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Ultime message de l’apôtre Paul 2 Timothée 1 : 3-12 |
Introduction :
Cette deuxième lettre de l’apôtre Paul présente des particularités très touchantes. Elle est très certainement son dernier écrit. Il l’adresse à son enfant spirituel Timothée. Son objectif est de réactiver la flamme missionnaire de son disciple. Les théologiens s’accordent à dire que Paul est alors à Rome, en détention dans la prison Mamertine. Cette lettre est la plus personnelle des deux adressées au même disciple. Peut-être que l’apôtre sent intuitivement sa fin proche (cf. 2 Timothée 4 : 6). Il en parle très ouvertement. Nous sommes à la fin du règne de Néron. L’émotion que cette lettre nous procure, repose sur sa privation de liberté et sur le fait que la plupart de ses amis l’ont abandonné. Dans ce contexte de solitude et de proximité de sa mort, il est remarquable de découvrir une écriture qui annonce la puissance de la vie en Jésus-Christ. Essayons maintenant d’analyser les conseils de l’apôtre Paul à l’adresse de son enfant bien-aimé, Timothée (cf. 2 Timothée 1 : 2).
Développement :
« Je rends grâces à Dieu, que mes ancêtres ont servi, et que je sers avec une conscience pure, de ce que nuit et jour je me souviens continuellement de toi dans mes prières, me rappelant tes larmes, et désirant te voir afin d'être rempli de joie, gardant le souvenir de la foi sincère qui est en toi, qui habita d'abord dans ton aïeule Loïs et dans ta mère Eunice, et qui, j'en suis persuadé, habite aussi en toi. » 2 Timothée 1 :3-5.
Ce préambule explicite à la fois l’engagement sans failles de l’apôtre et l’affection profonde qu’il porte à son enfant bien-aimé. On ne peut qu’être admiratif de son attitude. Elle dégage une immense reconnaissance à son Dieu. Combien dans de pareilles circonstances auraient substitué le doute et l’amertume ? Que sait-on de cette prison Mamertine à Rome ? « Selon l'historien Salluste : « Elle contient une salle basse, nommée Tullianum, qui s'enfonce à douze pieds sous terre. Elle est fermée de murs épais et couverte d'une voûte de pierre. C'est un cachot malpropre, obscur, infect, dont l'aspect a quelque chose d'effrayant et d’horrible » Pourtant, sa confiance en Dieu n’a pas été ébranlée. Elle est restée cohérente avec un engagement total. Pour l’apôtre, sa situation présente s’insère dans son combat spirituel (cf. 2 Timothée 3 : 10-12 ; 2 Corinthiens 12 : 10 ; Romains 5 : 3). Paul n’est pas aigri, replié sur lui-même, attristé d’être dans ces conditions plus que précaires et insalubres. Il s’ouvre pour transmettre le flambeau de la foi, le message de la vie en Jésus-Christ. De cette cellule obscure jaillit la lumière. Avant d’aborder directement l’exhortation qu’il adresse à Timothée, notons les aspects affectueux qu’il manifeste. Ils tranchent avec les formules assez ciselées, parfois tranchantes, de ses autres lettres.
Abordons maintenant son exhortation :
« C'est pourquoi je t’exhorte à ranimer la flamme du don de Dieu que tu as reçu par l'imposition de mes mains. Car l'Esprit que Dieu nous a donné ne nous rend pas timides; au contraire, son Esprit nous remplit de force, d'amour et de sagesse. » 2 Timothée 1 : 6-7, version de Genève.
Pour l’apôtre, le combat spirituel ne souffre aucun relâchement. Il ne s’agit pas d’être convaincu d’avoir reçu un don de Dieu, il importe de l’activer dans le présent (ἀναζωπυρέω = réenflammer, attiser, ranimer le feu). Ce comportement induit la reconnaissance que le don vient de Dieu. Dans le contexte, il s’agit du don de la grâce divine, c’est-à-dire du ministère que Timothée a reçu de L’apôtre Paul par l’imposition de ses mains (cf. 2 Timothée 1 : 7). Ce don de grâce est toujours disponible… Il nous faut aussi l’accueillir, même si nous sommes appelés à un autre témoignage, ou ministère. Si donc nous voulons qu’il produise du fruit en nous et autour de nous, accueillons, à notre tour, humblement l’aide de Dieu en toutes circonstances. Ainsi, nous ne serons ni timides, ni peureux, ni craintifs. L’exhortation de l’apôtre n’est qu’un rappel pour raffermir la vocation du jeune Timothée. Elle demeure instructive pour chacun de nous aujourd’hui.
Plusieurs versions ont traduit timidité par peur, d’autres par lâcheté, crainte… Qu’en est-il dans l’original grec. Que disent les dictionnaires ? δειλία = lâcheté, pusillanimité, manque de courage, de hardiesse, poltronnerie. L’idée est la peur ou la crainte de faire face à l’évènement. Pour l’apôtre, la foi est indépendante du tempérament de chacun. Dieu peut transformer notre caractère. Le souffle qu’il veut nous communiquer est à l’opposé de cette δειλία. Dieu nous insuffle la force, l’amour et la sagesse. En grec : δύναμις = la puissance, la force d’agir, mais aussi la capacité de faire des miracles (cf. Luc 19 : 37) ; ἀγάπη = l’amour d’essence divine ; σωφρονισμός = modération, sagesse, maîtrise de soi, sobriété.
Comme nous pouvons l’acter, ce que Dieu veut nous transmettre est tout un programme. La prise de conscience d’être habité devrait nous inciter à entretenir la flamme qui brûle en nous.
Puis, Paul invite son enfant bien-aimé à oser témoigner son appartenance à Christ. En cela, il le rend solidaire de son combat et de ses souffrances.
« N'aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur et n'aie pas honte de moi, prisonnier pour lui. Mais souffre avec moi pour l'Évangile, comptant sur la puissance de Dieu qui nous a sauvés, et nous a adressé une sainte vocation, non à cause de nos œuvres, mais selon son propre dessein, et selon la grâce qui nous a été donnée en Jésus-Christ avant les temps éternels… » 2 Timothée 1 : 9, version de Genève. La recommandation de l’apôtre laisse apparaître une difficulté chez ce jeune Timothée. Est-il trop réservé ? A-t-il été trop « couvé » par sa mère Eunice et sa grand-mère Loïcs ?
L’absence de référent masculin, rare en Israël, peut aussi être prise en compte… Bref ! Certainement, Timothée a tout simplement besoin de s’affirmer pour porter le témoignage de l’évangile haut et fort. Il faut dire que cela ne devait pas être simple d’exister face à la personnalité de Paul (le jeune Marc en avait déjà fait l’expérience cf. Actes 15 : 37-39). Que la recommandation porte sur l’absence de honte à porter l’évangile se conçoit aisément… Par contre le fait de n’avoir point honte d’un homme enchainé laisse peut-être percer un ressenti de Paul. Comme le Christ mis au ban de la société comme un brigand, l’apôtre a été placé dans des conditions analogues. Les historiens rapportent que de nombreuses exécutions ont eu lieu dans cette même prison Mamertine. Le jeune Timothée, a-t-il eu peur de faire le voyage à cause des représailles romaines ? Paul à la fin de sa lettre lui demande avec instance de venir le voir au plus vite (cf. 2 Timothée 4 : 9). Il en donne la raison : beaucoup l’ont abandonné, seul Luc le médecin bien-aimé est avec lui (c’est-à-dire devait avoir un droit de visite). Petite précision dans la conclusion de sa missive : « Tâche de venir avant l’hiver… » 2 Timothée 4 : 21 (σπουδάζω = s’empresser, faire diligence). « Hâte-toi de venir » version de Jérusalem. « Efforce-toi de venir » version TOB.
On ressent bien que l’apôtre a besoin de soutien pour traverser ce temps de détresse. Il en perçoit bien l'issue. Cela expliquerait aussi son insistance. Paul écrira ces mots forts :
« car pour moi, je sers déjà de libation, et le moment de mon départ approche. » 2 Timothée 4 : 6, version de Genève. « Quant à moi, je suis déjà répandu en libation et le moment de mon départ est venu », version de Jérusalem. Il n’y a pas d’équivoque, l’apôtre fait référence au sacrifice sanglant qu’il va subir. Ailleurs, il avait déjà écrit :
« et même si mon sang doit être versé en libation dans le sacrifice et le service de votre foi, j'en suis joyeux et m'en réjouis avec vous tous. » Philippiens 2 : 17, version TOB. C’est bien dans ce contexte qu’il invite son disciple Timothée à être solidaire de sa souffrance. Il souffre pour avoir été fidèle à la prédication de l’Evangile. Il souffre pour ses idées, pour ce qu’il a de plus cher, tout en s’appuyant sur la puissance de Dieu. Paul est le symbole du combattant spirituel type et c’est la raison pour laquelle il osera dire avec simplicité :
« Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ ». 1 Corinthiens 11 : 1, version TOB.
L’apôtre est prêt à aller jusqu’au terme de son combat. La mort ne lui pose pas problème, car il a deux certitudes :
- Dieu lui a adressé une sainte vocation :
« Paul, apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, selon la promesse de la vie qui est dans le Christ Jésus. » 2 Timothée 1 : 1, version TOB. (Voir aussi Galates 1 : 1 ; 1 Corinthiens 9 : 1).
- Dieu l’a sauvé par grâce. Paul dira clairement : « alors que nous étions morts à cause de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ, c'est par grâce que vous êtes sauvés… C'est par la grâce, en effet, que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi; vous n'y êtes pour rien, c'est le don de Dieu. » Ephésiens 2 : 5, 8, version TOB.
Pourquoi sa foi est-elle si ferme ?
« Mais souffre avec moi pour l'Évangile, comptant sur la puissance de Dieu, qui nous a sauvés et appelés par un saint appel, non en vertu de nos œuvres, mais en vertu de son propre dessein et de sa grâce. Cette grâce, qui nous avait été donnée avant les temps éternels dans le Christ Jésus, a été manifestée maintenant par l'apparition de notre Sauveur, le Christ Jésus. C'est lui qui a détruit la mort et fait briller la vie et l'immortalité par l'Évangile pour lequel j'ai été, moi, établi héraut, apôtre et docteur. Voilà pourquoi j'endure ces souffrances. Mais je n'en ai pas honte, car je sais en qui j'ai mis ma foi et j'ai la certitude qu'il a le pouvoir de garder le dépôt qui m'est confié jusqu'à ce Jour-là. » 2 Timothée 1 : 8-12, version TOB.
Paul a fait une expérience personnelle avec son Sauveur (cf. Actes 9 : 1-30 ; Galates 2 : 20). Il a été instruit par révélation de Jésus-Christ. Ce n’est pas un message qui vient de l’homme (cf. Galates 1 : 10-12). Il a l’assurance d’être sauvé par le sacrifice du Christ. A la fin de sa lettre, il témoignera avec hardiesse « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. Désormais la couronne de justice m'est réservée; le Seigneur, le juste juge, me la donnera dans ce jour-là, et non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui auront aimé son avènement » 2 Timothée 4 : 7-8, version de Genève. Redisons-le, le salut qu’il annonce en Jésus-Christ est pour tous. Pour l’apôtre, l’appel divin s’adresse à chaque humain sans distinction. Le saint appel ou la sainte vocation concerne chaque vivant. Il le rappelle ici, mais dans sa première lettre, il avait déjà affirmé : « cela est bon et agréable devant Dieu notre sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » 1 Timothée 2 : 3-4.
Ce grand désir de Dieu révèle un projet beaucoup plus vaste. (Πρόθεσις = projet, dessein, plan, Actes 11 : 23 ; 27 :13 : romains 8 : 28 ; Ephésiens 3 : 11). Il est associé à la grâce= χάρις). Ce plan merveilleux, appelé plan du salut est complètement indépendant de la volonté humaine. Il ne s’achète pas, il ne se troque pas, il ne se mérite pas. Il s’accueille avec un cœur repentant.
C’est ce message que l’apôtre Pierre présentera au peuple juif à la Pentecôte (cf. Actes 2 : 38 ; 3 : 19 ; voir encore Matthieu 3 : 2 ). Par une source plus personnelle l’apôtre Paul relaye ce beau message d’espérance qui vient du fond des âges, avant les temps éternels (πρὸ χρόνων αἰωνίων). Pour l’apôtre ce plan a été magnifiquement et parfaitement réalisé par Jésus-Christ, l’envoyé de Dieu. Si la foi de l’apôtre est restée ferme jusqu’au terme de son voyage terrestre c’est grâce au bouleversement intérieur qui s’est produit lors de la découverte de la grande miséricorde divine pour lui et pour l’humanité. Cette vérité intègre la réalité des conséquences de la mort. Elle n’a plus de pouvoir, car elle ne change en aucune manière la finalité du parcours du croyant.
C’est la vie qui brille d’un éclat éternel (φωτίζω = luire, apocalypse 22 : 5 , éclairer, illuminer, Luc 11 : 36 ; 1 Corinthiens 4 : 5 ; Ephésiens 3 : 9 ; Apocalypse 21 : 23 ; en particulier la lumière céleste, Jean 1 : 9 ; Hébreux 6 : 4).
Le triomphe de la vie est un projet de développement éternellement durable. Pourquoi ? Parce qu’il faut que nos corps corruptibles revêtent l’incorruptibilité (ἀφθαρσία traduit par immortalité est d’abord l’incorruptibilité. L’immortalité en est la conséquence, 1 Corinthiens 15 : 53-54. (A ce grand mot de vie, et pour l'expliquer, l'apôtre ajoute celui d'incorruptibilité (non pas immortalité qui est autre chose), par lequel il qualifie la vie véritable, la vie éternelle, comme élevée désormais au-dessus de toute atteinte de la corruption. Commentaire de la Bible annotée. Pour Paul, Dieu seul est immortel, c’est ce qu’il avait écrit dans sa première lettre à Timothée : « ὁ μόνος ἔχων ἀθανασίαν », 1 Timothée 6 : 16. ἀθανασία = immortalité, c’est le contraire de θάνατος = la mort). C’est pour annoncer la victoire de la vie sur la mort que l’apôtre a été établi : κῆρυξ = héraut, prédicateur ; ἀπόστολος = envoyé, apôtre ; διδάσκαλος = celui qui enseigne, le maître correspondant de rabbi, le docteur.
Conclusion :
« La mort anéantie, la vie éclairée par l’Annonce qui rend indestructible, voilà pour quoi je fus fondé héraut et envoyé et enseignant, pour quoi aussi je souffre de tout mais sans honte » 2 Timothée 1 : 10-12, version catholique Bayard. Tout est dit dans ce passage.
La foi de l’apôtre repose sur des certitudes :
- Christ a vaincu la mort. Cette mort a été la conséquence directe de la transgression du contrat confiance que Dieu avait établi avec Adam et Eve. Pour l’apôtre, la mort est le dernier ennemi à vaincre (cf. 1 Corinthiens 15 : 26). Ailleurs nous trouvons ces paroles de Jésus : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, vivra quand même il serait mort ; et quiconque vit et croit en moi, ne mourra jamais » Jean 11. 25-26. Et encore : « Parce que je vis, vous vivrez (éternellement) aussi » Jean 14. 19.
- Christ reviendra : 1 Thessaloniciens 4 : 13-17 ; 5 : 23-24.
- Christ est la vie : « Christ est ma vie, et la mort m’est un gain » Philippiens 1 : 21. Paul est certain de ce salut qu’il attend confiant (cf. Galates 2 : 15-20).
L’apôtre délivre son ultime exhortation en ayant une pensée affectueuse et responsable envers Timothée : « Je t'adjure en présence de Dieu et du Christ Jésus, qui viendra juger les vivants et les morts, au nom de sa manifestation et de son Règne: proclame la Parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, menace, exhorte, toujours avec patience et souci d'enseigner » 2 Timothée 4 : 1-2, version TOB.
Que son exemple nous transporte d’allégresse.
Jacques Eychenne