne de peau autour des reins (cf. Matthieu 3 : 4, version de Jérusalem). Rien de bien conventionnel ! De là à le prendre pour un de ces illuminés qui parcouraient les contrées désertiques, le pas était facile à faire ! D’autant que sa parole n’avait pas la marque de la douceur. Il criait pour se faire entendre…

Et pourtant, Jean fut le plus grand des prophètes. Autant dire que le côté hirsute du personnage est secondaire par rapport à sa mission. Car Jean fut l’homme d’une seule mission. Toute sa vie s’est concentrée sur l’objectif que le Saint-Esprit lui avait assigné : Préparer le chemin du Seigneur Jésus. Ainsi, Jean s’est donné les moyens d’accomplir cette tâche. Sa vie solitaire au désert favorisa  sa concentration. Il alla  à l’indispensable vital dans un cadre de vie rude. Il n’était pas question de boire du vin ou des liqueurs enivrantes, Jean avait pour priorité d’être chaque matin rempli du Saint-Esprit. Pour nous qui vivons loin des déserts, très éloignés de telles conditions ascétiques, nous sommes plus contraints à la dispersion. Notre monde moderne nous sollicite constamment, et il devient difficile même de se concentrer sur un défi important. Le danger qui peut alors se profiler demeure dans la confusion de nos priorités vitales dont la spiritualité fait partie. Ce récit nous invite aussi à éviter de se méprendre sur l’aspect extérieur des gens. Méfions-nous des clichés faciles et des jugements hâtifs. L’habit ne fait pas le moine ! Qui aurait pu imaginer que cet original hirsute était porteur d’un message divin ?

 

Jean fut l’homme d’une seule mission. Quelle a été sa feuille de route ?

  • Préparer un peuple bien disposé à accueillir son Messie.
  • Réconcilier les fils d’Israël avec Dieu, et plus généralement par extension la famille humaine avec la famille céleste.
  • Réconcilier les familles, redonner du contenu aux liens affectifs familiaux.
  • Inviter les rebelles à l’action divine à plus de sagesse. Désamorcer la colère injuste et infondée contre Dieu.

Apparemment cette tâche était démesurée pour Jean. Pourtant, il l’intégra et se laissa conduire par le Saint-Esprit. La nature humaine est ainsi faite qu’elle a sans cesse besoin d’être rassurée face à l’inconnu qui l’insécurise. Un message puissant de repentance et de salut viendra ainsi du désert. Cette bonne nouvelle sera par la suite développée par le Seigneur Jésus…

 

Conclusion :

 

Luc, le bien-aimé médecin, a été bien inspiré de nous retracer les évènements qui ont précédé la naissance de l’enfant Jésus. Cette bonne nouvelle a été confiée à un vieillard et à sa femme. Cet homme, appliqué à l’obéissance à la loi, a dû expérimenter une nouvelle naissance : celle de la foi. C’est donc au travers d’une renaissance (tout comme Nicodème cf. Jean 3 : 1-12) que la naissance d’un fils est annoncée. Cette naissance est, elle-même à son tour, annonciatrice de celle du Sauveur de notre humanité. Si tout ce premier chapitre de Luc nous parle de naissance, ce n’est certes pas pour nous faire un cours d’histoire du christianisme ! En filigrane, à travers les personnages de ce couple, c’est de nous qu’il s’agit si nous désirons être porteurs d’une bonne nouvelle au monde. Mais pour avoir la joie de la porter, nous sommes invités à renaître à la vraie vie. Elle se construit avec l’esprit divin  dans l’incontournable lien de la foi agissante dans l’amour.

Ainsi le ministère du Christ a été préparé par celui de Jean le baptiseur et son enseignement a été clôturé par un autre Jean l’apôtre. Tous deux ont vécu ce que l’apôtre Paul appelle : « la foi opérante par l’amour. »  Galates 5  : 6, version Darby.

                                                                            Jacques Eychenne

 

 

 

 

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